IV) Justification de l'emploi du terme de guerre.
C'est une guerre.
Les plans auraient suffit à le faire comprendre, les manœuvres nous ayant mené au Fortin d'Aküra et à la Place du Martel le laissait deviner. Mais il y a une autre raison de le croire : les propres mots de nos ennemis. Qui semblent d'ailleurs, jusqu'à maintenant en tout cas, incapables de mentir. Cela semblant échapper à leur mode de pensée.
Ils sont en guerre. Potentiellement plus une guerre d'extermination que de conquête. Visant l'ensemble de la Cité, à minima. Potentiellement toute forme de vie. La focalisation de leurs efforts sur la Cité peut tenir de l'unicité de la cible, ou de la menace majeure venant de celle-ci. Autre possibilité : ce n'était qu'un avant-poste dédié à la Cité, d'autres semblables se tenant dans le désert Foedien, dans les forêts fuscusiennes, et au niveau des Portes, chaque poche de résistance potentielle étant étudiée de façon indépendance.
Ils progressent, s'adaptent, et recueillent des informations, de façon efficace, mais très prudente. Peut-être les krolannes par rapport au reste des animaux, et avec certitude les Lanyshstas au sein des krolannes, représentent une inconnue, aux capacités pour l'instant encore incompréhensibles pour eux. Notre élimination est problématique, ce qui aboutit à un délai et à une analyse approfondie.
Sans savoir depuis combien de temps ils préparent cet assaut, il est impossible de prédire quand il aura lieu, mais la chose qui ressort des plans découverts et des propos échangés est qu'ils sont presque prêts. Un presque pouvant donc s'étaler entre quelques semaines et plusieurs décennies.
Lorsqu'ils le seront, il sera trop tard, dans la mesure où leur mode de fonctionnement semble viser à exclure l'incertitude : s'ils lancent une campagne d'extermination, c'est qu'ils seront certains de pouvoir la terminer.
Conclusion : il faut soit empêcher le déclenchement de cette opération, par un assaut soutenu de leurs positions, soit s'arranger pour leur faire commettre une erreur. Comprendre leur permettre de lancer leur opération avec une certitude erronée de victoire. Les laisser se dévoiler pour contre-attaquer.
Analyse personnelle : nous ignorons leurs positions, les forces en présence, et leur prévision de date d'assaut. Toute attaque contre leurs repères serait donc un acte ayant une forte probabilité d'être inutile, puisqu'il leur suffira de repousser l'assaut final, de reconstruire les pertes, tout en ayant récupéré des informations lors de nos assauts.
Nous y gagnerions donc un délai à court terme, et la certitude d'une défaite à long terme.
V) État des forces de l'ennemi rencontrées
A l'exclusion des éléments rencontrés au Fortin, déjà détaillées précédemment.
A l'exclusion des éléments rencontrés à la Place du Martel, dont aucun élément autre que parcellaire, ou de seconde main, n'est parvenu à la connaissance du plus grand nombre.
Nous avons été confrontés physiquement à trois formes d'opposition.
- Les premiers sont les sentinelles mécaniques, ou bio-mécaniques. Très peu d'informations dessus, ne les ayant pas vu directement pour ma part, et aucune confrontation n'a eut lieu.
- Les larves. Générées par les globes lumineux, ils semblaient en garder une en sommeil à l'intérieur, avant d'enclencher un processus de maturation éclair, amenant une larve à un aspect opérationnel en quelques minutes. A noter que lors du déclenchement de la procédure, la larve était prête, et que la maturation de la seconde est un processus beaucoup plus lent. Par contre, une fois mis en place, le phénomène connaît une accélération sensible, pouvant produire une larve en une poignée de secondes. Autrement dit, toute structure défendue de telle façon, et à moins qu'on ne trouve un moyen de couper l'alimentation en énergie de ces globes, doit être abattue en quelques minutes après le déclenchement de la procédure de création de larves. Sinon c'est une myriade de créatures inarrêtable par des moyens conventionnels qui attendent les combattants.
Corps flasque, informe, bleu-violet, d'environ un pied de long, et pourvu de plusieurs tentacules allant eux-aussi jusqu'à un pied de long. Hors stimuli, reste immobile, ne semblant pas percevoir aisément son environnement. Guidée, ou stimulée, la larve est capable de se déplacer à une vitesse impressionnante, et selon un mode de propulsion la balançant fortement, ce qui la rend très difficile à toucher. Une fois au contact, ses tentacules s'accrochent, ce qui lui permet de s'attaquer sereinement, même sur une cible très mobile, aux zones les plus exposées, qu'elle pourra mordre, afin d'y injecter quelque chose -sans doute un poison, mais de type lent, à suivre, nous n'avons pas encore eut le loisir d'examiner les blessures en détail.
Elles sont par ailleurs très fragiles, même si une larve simplement blessée se rétablit extrêmement vite.
Il est conseillé pour les affronter en groupe d'avoir un panel d'armes assez large : fusils pour la longue portée, cracheurs de feu ou fusils à pompe à courte portée, mais nécessité d'avoir des armes de contact -idéalement des lames courtes, éviter lances, haches et surtout marteaux- pour le cas où un compagnon se ferait attraper, afin d'éviter de le tuer en tentant de le libérer.
- Obadia. C'est ainsi que l'être s'est nommé. Il s'agit, comme au Fortin, d'un hybride bio-mécanique, même si ici son origine krolanne est très probable. Fortement pourvu en parties métalliques, celle-ci faisant moins penser à des prothèses qu'à des symbiotes métalliques. Capable de communication, d'échanges, un dialogue a été instauré avec lui, avant de passer à la phase violente.
Il s'est nommé ainsi, mais on pourrait dire défini. Hypothèse -très improbable, mais modélisant fidèlement le ressenti- portant sur le nom : Obadia est l'acronyme de Organisme Biologique Autonome de Découverte, Investigation, Annihilation.
Il ne se comportait pas comme un individu autonome. Plutôt comme l'enveloppe temporairement habitée par une fraction d'un esprit communautaire. Comme une partie d'un esprit de ruche.
Un esprit capable d'analyser son environnement. Mais aussi -points problématiques- de s'y adapter et de communiquer son analyse aux autres parties de cet esprit, en temps réel : ce que l'un d'eux apprend, ils le savent tous.
Comme nous, en théorie. Même si leur cohésion, et l'assurance que des informations sensibles ne seront pas gardées secrêtes afin de servir des fins personnelles, semble chez eux parfaitement acquis.
Au point que l'Obadia auquel nous avons été pour la première fois confronté a, de façon apparaissant comme totalement naturelle, proposé de prendre des positions engageant l'ensemble de son camp, comme si chacun était ambassadeur de tout son groupe.
Pour Obadia, il fut observé la même chose que pour la créature du Fortin : la fusion biomécanique est parfaite, et tire le meilleur parti des deux éléments. Notamment une grande résistance assortie à une faculté d'auto-réparation.
Insistance sur cette capacité d'auto-réparation : la coordination des forces destructrices doit être totale. Je parvenais pour ma part, en maintenant un feu nourri, à peine à compenser ses facultés de régénération, le report sur des cibles secondaires des capacités offensives des autres personnes présentes ayant rendu nul l'effet de cette session des plus intenses -lui-même n'étant en rien ralenti par ses assauts.
Les circonstances peuvent amener à en faire la cible prioritaire, à d'abord traiter toutes les autres cibles, ou encore à l'ignorer totalement, mais une chose reste sûre : la destruction d'un Obadia ne peut se faire qu'en concentrant les assauts entre deux de ses mouvements.
En effet, la récupération ne se fait pas en continue, mais par de colossales dépenses d'énergies coïncidant avec ses attaques. Il attaque, analyse les résultats, et réattaque, se guérissant/réparant à chaque fois.
Le meilleur moment pour commencer une action concertée étant alors juste après une de ses attaques.
A noter qu'en parvenant à se soustraire totalement à ses coups, sa capacité de régénération s'est vue annulée : la dépendance attaque/réparation est avérée, même si incompréhensible.
Très grande capacité d'adaptation en temps réel. Non seulement mentale, mais aussi physique. A savoir que ses capacités de combat ont été en augmentation constante jusqu'à sa destruction, et lors de la rencontre avec une seconde unité Obadia, il s'était doté d'attaques à distance à partir de son corps initial. Là aussi, sa progression a été constante, jusqu'à destruction.
Le transfert d'information d'une unité à l'autre, malgré la destruction de la première, a été total.
La rencontre avec un troisième Obadia devrait à ce stade signifier une rencontre avec une entité apte à combattre au contact comme à distance, par des attaques brutes techniquement irréprochables, quoique dépourvues d'imagination. Le concept de feinte lui est encore étranger.
Une incertitude demeure sur la nature de ce transfert, néanmoins : soit il s'agit d'une copie physique conforme, à laquelle est transférée l'ensemble des données, soit il s'agit d'un cas de dématérialisation/rematérialisation comme observé chez les Lanyshstas, mais largement plus performant. Plus grande période avant disparition (qui n'a pas été observée, malgré le temps nécessaire à une amputation post-mortem), et rematérialisation à plein potentiel en quelques minutes.
Pour autant qu'il fut capable d'en juger, la correspondance entre les deux Obadia était parfaite. Pour autant, la mutilation post-mortem du premier n'a eut aucune incidence sur le second. A tester, si les circonstances le permettent, sur un Lanyshsta : voir si une amputation post-mortem aboutit ou non à la dématérialisation du morceau tranché.
Si non, il est possible que ce soit une rematérialisation complète à partir d'une dématérialisation incomplète.
Sinon, c'est une réplication parfaite.
A noter aussi une capacité à bloquer l'altération de la réalité des pouvoirs Lanyshstas -nommée décohérence par Obadia.
Le phénomène est visiblement soumis à détection, à démarche active, et n'est pas instantané, mais l'utilisation de magie pérenne directement sur les unités Obadia est vouée à l'échec, à cause d'une méthode de purge nommée épitaxie.
A noter que Obadia n'est pas le seul disposant de cette capacité puisque, au mot près, c'est l'expression utilisée par l'hybride du Fortin. Avec le même effet.
Dernier point : il y avait un Lanyshsta. La puissance, la forme des flux de magie, l'aspect des globes, la sensation lors d'une intéressante et involontaire session d'observation : de nombreux éléments convergent vers la présence d'un Lanyshsta.
Du moins en tant qu''essence, pas en tant que ''Lanyshsta d'origine krolanne''. Chacune des adaptations de Obadia, attaques et réparations liées, faisaient appel à ce qu'on pourrait nommer la sorcellerie, mais selon une voie différente. Ils ne comprennent pas l'origine de nos pouvoirs, ne faisant pas le lien avec les leurs.
Hypothèse : nos adversaires sont des Lanyshstas. Mais d'une autre sorte.
Sous-hypothèse une : la Voix de Cendres induit une mutation d'un organisme vivant. Nous sommes des krolannes ayant évolué en Lanyshstas. Nos ennemis sont issus d'une autre race. S'il fallait une nouvelle hypothèse à cette sous-hypothèse, le plus probable au vu de nos connaissances, serait qu'il s'agit là de Lanyshstas issus de fuscusiens, pour leur capacité de contrôle de leur essence.
Sous-hypothèse deux : les Lanyshstas sont des parasites pouvant s'introduire dans un organisme. Nous sommes des Lanyshstas ayant établi une symbiose, une fusion avec un krolanne -ou des krolannes ayant été parasités par des Lanyshstas, selon le point de vue.
Nos ennemis sont des Lanyshstas purs, n'ayant pas pris d'attache physique définitive vis à vis d'un symbiote.
Les sous-hypothèses n'ont aucun caractère exhaustif. La collaboration d'un Lanyshsta avec d'autres créatures, ou un Lanyshsta ancien devenu fou et ayant conçu l'ensemble de ce que nous avons découvert sont hautement improbables, mais possibles, par exemple.
Dans tout les cas, il est apparu un certain détachement, une incompréhension, vis à vis des comportements krolannes complexes, notamment les réponses émotionnelles.
Forte incompréhension tactique également, se contentant d'augmenter la force brute de ses attaques et les techniques de base, en attaquant la cible la plus proche.
Autrement dit, excellente capacité d'analyse de l'instant, mais très mauvaise projection dans le futur.
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