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Trois petites pierres.
Le début d'un palais idéal ?
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Vayang 17 Otalir 814 à 11h40
 
Cette journée n'avait pourtant rien de bien particulier. Elle était même, sur le fond, moins particulière que sa journée moyenne. Elle entendait la passer à l'atelier et y travailler sans relâche histoire de finir les broderies d'une tunique d'acteur. L'événement le plus remarquable de la matinée avait sans aucun doute été qu'elle se soit pas piqué le doigt une seule fois. Puis les choses avaient commencé a dégénérer lords de son passage à la boulangerie vers deux heures où elle avait pris une miche de pain pour aller avec ce jambon qu'il lui restait d’hier.

Elle n'aurait su dire exactement quand cela avait commencé mais à sa sortie de la boulangerie une sourde douleur battait à ses tempes... Le temps de revenir à l’atelier elle rêvait d'une infusion pouvant apaiser cette affreuse migraine. Arrivée devant son jambon elle songeait qu'il était inenvisageable d'ingurgiter quoi que ce soit et que si ça ne s'arrêtait pas rapidement elle allait mourir... Le genre de pensée qu'on méprise habituellement mais une fois que la douleur est là... l'euthanasie paraît une bonne idée si elle peut y mettre un terme.

Après quelques instants de flottements une idée parvient poussivement à traverser son esprit : l'infusion. Oui. C'était une bonne idée et arrêter le sifflement de la bouilloire ne pourrait de toute manière pas faire de mal à sa pauvre tête. Avec des gestes précautionneux elle entreprit de se servir un peu d'eau chaude sur les quelques feuilles qu'elle avait déjà mis dans une tasse en arrivant.

Suivit une bonne minute pendant laquelle elle parvint à se persuader de boire... Puis elle se laissa aller dans son fauteuil et entreprit de se masser les tempes. Oh ! Joie ! Félicitée. C'était bien loin de mettre un terme au calvaire mais les pressions sur sa peau détournaient son attention.

* Je sais pas d'où vient cette saloperie mais a part le manque de sommeil... C'est venu d'un coup... BORDEL ! Une drogue ? Oui... Assez logique. Quand ? Dans l'atelier ? Non... Ça allait bien ce matin. Ça a commencé dans la rue ? Dans la boulangerie ? Oui... Bon. Respiratoire ? Contact ? J'aurais senti une piqûre sinon... On se calme... On se calme. D'autres possibilités ? Mouep. Y'a toujours la possibilité Lanistha. J'ai entendu parler d'un de ces monstres qui attaquait l'esprit d'un pauvre gus pour le blesser... Au final ça revient au même que le poison. Il faudrait que quelqu'un m'en veuille. A priori j'ai pas gaffé depuis un bon moment. Un rancunier qui a fini par remonter ? Nan... Bon. De toute manière il devrait pas réussir a m'atteindre ici et Hok ne devrait pas trop tarder. Si j'suis a l'agonie il enverra chercher quelqu'un. En attendant dormir. Essayer du moins. Ça m'aidera à tenir.

Ses pensées continuaient à tourner en boucle alors qu'elle énumérait méthodiquement les différents instigateurs possible pour cette attaque. Il y avait ses « victimes » évidement mais aussi d'autres personnes aussi déterminées qu'elle qui voulaient peut-être faire avancer les choses d'une autre manière... Ou plutôt les empêcher de bouger. De vieux cons conservateurs. Possible. Et voilà un nouveau listing à établir.

Cette litanie finit par suffisamment la bercer pour qu'elle parvienne a trouver le sommeil... Mais la migraine était toujours là. Plus grave. Moins diffuse. Et étrangement plutôt qu'une douleur elle était devenue un son dans ce rêve... Une voix grave qui parlait inlassablement... Au bout d'un moment les mots devinrent même intelligibles.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Vayang 17 Otalir 814 à 19h16
 
Et la voilà, cette étrange voix, qui raconte... Qui lui raconte le temps. Et, suivant ses propres dires... Depuis le commencements.

* Bon. Bonne nouvelle : c'était « juste » de la drogue. Je commence a planer... Le bad...

Cette voix... La krolanne l'aurait sans peine associée a l'ennui le plus profond qui soit... Mais étrangement elle se sentait captivée par ce qu'elle disait... Bien rapidement elle buvait ses paroles.

***
Un jour.
Deux jour.
Trois jours.
Quatre jours.
***


La lente litanie raisonnait en elle... S'inscrivant au plus profond de son esprit. Au plus profond de son âme dont elle ne se détachera jamais plus.

Puis vient l'éveil. Les yeux ouverts avec l'impression d'être un être entièrement neuf usurpant comme ça, à la volée, l’existence d'un autre.... Une existence comme effacée... Puis la mémoire du corps qui fait son office et rappelle délicatement, bribes par bribes la vie qu'il a mené. Pourtant ces mots, cette voix grave reste présente, gravée dans cette mémoire... D'autres choses qui n'y avaient jamais été sont là. Ces voix pour ne citer qu'elles... Leur présence qui s'insinue en elle et l'empêche de fuir... Elle est coincée ici. Dans ce corps. Dans cet esprit. Avec ces étrangetés qui ne veulent pas filer. Condamnée.

Dans un hurlement elle s'éveille.

Devant elle rien n'a changé. La cuisine de l’atelier. La table basse. La miche de pain, le jambon... La tasse vide juste devant elle... Et pourtant tout à changé. Elle n'est plus une krolanne au sens habituel. Elle est un monstre. Elle est l'une d'entre eux... Et elle n'as plus mal a la tête.

* Au final je sais pas si la mort aurait pas été plus...

Une voix inquiette vient interompre ses pensées :

- Naoko ? Ca vas ?

Maître Hok... Évidement. Hurler comme ça a parfois tendance à alerter les gens aux environs. Reste le problème de trouver quoi lui répondre... La vérité ? Heu... Comment dire. Pas une bonne option. Un mensonge ?

- Oui... Oui...

- Qu'es-ce qui t'es arrivé ?


En aussi peu de temps ? Pas moyen de trouver quelque chose de béton. Reste a sortir une partie de la vérité et broder autour...

- Rien... Un cauchemars...

- Cauchemars ? Tu te fous de ma gueule c'est ça ? Tu dors à l'atelier maintenant ?


Ah. Oui. Forcément. Il fallait s'y attendre...

- Heu... J'étais pas super bien... Une migraine... J'espérais que ça passerait en faisant la sieste cinq minutes...

- Mouais... cinq minutes ? Ca fait bien une heure que t'es partie... Il en est ou ton taff ?

- J'ai fini la tunique avant de partir. Mais sincèrement j'suis pas en état de continuer là. J'ai du trop peu dormir ces dernières nuits.


L'oeil inquisiteur du maître jauge son apprentie... Puis s'adoucit rapidement en voyant la taille de ses cernes.

- Bon. Vu le taff que t'abat dans les comités j'peux comprendre. Mais essaie de revenir vite. Si tu continue comme ça tu peux te brosser pour t’installer en indépendante un jour...

- De toute manière vous seriez triste de vous passer de moi...

- La ferme morveuse ! Dégage !


Une légère taloche suivie d'un grand éclat de rire... Naoko rend son sourire a Hok.

- Merci. A demain.

- C'est ça...



A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Sukra 18 Otalir 814 à 13h30
 
Arrivé chez elle, Naoko se jeta dans son lit pour y enlacer l'un des multiples oreillers... Vu les circonstances il faisait sans doute partie des personnes de son entourage les plus a même de la comprendre. Bon. Soit. Pas des personnes. Mais quand même. Aucun risque qu'il s'enfuit en hurlant... Aucun risque non plus qu'il se précipite pour en discuter avec ses collègues histoire de mettre en place un jugement aussi vite que possible. Ou alors la situation était vraiment beaucoup plus grave qu'elle ne l'imaginait.

Le temps de trouver sa chambre elle s'était principalement concentrée sur son environnement, faisant tout son possible pour avoir l'air normal et en s'efforçant de s'assurer que personne ne l'avait prise en filature ou quoi que ce soit du genre... Mais a présent qu'elle était au calme elle pouvait un peu réfléchir... Mettre de l'ordre dans ses pensées... Et écouter ce qui se tramait dans sa tête.

Premier point notable : le krolanne avec un accent c'est imbitable. Il faudra donc travailler là dessus histoire de se débarrasser de bonnes doses de migraines.

Deuxième point notable : les pensées sont toutes clairement différentes. Elles ont un timbre.

Troisième point notable : ca fait du peuple mine de rien là dedans. Et originaire des trois kils même si le Kil'dé semble moins bien représenté.

Quatrième point notable : apparemment beaucoup de personnes dans la même situation qu'elle, entendant visiblement ces voix dans leur tête depuis... peu.

Cinquième point notable : des imbéciles terrorisés ne prenant pas le temps de reprendre leurs esprits avant de penser tout haut.

Sixième point notable : quelques plus anciens dont au moins une soufre d'un complexe de supériorité notable assortie d'une intercompréhension de l'être krolanne plus marqué encore.

Septième point notable : des alcooliques. Il y a toujours des alcooliques.

Huitième point notable : une pensée plutôt féminine semble intéressante. A étudier.

Neuvième point notable : les gens se rangent par patois, par Kil. Plus pratique.

Dixième point notable : ce qui est pensé là bas est persistant.

Onzième point notable : au final ça ne fait pas tant de monde que ça. Moins de cinquante. Sur les trois kils. Probablement beaucoup qui ne pensent pas ici. Les anciens sans doute. Pourtant y'a une vieille. Le problème sera a étudier.

Douzième point notable : personne ne semble savoir ou aller. Pas même la vieille.

Bien. Reste a faire un petit test histoire de voir comment ça fonctionne... Un petit tour là bas... Y imprégner une pensée... Se retirer. Observer.

Treizième point notable : ses propres pensées s'intègrent au fil de la même manière que celles des autres. Rien de remarquable si ce n'est qu'elles restent faciles à interpréter même en ayant fait l'effort de les formuler en krolanne.

* Bon... Je pense que j'ai fais le tour. A présent il faut que j'me décide quand à l'optique à adopter. J'ai été catapultée là dedans. Vas falloir que je compose avec. Et il est hors de question de ne pas profiter de cette évolution. Ca serait idiot. Globalement y'a deux possibilités : soit les Lanyshta sont globalement néfastes. Il faudra que je m'arrange en vérolant ces espaces de pensées pour les identifier et les purifier. Soit ils ne méritent pas leur réputation et sont au final quelque chose entre des victimes et les hérauts d'une erre nouvelle... Et dans ce cas... Il vas falloir consolider tout ça.

Naturellement si la première option faisait danser une lueur déterminée dans ses yeux, la deuxième apportait un sourire plein d'espoir sur ses lèvres. Oui... L'histoire avançait et elle avait là chance d'en être. Restait donc a savoir si le changement promis par les Lanyshta allait être effectué par ou pour eux. Dans tous les cas ils en seraient les moteurs...

Pour l'heure il ne restait pas grand chose d'autre a faire que d'observer... Écouter. Ah oui. Et prendre des notes sur les différents indices pouvant aider a comprendre ce qui c'est passé. Autant ne pas perdre les données pour pouvoir les étudier quand il y aura réellement le temps.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 19 Otalir 814 à 01h29
 


HRP//Pour des raisons évidentes j'avais du mal a mettre les balises de langues dans cette image... Mais voilà ça reste du patois du kil'sin.//HRP


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 2 Nohanur 814 à 00h04
 






°
°
°
? une semaine ?
? un jour ?
? peut-être deux ?
.une vie.
Cela faisait maintenant plus d'une vie que c'était arrivé. Qu'elle avait changé.
Changé ...si peu... Tellement.
...Depuis une semaine elle était d'une certaine manière...
.morte.
Tout simplement.
°
°
°
? la mort ?
? pourquoi l'accepter ?
? pourquoi ne pas la chasser ?
? POURQUOI ?
...La raison est simple...
Elle est une partie de la vie. Les deux enchatonnent. Les deux se suivent.
Tout simplement.
°
°
°
? la vie ?
? pourquoi l'abandonner ?
? pourquoi la laisser derrière soi ?
...lâcheté...
La voilà la raison. La toute petite raison.
Si petite, si infime qu'elle ne l'avait pas relevée avant : elle avait peur. Terriblement.
! PEUR !
Lorsque la terreur imprégne un être il perd tout bon sens.
Il cesse d'être. Il n'est plus qu'elle.
.la peur.
°
°
°
? Terreur ?
Une vieille amie pourtant.
Presque aussi intime que la solitude ou l'ennui.
Elle aurait du la reconnaître.
Et pas se cacher.
Se réfugier derrière les mécanismes mille fois appris.
Ils étaient partis.
...Si nombreux a l'avoir laissée...
°
°
°



A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 2 Nohanur 814 à 17h18
 




Chaque soir c'était plus ou moins la même chose. Les fantômes du passés, les peurs du présent... L'angoisse face a l'obscurité insondable qu'était devenu son futur... Après avoir éteint la lumière... Soufflé sa dernière bougie... Il ne restait plus que l'obscurité et ces petites voix dans sa tête. Il était facile d'en faire abstraction, de ne pas réellement les écouter... Pendant la journée elle ne s'autorisait pas ces faiblesses... Ignorer ce changement revenait à le refuser. Un premier pas sur le lent chemin pour devenir quelqu'un d'aussi barbant que tous ces moutons.

Mais a quoi bon accepter ? Elle n'était plus bonne a rien et malgré les affirmations de certains elle n'était pas certaine que ses anciennes compétences reviendraient réellement... Certes depuis que c'était arrivé elle avait senti une partie de la lourdeur ayant envahit ses membres s'estomper. Mais a part ça ? Oui... Elle avait réussi a s'y retrouver suffisamment en krolanne pour pouvoir discuter sans trop de gène avec a peu prés n'importe qui. Génial ! Elle savait toujours parler. Quoique... ses bases dans les patois des autres kils étaient pour ainsi dire passés a la trappe. Alors même qu'elle disposait d'une ouverture rêvée... Voir d'une clientèle privilégiée.

Et elle était réduite a quoi ? Passer une journée de plus a feindre la maladie en priant pour que cette détestable sensation de faiblesse prenne enfin fin... Au début écouter toutes ces pensées... Réfléchir a partir d'elles avait suffit à lui occuper l'esprit... Mais nombreux étaient ceux qui manquaient de sens commun... Ou qui étaient tellement choqués par leur nouvelle condition qu'ils n'étaient bon a rien d'autre qu'à se saouler... voir pire.

La perspective de se payer un petit voyage au pays des rêves en compagnie de substances hétéroclites n'était peut-être pas si mauvaise au fond... Mais le simple fait d'y songer comme un exutoire garantissait qu'elle n'y aurait pas recours. Hors de question de sombrer là dedans. Autant aller visiter un des « centres de soins » du Kil'Dé... Voir proposer d'aider la recherche a Dara. Et prendre de quoi planer pendant un bon moment pour pas trop souffrir à ce moment là.

Mieux valais se trouver une occupation. Quelque chose pour occuper son esprit dans la mesure ou ses mains, elles, étaient condamnées a rater tout ce a quoi elles s'attaquaient. Écouter, décrypter consciencieusement toutes les pensées de l'entrelat ? L’activité avait fait son temps. Contacter des personnes intéressantes et discuter avec ? Oui. Pourquoi pas. Mais pour parler a autrui il faut avoir quelque chose a raconter. Dans l'êtat acctuel des choses elle ne pouvait rien prévoir. Rien envisager. Badiner ne la tiendrait pas occupée bien longtemps et donnerais une image faussée de sa personne.

"Klem"... Il était capable de créer des images et de les envoyer par la force de sa pensée... Le procédé était intéressant. Tentant. Pourquoi ne pas s'essayer a la maîtrise de ce nouveau don ?


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 2 Nohanur 814 à 23h16
 
Que savait-elle concernant cette... télépathie ? Globalement la pratique lui en était venue instinctivement. Il ne s'agissait pas réellement de pensées. Plus de paroles projetées par un autre biais. En effet les « messages » envoyés et reçus jusqu'à présent étaient globalement tous formulés clairement dans une langue bien définie. C'était plus des enchaînements de mots. Parfois quelques « sensations » plus facilement assimilables a une intonation qu'à un sentiment a proprement parler.

Et il y avait quelques cas à part. Des pensées laissées généralement dans des « lieux » moins usités. Des cercles mois souvent utilisés. Les plus claires étaient ces sursauts de douleur. Ils provenaient en toute logique le personnes subissant une douleur vive, ou une belle frayeur. Le temps de reprendre les reines de leur esprit celui-ci fait son possible pour informer l'univers que tout vas mal. Logique.

Pour y parvenir... La solution la plus évidente était... de se faire mal. Solution simple mais dont l'application lui semblait quelque peu abusive. La peur quand a elle était trop facilement maîtrisable. Impossible de se faire « vraiment » peur toute seule. A moins de disposer d'une bonne vieille phobie comme certaines personnes... Mais ce n'était pas son cas. Lorsqu'elle en arrivait a avoir fondamentalement peur elle avait généralement autre chose à faire que de paniquer. Sauver ses miches par exemple.

La deuxième solution relevait du jeu d’acteur. Jouer un sentiment puissant jusqu'à le sentir envahir son propre esprit. Puis canaliser ses pensées vers le sujet. Le sentiment le plus simple et le plus proche était la tristesse. Trouver des souvenirs tristes, se concentrer sur eux jusqu'à en pleurer...

* Un souvenir triste hein ? La mort d'Onodera... L'expression sur le visage de ses parents, sur ceux de ma famille... au moment ou le petit cercueil avait été emporté... Si petit... Ils n'avaient rien pu faire... Nous n'avions rien pu faire... Pendant près d'un mois elle avait agonisé... Elle était mon amie... Pourquoi la maladie avait-elle eu raison d'elle et pas d'autres ? J'y suis passée aussi... Et en même pas une semaine j'étais a nouveau radieuse...

Lentement la tristesse montait en elle... le pouvoir des bon vieux traumatismes enfantins. Idéal pour pleurer avec sincérité sur le corps d'une personne dont on à brisé la nuque la veille au soir. Lorsque le sentiment fut suffisamment fort elle le laissa déferler. Un instant d'étonnement en constant que tout fonctionnait au poil fusa avant qu'elle ne mette fin a la « retransmission ».

Du côté des émotions négatives les choses étaient donc relativement faciles. Sur le principe cela revenait a se concentrer sur la sensation au lieu de « penser » a des mots. Pour faire d'autres essais mieux vaudrait trouver un endroit adapté à ses tentatives.

Laisser ces impressions gravées quelque part dans l'un de ces cercles pour pouvoir les considérer a posteriori pouvait constituer une arme intéressante. A utiliser avec parcimonie dans la mesure ou ces pensées restent à priori ouvertes à tous ceux souhaitant prendre la peine de les observer.

Au passage peut-être devrait-elle attendre de voir d'éventuelles réactions a sa première expérience ? Attendre quoi... Dix minutes ? Vingt ? Le temps de sortir faire les courses pour ce soir.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Julung 6 Nohanur 814 à 19h03
 
Elle n'avait pas atteint le coin de la rue qu'une perle rare vint faire ses « présentations » en règles. Du genre à vous rappeler pourquoi les sacrifices sont parfois indispensables pour la survie du groupe. Du genre a vous rappeler ce qu'est la pitié... Et a vous rappeler a quel point ce concept peut être... gênant. Du genre, surtout, à exciter vos envies de meurtres lorsque vous êtes un peu soupe au lait. Le genre de personnes apte à la convaincre que l'extermination des Lanyshta pourrait être bénéfique a la société dans son ensemble.

Un autre jour elle se serait peut-être retenue. Elle se serait peut-être interdit de formuler publiquement une pensée pareille, hésitant quand à l'image renvoyée de sa personne auprès des autres... Mais aujourd'hui elle n'était tout simplement pas d'humeur. Sans compter que l'exercice rentrait parfaitement dans le cadre de ses recherches actuelles. La première étape serait donc de formuler une pensée bien mielleuse vouée a convaincre l'imbécile de participer à une aventure dont les issues seraient presque forcément bénéfiques.

Soit il survivait et les autres lanyshta auraient peut-être réussi a intégrer trois sous de jugeote dans son esprit. Soit il y passait et, non contente d'avoir servie de diversion pour permettre éventuellement à certaines personnes autrement plus intéressantes de s'en tirer, sa mort débarrasserait son espace mental...

Deuxième étape s'assurer des interprétations possibles liés a un tel message. Mieux vaut paraître cruche que fondamentalement méchante au premier abord... Mais le cynisme se devait rester visible aux auditeurs avisés... Bien. La formulation était ce qu'elle était mais elle devrait faire l'affaire. A noter qu'une prochaine fois, pour une pensée réellement importante et dépassant les quelques phrases elle pouvait avoir intérêt a la rédiger sur papier en amont.

Troisième et dernière étape : la forme. S'appliquer sur le ton pour le rendre aussi doux que possible. Maîtriser les hésitations, les intonations. Pour un premier essai elle se contenterait de parler assez franchement tout en ayant un « ton » (noter qu'un nom plus adapté pourrait être utile) globalement amical et surtout dépourvu de mépris. Il serait intéressant et utile de s’entraîner là dessus. En revanche si certaines expérimentations pouvaient sans peine être publiques... Certaines autres... Il serait dommageable d'avertir les gens a ce propos. Elle perdraient beaucoup de leur usage. Il faudrait réfléchir a comment faire à ce propos.

Son message déposé sur le fil de pensées elle reporta son attention sur l'étal devant lequel elle se trouvait. Les légumes étaient plutôt jolis... Une partie (petite) venait de fermes proches et pas du Kil'dara. L’œil habitué reconnaissant sans peine les variétés atypiques adaptées aux terrains montagneux des environs. L’œil profane pour sa part avait tendance à penser que ces choux avaient une forme improbable... Sans des racines de Karis... Fraîches comme elles l'étaient elles auraient suffit a faire vomir pas mal de monde : la peau noire et luisante de cette rave avait une consistance pouvant être associée a celle d'une limace... Et l'odeur n'était pas sans rappeler celle de l'eau contaminée. Mais la chaire blanche avait une odeur d'amande amère et était absolument divine en beignets. Oh. Et des œufs. Ca faisait longtemps qu'elle n'en avait pas mangé.

C'est avec une panière bien remplie qu'elle repris le chemin de chez elle... Un rapide tour mental des différents cercles l'informa qu'une réponse était arrivée. Celle d'une Kildarienne visiblement horrifiée à l'idée de devoir se coltiner « ça » en sortie. Plutôt sain comme réaction. Peut-être un signe a exploiter ? En tout cas elle s'empressa de lui envoyer un rapide message d'excuse. La chose était toujours appréciable et permettait de toute manière d'ouvrir la conversation. En attendant une réponse elle pouvait se concentrer sur l’analyse de cette pensée. Une pensée prenant son temps, effectuant des phrases construites. Un Krolanne presque parfait indiquant qu'elle n'était pas toute jeune. La « saveur » de sa trace télépathique avait déjà croisé sa route. Pas en mal. Ah oui. Elle était aussi a l'origine de ce message a propos d'armes. Une artisane ? Peut-être une associée potentielle. Il y avait bien sur les problèmes de localisation mais quand on peut discuter aussi facilement...

Une première réponse. Plutôt du genre amusé. Sérieuse également. La conversation pouvait s'engager. Mais l'un des interrêts de ces pensées était qu'elles n'exigeaient pas forcément une attention de tous les instants. Une discutions pouvait très bien s’étaler sur quelques jours sans pour autant qu'on risque trop d'en perdre le fil.

*** ° ***


Assise en tailleurs sur son lit elle écoutait l'eau chauffer pour son thé. Le repas avait été des plus satisfaisants et surtout le début de sa discution avec la kildarienne avait été plutôt rassurante. Il y avait donc des gens capables de penser de manière intéressante. Et Jade n'était pas la seule a avoir retrouvé ses moyens. Ces informations valaient ce qu'elles valaient mais si le temps de latence était estimé a trois ou quartes semaines... Elle pouvait estimer que les choses ne tarderaient pas.

Le frémissement venait de changer. L'eau était bonne. D'une main elle versa l'eau frémissante sur les feuilles séchées... Un nuage de vapeur parfumé s’éleva. Parfait. Sur ce point au moins elle avait retrouvé la main. Cinq minutes d'infusion avant de retirer la première eau. Pendant ce temps elle pouvait choisir quelle musique mettre en fond sonore pour se mettre au « travail ». Quelque chose sans paroles pour la distraire. De pas trop triste aussi... Ce disque ? Il ferrait l'affaire oui.

Sa collection n'était pas la plus grande qu'elle connaissait en la matière et son appareil était loin d'être dernier cri et quelques grésillement ne manquaient pas de se faire entendre... Mais au moins elle pouvait profiter d'un peu de musique chez elle pour la couper du brouhaha de la ville.

*** ***



Après avoir fini de préparer le thé elle s'installa, tasse et théière a portée de main dans des coussins, contre le mur. Quelques secondes passèrent pendant qu'elle savourait simplement les saveurs printanières de sa boisson... Puis elle laissa ses yeux se fermer... Bercée par la musique dans un premier temps et lentement... doucement mettre de côté les différentes sources de pensées parasites...

Devant elle se trouvait un bac à sable qu'il lui revenait de façonner par l'esprit. L'objectif était simple : éprouver ses limites et contempler le résultat. La... construction a proprement parler viendrait plus tard. Bien plus tard.

La curiosité. L'envie d'expérimenter. La détermination. Autant d'émotion qu'elle pouvait sans peine « afficher » étant donné la suite de ce qu'elle entendait faire. D'autres essais exigeraient d'adapter la façade. Cette dernière devait impérativement rester présentable pour le tout venant.

L'idée première étant posée restait à présent à lui donner forme. A quoi correspondait l'image d'une pensée ? Comment représenter mentalement une pensée ? Plusieurs possibilités s'ouvraient a elle... Le plus simple était d'observer les « signatures » télépathiques des différents Lanyshta, de les comparer à la sienne... Les choses s'assimilaient a un timbre de voix mais dont le ressenti était traduisible par une série de métaphore issues de l'ensemble de ses sens... ou d'évocations plus franches de ces derniers.

Jade. Premier exemple. Le plus simple. Elle « ressemblait » à une pierre précieuse taillée au poil de cul prés ainsi qu'a un enchaînement de mécanismes bien huilés. Le chant d'un verre en cristal. Ses pensées étaient l’empilement logique de briques correspondant d'une certaine manière a ce jeu que Naoko avait quand elle était petite avec des bouts de bois rectangulaires. D'autres observations pourraient être faites mais trop de conclusions découlaient de leur discutions et elle n'était donc plus objective en ce qui concernait l'aspect premier de sa « signature » télépathique. Ensuite en terme d'objectivité la chose était de toute manière discutable. Ces ressentis étaient une manière qu'avait son esprit de matérialiser quelque chose. Peut probable que les interprétations d'autres personnes soient identiques. Semblables... Probablement. Mais identique... Encore moins que s'il s'agissait d'une quelconque description physique ou gustative.

L'artisane kildarienne. Deuxième exemple. Ici encore un sentiment de rigueur. Mais cette fois cette rigueur qu'on observe dans un mécanisme complexe qui tourbillonne et continue a tenir par un quelconque miracle. Oui. Tourbillonnante. Vive. Mouvante. Le tout était accompagné d'une légère « odeur » de brûlé. Les émotions retransmises étaient franches. Réelles. Bouillonnantes. Les pensées qu'elle émettait avaient souvent une tonalités bien marquée et s’enchaînaient de manière presque... Musicale... Rythmée. Une musique entraînante accompagnées d'une bonne dose de percutions.

Le pochtron. Troisième exemple. Tout l'opposé. Les pensées étaient déstructurées. Le son obtenu avait quelque chose du violon. Joué par un débutant. Presque hachées malgré un aspect visqueux. Il sentait la défiance. Ses pensées étaient des bouchons de lièges remontant d'un bloc a la surface de l'incohérence. Le tout avec hargne. Presque comme si ces pensées essayaient de vous agresser... Assimilable au crissement d'une objet métallique sur une pierre lisse ?

Klem. Quatrième exemple. La pensée est puissante. Forte. Maîtrisée. Le son grave d'un didgeridoo. Les phrases formulées le sont avec précision. Elles évoquent la poussière renfermée dans un vieil ouvrage. Elles sont monolithiques non pas à la manière de Jade dont la pensée uniforme reste constituée de fragments. Ni a celle du pochtron... Non. Plus comme des cristaux purs de minéraux dans un verre uniformément brun. Des sentiments transparaissent. Peut-être irrépressibles tant ils sont puissants et faciles a remarquer étant donné la « taille ». Peut-être simulés. Mais qu'elle qualifierais de « purs ».

Le scientifique fou attardé. Cinquième exemple. En ce qui concernait son aspect... Il était sphérique, coloré ou plutôt bariolé. En train de dévaler une pente en déclenchant toutes les alarmes que le bon sens avait bien voulu semmer. Sucré (mais pas mielleux) et parsemé de petits cris d’excitations ravis. Ses pensées donnaient l'impression d’émaner entièrement de lui comme un petit bloc de sa personne jeté au petit bonheur la chance et ayant pris forme d'une manière ou d'une autre... Ces petites boules atypiques atterrissant sur des pentes dont le propriétaire n'avait que faire si ce n'est pour courir -rouler - après en chantant (mal).

Ces quelques aperçus effectués il restait a essayer de se définir elle-même. Quand elle revenait consulter une de ces propres pensées. Le problème était un peu le même que pour Jade (en bien pire)... Le mieux pouvait être de demander un avis extérieur. L'artisane avec laquelle elle était en train de discuter ferait parfaitement l'affaire. Le tout était donc de répondre a sa dernière pensée (ou elle sombrait dans ce travers Kildarien de tout ramener à l'outre-science) et d'y ajouter la question. Elle verrait bien l'éventuelle réponse.

En attendant ? Un pendule comme ceux suspendus au dessus du lits des poupons. Une toile. Une boule de jonglage remplie de farine. Quelque chose d'un seul tenant mais ressemblant plus à un puzzle dont chaque pièce bouge en fonction des autres que du bloc. Ou plutôt quelque chose de liquide. En mouvement perpétuel mais conservant une cohérence d'ensemble. Oui... Le son de la pluie constituant peu a peu un chant. Des pensées semblables à l'entrecroisement d'une série de fils laissant paraître un résultat.

Était-il possible de moduler ce ton ? Si oui comment ? Il faudrait... essayer de « penser » comme quelqu'un d'autre ? Comment jouer sur tous ces facteurs ? Comment se... déguiser ? Vis à vis de cela il y avait plusieurs choses a noter : si jamais pareille manœuvre devenait possible plus aucune communication entre Lanyshta ne serait fiable. Si un tel moyen existait il n'était donc pas souhaitable de le découvrir. Éventuellement de découvrir son existence. Mais sûrement pas sa pratique. Par ailleurs il restait possible pour tous de comparer directement chaque pensées avec celles déjà émises par la personne. Une imitation serait donc infiniment plus complexe que physiquement.

Alors qu'elle laissait ses pensées filer sur ces sujets et qu'elle se questionnait quand aux risques intraséques liés a de telles méthodes ainsi qu'aux possibilités gênantes d'intrusion qu'elles pouvaient évoquer, Naoko se servit une nouvelle tasse de thé. Cette fois ci il était moins brûlant et elle pouvait donc en profiter pleinement. Sans faire attention. Un vrais délice. Peut-être devrait-elle se faire des beignets de karis pour aller avec ? Non... Pas tout de suite. Et pas avec ce thé là. Un autre, plus fort, serait appréciable pour ne pas être écrasé par le goût entêtant du karis.

La réponse ne tarda pas a arriver. Intéressante. Elle confirmait que les choses variaient d'une personne à l'autre. Pour elle le ressenti était plus... sensoriel. Moins visuel également. La manière dont elle en parlait laissait penser que les métaphores employées étaient un moyen d'exprimer son ressenti plus qu'une manière de ressentir a proprement parler. Elle était donc « fraîche et piquante » avec des tendances a virer « glaciale et acide » le tout en un « filet d'eau cristalline tourbillonnant sur lui-même dont les mouvements même troublent la vue ». Et elle était comparée a une « citronnade des jours de grande chaleur ». Intéressant. Très. Ainsi malgré les différences une « constance » demeurait. Cette description était agréable a entendre et lui correspondait d'une certaine manière. Il était donc probable que les description qu'elle-même avait fait éveillent un sentiment de reconnaissance chez leurs cibles. Peut-être pas de plaisir par contre lorsqu'elles n'étaient pas flatteuses.

Le point notable était que cette information rendait les éventualités d’imitation plus ardues encore. Impossible de savoir ce que ressentent tous les autres Lanyshta et une « illusion » pouvant en tromper un ne trompera pas forcément un autre. Très bonne nouvelle. En tout cas la première chose a faire avant de se replonger dans sa méditation était de rendre la politesse a son interlocutrice et lui décrire quel était son propre ressenti vis à vis de son timbre à elle.

*** ° ***


Ceci étant fait elle pouvait s'en retourner a sa méditation. Le jeu ne pourrait, ne devait, donc pas se faire sur l'aspect a proprement parler de ses pensées. Il devait jouer sur la manière de les présenter. Moduler sans chercher particulièrement a modifier. L'idée du liquide pouvait aider. Jusqu'à présent elle avait « noué » ses pensées plutôt que de les laisser couler. Le tout serait donc de faire preuve de spontanéités de manière non spontanée. Sachant que spontanément elle n'avait pas fait preuve de spontanéité en la matière... Bah voyons. Dans le genre contradictoire ça se posait là.

Bien entendu ce n'était pas différent d'un quelconque discours ou d'une pièce de théâtre. Il fallait préparer ces choses de manière a donner l'impression, au moment du show d'être parfaitement spontané. De ne pas s'être préparé. Le combat à mains nues relevait des mêmes codes : chaque mouvement était travaillé. Codifié et travaillé jusqu'à devenir naturel. Elle avait déjà vu des maîtres réagir de manière parfaitement « spontanée » en adoptant la posture d'un Kata... Il fallait qu'elle trouve comment obtenir cette même fluidité.

A priori les exercices pour y parvenir étaient les mêmes que ceux effectués au théâtre si ce n'est qu'elle devrait être sa propre juge. Hors de question de s’entraîner publiquement à ça. L'exercice était donc bon a remettre à plus tard. Pour l'heure elle pouvait se centrer sur les émotions... Ou sur les images. L'intérêt de se focaliser sur les images était qu'elles pouvaient constituer une base pour d'autres expérimentations sans pour autant les révéler au grand jour.

Il fallait donc choisir une image sur laquelle s'essayer pour la première fois. Le mieux serrait une image a la fois simple, facile a conceptualiser, et exigeante. Précise. Elle pouvait se lancer de manière parfaitement abstraite sur une forme géométrique. La plus intéressante étant le cercle. Mais l'absence de support physique rendait la chose a priori plus complexe. Créer une image mentale devait logiquement être plus facile en ayant l'objet sous les yeux. Et le risque de passer du concept « cercle » au mot « cercle » était loin d'être négligeable. Le mieux serrait donc soit de dessiner un cercle soit de trouver un objet simple correspondant a ses besoin...

Un œuf. Un œuf était simple, harmonieux... Et la moindre imperfection de l’image serait facilement visible. Bon. Ce n'était pas a proprement circulaire (du moins pas ceux d'oiseaux comme elle en avait acheté) mais ça ferrait parfaitement l'affaire. L'objet de son jeu serrait donc un œuf. Elle se leva pour aller en chercher un dans la cuisine et le poser sur la table basse à côté de sa tasse désormais vide.

Assise devant l'œuf elle commença par le fixer avec détermination. Il fallait qu'elle soit capable d'en conserver l'image aussi précise que possible une fois les yeux fermés. Exercice a la fois terriblement facile et quasiment impossible. Lorsqu'elle refermait les yeux elle évouquait sans peine l'idée de l'image mais pas l'image elle-même. Il fallait qu'elle agisse de la même manière que si elle désirait s'imprégner d'une image pour la peindre ou la broder sur une tunique.

Maître Hok le lui avait expliqué a moultes reprises sans qu'elle parvienne réellement à mettre le doigt sur « le truck »... Bon. Elle devait bien avouer qu'elle n'avait pas non plus mis toute sa volonté dans ces essais. Selon lui recopier a mesure ne suffisait pas. Il fallait évoquer l'image dans son ensemble avant de se lancer... C'était ce qui la différenciait d'un véritable artiste. Elle n'était qu'une paire de petites mains de plus.

Il n'avait pas tord mais ça n'en était pas moins vexant. Surtout maintenant qu'elle n'était même plus digne d'être une paire de petites mains. Hors de question d'abandonner cette fois. De toute manière elle n'avait pas grand chose d'autre a faire tant qu'elle ne serait pas redevenue capable. Elle s'imposa donc une stricte discipline. Au bout d'une heure elle avait fini sa théière et commençait a éprouver quelque chose pouvant s'apparenter a de la haine pour cet œuf. Le transformer en omelette serrait un vrais plaisir. Ou le brouiller. N'importe quoi pourvu qu'il cesse de ressembler a un œuf.

Un sourire amusé sur les lèvres elle s’imagina en train de casser l'objet de son énervement... Et presque immédiatement un point la marqua : elle avait « vu » cette action. Plutôt que de chercher à imaginer l'œuf elle s'imagina donc en train de le tenir sur trois doigts. L'image se créa presque immédiatement dans son esprit. Après... Retirer les doigts ? Logiquement ça devrait fonctionner non ? Bien. Elle devait maintenir une ferme concentration pour ne pas la perdre mais... La base était là.

Pour voir la fiabilité du procédé restait a l'éprouver. Au passage elle pouvait essayer de transmettre les émotions suivantes de manière consciente : curiosité, amusement, détermination, concentration.

Pensée :

***
Hésitations... Inquiétude. Curiosité...
Détermination...
°
°
°

***



« Reculer » un peu pour observer le résultat obtenu. Bon... Ok. C'était pas encore ça. Pas encore du tout. Elle avait donc réussi a exprimer une image. Mais le résultat ne correspondait définitivement pas à ce qu'elle avait espéré. Le rendu était flou... hésitant... Comme si le résultat final soufrait de chacun des instants d'inattention qu'elle avait eu.

Tant pis pour les fioritures. Une pensée se modifie après coup. Autant donc être capable d'y intégrer une belle image bien propre a posteriori... Et ne pas forcément être à son aise pour retransmettre l'image sur l'instant. En revanche malgré cette possibilité de modification il était plus intéressant de laisser cet essai a la vue de tous. Il pourrait être utile.

Le problème relavait du manque de fluidité dans sa pensée. En combat on parlerait de manque « d'assurance ». Pour y remédier elle devait soit atteindre un niveau de maîtrise suffisant... Beaucoup d’entraînement et de temps... Mais sans personne pour la guider l'exercice serrait malaisé. Soit se détendre a l’extrême. Pour le coup ralentir un peu le flux de ses pensées ne ferrait pas de mal non plus ce qui invalidait l'une des méthodes de détentes les plus agréables. Elle y recourrais sans doute une fois qu'elle aurait fini. Un peu d'alcool en revanche serrait le bienvenu. Mieux valais éviter des drogues plus... violentes. Le but était de rester parfaitement maîtresse de soi.

Elle alla donc chercher dans le placard une bouteille d'une liqueur anisée qu'elle affectait. Une dose bien chargée, un peu d'eau pour couper le tout et... cul sec. Huuuuuu... Ses yeux s'écarquillèrent quelques instants alors qu'elle souflait se surprise : elle ne pensait pas y être allée aussi fort. Bon... Par contre c'était agréable de temps en temps de sentir la chaleur de l'alcool se répandre dans son corps. Habituellement elle buvait plus pour le goût que pour les effets... Mais force était d'avouer que ça pouvait faire du bien.

S’installant à nouveau dans ses coussins elle repris l'observation de son œuf, bien déterminée a ne pas perdre contre lui. Cette fois, la méthode étant assimilée elle parvint bien plus vite à visualiser l'œuf derrière ses paupières closes. Restait à fixer l'image et a l'envoyer sur les entrelacs.

***

***


Cette fois le résultat était à la fois plus satisfaisant et moins bon. Les espèces de vaguelettes dans la structure de l'image étaient quasiment absentes mais le rendu était... Flou. Le plus marquant était cette étrange spirale qui, pour ce qu'elle pouvait en juger émanait de la manière dont elle avait construit l'image : au lieu de faire le tout d'un bloc elle avait procédé par cercles concentriques en partant du milieu.

Il fallait donc recommencer en essayant de tout faire d'un coup. Ou de partir des bords. Les bords semblaient moins... intuitifs. Hypothèse rejetée. Pour l'aspect « flou » elle doutait que cela puisse venir de l'alcool. Il était encore bien loin d'embrumer ses sens. Il l'avait simplement délassée. C'était sans doute le contre coup : elle arrivait a avoir une image fragmentaire et nette ou une image d'ensemble floue. Il y avait logiquement un moyen d'y remédier mais elle n'en était pas encore là.

En s'appliquant à produire l'image de l'œuf d'un seul tenant elle lui donna corps une nouvelle fois sur l’entrelacs :

***

***


Bon... C'était moins tourbillonnant mais ça ne ressemblait même plus à un œuf. L'image d'un visage aussi déformée que ça devait être tout bonnement horrifiante. Le coup de tout faire d'un coup n'était pas... bon. Si avec un simple œuf c'était aussi dur... Elle n'arriverait jamais a être ne serai-ce qu'aussi précise qu'un simple dessin croqué. Par quelqu'un dépourvu de talent en la matière. Dans ces conditions autant abandonner le concept. Pourtant... à la manière dont Klem en avait parlé... ça n'avait pas l'air si compliqué.

* Attend... Et si je fais comme une peinture ? Que je retouche a mesure pour atteindre le résultat final ? Après tout rien ne me l'interdit non ?

Bien décidée elle commença par créer une nouvelle base... Moins... étrange que la précédente mais plus carrée. Méthodiquement elle repris les bords en les re-créant un par un... Ensuite il fallait superposer le tout... Adapter la taille... Assurer la netteté de l’image... Elle avait depuis longtemps perdu le compte des retouches et il avait bien du se passer quinze minutes quand elle s'estima satisfaite :

***

***


Ravie elle se releva juste le temps nécessaire pour se déshabiller et se laisser tomber dans son lit. Elle méritait bien un peu de repos et avait une promesse a sa propre personne à tenir.



HRP//Finalement ça aura pris un peu plus de temps que prévu. Mais le fil de pensée associé a été fait./HRP


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Luang 2 Nohanur 815 à 20h34
 
***
Un instant, un rêve.
Marchant a travers la nuit,
L'union des esprits.
***


Au final elle avait du se replier sur quelque chose de désespérément basique. La vitesse a laquelle les pensées turbinaient sur les entrelacs ne laissait guère de choix. L'une des bases de la danse était d'adapter son tempo a son partenaire... Aller trop vite ou trop lentement finissait toujours par rompre les délicats équilibres qu'étaient chaque pas. Ici... Il en irait de même. Même en ayant trouvé quelques partenaires ils n'étaient que quelques figurants au cœur du balais... Moins que les doigts d'une main espérant faire suivre l'ensemble des danseurs. Le rythme devrait être parfait.

***
Pour espérer le futur,
Que l'histoire ne s'enlise pas,
Arriver au bout.
Une sommet ne suffit pas.
Une descente en luge.
***


A partir de là il fallait aménager une piste. Depuis les rêves elle avait commencé a lancer quelques perches du côté de maître Hod. Et quand Klem avait pointé le bout de son nez... Elle avait fait un premier pas. La suite mettrait bien du temps a prendre forme dans le monde matériel alors que sur les entrelacs de fines tiges de lierre grimpaient ça et là.

Puis les choses avaient commencé a bouger. Des liens étaient tissés avec d'autres que ceux dont on était certains. Et d'importantes décisions étaient prises. La plus importante de toutes qu'elle ne pouvait se charger de prendre. Accorder sa confiance. On ne survit pas quelques années dans le millieu du meurtre professionnel sans développer une certaine dose de paranoïa. Et si Naoko estimait s'être « rangée », les rêves avaient tout changé.

L'une des base était de disposer de quelqu'un d'autre pour faire ce pour quoi on n'était peu doué.

***
Voir un idéal,
Et entendre la raison.
Il faut bien choisir...
De voir en eux des amis,
Ou une lame dans l'ombre.
***


Hod n'avait pas été particulièrement dur a convaincre. Certes il ne pouvait s'empêcher de grommeler en pensant que l'une de ses apprenties allait quitter le nid mais... La fiertés l'emportait sur ses tendances a jouer les poules. En toute franchise, Naoko envisageait que la connaissance un peu trop détaillé de son passé par le maître tisserand l'ai également incité a ne pas trop s'en faire pour elle puisqu'elle s'installait avec des « amis ».

S'en faire pour la légalité de ses travaux éventuellement. Mais de son point de vue du moment que de belles choses étaient tissées... Que de discutions lorsque la Lanytha lui avait rapporté les plans d'un des premiers schémas du créateur qu'elle avait eu l'occasion d'étudier. Quel sourire sur son visage...

Et pas moins d'une semaine plus tard il avait annoncé qu'il avait peut-être une piste pour le local.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Julung 5 Nohanur 815 à 00h00
 
***
La vie serait simple
Si la matière était seule
A poser ses règles.
***


Jamais elle n'avait réalisé a quel point loger dans une bâtisse aussi grande serait compliqué... Le premier atelier proposé par Hod n'avait pas été dépourvu de cachet et il aurait pu être agréable d'y loger mais... Mais sa localisation allait poser de lourds problèmes. En pleine zone résidentielle les voisins risquaient de rapidement devenir une véritable plaie si quelqu'un devait travailler en soirée a la forge. Des métiers a tisser auraient déjà été difficiles à faire accepter mais le vacarme du marteau sur l'enclume ? Et c'était sans compter le problème de localisation, trop... centrale. Certes elle avait eu dans l'idée de vendre a petite échelle localement mais le but était principalement de se tourner vers les autres quartiers. Mieux valait donc se trouver près des remparts que près de la place de l'oisellerie.

Le premier obstacle, et pas le moindre, avait été de décider de la manière de laquelle elle allait présenter l'idée aux sinites. Naturellement il fallait former un comité. Un comité d'experts artisans. Pareille entreprise ne pouvait se faire seule ni même sans compter sur une certaine dose de soutien local. Il avait donc été question de motiver quelques jeunes artisan talentueux de la rejoindre. Sur ce point, maître Hod avait sans trop de peine pu lui indiquer quelques jeunes dont la situation ressemblait plus ou moins a la sienne quelques années plus tôt mais aussi un ou deux illuminés qui seraient ravis de travailler avec elles sur des schémas du Créateur...

Dix personnes au total, en comptant un mécanicien décidé a réformer le fonctionnement des métiers a tisser. Et Yloyse dont, naturellement les artisan du Comité de Recherche et d’Expérimentation Artisanale ne savaient pas grand chose. Amie et collègue de Naoko elle participerait a l'investissement premier et a ce titre s’intégrerait sans peine. D'autant que, originaire du Dara, elle apportait non seulement un éclairage différent sur bien des sujet mais aussi un pont de vente vers un autre quartier.

Le deuxième obstacle avait été de choisir un lieu... Voir plusieurs. Plus elles réfléchissaient a la question et plus la situation devenait évidente : étant donné les circonstances mieux valait avoir deux lieux. Un atelier, mal situé mais facile d’accés en chariot. De préférence dans une zone assez artisanale pour compter sur la protection des comités locaux contre les risques de vandalisme et de vol. Et une boutique... Pouvant servir de lieu de rendez-vous. Les avantages étaient multiples. Le premier, et non le moindre, était de protéger les membres « particuliers » de la coopérative contre les risques de filature. Le second était d'éviter de donner des rendez-vous a l'atelier a des gens qu'on préférait éviter.

Et dire qu'en comparaison de ce qui allait suivre la démarche avait été facile... Rapidement il avait été évident qu'elle ne pourrait mener de front l'implantation du CREA en deux lieux distincts. La priorité serait donc mise sur l'atelier.

***

***


Cette décision prise, les propositions de Hod se firent plus adaptées. Et finalement il y eu un coup de cœur pour une bâtisse en bordure des puces. Les rues avoisinantes étaient principalement occupées par des artisans du bois. Le rez-de-chaussez serait parfait pour y installer les divers ateliers. Quand a l'étage... Bien que moins spacieux il pouvait sans peine accueillir des logements pour les propriétaires, quelques chambres d'invités une salle de repos et de réunion pour le CREA et surtout... Des ateliers secondaires pour que les Lanysthas puissent s'essayer a de nouvelles méthodes qu'il serait sage de ne pas révéler aux simples Krolannes.

Après réflexion une place serrait également gardée en haut pour faire profiter de la luminosité les travaux précis comme la bijouterie ou l'horlogerie.

***

***


Les autres membres du CREA averti qu'ils disposaient, enfin, d'un lieu de travail entreprirent ainsi de s'installer et, surtout, de soutenir Naoko dans la lourde œuvre d'intégration du jeune comité dans son environnement direct.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Merakih 23 Dasawar 815 à 12h10
 
***
Face a l’inconnu,
Regard plongé dans le noir,
La tête en avant.
***


Il semblait être de la nature même du médecin de se défiler lorsque les choses devenaient intéressantes. Sans en avoir conscience, certes, pour l'un et sans aucun rapport avec l'affaire pour l'autre mais bon...

N'en restait pas moins qu'elle se retrouvait encore une fois sans expert pour l'épauler. Tant pis. Elle ferrait sans pour ce qu'elle pouvait. Trois points pouvaient a priori être testé sans le soutien immédiat d'un médecin. Et l'un d'eux relevait déjà de ce qu'elle classifiait parmi les "très mauvaises idées qu'il faudrait tester faute de possibilité alternatives".

En ce qui concernait l'infusion des aliments... Elle estimait les risques minimes même sans le soutien de quelqu'un habitué a observer le vivant. La première manière d'infuser était de toute manière toute simple a tester. Dans le pire des cas elle se retrouverait avec de la moisissure sur les bras. Peut-être de la moisissure magique et agressive mais l'idée restait là. Et il était plus qu'improbable que ça vire dangereux... Au contraire du troisième point...

Pour la matière noire elle pouvait déjà faire de la recherche bibliographique. Soit en trouvant un comité de personnes versés dans le sujet soit en essayant de tirer quelque chose des Dariens... Selon Yloyse ils avaient un machin un... CMN ou quelque chose du genre qui l'étudiait de près. Soit en s'adressant directement a "eux". L'option kildéenne était assez peu attractive : avec la faille juste a côté et leur religion jemenfoutiste...

Et le troisième point. Le problème de commencer en demandant sur les entrelacs si quelqu'un avait déjà étudié la question c'est qu'elle risquait de la mettre en tête d'un certain nombre d'entre eux... Et certains risquaient de manquer de prudence.

D'un autre côté commencer sans demander aux autres serait, en soi, un manque de prudence semblable a ceux qu'elle craignait. Mieux valait effectuer une approche plus douce. Mais elle nécessitait d'avoir un peu de donnée a fournir pour alimenter le moulin.

***
Protéger sa tête,
Sa&ns abandonner ses mains,
Agir calmement.
***


Elle était dans l'un des ateliers privées du creuset. Elle y avait installé une partie de son matériel d'alchimie. Au sein du CREA elle n'avait jamais mis ses connaissances en la matière en avant et elle préférait ne pas trop déstabiliser ses associés en leur montrant avec quelle facilité déconcertante elle parvenait a apprendre... Mais cette pièce en particulier avait quelques autres aménagements qui lui étaient propre et différaient de celui des autres ateliers :

Un tas de coussins. Remplaçant avantageusement toutes les chaises éventuelles a l’exception d'une seule devant la paillasse.

Une cheminée. Généralement éteinte a cause des problèmes d'uniformité de la température qu'elle posait.

Un tourne disque. Outil indispensable a la recherche du calme. Et particulièrement utile pour faire passer le temps.

De lourds rideaux prévus pour empêcher la lumière de filtrer vers l’extérieur sans pour autant avoir besoin de fermer les volets. Rien n'attirait plus l'attention qu'une seule fenêtre aux volets fermés.

L'alchimie prenait son temps et si elle devait laisser quelque chose mariner pendant quelques heures elle pouvait également aménager l'endroit pour pouvoir y infuser ce qui l'intéressait confortablement.

Aujourd'hui se trouvait devant elle plusieurs sujets expérience : six courgettes, cent grammes de thé, de l'eau contaminée et de l'eau pure. En ce qui concernait l'eau contaminée, elle avait prélevé cinquante millilitres d'eau de pluie puis les avait mélangé a un litre d'eau de la faille. Une fois le mélange effectué elle avait réparti le résultat entre dix fioles fermées a la cire. Cinq étaient ici et les cinq autres dans un placard d'une chambre d'amis inoccupée.

Elle même s'était équipée pour la situation. Elle portait non seulement ses deux anneaux de quintessence mais également ce chapeau ridicule qu'elle avait déniché dans une braderie... Il était vendu comme un élément de costume mais elle avait bien senti qu'il réagissait avec le mana et avait découvert une fois rentrée a la maison qu'il avait des propriétés semblables a celle de l'anneau de quintessence ou de la tunique d'espérance. Plus proche de la tunique dans son fonctionnement. Et restait enfin ce prisme de verre qui avait la fascinante propriété non seulement de décomposer la lumière "normale" mais aussi, d'une manière qu'elle peinait a comprendre, celle qui composait les flux de mana, les rendant ainsi beaucoup plus faciles a voir. Dans le cadre d'infusions aussi basiques son recours ne serait pas indispensable mais s'il permettait de lui simplifier un peu la vie... Elle avait également mis de côté deux potions de mana. Au cas ou.

Les courgettes seraient son premier travail. Il fallait infuser quatre d'entre elles. Les deux dernières serviraient de témoins. Parmi les quatre infusées deux subiraient a nouveau ce traitement chaque jour. Naturellement avec aussi peu de sujet des différences minimes dans la vitesse de putréfaction ne seraient pas forcément significatives... Mais si les différences n'étaient pas significatives elles ne seraient de toute manière guère intéressantes.

Le premier cercle d'infusion suffirait pour la première tentative.

Quand au thé... infuser plusieurs feuilles risquait de s'avérer bien plus difficile qu'infuser un objet d'un seul tenant. Mais essayer vallait le coup. Si jamais, peut-être qu'en l’agglomérant ce serrait faisable.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 17 Jangur 816 à 01h08
 
***
La vie qui s'enfuit,
Par la tige tranchée net.
Attendre son retour.
***


L'infusion des courgette n'était pas particulièrement complexe. Peut-être y avait-il quelque chose de... "glissant" qu'elle peinait a décrire mais elles étaient loin de se comporter comme certains objets particulièrement récalcitrant a l'infusion des flux d'énergies en leur sein...

Elles reposaient désormais vertes comme seules savent l'être les courgettes (ainsi que, peut-être, certains concombres) sur la paillasse, occupant chacune un petit bac. La suite de l’expérience les concernant avait déjà commencé.

Un regard a l'objet de sa future expérience eut raison de sa détermination et de son sérieux. Malgré leur aspect basique et le recours au matériel adapté infuser aussi rapidement quatre objets distincts restait un effort mental. Naturellement en recourant a la méditation ou en forçant les flux elle pourrait enchaîner immédiatement... Mais a quoi bon ?

Sortant de la salle d'un pas déterminé elle se dirigea vers la cuisine. Avec un peu de chance resterait-il quelques biscuits pour aller avec son thé.

***
Regard attentif,
Renvoie la vaine espérance
Au néant premier.
Connaissance abandonnée,
Au sol, dissipe l'ignorance.
***


De retour dans son atelier de travail une petite heure plus tard, Naoko récupère son pendentif, se coiffe avec dépit de ce ridicule couvre-chef et se tourne vers son prochain travail : Le thé. Cette infusion promet d'être des plus complexe aussi a-t-elle prévu plusieurs techniques abordable a son propre niveau.

Le plus sage consiste a commencer des infusions selon les différentes méthodes avant d'observer leur comportement alors qu'elles sont encore instable a l'aide de l'un des rares sort qu'elle maîtrise. Encore que... Parler de sort semblait abusif a en juger les conversations qu'elle avait pu avoir. « Pouvoir » conviendrait mieux. Malgré la manière dont elle parvenait a percevoir les flux au travers du pendentif elle préférait de loin recourir directement a ce sortilège pour des observations plus précises. L'aspect des flux était différents a travers ce cristal et correspondait moins bien avec la manière dont elle les percevait par elle-même. Comme si elle ne les percevait plus par tous ses sens mais seulement par la vue.

Les trois options donc. L'une d'entre elle nécessiterait un minimum d'alchimie. Première étape : réduire un peu de thé en poussière. La manipulation faisait mal au cœur mais le cru utilisé pour ce faire n'était pas exceptionnel et elle y était de toute manière régulièrement réduite a cette extrémité pour pouvoir utiliser au mieux les exquises feuilles en cuisine. Deuxième étape : transformer la poudre verte en une bouillie en y intégrant de l'alcool a fruits. Ce dernier séchant bien plus vite que l'eau il se prêterait plus a la manœuvre. Troisièmement, tremper un fragment de pierre ponce dans la mixture. Quatrièmement et dernièrement, étuver le bloc ainsi obtenu pendant dix minutes chassant ainsi la moindre trace d'humidité. La fin nécessiterait de passer a l'étage du dessous pour profiter des fourneaux. En recommençant les dernières étapes plusieurs fois elle obtiendrait une pierre adaptée a ce qu'elle voulait en faire. Quatre morceaux ainsi préparés a partir de pierre dont elle avait scrupuleusement assuré la pureté tant par cuisson préalable qu'en recourant a plusieurs lavages successifs.

Au final elle avait donc trois échantillons a infuser. Ou plutôt quatre échantillons dont elle entendait débuter l'infusion. Le premier se tenait gentiment dans une coupelle. Feuille esseulée mais entière que les agriculteurs avaient pris grand soin a rouler en une petite sphère. Le deuxième contenait une plus grande quantité de thé de moindre qualité enfermé dans une gaze fermée pareille a celle utilisée pour les portions individuelles. La dernière, enfin, n'était autre que l'un de ses blocs.

A chacun elle consacra une attention égale, cherchant a insuffler les premiers élans de mana en eux avant d'observer la réaction. Il était évident que les trois ne se comporteraient pas de la même manière.

Lorsqu'elle puisa finalement dans ses réserves pour mieux percevoir le mana quelque chose attira son attention un peu plus loin sur la paillasse : les courgettes.

Les cucurbitacée avaient un aspect étrange... Ou plutôt le mana qui les imprégnait avait quelque chose de... dérangé. Curieuse elle s'approcha pour réaliser que les choses risquaient d'être plus compliquées que prévues. Le mana semblait... parti. Seule la peau et les extremités semblaient retenir un petit peu mieux l'énergie. Ailleurs la structure bien établie de l'infusion sonnait faux. Et malgré les flux plus rares chacun d'eux semblait... visqueux.

Sa première expérience semblait pour le moins compromise. Un recours a la phérémancie d'Yloyse en apporterait peut-être plus sur ce sujet ?


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Luang 15 Fambir 816 à 22h09
 
***
Elles mènent une vie propre,
Agitées dans le cornet.
Elles ne fixent rien.
***

Plusieurs jours de travail plus tard... Le travail sur l'eau et le thé avait été abandonné pour faire face a résultat inattendu qui s'était présenté a elle... Des essais sur d'autres légumes lui avaient confirmé que ce phénomène ne se limitait pas aux seules courgettes. Par ailleurs plusieurs faits étaient notables :

- L'infusion « glissait » de manière différentielle : Certaines parties des cibles avaient une tendance nette a mieux retenir l'énergie alors que d'autres y étaient quasiment imperméables. De manière assez ironique puisque les parties les plus humides étaient justement les plus imperméables.

- En coupant les légumes l'infusion se dissipait presque immédiatement, confirmant l'intuition préalable selon laquelle c'était l'objet dans son ensemble qui était la cible de l’altération magique et non chacun de ses composants.

- L'eau (liquide) ne laissait aucune prise a l'infusion.

- Les tentatives d'infusion sur le thé indiquaient qu'un complexe de plusieurs feuilles de thés étaient quasiment impossible a infuser de manière durable alors qu'un conglomérat ne posait aucun problème particulier.

La conclusion s'était imposée après de longues heures de réflexion solitaires qui avaient fait naître en elle une étrange envie qu'elle ne parvenait pas a définir : plus un objet était originellement stable et mieux il se comportait face a l'infusion... Ou plus précisément, les changements, quel-qu’ils soient, déstabilisaient le réseau de mana constituant l'infusion.

Il faudrait encore quelques tests mais elle pouvait a présent se baser sur ces premières hypothèses pour décider des prochaines expériences...

Le point le plus étrange là dedans était que, malgré tout, les infusions des objets manufacturés faisaient montre d'une certaine résilience. Même lorsque, après des mois d'usage la majorité des pièces avaient été reprises voir changées... Cela avait peut-être un rapport avec le contact régulier avec un utilisateur Lanystha. A moins que cela n'ai un quelconque rapport avec l'objet qui conservait une certaine continuité du fait de changements suffisamment lents.

Plusieurs test devraient pouvoir lui apporter des éléments constructifs et ils demanderaient tous plusieurs mois avant de donner leurs premiers résultats. Elle pourrait donc se concentrer a nouveau sur ses objectifs principaux en attendant.

- Test numéro 1 : (hypothèse de travail : le contact régulier avec un Lanystha permet le maintient de l'infusion). Infuser a bas niveau une fourniture standard que des clients réguliers de certains collègues laissent en réparation. En procédant a une infusion faible elle pouvait s'assurer que les différences ne seraient pas flagrantes pour un non Lanystha. Et elle pouvait partir du principe que les clients du CREA qui n'étaient pas Lanystha n'en côtoyaient pas régulièrement.

- Test numéro 2 : (hypothèse de travail : les infusions sont résilientes aux changements lents) infuser des carottes et la placer dans des conditions idéales de conservation. Attendre.

- Test numéro 3 : (hypothèse de travail : les infusion supportent les changements partiels brutaux du moment que l'ensemble reste cohérent). Travailler de préférence avec une armure de cuir cloutée. La faire revêtir a un mannequin d’entraînement. La conserver en bon état en remplaçant certaines pièces de manière ponctuelle.

Un autre demanderait simplement qu'une vague de froid propice se présente. Il serrait grandement facilité si jamais les problématiques liés a la matière noire avançaient. Comment se comportait l'eau solidifiée vis à vis de l'infusion ?


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Luang 25 Astawir 816 à 01h06
 
***
De multiples questions,
Les réponses tant recherchées,
Liqueur enivrante.
***


L’œil critique, Naoko observait les pieds d'un client de longue date. Naturellement ce dernier pensaient simplement voir sa couturière, le regard dans le vague, occupée a réfléchir aux détails de sa dernière commande.

Naturellement il y avait de ça. Sans avoir la demoiselle qu'il souhaitait vêtir (fort peu au demeurant) sous les yeux il était difficile de se représenter au mieux ce qui lui était demandé. Mais Naoko n'en était pas a son coup d'essai et connaissait bien les goûts de ce mécène. Non. L'objet de son attention n'était autre que les bottes de ce dernier. Il y a de cela quelques mois elle lui avait « offert » une infusion lorsqu'il les avaient achetés. Et même s'il était peu probable qu'il ai côtoyé des Lanystha, l'infusion tenait toujours parfaitement le coup. Idem pour les billes dissimulées dans quelques murets des quartiers abandonnés entre le Dè et le Sin.

Il en allait de même pour les deux autres auxquels elle avait fourni des objets semblables. Et aucun ne côtoyait les mêmes cercles. Bien. A moins d'un changement dans les mois a venir (il ne lui coûtait pas grand chose de garder l'oeil là dessus tant que ces clients reviendraient) elle pouvait donc rejeter l’hypothèse selon laquelle la présence proche de Lanystha était nécessaire au maintient des infusions.

D'autres expériences avaient été menées a bien permettant de fixer ou rejeter plusieurs hypothèses. D'une part l'infusion glissait certes un peu moins sur une carotte que sur une courgette mais les matériaux organiques « vifs » semblaient dans leur ensemble être « glissants » vis à vis de l'infusion. D'autre part les objets manufacturés semblaient dans l'ensemble conserver leur infusion et ce même s'ils étaient intégralement ou presque renouvelés par étapes successives. Il faudrait qu'elle évalue la vitesse avec laquelle ces changements pouvaient être effectués successivement sans nuire a l'infusion effectuée.

Naturellement le parallèle pouvait être fait avec la bijouterie... La confection d'un anneau distordant les flux de quelque manière que ce soit demandait une immense précision. L'objet en lui-même devenait magique et le moindre changement pouvait y mettre un terme. Ici la magie était superposée a la création et non intrinsèque.

Par ailleurs ces objets intrinsèquement « magiques » faisaient montre d'une forme de résistance a l'infusion. Tout comme certaines créations dépourvues de magie mais très finement manufacturées.

Une nouvelle hypothèse se dégageait : l'infusion était liée a la structure. Aussi déstructurer un objet empêchait les infusions de perdurer. Les légumes étaient encore vivants a leur manière. Impossible donc d'espérer constater chez eux une structure stable. L'infusion ne pouvait tenir. L'eau ou encore les feuilles de thès en vrac avaient une structure complexe mais en perpétuelle évolution... Au moindre mouvement l'infusion se perdait.

Tester sur un bon petit glaçon serrait une des expériences visant a confirmer l’hypothèse. Trois autres lui venaient a l'esprit. Si chacune était concluante elle estimait qu'il resterait a mettre ces conclusion a l'épreuve d'autres esprits que le sien.

Première expérience : un glaçon devrait conserver l'infusion de manière satisfaisante s'il est maintenu a bonne température.

Deuxième expérience : le métal fondu devrait avoir un comportement semblable a l'eau liquide vis à vis de l'infusion.

Troisième expérience : Une figurine en or moulée puis infusée peut retenir une infusion. La faire fondre a nouveau sans la retirer de son moule devrait provoquer une perte d'infusion. Si l'infusion était maintenu ce test n'entrait cependant pas en opposition avec l’hypothèse mais dénotait de l'importance de la structure macroscopique.

Quatrième expérience : une figurine en fil de fer soudée a l'étain devait théoriquement conserver l'infusion. Fondre l'étain n'aurait normalement pas de conséquence directe puisque l'objet dans son ensemble resterait intact. Déplier le fil devrait en revanche avoir une influence. Test a effectuer également sans soudure. De même que la précédente expérience les résultats n'entreraient de toute manière pas avec son hypothèse mais permettrait d'affiner.


A chaque rêve son chemin.
 
Naoko
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Vayang 6 Manhur 816 à 22h50
 
***
Point de non retour,
Connaissance bien confirmée.
Soupir satisfait.
***


Un verre de thé a la main (un vert délicatement fleuri et rehaussé d'une touche de ginseng qu'elle avait infusé a froid), Naoko somnolait dans le fauteuil de sa pièce de travail... Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas eu la satisfaction d'avoir répondu a l'une des questions qui ne cessaient de la tarabiscoter. Devant elle, sur la paillasse trônait une lourde machine a vapeur au milieu de laquelle... deux glaçon. L'un d'entre eux avait été infusé jusqu'à déborder et pas la moindre once de magie ne semblait décidée à glisser hors de ce petit carré de glace.

La machine était arrêtée maintenant. Plus rien pour les maintenir au froid. Et tout ce qu'elle avait a faire était attendre. Attendre que la glace fonde. Et réfléchir a comment présenter les résultats de ces diverses experiences. Les choses étaient a présent plus ou moins cadrées. La glace conservait l'infusion. Le métal fondu n'en faisait rien. Plus l'agitation était grande, plus l'objet était fluide et moins il retenait l'infusion.

Une conclusion simple. Elégante d'une certaine manière. Et contrairement a un sujet de recherche encore vague, le présenter n'était pas une invitation au suicide. Alors qu'évoquer en publique ses quelques pistes de réflexion sur l'eau... revenait a donner une idée potentiellement dangereuse pour l'imbécile testeur et, éventuellement, le reste de la création... Le tout était de déterminer ce qu'elle pouvait faire avant. Autant ne pas se décharger sur un jeune idiot de la responsabilité de l'éventuel désastre. Autant attendre de voir si elle avait trouvé d'autres idées avant d'en arriver là aussi. Surtout.

Pour ce qui était de l'infusion... Le mieux était probablement de répondre a ce fil de pensées pré-existant. Puis de voir s'il restait des Dariens bavards. Affalée elle composait donc sa pensée...

trtrtrtiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Bon d'la... Il fallait absolument qu'elle change ce réveil. Cette chose était peut-être utile en attendant que l'autre soit réparé mais tout de même... Cette foutue sonnerie avait de quoi réveiller un mort. Avec un brin de violence elle lui intima le silence. Elle avait totalement oublié le thé. Un comble. Mais il fallait bien avouer qu'après quelques infusions elle avait perdu tout intérêt gustatif pour la chose. Et pour l'instant les résultats étaient plutôt satisfaisants malgré une différence assez faible : le bloc de thé infusé semblait infuser plus rapidement et plus efficacement. Pratique mais pour l'instant sans réel intérêt. Cette ultime infusion, lente dans une quantité d'eau conséquente permettrait de trancher...

La première chose qu'elle remarqua fut que le résultat ne correspondait en rien a ce qu'elle attendait : l'eau laissée au contact du bloc infusé était parfaitement limpide et n'avait strictement aucun goût. L'autre, au contraire avait une très très légère teinte qu'elle n'aurait sans doute pas remarqué dans un récipient moins large. Au goût il aurait été présomptueux d’appeler ça du thé... mais il restait bien un petit quelque chose.

Échec donc.

*** *** ***


Le front plissé, Naoko rédigeait sur son carnet les quelque conclusions auxquelles elle était parvenue.



Le bloc de thé infusé semble, dans un premier temps, permettre une infusion plus rapide et efficace de l'eau. En revanche après la quatrième infusion, la tendance s'inverse. Ainsi le bloc infusé semble « s'épuiser » plus rapidement. Dans ce cadre il semble peu probable que l'infusion permette d'augmenter la quantité d'eau pouvant être infusée a un degré précis. L’expérience doit tout de même être effectuée et nécessitera une grande rigueur.

Cette piste peut a priori être abandonnée pour la Mughanne. La question se pose d'ailleurs sur le fonctionnement de cette dernière. Comprendre son fonctionnement serait un premier pas. Avec un peu de chance elle ne se comporte pas comme du Thé...









A chaque rêve son chemin.

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