Thaïs erre. Voilà plusieurs jours qu'elle a quitté Kil'Dé, discrètement, sans en avertir personne. Un simple mot griffonné à Harvain, pour qu'il explique son absence à ses parents et à sa hiérarchie : qu'il dise qu'elle a des obligations mondaines aux uns, qu'elle a du travail aux autres. Pour le reste et si besoin, son Majordome aux multiples talents saura toujours la retrouver.

L'enfant se promène, au grès des routes, dans les quartiers abandonnés, hors de la forteresse. Son bardas est réduit au minimum, de quoi s'alimenter et ne pas mourir de soif. Comment tenir longtemps, avec ces maigres réserves ? En pillant les pillards. La d'Ascara tue mollement, lorsque le besoin s'en fait sentir, dépouille les scélérats quand la faim ou la soif la prend. Et elle s'éloigne, toujours un peu plus.

Jusqu'à arriver dans une forêt entourée d'une plaine morne. Loin de tout horizon civilisé. Là, elle établit un campement sommaire, respire à grand poumon. Libre et loin de tout.
Ses doigts crépitent, sa magie s'agite.
En elle grandit le Pouvoir. La Noxamancie destructrice et salvatrice, dévastatrice et libératrice.
Ravage prend le dessus. Cet être sombre et fou, qui murmure depuis longtemps à l'oreille de la Lanyshsta. Qui la pousse à développer ses dons, coûte que coûte, le quartier dut-il brûler entier.
Elle s'est éloignée pour pouvoir le libérer. Déchaîner la bête enfouie, parfois mal maquillée, au fond de son coeur de jeune mutante.

Un bandits s'approche de la fêle, silhouette, un sourire goguenard aux lèvres devant cette adolescente esseulée. Cette proie absurdement facile.
Lorsque Thaïs se tourne vers lui, sans ciller, un masque perfide déforme ses traits. Les dents découvertes, les yeux hagards. Elle se rue à son cou en riant. Lui saisit les membres et les brûle sans ciller. Un par un.
Doucement. Dans les cris suppliants, sans une hésitation ou un instant de pitié.

L'entraînement peu commencer. Le dressage de la Bête.
Ou son retour définitif à l'état sauvage.

 

Tout avait commencé pendant une discutions avec Rémilia, l'une des bijoutières du CREA. Cette dernière avait mis la main sur une vieille recette dans un ouvrage a propos des pierres organiques. En soi... les descriptifs ne promettaient rien d'incroyable mais le recours a une forme de salive cristallisée avait de quoi surprendre. A en juger le texte, Rémilia estimait que cette salive devait avoir des propriétés semblables a l'ambre végétale pour ce qui était du travail... Mais doté d'une résistance bien plus grande. Étrange compromis.

Pour sa part la Lanystha se questionnait sur les éventuelles propriétés « magiques » du machin. Et toutes deux fantasmaient sur les éventuelles créations annexes qu'elles pourraient en tirer... A condition d'en trouver. Rémilia était venue lui en parler après près d'une semaine de chinage dans les différents marchés du quartier... En vain.

- Bon... L'idée est intéressante. Je glisserais un mot dans quelques oreilles et demanderais dans les autres Kils.

- Merci Nao... Tu pense que ça prendra combien de temps ?

- Aucune idée. Vraiment... Ca m'étonnerait que beaucoup de marchands aient récupérés des morceaux de glaires cristallisée... Mais tu sais ce que c'est le collectionneurs. Sinon il faudra attendre qu'un ami en trouve dehors.

- Je vois... D'ailleurs cette amulette ? T'en pense quoi ?

- Bah... j'me dit surtout que ça peut alléger la charge d'une armure pour limiter les risques de casse.



Elle se retrouvait donc dehors. Suffisamment de mughane pour tenir un bon moment, de la nourriture séchée et du matériel de combat simple mais efficace... De quoi réparer le tout, naturellement. Pas grand chose d'autre a emporter au final si ce n'est les outils nécessaires pour prélever du cuir sur une créature originellement non consentante... En somme ses objectifs étaient simples : récupérer de la salive de frobek, localiser des zones de prospections plus éloignées des kils et donc potentiellement plus alléchantes, se défouler un bon coup et ré-affiner ses mouvements. Oh... et peut-être aussi faire une expérience démesurément dangereuse.

Le message télépathique d'Yloyse l'avait convaincu de s'éloigner un moment. A son retour il faudrait qu'elle soit suffisamment en forme pour mettre un terme a cette stupide autarcie. Et il y aurait peut-être aussi besoin d'assurer un paiement.

Le début du trajet n'avait rien eu d’exceptionnel. La zone sauvage entre le Sin et le Dara n'était pas foncièrement exotique a ses yeux et les quelques créatures croisées sur le chemin ne l'avaient tout bonnement pas remarquées et ne semblaient pas suffisamment dangereuses pour mériter qu'elle s'attarde pour elles. Sauf peut-être cette saloperie de plante. Mais placée comme elle était... Bref. Rapidement elle était montée vers le croisement Kreen... De là elle pourait éventuellement couper plein ouest pour retomber sur ce campement abandonné ou elle avait déjà eu l'occasion de croiser plus d'un Frobeck.

Premier point notable en approchant du croisement : le nombre de krynänn avait tout bonnement explosé. Mais contrairement a ce qu'on pouvait voir dans les zones plus urbaines ces derniers tenaient plus du... civil que d'autre chose. Mal formés au combat et visiblement plus occupés a chiner a la recherche de vieux matériaux de qualité a revendre qu'autre chose.

Et puis il y avait les... choses. Certains avaient encore quelque chose de vaguement krolannoïde a en juger le nombre de membres mais la taille de ces derniers pour ne citer que le moins dérangeant des détails laissait entendre qu'ils avaient... changé. Quelque chose de lié a la magie ? Ou bien plus pragmatique ? Et ça et là une masse informe vaguement organique...

Était-ce la fumée d'un feu de camp un peu plus loin ? Elle pouvait toujours s'approcher discrètement pour voir... non ?

 
Plus Naoko s'approche, plus il est évident qu'il ne s'agit pas d'un paisible feu de bois et d'un bivouac bien établi. Car au milieu d'une clairière, en contrebas d'une colline, danse une jeune fille. Une sorte de dresseuse, entourée d'humanoïdes et de masses agressives, qui fait claquer sa langue et qui tourne au milieu d'un cercle d'animaux.

La femme est jeune, habillée en homme. D'ailleurs, elle n'a pas grand chose de féminin : sa silhouette menue est dénuée de forme, les épaules carrées et le torse plat. Son visage dispose de traits nets et sans douceur. Ses cheveux ne sont qu'une masse ébouriffée. Quelques détails trahissent sa condition, à qui sait observer : des bottes lacées d'une excellente facture, ainsi qu'un collier de ce qui semblent être des pierres précieuses fort coûteuses. Appât suffisant pour que tous les brigands alentour convoitent l'adolescente...

Mais la furie se défend. Un sourire extatique aux lèvres, elle murmure des phrases qui se transforment en feu. Des gerbent fusent, font valdinguer les brigands dans des bosquets, arrachent d'énormes morceaux aux boules animées. Les monstres rendent coup pour coup : la lanyshsta esquive tantôt lestement, tantôt regarde quelques entailles déchirer peu à peu sa chemise et la tâcher de sang. Cela ne l'arrête pas. L'aiguillonne même. Chaque blessure décuple sa propre violence. Des fouets ardents claquent sur les membres des voleurs. Des tornades de braises roussissent la végétation.
La température monte peu à peu. Thaïs est le coeur d'un volcan prêt à exploser.

C'est un vacarme, un fracas perpétuel. Entièrement concentrée à ses affaires, la sorcière ne verra pas la femme approcher.

 


Naoko avait envisagé un certain nombre de situation en s'approchant de la colonne de fumée... Mais définitivement celle-ci ne lui était pas venue a l'esprit, preuve s'il en était qu'elle avait encore besoin de s'acclimater pour parvenir a intégrer tous les aspects de la nature Lanystha.

Pour sa décharge, les probabilités de croiser un Lanystha en ces lieux n'étaient, à priori, pas bien élevée... A se demander si d'une manière ou d'une autre la voix des cendres n'avait pas un rôle a jouer là dedans...

Il a l'air de ne pas trop mal se débrouiller... autant ne pas trop se précipiter... Envoyer un petit message télépathique au cas où... histoire d'éviter une confusion malencontreuse... Et mettre son sac a l’abri sous un buisson... L'affaire de... quoi ? Dix secondes ? Quinze ? Une brève éternité comme souvent lorsque les coups s'échangeaient. Mais le risque méritait d'être pris.

Un point a prendre en compte cependant... Le trajet n'était pas le premier qu'elle effectuait. Il n'était pas le dernier. Classifier l’éventement parmi les « coïncidences troublantes » relevait peut-être autant de l’imbécillité que de classifier ainsi l'ouvrage malvenu d'un pigeon incontinent. L'événement était rare a n'en pas douter mais un événement répété des dizaine de fois transforme rapidement une chance sur cent en une sur deux.

Pensée :

La pensée avait été émise de manière a être entendue par les Lanystha a la ronde alors que, se souvenant d'une procédure de prudence élémentaire en la circonstance, Naoko évaluait la puissance magique du combatant... Elevée. Mais rien d'annormal pour quelqu'un de la troisième vague. Elle pouvait continuer...

Les sangles de ses gantelets étaient bien ajustée et l'un des pillard lui tournait le dos. Dommage pour lui.

Sans attendre que la réponse ne lui soit donnée, l'ancienne assassin donna deux rapides coups a sa victime. Le premier, porté au creux des reins provoqua ce craquement caractéristique des côtes brisées... Chancelant il n'avait rien eu le temps de faire lorsque deux mains gantées vinrent se poser sur ses joues, imposant brusquement à sa nuque une position inédite.