Un plafond. Plutôt une sous-pente, avec les poutres apparentes. Des combles, oui, voilà, des combles. Un décor tout à fait normal, somme toute. Pourquoi le décor ne serait-il pas normal ? Après tout, l’univers était exactement comme avant, non ? Bon, mis à part le fait que désormais, il n’était plus un simple Krolanne et que son destin venait de basculer dans quelque chose qu’il ne comprenait pas, qui le dépassait et qui risquait de le mener là où il ne voulait pas.
Mais sinon, oui, le plafond était parfaitement normal.

Aarne se leva. Il était épuisé, mais reposé en même temps. La voix qu’il avait entendu résonnait encore dans ses oreilles. D’un scepticisme confirmé, il avait du mal à y croire, mais s’il savait, au fond de lui, que cet appel était indéniable. Il regarda quand même le livre qu’il avait lu avant de s’endormir, espérant que ç’aurait pu être lui qui avait peuplé ses songes de messages et de télépathies. Recueil de poésie baroque des compagnons de Kalmeth. Non, rien de pertinent.

Il se leva et buta dans les livres qui recouvraient le sol de sa chambre. Son beau-frère faisant preuve de grand cœur en l’hébergeant chez lui, mais il ne lui laissait qu’une petite chambre au dernier étage où entasser toutes ses frusques. Son beau-frère… Espérons qu’il ne remarque rien et qu’il ne faudra rien lui expliquer, il sait faire preuve d’une fermeture d’esprit extraordinaire, même pour Kil’dé. Quant à sa sœur… Elle comprendrait sûrement, mais son cœur usé par une nourriture trop riche ne supporterait sûrement pas la nouvelle. Bon, restons discrets sur tout ça, et peut-être que tout se passera bien.

Il regarda l’heure : il était bien trop tôt pour faire sa tournée, mais il n’avait plus envie de dormir. Peut-être sortir faire un tour ?... Oui, sortir et voir le monde avec ses nouveaux yeux. En espérant que rien n’ait changé. Pourquoi est-ce que ça aurait changé ? On est à Kil’dé, rien ne bouge, rien ne change, tout est soumis au Cantatère.

Aarne se leva et s’habilla le plus discrètement possible. Il n’avait pas forcément envie de faire la conversation. Il avait besoin de se sentir seul, de réfléchir à tout ça. Flûte, il entendait encore des voix. De la télépathie, vraiment ? Un système bien encombrant. Comment on faisait sortir ces voix de sa tête ? Bah, il devait sûrement y avoir un moyen de s’en accommoder. Peut-être en essayant de fermer son esprit ?

Couvert et harnaché de son manteau, il sortit dans la rue. Le soleil réchauffait agréablement son cœur habillé au froid de la nuit. En tant qu’allumeur de réverbères, il était peu habitué au soleil de midi. Une douce brise caressait ses favoris. Il prit à droite, flânant sans réel but, en tentant de comprendre ce qu’il lui était arrivé.

Ah ! Et ces voix qui continuaient de résonner sous son crâne. Il faut vraiment régler ce problème de télépathie au plus vite…