Harvain
Gens de foyer
Kil'dé
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Le Matal 14 Otalir 814 à 23h14 |
J'ouvre les yeux.
Ambiance
Ah tiens, me voilà bien. Qu'est-ce que c'est que tout ça. Hum, oui, ça doit être mon corps. Plus tout jeune et pourtant...ah c'est ça oui, une vague réminiscence fugace me traverse l'esprit. Comme si une empreinte rétienne se déformait peu à peu dans cette mémoire éparse. Mais tout de même ! Me voilà donc, servio ergo sum. Allongé, j'ai une vue, bon certes plus toute jeune, sur le plafond. Jolies boiseries, j'aime bien les moulures bien qu'elles soient classiques d'une certaine période dont j'ai oublié le nom. Que cette table est dure, je suis allongé sur quelque chose d'indubitablement inconfortable. En voilà une façon de recevoir...
Je ferme les yeux puis les réouvre.
Je me souviens... Ah oui, l'instant d'avant je ne savais rien mais maintenant, c'est comme si tout me revenait d'un coup. Comme si je l'avais toujours su. Non...même si je n'entends rien, même si je ne vois rien...là, quelque part, je la ressens, je la sens, dans tout mon être. Comme si chaque parcelle de mon corps communiquait.
Encore une fois, je ferme les yeux. Je m'assoupis, je me sens las.
Le réveil sonne. C'est un vieux réveil mécanique, presque aussi vieux que moi je crois bien. Me voilà étrangement fatigué et pourtant je ne devrai pas. Que s'est-il passé... Je regarde mes mains, j'ai presque l'impression que ce sont celles d'un autre. Il m'est impossible de me tromper. Je lève la tête vers la petite fenêtre de ma chambre d'employé, le soleil se lève à peine. Ce même soleil que j'ai désormais l'impression de mieux connaître. Je regarde autour de moi les meubles, la décoration sommaire, c'est comme si je les redécouvrais d'une façon complètement différente, comme si je les voyais autrement, sous une vision plus analytique. Et à l'orée de ma perception, ces voix que je sais ne pas être "normales". Alors oui, c'est ça. Je suis l'un deux. Je suis un Lanyshsta, un de ces fameux êtres qui défraient la chronique depuis quelques temps.
Je me rends compte que le réveil sonne encore. Machinalement, je pose la main dessus pour l'arrêter.
Il ne faut pas confondre ce qui est important de ce qui est personnel.
J'ai un service à assurer. La vie de tous les jours doit reprendre son cours normal. Mais alors que j'en viens à me raser, je me demande s'il n'y aura encore un jour une normalité. Comment vivrai-je à l'avenir ? Quel sort le Destin me réserve à moi qui n'en demande pas ? Mais alors que je m'habille, je laisse mon esprit errer, je boucle mon veston par habitude et enfile la veste par mimétisme. Mais je ne peux m'empêcher de penser, de m'inquiéter sur ce que je deviendrai. A mon âge, que puis-je bien faire ?
Sempiternelle et ultime vérification dans le miroir.
***  ***
Une nouvelle journée commence. Il est 07h00 précises. Je dois préparer le petit déjeuner et récupérer la première édition des journaux.
Je suis Harvain, 55 ans, majordome et maître d'hôtel. Et désormais, Lanyshta. |
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