Ceux qui connaissent et apprécient Jade diraient qu'il était excessivement difficile de la prendre au dépourvue. Ceux ne l'appréciant pas se contentant généralement de la décrire comme un monstre d'insensibilité. Et là, pour le coup, elle était particulièrement impressionnée par les membres de l'expédition.

A peine étaient-ils partis qu'ils étaient déjà dans une merde noire.

La défection de Rhôz, d'abord, était problématique. Une linguiste aurait pu s'avérer utile, pour comprendre certains gribouillages Krynänns éventuels. Ensuite, restait les loups.

Des loups ? "Oui, et ?" aurait-elle été tentée de dire. Les créatures craignaient le feu, et même s'il valait mieux éviter un feu afin de ne pas être visible de l'Aqueduc -et encore, avec un brin de précautions ils auraient pu se le permettre- il était toujours préférable d'être vu que dévoré.
Une flasque d'huile, une étincelle, et adieu les loups. Théoriquement du moins, si certains étaient des bêtes des Krynänns, ils pouvaient être habitués au feu.

Le tout dans un tel cas était de ne pas céder à la panique. Céder à la panique en étant entouré d'une meute de loups risquait de causer des problèmes de type mortel. Mais visiblement, c'était le choix qu'avait pris au moins l'Arlequin.
Que l'Arlequin panique et se fasse dévorer n'était pas un problème majeur en soit, mais l'expédition ne pouvait que difficilement se permettre de laisser trainer des tripes de ses membres un peu partout. Surtout que sur les cinq officiellement prévus, on avait un fantôme, un retardataire, une démissionnaire. Et Jade. Le reste de l'expédition se résumait donc à l'Arlequin, à moins que l'Aveugle n'ait décidé de suivre. Ce qui ne serait pas forcément un plus.

Pensée :

Pour sûr, "Derek" était trop loin. Bien au chaud au Kil'sin, probablement. Ne restait donc que Jade en appui pour la petite expédition, à devoir courir dans les premières lueurs de l'aube au lieu de se reposer tranquillement. Elle en avait au moins pour une heure, alors autant ne pas forcer l'allure.



La déflagration de la panique avait laissé place aux braises de la peur, agissant tel un flambeau, tandis que Jade revenait sur ses pas. L'Arlequin fut assez facile à retrouver.
Là-bas, sur un plateau, petite silhouette ensanglantée, il clopinait. Que ce soit par fatigue ou par blessure importait peu, car le problème était les deux formes massives convergeant lentement vers lui. Un escargot géant se dirigeait droit sur lui, tandis qu'un monstrueux salivious cracheur tentait visiblement une manoeuvre d'interception, sans doute fruit d'un intellect un peu plus développé. Les loups devaient avoir été laissés derrière, effrayés, car ils en auraient sinon déjà fini.
En temps normal, une allure de balade aurait suffit à mettre l'Arlequin en sécurité, mais dans son état, il ne tarderait pas à céder.
De ce qu'elle savait des Salivious, les tirs ne parviendraient pas à percer l'épaisse carapace, et l'angle était trop mauvais pour atteindre les parties tendres. L'escargot géant, par contre, était plus vulnérable.
Points négatifs : faible luminosité, insensibilité douleur, cible lointaine.
Points positifs : cible lente, volumineuse, et incapable de se rapprocher rapidement.

Léger promontoire disponible, parfait. Jade fit glisser l'arme de son étui de cuir, et entreprit de fixer la lunette. Ce n'était pas une pièce, mais une cible autrement plus volumineuse qu'elle visait. Ajustements minutieux non nécessaires.
Elle épaula, et soudain, l'escargot emplit la totalité de sa vision.
Viser, bloquer, tirer.

BANG.

La première balle s'envola, ripant sur le sommet de la carapace sans causer grand dommage. Mais elle avait déstabilisé l'escargot, qui oscilla, tournant légèrement à la recherche de la source de perturbation.
Le bruit, par contre, avait du s'entendre de loin. Si le sauvetage amenait d'autres problèmes, c'était inutile.
BANG.
Le second tir pointa plus bas, dans une partie dépourvue de carapace, y faisant un trou net. L'escargot, mu par le besoin de regagner au plus vite son trou ou de charger la menace, entamant une rotation d'une lenteur effarante. Jade changea rapidement le mini-chargeur.
Enfin, il fut idéalement placé. Les deux premières balles, bien espacées, n'avaient eut qu'un unique but : le mettre dans une situation où une série de tirs n'auraient aucun mal à toucher.
BANG. BANG. BANG.
Jade avait déjà le chargeur vide à la main quand elle s'avisa qu'il était inutile d'enclencher le suivant. L'escargot avait cessé ses mouvements, sa carapace brisée par deux impacts directs ayant expulsé des fragments dans tout son corps, tandis que la troisième avait touché la tête, malmenant les pédoncules oculaires.

La menace secondaire fut éliminée en même temps que la principale : même s'il en fallait sans doute plus pour effrayer un salivious -étaient-ils capables de peur, d'ailleurs ?-celui-ci compris rapidement qu'une proie plus accessible lui était servie sur un plateau, et il orienta sa course vers le cadavre frais de son lointain cousin.

Parfait. L'Arlequin était, au moins pour le moment, sauvé. Il voudrait sans doute en parler, et une discussion serait nécessaire avant de pouvoir se permettre de reprendre leur route chacun de leur côté. Il l'avait forcément vue, maintenant, et entre la distance, son allure, et le détour à faire pour la rejoindre jusqu'en haut du promontoire, elle en avait au moins pour quelques minutes. Juste le temps d'envoyer un avertissement à l'expédition Kil'darienne, et...

Et ce serait le moment idéal pour une petite sieste bien méritée.

 
Discordance des Temps...

Revenons un instant en arrière. Lorsque Rhôz fit demi-tour.
Agacée par l'attente, l'absence de réponse et la sensation d'être abandonnée seule dans un groupe -ce qui est un comble-, sa réaction ne se fit elle pas attendre.

Ce qu'elle n'avait pas prévu par contre, c'est cette main qui attrapa son bras pour la retenir.


Le regard pas tout à fait droit, l'Aveugle se tenait là.
Son ton n'était pas implorant, simplement compréhensif, comme si d'une certaine manière il ne voulait pas que cela se termine ainsi. Qui que soit cette femme, il avait compris sa colère et la nature de l'Aveugle était telle qu'il en prenait sa part.

Au lieu d'un long discours, le silence prit la parole.
Et une courte pensée.

Pensée :

 


Un cri télépathique réveille Rhôz qui avait fini par sombrer dans un mauvais sommeil, un peu coupable, loin de l'expédition, de retour derrière les murs de Kil'sin.

Pensée :
C'est la voix du Bariolé, elle le jurerait. Apparemment face à des loups. Seul.

Pensée :
Rhôz ressent un sentiment de panique, qui n'est pas le sien, qui vient d'ailleurs. Celui d'une personne qui se lance dans une course pour sa vie...

Elle n'aura pas d'autres échos cette nuit-là. Ses appels resteront sans réponse. Son seul réconfort sera de n'avoir pas perçu de cri d'agonie. Elle dormira mal, tout de même.

 
Retrouver Tsenereth n’avais pas été difficile. Ils se connaissaient déjà et avaient donc pu, sans à-coups se diriger vers les portes en discutant. Évoquer une dernière fois les préparatifs, en citant, à l’appui des estimations pour l’eau les quelques cartes qui avaient pu être consultées, ou évoquer les appréhensions compréhensibles devant l’expédition. Et son but… douteux. Parce que, il fallait bien l’avouer, qui pensait réellement aller convaincre un adolescent rebelle ?

Un piège… c’est vrai que ça y ressemblait… ou sinon c’est qu’un point lui avait échappé. Bien sûr que c’était un piège. On choisissait soigneusement un appât, de préférence un de ceux dont on avait l’exclusivité (des informations par exemple) et on l’agitait sous le nez de ceux qu’on voulait tenter. Il s’agissait de bien le choisir. Ni trop gros pour garder un semblant de crédibilité en surface et que les poissons puissent espérer en avoir un infime morceau, ni trop petit sans quoi il serait difficile de ferrer quoi que ce soit. Quoique ce soit d’intéressant en tout cas. Face à un appât trop petit, les risques engagés étaient trop important...

Là, le dosage était bon.

Et elle n’avait pas assez confiance dans ceux qui s’y rendaient pour risquer passer à côté de l’espérance de données. D’information. Donc elle y allait. Sans compter qu'elle comptait sur eux pour passer des heures à discutailler mais sans parvenir à mettre en place la logistique nécessaire. Aucun d'entre eux n'avait eut à coordonner un atelier, c'était visible. Bref, elle avait pris les choses en main.

Par contre, Yloyse n’avait pas réellement prévu de voir débarquer l’autre. Là ! Lui ! Celui qui lui avait gâché, sinon grandement perturbé sa soirée. Et puis sa nuit. Non mais, il était…. Sérieux ? Il voulait sérieusement venir avec eux ? Comme ça, vêtu d’un élégant costume ? Et d’une… oui, c’était bien une canne. L’artisane hésita entre laisser libre court à son hilarité ou à une remarque cinglante.

Le sourire presque innocent et parfaitement assuré que lui adressa Jahel lui fit hausser un sourcil… Qui croyait-il donc tromper ? Au vu du sac, même si elle doutait qu’il ait réfléchi à tout ce qu’il fallait prendre, au moins, il n’avait pas oublié l’eau…

Tu peux m’expliquer ce que tu fais là ? Rassure-moi, tu ne veux pas réellement risquer de te salir dehors ?

Si ? Bon… soit. Apres tout, un bouclier krolanne de plus ne pouvait pas faire de mal. Surtout un bouclier krolanne agréable au regard et à l’oreille. Par contre elle ne garantissait pas l’absence de migraine. La bleuté lui tendit un formulaire.

Tu as trois minutes pour le remplir avant que je ne change d’avis mon cher.

Pensée :

Les trois lanyshsta n’eurent pas plus de problèmes pour passer les portes, les documents furent déposés et l’extérieur s’offrit à eux. Bon… avouons-le, cet extérieur-là ressemblait beaucoup à l’intérieur… en tout cas, il était encore très pavé… et très métallique.

Un grand gaillard blond les attendait un peu plus loin. Ne restait plus que le cinquième, celui qui avait annoncé pouvoir passer par d’autres ouvertures que les portes du kil.

Ensuite, ils suivraient l’aqueduc sur une bonne partie de la journée avant de le quitter pour rejoindre les zones sauvages… où commenceraient les réelles difficultés.

Dans quoi s’était-elle embarquée…. ? Ah, oui, c’est vrai… un plan foireux.

 
Modification de décor, modification de costume.

Le matin même, lorsque, animé par cette -toujours présente- soif des nouvelles expériences qui te caractérise, et cette -nouvelle- envie d'en Savoir Plus sur ta .. condition de Lanyshsta, tu t'étais pris au jeu de participer à la petite ballade évoquée par ta compagne d'une nuit. Sans lui en parler bien entendu. La Surprise restait un Jeu et un Atout.
Tu t'étais donc retrouvé, songeur, devant ta penderie.

Tes costumes préférés étaient à exclure bien entendu. Inadaptés, trop voyants diraient certains. Précieux, trop salissants aurai-tu rajouté. L'ensemble de la veille, négligé dispersé sur plusieurs meubles dans la chambre, restait une option, quoiqu'encore, peut être un poil élégant.

Ton regard se porte alors sur l'ensemble tout à droite, presque oublié. Souvenir de tes années d'études. Plutôt de tes soirées et escapades nocturnes. Souvenirs de certains bizutages et jeux proscrits. L'ensemble reste bien entendu du sur-mesure et soigné, mais beaucoup plus neutre. Un long manteau en cuir doublé de velours descendant jusqu'au pied, avec un col remontant . Noir profond. Un gilet de même teinte. Et surtout ces précieuses bottes, sans ornements aucun, mais délicieusement discrètes, étanches, et surtout -quitte à négliger l'ostentatoire- qui ne sacrifiait rien au confort.
L'ensemble manquait de gaieté et d'originalité dans les couleurs. Tu avais opté pour une chemise rouge en soie qui viendrait égayer l'ensemble, et dont le reflet dans le miroir venait consoler ta fibre élégante.
Un haut-de forme avec un petit liseré qui viendrait s'accorder avec la chemise.
Une canne, solide.
Ton paquetage avait été préparé selon tes consignes, sans questionnements, avec directive de n'en parler à personne. Hors de question que le Paternel soit accidentellement mis au courant.

Ton petit mot, expédié, demandant quelques jours de congé pour remettre de l'ordre dans tes dossiers administratifs. Vu ta situation au sein du Conseil, on s'en contenterait.



Tu t'es donc retrouvé à l'heure au rendez vous.
Presque en avance, assez néanmoins pour voir arriver l'instant d'après une silhouette désormais bien connue sous toutes coutures. Révérence, grand sourire, tu avais adoré son petit haussement de sourcil perplexe.
Un coup d’œil amusé sur son compagnon et un discret hochement du chef avant que de répondre... ma foi, à une attaque plutôt acerbe.

''L'explication de ma présence très chère? Mais je crois que nous en partageons tous au moins une composante.
L'envie de Savoir. De grappiller certaines informations qui nous sont jusque là, soigneusement éclipsées. D'avoir des Réponses à nos Questions. Et pour cela, je pense que nous sommes tous similaires, nous voulons Être là.''

Ton sourire s'est amoindri, et ton visage sérieux.
Puis retour à la normale.

''Et je dois avouer, que l'excitation de la Nouveauté est une autre raison de ma présence ici. Le Papillon s'en va voleter dans d'autres lieux. Et au vu de là ou nous allons, il serait tellement... indélicat que de vous laisser vous y aventurer seule. Ou presque, excusez moi Monsieur.''

Pensée :

Tes yeux se sont fait interrogateurs, a demi clos.
Tu as pris le formulaire sans rienajouter. Rempli brièvement. Dévissant une de tes bagues, tu avais utilisé le tampon intégré à l'intérieur pour signer le document. Sans mot dire. Mais à nouveau souriant

 
Pas de Derek et la Jade revenait. C’est tout ce que je fus capable de capter. Un espoir, même s’il était mince. Je m’accrochais à celui-ci, tentant d’ignorer la douleur qui déchirait mon bras mais également mon abdomen. Cette bave d’escargot, un truc corrosif…
La nuit restait épaisse. Mon regard se troublait.
Le temps passait. Les escargots suivaient. Je peinais à gagner du terrain. Ce n’était qu’une question de minutes avant que je ne m’écroule de fatigue, succombant face à des bouffeurs de salade géants. Quelle ironie pour un pitre.

Soudain, venu du nulle part, une détonation retenti. Puis une seconde, puis une troisième. Quelque chose éclata. Quoi ? Je n’en savais rien. Je ne voulais pas le savoir. Marcher, continuer d’avancer vers le nord. Un promontoire se distinguait petit à petit. Ce serait l’endroit idéal pour se reposer, panser mes blessures et reprendre des forces.
Était-ce la Vigilante ? Sûrement.
Étais-je le seul à être parvenu, avec elle, à passer la jonction des aqueducs ? Probablement. Je n’avais perçu aucune pensée alertée à proximité ni aucune aide hormis celle de la géante verte. Nous étions seuls.

Je tournais légèrement la tête en direction des deux escargots. L’un rebroussait chemin en direction du cadavre de l’autre. J’étais apparemment tiré d’affaire. Jade ne m’adressa aucune pensée. Peut-être devinait-elle, dans sa grande perspicacité, que ce serait superflu. Je n’avais besoin que de repos, de solitude. Reprendre mes esprits.

Après une bonne demie heure, j'atteignais le promontoire. Je m'écroulais sans sommations contre un rocher poli par les pluies. Ma pipe encore fumante tomba directement dans ma besace. Les yeux à demi clos, je m'efforçais d'avaler un peu d'eau ainsi qu'un peu de viande séchée.
Le sang avait coagulé autour de la plaie mais le résultat ne serait pas fameux, pas avant d'avoir désinfecté le tout. Les alcools de Bragg feraient amplement l'affaire. Mais pas tout de suite.

Une légère lueur blanchâtre enveloppa les doigts de mon bras meurtri. Je crus à une hallucination liée aux herbes que j'avais fumé un peu plus tôt, au départ de ma fuite. En réalité, je compris plus tard que ce n'était qu'un des prémices de mon éveil à venir...
Épuisé, je finis par m'endormir.

 
Un bruit.
Jade ouvrit les yeux. Analyse.
Pas de problème, c'était l'Arlequin qui avait finalement rejoint le promontoire. Il titubait. S'écroula. Lui adressant un message embrouillé, mi balbutié, mi pensé.

La grande Dame Verte a fait tout ce chemin pour sauver son Arlequin.
L'utilité potentielle de l'Arlequin à l'état vivant a été estimée supérieure à celui d'un cadavre.

On aurait pu y voir la marque d'un souverain mépris, ou encore l'expression d'un humour particulièrement corrosif.
Mais ce n'était que l'expression de la plus grande franchise qui soit : il serait probablement plus utile vivant que mort, et elle avait la capacité de le sauver. Elle l'avait donc sauvé. Fin de l'histoire.
Qu'il ai montré des signes précurseurs de perturbations ou qu'elle ai été occupée, et il serait en train d'être lentement digéré, sans que cela la perturbe outre mesure.

L'Arlequin avait perdu de sa superbe en même temps que de sa gouaille. Il avait visiblement besoin de soins, mais ce n'était pas là un domaine où Jade pouvait être d'une grande aide. Émeraude était inadaptée à l'analyse et aux projections tactiques, Jade était inadaptée aux soins. Chacun sa spécialité, une circulation rapide des compétences en assurant l'utilité globale. Le Kil'sin regorgeait de médecins allant du docteur patenté au charlatan, aussi Jade, qui adoptait vis à vis des blessures et des maladies une stratégie simple : ne pas se sentir concernée, n'avait pas eu la nécessité de développer de telles compétences. L'éveil de ses pouvoirs lui avait laissé encore moins d'intérêt pour la question, pouvant désormais subvenir à ses propres moyens.

Il était impossible d'utiliser ses pouvoirs sur autrui, elle avait testé sur un chat. Il fallait donc soigner "naturellement", et c'était un...
Lueur.
Une des plaies les plus vilaines venait de luire, telle de la brume s'échappant des perforations de la peau.
Parfait. Ce n'était visiblement pas encore assez, mais les pouvoirs de l'Arlequin semblaient s'éveiller. Inutile de les contrarier en les rendant inutile.
Si la douleur, l'affaiblissement et la peur de la mort étaient les catalyseurs nécessaires, soit. Elle préférait laisser les choses suivre leur court.

L'Arlequin s'était endormi. Jade déplaça un peu son couchage. Ainsi, si quelque chose ou quelqu'un montait jusqu'à eux, l'Arlequin serait le premier sur la route. Le temps qu'il soit éliminé, elle aurait le temps de s'éveiller.
Jade s'endormit paisiblement.

Ils auraient à parler à leur réveil...

 
Dans mon sommeil, je crus entendre la voix de Jade.
Elle et son Eclipse... Cette expédition était une aubaine. Nous avions des objectifs similaires. En savoir plus, chasser l'information bien que son utilisation future pourrait différer.
Ce Klem nous avait tous appâté en disant pouvoir nous aider, nous faire jouir de son expérience. Il avait visé juste.

Aveuglé, nous nous étions, moi le premier, précipités dans une entreprise intrépide. Certains y avaient perdus la vie, parait-il. D'autres avaient frôlés la mort, comme moi.
Mes pensées virevoltaient sans cohérence.
J'essayais de relier les éléments.

Depuis le départ, il menait le jeu. Et rudement bien. Il distillait les indices à mesure que nous progression, répondant aux questions par des silences. Un bien bel acteur. Nous étions ses marionnettes.
Cette idée me répugnait.

Fort heureusement, je disposais d'une alliée de taille, c'était peu dire. Elle adhérerait probablement à mes principes, ou plutôt à cette absence relative de principes. Après tout, ce garçon là pouvait être déjà mort sans que son géniteur n'en soit tenu au courant. Auquel cas, nous pourrions le faire chanter et, si ses sentiments étaient véritables, tirer de lui quelques vérités.

Mes rêveries s'arrêtèrent brusquement.
Mon avant bras me lançait. Il fallait faire quelque chose, et vite. J'ouvrais péniblement un œil, puis l'autre. L'aube.
La Vigilante était à quelques mètres de là, vraisemblablement endormie. Surprenant.
Délicatement, je levais le morceau de tissu taché de sang. Le picotement s'intensifiait. La brise matinale agissait comme des lames de rasoirs sur la blessure. Je retins un gémissement.
Je tirais une des fioles de Bragg dont l'inscription signifiait à peu de choses près "Boisson pour les mâles, les vrais !", soit un liquide infect qui vous détruirait les intestins à coup sûr. Ça ferait l'affaire. Inspirant profondément, j'en versais une bonne moitié sur la plaie.

oooOOoooooOOOHHH AAHAHAHAHAHHHHAHAH !


Ce qui s'apparentait au départ à un cri se transforma en un rire démentiel.
La douleur fit très rapidement place à un plaisir intense. De quoi filer une demie-molle à un vieillard. Peut-être que l'inscription de Bragg avait un sens tout autre... Quoiqu’il en soit, la trace de crocs avait meilleur mine. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle avait également commencé à cicatriser. Sans onguent ni points de sutures, un rétablissement de ce type était de l'ordre du miracle...A moins que...?
Je jetais un coup d’œil vers Jade.
Impossible.

Je chassais cette drôle d'idée de mon crâne et tâchais de me changer. Un porte bonheur, car c'est ce que j'étais, se devait d'être présentable et ce, quel que soit la situation dans laquelle il se trouve !
J'ajustais donc un nouveau pantalon et enfilais une chemise propre. Losanges gris, carrés blancs et triangles noirs. Un coup de propre sur le chapeau, vérification des grelots et hop, j'étais à nouveau bien beau !
Avec tout ce fracas, il n'en fallu pas plus pour tirer la géante de son sommeil. Elle me fixait d'un air de statue.

Jade : Je repars. Des questions?

Elle en avait de bonnes celle là.
Des questions du type : est-ce que la moitié de l'expédition a finie dévorée par une horde de loup dont notre éclaireur fantomatique aurait du nous avertir la présence? Non, aucunement.
Je lui adressais un grand sourire.

Quand allez-vous enfin avouer, douce Émeraude, que vous vouliez me garder rien que pour vous?

Elle se releva en silence, vérifia sa carabine et son paquetage puis fila en direction du Nord.
Je lui adressais une ultime révérence.

Ne soyez pas timide douce plante bien nourrie, bien que nous ne puissions être le Bariolé d'une seule, nous vous divertirons autant que nous le pourrons !

Où qu'elle aille, je préférais rester ici. Le fortin n'était pas loin. La télépathie nous permettrait de nous retrouver sans peine. Bien que la guérison semble spectaculaire, mon bras en demeurait toujours douloureux. Du temps, j'avais besoin d'un peu de temps.

 
Une fois celle-ci dehors Norlail n'a aucune difficulté à repérer Yloyse qui se trouve être accompagnée d'une personne de plus. Un volontaire Lanyshsta de dernière minute? Norlail hausse les épaules. Et pourquoi pas après tout? Plus l'on est de fou plus on rit. Même si ils n'étaient pas vraiment partis pour se taper une tranche de rigolade. Sans attendre plus de temps il va aux devants de ses compagnons d'aventures. Il arrive rapidement à leur niveau. Il hésite; l'espace d'une seconde, à se présenter sous le nom d'Alrahi Del Baskal mais il se ravise. Ce nom était mal vu par les Lanyshstas de Kil'dara depuis que York Ploug lui avait fait une assez mauvaise publicité. C'est donc sous son vrai nom qu'il se présenterait. Il adopte un ton qui se veut des plus aimables quand il arrive à leur hauteur.

Je suis Norlail; la Chemise Rouge.

Il ne voyait pas trop quoi leur dire d'autre en la circonstance. Il jette juste un petit coup d'œil à chaque membre de l'expédition. La plupart d'entre eux n'ont clairement pas la dégaine d'un aventurier mais les apparences sont parfois trompeuses.

 
La kildarienne était dubitative. Et le terme était faible. Elle attendait donc avec une dose de curiosité certaine l'explication de Jahel. La curiosité ou, plus que ça, le désir de savoir, de comprendre. Oui, c'était des explications qu'elle pouvait comprendre. Il l'avait bien noté, c'était une composante qu'ils partageaient tous et si elle se teintait chez Yloyse d'un désir de mettre en place quelque chose de fonctionnel chez les lanyshstas pour pouvoir ensuite avancer, d'avoir la preuve qu'ils pouvaient agir ensemble, l'envie d'obtenir ces brides d'informations était là. Au moins il semblait presque prendre la situation au sérieux... Presque... Soupir. Doit elle rire ou pleurer ?

Ah... Si... je ne dit pas que c'est une mauvaise raison. Au contraire. Mais nous verrons qui se souciera de sa délicatesse d'ici quelques heures.

Le sourire est légèrement narquois. Non mais elle ne va pas se laisser ranger au rang de poupée fragile et délicate. Elle a sa fierté. Et manque de rougir devant la pensée...

Pensée :

Définitivement pas une pensée sèche.

Pensée :

Non, vraiment pas. Mais au moins, elle n'a pas rougit.



Les portes passées et Hakkart rejoint, un blond robuste les aborda. Ah, l'indication de sa peau avait du suffire. Ca devait bien être le cinquième attendu. Un sourire aimable. Au moins il avait de l'humour puisqu'il avait repris le surnom totalement arbitraire qu'elle lui avait attribué

Enchantée. Yloyse suffira. Nous n'attendions plus que vous pour y aller

Le regards de la jeune femme glissa sur le blond, s'attardant quelques instants sur l'arme à demi visible sous le manteau. Personne ne faisait demi tour ?Elle regarda de nouveau ceux qui l'accompagnaient. Tsenereth, le Blanc Paladin, Jahel et Norlail. Les dès étaient lancés. Soit ils arriveraient à travailler ensemble dans un même but. Soit pas. Dans tout les cas ce serait révélateur.


Tsenereth avait été le premier a abandonner. Ils avaient quitté l’aqueduc depuis une heure pour se plonger dans les terres sauvages et étaient tombés rapidement nez à corne avec des escargots. Les bestioles en elles même n'étaient pas si dangereuses mais la traînée de bave qu'elles laissaient avait empêché la fuite. Ils avaient fini par les pousser à s’éloigner à coup de pierre. La meute de krynann présente un peu plus loin avait convaincue Tsenereth qu'il ne ferait que les ralentir et, rassurée sur le fait qu'il pourrait rejoindre la sécurité de l'aqueduc avant la nuit, elle lui avait recommandé d’être prudent.

C'était un peu apres son départ qu'elle s'était éloignée. Profitant d'une pause des trois autres pour prendre de l'avance et reperer leur chemin. Prendre de l'avance... ça n'avait pas été bien difficile. Elle ne pouvait même pas dire qu'elle n'avait pas vu les krynann... si si, elle les avait vu et avait veillé à ne pas passer sous le vent. La bleuté avait poussé jusqu'au défilé. Qu'elle avait jugé difficile à passer. C'est au moment de revenir vers ses camarades que les choses s'étaient... gâtées ? Le vent avait tourné alors qu'elle était presque arrivée. Et une proie isolée était une proie privilégiée pour ces carnassiers.
Putentraille ! Surtout ne pas les quitter des yeux. Si l'un d'entre eux passait dans son dos, elle était morte. Morte et dévorée. Ou dévorée et morte mais dans les deux cas le résultat n'était pas à son goût.

Le pistolet avait été sorti mais avec son adresse actuelle il ne servirait à rien, sauf à leur faire peur et... la faim surpassait la peur d'une seule bipède. La télépathie se révéla fort pratique. Ses compagnons avaient un peu avancé et l'arrivée massive de Lanyshsta avait surpris les maraudeurs krynann. Suffisamment pour qu'elle profite de l'instant offert.

Une proie seule était une chose. Quatre belliqueuses, c'était moins tentant. Surtout armées. Des coups de dents furent lâchés mais sans conviction avant que les bêtes ne s'enfuient. Ils avaient eut de la chance, la meute n'était pas complète.

Pour ce soir, ils étaient saufs.

pour ce soir ils étaient saufs

 
Jade était effectivement partie vers le nord, attendant de s'être suffisamment éloignée pour envoyer une dernière pensée à l'Arlequin.
Pensée :

Émeraude t'aurais gardée. Peut-être. L'émeraude est transparente, le jade est froid.

Généralement, les variations sur la couleur de sa peau et de ses tenues la laissait de marbre, celles lui assénant un "belle plante" pouvant parfois l'agacer. Mais quelles qu'en soit les circonstances, la mention d’Émeraude avait tendance à lui faire un pincement au coeur.
Ceci dit, elle n'avait pas que cela à faire. Une fois hors de vue de l'Arlequin, elle bifurqua brusquement au sud-est. L'expédition Kil'darienne était arrivée à un point de blocage, visiblement.

Mensonges et erreurs délibérées.
Elle venait de partir plein nord pour aller au sud. Non pas qu'elle n'ai pas confiance en l'Arlequin et qu'elle le soupçonne de vendre sa position à autrui, mais si quelqu'un lui tombait dessus et le torturait, ou était capable de lire dans ses pensées, le petit être ne livrerait rien d'important.
En ajoutant à cela la présence fantomatique du fantomatique et néanmoins très officiel Derek, elle considérait que les chances qu'un observateur extérieur soit capable de dire avec certitude où en était l'expédition du Kil'sin était des plus réduites.
Prévoir une fausse carte livrée à l'expédition Kil'darienne -en oubliant pas de livrer des informations sur la véritable route de façon plus discrète- et elle aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour brouiller les pistes.
A moins qu'un imbécile ne joue le jeu inverse -elle estimait que l'Aveugle ferait un candidat probable pour ce rôle- en ruinant la fragile couverture de chaos qui l'entourait, et elle devrait pouvoir parvenir en sécurité au Fortin.

Mais d'abord, elle avait à faire plus au sud.



Même endroit, où peu s'en fallait, une journée plus tard.
Ou peu s'en fallait.

L'enquête éclair sur la mort d'Adrien Dao avait été des plus instructive. La jonction avec l'expédition du Kil'dara s'était plus avérée un pseudo-sauvetage qu'une prise de contact diplomatique, mais s'était compte-tenu des circonstances étonnement bien déroulée.
La krolanne bleue qui avait visiblement pris autorité sur les autres avait foncée dans la mauvaise direction -par la faute de Jade, troublée suite à un cauchemar- mais été passée, parvenant même à récupérer au passage leur éclaireur qui s'était imprudemment isolé.
Jade était revenue sur ses pas, suivie de peu d'un des deux blondinets du Kil'dara.
Elle n'avait pas pu éliminer tout danger, mais un nouveau traqueur Krynänn embusqué avait péri sous ses balles, et le Kil'darien était visiblement passé sans peine. Parfait.
En tout cas plus parfait que l'état de ses munitions. Il allait falloir stopper les actions de soutien si elle voulait garder une marge de manoeuvre suffisante.

Elle venait juste de s'enquérir de la santé du blondinet rescapé que Klem reprenait la parole.
Celles-ci n'apportaient rien de vraiment nouveau.
Les réactions, en revanche, changeaient totalement la donne.

Certains éléments avaient visiblement décidé de jouer avec les risques pour augmenter les chances de recueillir des informations.
Ce qui était parfaitement compréhensible, à la condition de ne pas jouer avec les risques portant sur les autres.

Indélicatesse due à la stupidité ?Jade aurait pu le penser venant d'un autre interlocuteur. Dans le cas de "Julie", la présomption d'une manoeuvre délibérée était prioritaire.
Dans ce jeu de dupes, un joueur venait d'abattre sa main, et le résultat n'était pas plaisant.
Il allait falloir jouer serré...

 
Il y avait des problèmes à la sur-adaptation.
On pouvait facilement qualifier quelqu'un "d'adaptable", dès lors qu'il savait modifier ses plans en cas de bouleversement majeur et en trouver un nouveau viable.
Jade faisait évoluer les siens au moindre soubresaut, au moindre nouveau paramètre, n'hésitant pas à rebâtir une théorie complète depuis le néant pour prendre en compte un nouvel élément et ainsi arriver à une optimisation parfaite -du moins parfaite compte tenu des éléments à disposition.
Cela ne la rendait que très rarement prise au dépourvu, et jamais longtemps. Mais pour chercher l'optimum, elle devait sans cesse analyser, évaluer, comparer.
Et qui dit comparaison incessante dit capacité automatique à évaluer quand un paramètre pouvait être considéré comme nuisible...

Ce qui expliquait que, bien au delà de l'agacement qu'aurait pu provoquer l'Aveugle, un sentiment diffus de colère avait saisi Jade.
Modifier des plans n'était rien, une question d'habitude.
Réaliser que les nouveaux étaient moins profitables que les anciens était nettement plus problématique, et elle n'avait pas l'intention de voir se répéter une pareille baisse de cote.
C'est en partie pour cela qu'elle avait transmis des menaces de mort plus ou moins directes à l'encontre de "Julie" à la femme bleue : il fallait tester l'étendue du réseau.
Au moins, cela donnait une compensation à la colère. Jade avait le travers de surestimer ses interlocuteurs, leur prêtant volontiers la capacité d'agir de façon consciente, raisonnée, et d'élaborer des stratégies complexes et torturées.
Il était frustrant de prévoir une dizaine de coups à l'avance et de constater que la partie s'arrêtait au troisième...

En cela "Julie" était intéressante, presque autant que Klem : elle n'avait pas encore du revoir son estimation à la baisse.
Il en restait dommage que l'opposition brutale des deux réduise la probabilité d'union des deux à celle d'une entente secrète, laquelle était faible.
La Gestalt de l'ancien et de l'évolutionniste aurait pu donner un adversaire des plus stimulants.

En attendant... Jade avait du en urgence reprendre une indépendance qui commençait à s'étioler au contact de l'expédition kil'darienne. Garder quelques contacts mais pas plus que le nécessaire.

L'Arlequin. Il restait à ne pas le mettre en danger excessif non plus.

Pensée :

Klem avait-il était cryptique à dessein ?
Il n'avait pas menti, l'accès au fortin était bien tel qu'il l'avait dit. Il avait juste omis de préciser que l'unique chemin d'accès était à moitié dissimulé par le relief, qu'il était aisé de le louper, et de s'enfoncer droit vers le danger.
Inutile de perdre quelqu'un là dedans, qu'il s'agisse de l'Arlequin ou même d'un des Kil'dariens, même si ceux-ci étaient visiblement diversement appréciés au sein même de leur expédition.

L'avance était courte, mais l'importance dans l'avance était le même que celui de la marge d'esquive : elle n'était pas tant dans la taille que dans l'existence.

Elle était seule. Aux aguets. C'est à partir de ce point que divergeaient la plupart des projections.
Car devant Jade se profilait la silhouette massive du Fortin d'Aküra.

 
Les jours avaient passés, plus calmes que ceux du début de l'expédition.
Depuis le promontoire, il était aisé de prévenir les mouvements de ces fichus escargots géants. C'était leur territoire et nul loup n'aurait été assez fou pour tâcher de les y déloger. Les heures s'écoulèrent sans le moindre accroc. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ma blessure bras et mes multiples brûlures étaient à présent complètement guéries. Je notais également, dans un sentiment de grand intérêt et de crainte mélangée, l'apparition chronique de phénomènes lumineux, blanchâtres. Jade l'avait évoqué lors d'un fil télépathique sans parvenir à théoriser la raison de leur apparition.

Je ne partageais pas mon expérience. J'écoutais le tourbillon mais restais muet. La dernière intervention de Klem m'avais laissé perplexe. La Vigilante partageait, semblait-il, mon opinion. Le jeu se poursuivait.
Je plaçais mes maigres pions en vue d'un coup suivant. Qui sait. Les graines, tôt ou tard, finiraient pas germer.

Le contact télépathique de la grande verte me tira de mes théories.
Il était temps d'y aller.

Je vérifiais mon paquetage, ajustais mes vêtements et prenait la route du Fortin.
L'entrée n'était pas évidente à dénicher. Cependant, sans savoir de quelle manière elle s'y prenait, Jade m'envoyait régulièrement des images mentales du cheminement à emprunter. Encore une nouvelle capacité qu'il me faudrait expérimenter, en temps et en heure, pour peu que j'en sois déjà capable.

En peu de temps, j'aperçu l'architecture imposante du Fortin d'Aküra. Non loin de là se dessinait également la silhouette de Jade. Je jetais un coup d’œil autour de moi, projetais mon esprit. Elle paraissait seule. Mieux valait-il se méfier. Ma main droite restait cachée sous mon pardessus, le doigt sur la gâchette du tranquiliseur.

Vers Jade : *Nous voilà. Languissante, la grande dame?*

Aucune trace des autres membres de l'expédition. Le kil'dara était-il discret ou en retard?

 
Il s'était trompé de route et cela lui avait été fatal.
Il n'était pas parti en direction du fortin mais en direction des ruines d'Aschür. Une simple erreur qui aurait pu être vite corrigée. Il aurait même pu en rire. Sauf qu'il était tombé sur un loup et un Racleur d'os. Il aurait pu échapper à une créature mais il avait fallu qu'il y en ait une deuxième. Les coups que les bêtes lui avaient assenées avaient été extrêmement violent et il ne dut son salut qu'à un vieux bâtiment à moitié en ruine à l'intérieur duquel il s'était précipité. Heureusement ces misérables vestiges disposaient encore d'une lourde porte en fer désormais rouillée qu'il avait réussi à fermer juste à temps pour échapper au loup qui semblait déterminé à le dévorer vivant.

L'espace d'un instant il se permet de fermer les yeux. Ses blessures le font souffrir et il n'a qu'une envie: dormir pour ne plus sentir la douleur. Pourtant il se fait violence pour ne pas s'endormir. Piquer du nez pouvait être une erreur fatale au vu des circonstances. Mieux valait s'atteler à stopper les saignements. Décidément il reviendrait à Kil'dara couvert de cicatrices plus ou moins esthétiques. Il fallait croire que sa chair plaisait aux canidés.

Tout en faisant des bandages de fortunes il observe la pièce dans laquelle il se trouve. Elle est grande et pleine de gravas et de débris. La nature y a repris ses droits et la végétation pousse entre les dalles. Le toit a été en partie éventré ce qui est assez pratique pour le moment. Cela permet d'avoir un peu de lumière.

Norlail finit rapidement ses bandages mais il est encore terriblement fatigué. Il tente de lutter contre le sommeil autant qu'il le peut mais sa résistance s'avère tout à fait futile. Il sombre assez rapidement et se retrouve dans un rêve aux allures de délirium. Un rêve de feu et de sang. Un rêve qu'il comprend sans réellement le comprendre. Un rêve dont il est tiré par une pensée de la meneuse de l'expédition Kilsinnite. Sur le coup il ne comprend pas vraiment ce qu'elle lui demande. Un arbre mort mort? Des ruines? Un chemin escarpé? Gnéééééééééééé? Quelques secondes plus tard alors qu'il est déjà un peu moins vaseux il réussit à comprendre le sens du message de la Lanyshsta. Sans vraiment y penser il lui répond sans donner trop de précision sur son état de faiblesse momentané. La réponse de Jade est..intéressante. Du moins elle a le mérite de complétement tirer Norlail de l'état de demi-sommeil dans lequel il était quelques minutes auparavant. Quel était le but de la pensée de cette Lanyshsta? Que cherchait-elle à obtenir de lui? Il ne lui faisait clairement pas confiance mais il ne pouvait se permettre d'ignorer ses dires.

Mais pour le moment telle n'était pas la question. Il devait reprendre des forces pour sortir et éviter les dangers que représentaient le loup et le racleur d'os qui semblaient aussi ne pas avoir eut de repas décent depuis quelques jours. Il avait donc besoin d'aide et même s'il doutait que celle-ci arrive il envoya tout de même une pensée. Pour l'instant il était seul et s'il ne se débrouillait pas trop mal il ne mourait pas bêtement.

 
Finalement les secours étaient arrivés. Yloyse; la krolanne bleue, avait répondu à son appel et s'était directement dirigé vers sa position. En la voyant arriver le loup lui avait immédiatement sauter dessus ce qui lui avait permis de sortir de la bâtisse délabré en courant le plus vite possible. Le Racleur d'os s'était totalement désintéressé de lui, ce qui n'était pas si mal que ça. En revanche le loup avait tenté une fois de plus de lui sauter dessus. Non mais quelle sale bête franchement! Norlail avait assez récupéré et c'est d'un bond sur le côté qu'il évita les mâchoires de la bête qui claquèrent dans le vide. Cette saleté avait bien failli lui arracher la moitié du mollet. Ne restait plus qu'à prendre le bon chemin maintenant. Passant devant Yloyse, il s'arrête quelques instants et lui dit d'une voix sérieuse:

Je te remercie. Je te revaudrais ça.

En réalité il n'était qu'à moitié sérieux car il n'avait pas encore entièrement confiance en elle. D'ailleurs avait-il confiance en un seul des Lanyshstas de cette fichue expédition? A bien y réfléchir seul le costaud qui les avait accompagné et qui était parti à cause de ses réserves d'eaux lui avait à peu près inspirer confiance. Les autres lui semblaient trop être de la race des comploteurs. Mais pouvait-il vraiment leur en vouloir? Assurément non. Cependant mieux ne valait écouter que d'une oreille ce qu'ils disaient. La plupart d'entre eux se contentaient de survivre. Mais certains se positionnaient déjà comme des chefs. Et si certains de ces chefs semblaient réellement vouloir aider leurs semblables, d'autres semblaient vouloir les manipuler, les utiliser à leurs fins. Norlail ne voyait pas de mal à cela. Après il était un être sans scrupule qui gagnait sa vie de manière malhonnête et il lui arrivait même d'être calculateur, ce qu'il avait jusqu'à présent réussit à dissimuler aux autres Lanyshstas.

Rapidement il trouve le vrai chemin, celui caché derrière l'arbre mort. Assez vite il réussit à rejoindre le Papillon qui attend sagement; canne en main. Au loin, l'on pouvait dors et déjà distingué le fortin d'Aküra. Il ne voyait pas encore les kilsinites mais il ne doutait pas qu'il les rejoindrait bientôt.

 
L'approche s'était faite au soleil couchant.
Ce qui aurait sans doute bien fait rire Cal Keran.

D'ailleurs, où en était-il, celui-là ? Avait-il réussi par miracle à se maintenir dans le calme de son appartement, ou était-il déjà sorti ? Probablement la deuxième solution. Au moins n'était-il pas dans son quartier habituel, les risques qu'il soit reconnu -et surtout qu'il soit reconnu en tant que Lanyshsta étant sorti sous le sobriquet de Derek- était minime.
Il avait plus de chances de mettre le feu à la réserve de charbon du rez-de-chaussée que de se faire repérer.
Et encore plus de se mettre dans une situation dangereuse par ses seuls moyens...
Au moins Rhôz était-elle théoriquement dans une relative sécurité.

Ce qui n'était pas forcément son cas à elle.
Le ciel encore clair pour une bonne demi-heure lui permettait de marcher suffisamment vite sans se tordre la cheville, tandis qu'elle bénéficiait déjà de la protection partielle des ombres.
Sitôt qu'elle avait été assez proche du fortin pour pouvoir repérer une silhouette immobile à travers la lunette de son fusil, elle avait quitté le sentier d'approche.
Optimisation : elle ne désirait pas être repérée trop rapidement d'éventuels observateurs, mais n'avait aucune envie de passer une demi-journée à se prémunir d'un risque minoritaire.

Là, elle pouvait se targuer d'être suffisamment discrète pour qu'un observateur en train de faire une ronde de routine ne la voit pas. Par contre, un guetteur talentueux qui savait qu'il allait avoir de la visite ne la louperait pas...
Elle s'était approchée à travers les broussailles épaisses. Une fois encore, un choix à faire. Que les autres se basent sur la vue, et son approche courte portée passerait inaperçue. Par contre le niveau sonore permettait d'entendre les branches fines se cassant à son passage, et quelqu'un d'un tant soit peu attentif remarquerait que les quelques bourrasques n'étaient pas cohérentes avec les sons entendus.

Il y avait sans doute plusieurs accès. Le plus logique, le plus immédiat, serait par le sud-ouest, suivre le chemin puis grimper une pente abrupte jusqu'à une entrée probable.
"Ruine" n'était pas un mot adapté pour le fortin, mais "parfait état" non plus.
S'approcher par la face nord afin de trouver un passage à l'arrière pouvait s'avérer payant, et c'était un chemin plus long, mais également très logique.

C'est pourquoi Jade avait contourné l'édifice afin de l'aborder par le sud-est.
S'il n'y avait pas de danger, il n'y avait pas de danger. S'il y avait des crétins, il n'y avait pas de réel danger.
Autant prévoir le pire, et s'adapter au cas de personnes intelligentes et bien renseignées.
Elle était logique. Purement logique. C'était un fait connu.
Donc, dans le cadre de personnes intelligente, tout choix logique serait couvert.
Le pire des choix possible aussi, car confronté à l'hypothèse d'un comportement évaluable, il était envisageable de choisir le dernier des cas couverts.
Jade voulait arriver là où on ne l'attendait pas, elle avait donc sélectionner plusieurs méthodes oscillant entre "convenable" et "médiocre" pour en tirer une au hasard. Introduction d'un élément chaotique afin de ne pas être prévue.
Bien sûr, il était possible que les résidents potentiels aient la capacité de surveiller parfaitement l'intégralité des accès, mais il était aussi possible que Cal Keran lui obéisse et ne fasse pas de vagues.
Certaines hypothèses était simplement trop étranges pour être crédibles.

Donc issue aléatoirement choisie : sud-est. Par un mur à escalader. Jade s'y attela, dans le noir.
Les pierres étaient disjointes par endroit, c'était assez facile de se...



Ah. Bien bien bien. L'escalade dans le noir, ce n'était pas idéal. C'était plus du domaine de Onyx.
Bon, trouver un renfoncement d'où la lumière de la guérison ne serait pas visible, et réétudier la faisabilité de l'accès...

 


Le lieu était pour le moins...
Abandonné ? Inhospitalier ? Lugubre ?
Inquiétant...

A leur arrivée, la silhouette du fortin se dessinant dans le lointain, les membres de l'expédition pouvaient constater que la vie animale se résumait presque à quelques limaces sur le sol.
Aucun bruit. Aucun bruissement dans les feuillages.
Juste quelques oiseaux de mauvais augure qui planaient loin au dessus de la tour centrale, seul vestige pas trop en ruine...

Une atmosphère délétère émanait du Fortin et de ses alentours.
Nulle trace de présence, Krynänn ou autre.
Pas de chemin récemment emprunté.
Pas d'odeur de feu de camp.

Rien...

Difficile d'imaginer un gamin venir ici, même accompagné de Krynänns.
Difficile aussi d'imaginer les raisons qui avaient pu faire croire à Klem que son fils pouvait s'être rendu ici...

Tout en ce lieu respirait la mort et l'abandon.
Pourtant...
Peu après leur arrivée, et la chute magistrale de Jade, un faible tintement semble provenir de l'intérieur des ruines.
Un tintement ?

Ou un signal d'alerte ?...

 
Un signal. Quelque chose, en tout cas, qui avait réagit. Et...



Non, plus rien. En se les débouchant, le son revenait, quoique en train de mourir légèrement.

Il y avait des minuscules éléments, dont on avait tendance à se dire "ce n'est pas important" ou "c'est intéressant, mais j'ignore quoi en faire".
Tout élément gardait en soi une trace de ce dont il était issu, et une étude d'un grain de sable permettait de déduire la mer. Si on regardait d'assez près et assez bien...
Pour l'instant, Jade n'avait qu'un unique son, mais elle était bien décidée à le décortiquer au mieux, à en tirer tout les éléments intéressants.

C'était donc un son purement physique, pas une forme de cri télépathique destiné aux seuls Lanyshstas.
Même si rien n'empêcher un Lanyshsta d'entendre un son purement classique, forcément...

Le son s'amenuisait, disparaissait... Quand soudain il repartit, reprenant son amplitude d'un coup alors que ses échos semblaient sur le point de s'éteindre. Aucune variation, ce n'était donc vraisemblablement pas un élément de détection active, mais répétition, ce n'était donc pas une simple coïncidence.
Jade attendit un peu, le temps que le son reprenne son ampleur une troisième fois. Puis elle commença à s'éloigner du fortin.
Oui, le son s'atténuait lorsqu'on s'éloignait, il n'était donc pas une manifestation généralisée.

Une balise ? Un appât ?
En tout cas c'était physique, volontaire, et issu d'un point localisé. C'était un début.

Elle attendit près de deux minutes sur place, étudiant le rythme du tintement.
Il était régulier. Excessivement régulier. Origine mécanique, ou personne ayant assez de discipline pour adopter un rythme mécanique.

Jade commença à longer le mur du fortin. Il fallait désormais évaluer l'atténuation du son selon les endroits du fortin.
S'il s'atténuait très vite, c'était un son localisé proche de l'endroit où il s'était déclenché. Peut-être une sorte d'alarme. Il conviendrait alors de savoir à quoi elle était sensible. Chaleur ? Son ? Vibration ? La télépathie avait été écartée en tant que récepteur, elle pouvait sans doute l'être en tant que déclencheur.
Restait aussi la sorcellerie... Mais elle préférait avoir à le tester le plus tard possible.

Si le son ne s'atténuait pas, par contre, ou très peu, c'est que les variations de configuration interne étaient négligeables, de même que la distance. Comme un son puissant mais émis en sous-sol.
Il était trop aigu pour cela, mais... La régularité se retrouvait dans les puissantes sonneries d'alarmes de certaines manufactures : un son monocorde, régulièrement réactivé, afin de prévenir d'un danger, comme le déplacement d'une énorme masse.
Ce pouvait être n'importe quoi, depuis l'alarme au protocole d'activation d'une machine colossale, en passant par le piège.

Jade entreprit donc son contournement, l'oreille aux aguets, afin d'essayer d'éliminer quelques pistes.
Et les yeux ouverts, aussi. Mieux valait une progression lente et sûre qu'une analyse rapide et une cheville foulée. Ou que de tomber dans un piège.

Pas après pas, Jade continuait son analyse externe, le tintement poursuivant sa perpétuelle activation.

 
La nuit n’avait rien apporté de nouveau si ce n’était le départ d’Hakkart. Que l’excuse de son frère soit véridique ou non, cela ne changeait pas grand-chose. Il rentrerait au kil au petit matin, les laissant avancer seuls.

Passer de cinq à quatre puis de quatre à trois ne l’enchantait pas. Seuls, ils étaient vulnérable à des dangers qui s’ils avaient été plus nombreux n’auraient pas été gênants. L’un des kilsinites était mort. Ou du moins considérait qu’il l’avait été. Elle n’avait pas pour l’heure les moyens de trancher. Si elle se basait sur leur propre expérience, il était peu probable que l’expédition du kil’sin n’ai pas eut de désistement. Ils devaient donc être deux ou trois restants si elle se fiait aux cinq annoncés par Jade.

Avait-elle mentit ? Peut-être mais probablement pas pour dissimuler des volontaires supplémentaires. Ils n’étaient pas si nombreux qu’elle puisse se permettre d’en emmener un grand nombre si cela devait impliquer une absence d’investissement à la place du Martel.

Ils seraient donc 5 ou 6 au total pour le fortin d’Akura.

Jahel avait proposé au matin de vérifier le passage du défilé avant qu’ils ne s’y engagent. Les kildariens étaient inconscients du fait qu’une meute de traqueurs krynann l’avait rejoint durant la nuit après avoir croisé les kilsinites. Yloyse ne reçut l’avertissement qu’après que le dandy l’ai averti un peu paniqué (sa pensée paraissait mal assurée) avoir sauvé de justesse ses mollets…. Les bêtes attendaient maintenant impatiemment qu’il daigne descendre de l’arbre où il s’était réfugié. Il la prévenait d’ailleurs que, pour corser les choses, quelques-unes s’étaient éloignées, comme pour remonter sa piste et qu’en conséquence, les deux lanyshstas risquaient d’être également au menu.

Merci beaucoup Jahel.

Le constat était simple. Malgré les étincelles qui avaient crépitées la veille au bout de ses doigts, Yloyse n’était pas encore capable de le sauver seule. Norlail n’était pas non plus opérationnel. Il fallait contacter les kilsinites, ne serait-ce que pour savoir où ils en étaient, s’ils avaient d’autres surprises semblables et réagir en conséquence.

La réponse fut rapide et instructive. Ils considéraient le défilé comme condamné. Un peu tard pour prévenir songeât la bleuté, sans compter qu’elle n’entendait pas sacrifier son papillon sans sourciller. Informer les kildariens de la teneur de l’échange… non. Indiquer le nouveau trajet apparemment sain à suivre au blondinet était une chose mais elle ne transmit rien quant à l’abandon suggéré de leur éclaireur. Pistonnade ! Elle irait le chercher elle-même si besoin, dès lors qu’elle en serait de nouveau capable. Quelques étincelles crépitèrent de nouveau. Hors de question de le laisser ainsi, ou alors autant abandonner directement toute velléité de mettre en place un groupe fonctionnel.

L’arrivée de Jade avait permis de débloquer la situation. La bleue l’avait repéré rapidement et les coups de feu provoquant la débandade de la meute de krynann avaient laissé un moment de flou. Les carnassiers étaient pris au dépourvu. Une pensée avait filée. Jahel lui avait confirmé que, la meute contournée, le passage du défilé était libre. Elle avait saisi l’occasion. L’erreur de Jade l’avait au final arrangée (lui permettant de ne pas se fatiguer à devoir expliquer à la Verte qu’elle allait récupérer son éclaireur, que ça lui plaise ou non) et Yloyse, assurée d’avoir le champ libre une fois passée la meute désemparé avait couru.

Jahel, prévenu et prêt à sauter de son arbre dès qu’elle passerait pour lui emboiter le pas avait suivi et les deux lanyshsta, l’adrénaline jouant, avaient traversés le défilé sans s’arrêter. Les traqueurs, sans chef, n’avaient pas osés les suivre. Et les étincelles avaient fait plus que simplement crépiter.

Les pas d’Yloyse s’étaient faits plus légers. Elle avait repris instinctivement une course plus légère, moins lourde se retenant de pousser un grand éclat de rire. Elle se sentait de nouveau complète.

Plus tard, ils se posèrent quelques heures. De longues heures. Le chemin vers le fortin était aisément visible et rien ne s’y cachait mais les deux kildariens avaient choisi d’attendre Norlail. Ils avaient discutés, rit. Yloyse avait également profité de ces heures pour tester. Elle se sentait… bien. Ressentait surtout ce qui l’entourait mais aussi chacun de ses muscles, chacune de ses articulations avec une intensité qu’elle n’avait encore jamais connu. Tout comme l’énergie qui la parcourait.

Qu’elle pouvait diriger vers son corps endoloris pour l’apaiser, le reposer…. Reconstruire….



Les choses s’étaient accélérées. Une simple remarque, du bon sens et tout s’était emballé. Yloyse soupira, s’interrogeant sur ses vis-à-vis. Etait-il possible d’être aussi analytique et structuré et pourtant aussi… sensible ? Le terme n’était pas bon pourtant il semblait à la lanyshsta qu’une montagne se fondait sur une motte de pierre. Le problème songeât elle reposait sur l’incapacité de considérer autrui comme valable et donc d’agir avec autrui et non pas malgré autrui. Ne voir que des rapports de force devait être fatiguant. Trop rigide à son goût. Et le problème venait des répercussions évidentes… La verte était-elle donc incapable de prendre en compte la susceptibilité d’autrui ? La bleue allait donc devoir réagir. Certaines choses qu’elle avait prévu de garder ne pourraient l’être.

Sa propre façon de faire différait. Le contact était la clé. Les discussions. Les liens tissés avec tous ceux qui avaient éveillés son intérêt. L’intérêt porté à ces lanyshstas. C’était autant de pierres qui pouvaient être reliés pour avoir une vision d’ensemble. Et avancer. Pour créer une communauté, elle ne pouvait se permettre d’agir seule.

Et au vu de ce qu’elle apprenait, Jade avait commis une erreur. Elle était trop émotive. Beaucoup trop. Les pensées continuèrent à fuser tandis qu’elle s’informait.



Un appel à l’aide supplémentaire la poussa à se relever. Son poussin manquant avait réussi à se perdre. Retourner le chercher ne fut pas très long et elle haussa les épaules lorsqu’il la remercia. Elle pouvait le faire sans que cela ne soit trop problématique donc elle l’avait fait. Point final.

Et, tandis qu’il s’élançait de nouveau (s’il voulait aller se tordre une cheville en gambadant en montagne, grand bien lui fasse), Yloyse et Jahel contemplèrent le fortin. Et le kilsinite à son pied.

Tous entendirent un léger tintement…

 
Pas de modification concluante.
Si le son avait été parfaitement constant, sans doute aurait-elle pu en tirer quelque chose de plus précis, mais là, avec ses variations d'intensité, bien que régulière, et le vent, quoique des plus légers, il était difficile d'en tirer grand chose.
Un point important, ceci dit, était ce qu'il y avait, et ce qu'il n'y avait pas.
Il n'y avait eu aucun autre bruit.
Aucun autre bruit.
Parfaitement compréhensible de la part de chasseurs attentifs ou de bêtes dressées, mais pas de la part d'animaux sauvages.
Malgré le mauvais état, l'endroit restait une protection, et malgré l'état correct, il restait des points de passage en hauteur.
Conclusion : il aurait du être colonisé par des oiseaux sauvages, s'il était à l'abandon. Oiseaux sauvages qui auraient réagit au bruit, même légèrement.

L'endroit était dépourvu d'oiseaux sauvages, soit parce qu'il était régulièrement habité, soit parce qu'il émettait quelque chose -radiations, champ de répulsion olfactif, électrique, autre chose- qui en éloignait toute vie.
Plutôt la deuxième solution, en fait. Il suffisait de regarder l'état de la faune alentours : inexistant.
Quelque chose d'hostile à la vie était ici.

Le son entendu pouvait d'ailleurs être cela : le lent sifflement d'une machine produisant des ondes de destruction de vie.
Sans variation notable, deux hypothèses s'opposaient :
- La présence de plusieurs petits dispositifs synchrones disposés de façon à créer un maillage du fortin.
- Un unique dispositif massif perceptible partout.

Les deux cas avaient, quelque soit la fonction poursuivie, des avantages et des inconvénients.
Mais avant de savoir quoi faire, il fallait des données -ou des non-données dont elle pourrait tirer des données- supplémentaires.
Il fallait contacter Klem directement -de toutes façons les conséquences d'une telle démarche étaient des plus amoindries depuis que "Julie" avait mis les pieds dans le plat, espérant sans doute lui tirer les vers du nez.
La solution offensive, c'était comme les menaces : parfait, quand on avait le moyen de ses ambitions. Là, elle avait visiblement surévalué sa propre capacité à faire pression, et comme prévu, "Klem" avait réagi de la façon la plus simple : en faisant la sourde oreille. Elle n'avait rien -ou alors seulement peu, si elle avait poursuivit son offensive de façon plus discrète et avec plus de finesse- obtenu de la part de Klem, et avait surtout brisé un atout vis à vis d'un interlocuteur non dévoilé.
Ce qui ne changeait rien pour elle, bien au chaud au Kil'sin. Et peu de choses pour Jade et l'expédition du Fortin.
Par contre cela risquait d'altérer grandement l'expédition du Kil'dé. C'était comme briser une statue exquise : au delà du bien et du mal, notions on ne peu plus relatives, il y avait le gâchis. Le gâchis n'était pas pardonnable, d'autant plus qu'il était rarement le fait du hasard, plus une inclinaison de la personnalité.

Mais quoiqu'il en soit, quelle qu'en soit l'interprétation, c'était encore autre chose, une chose dont la nature était impossible à nier, quelle que soit le point de vue : c'était un fait.

Et les faits étaient exploitables.
Contacter Klem, donc.

Autre fait à vérifier mais dont l'extrapolation était de l'ordre de la quasi-certitude -à moins d'une nouvelle erreur d'aiguillage, mais si tel était le cas, l'utilité de l'expédition kil'darienne serait à réévaluer- : les membres rescapés de l'expédition du Fortin devaient être arrivés.
Inutile de communiquer sur le tintement : ils l'entendraient bien eux-même. Et choisiraient ou non de demander des informations complémentaires dessus. Ce qui serait une information en soit...