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Structure
 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Merakih 23 Astawir 814 à 23h01
 
...et des brins naissent les filaments, les filaments engendrent les cordes, les cordes engendrent les réseaux et des réseaux naissent les structure.
Mais de quoi naissent les brins? Jusqu'où peut-on aller dans la décomposition des structures pour trouver le néant, le vide? Distinguer ce qui de ce qui n'est pas? A quoi appartient le rêve? Au néant ou à la structure? Ou fait-il partie de cette masse de chose qui assure la continuité entre les deux? Car tout est continu n'est-ce pas? C'est ce que dit l'intuition, c'est ce que dicte la loi, la loi de la nature, qui insinue la raison analogique à l'esprit de chaque être.

Le temps ; c'est comme ça qu'ils l'appellent. Ce grand faiseur du continu ; on en fait une banalité, mais au final, il est véritable monarque. Il fait tomber les Krolannes en poussière, oxyde les métaux, fait choir les murs...

Qu'est-ce que l'être? L'être est-il, seulement? Peut-on parler de "moi" comme d'une entité intègre de corps et d'esprit ou parle-t-on de "lui", cette chose qui est et dicte, portée par un corps et des pulsions qui lui sont conflictuelles? Ou n'est-il que cet enchevêtrement de réseaux et de forces qui ne marquent que la cohérence de ce qui essaie d'exister entre le tout et le vide?

Tout est une question de perspective. Tout à son explication.

Mais ici, problème se pose. Il y a autre chose... Etre ne se côtoie plus uniquement avec Néant et Tout. Une interférence parait dans ce réseau bien tissé, dans cette architecture bien ficelée... Les brins se déchirent la structure s'effondre, quelque chose - c'est indéfinissable est là. Ce n'est pas une crainte, ce n'est pas irrationnel.
C'est axiomatique, auto-induit par l'évidence même. Et cela est fort problématique, car d'ordinaire, l'évidence même donne à cette chose le nom de folie. Suis-je fou? Ou touche-t-on là à un problème nouveau? Rien n'est nouveau... L'on ne battit son savoir que sur des fondations. Fondations, structures, réseaux, cordes, brins. Le modèle est incohérent... Il y a quelque chose, un chaos, là où il ne devrait y avoir que de l'ordre, du vide.


***

Vic leva un oeil, las, harassé de cette fatigue des jours brulants ; il avait dormi longtemps, dehors, le jour pointé son museau doré. Il se massa les paupières, ses yeux, secs, brulaient ; il prit ses lunettes, sur la table de nuit, et soupira. La douleur de la veille ne l'avait pas quitté à travers la nuit... De quoi avait-il rêvé déjà ; le vide, son vide, une série de réflexions sans sens qui entraient en conflit et... Il avait soif, but une gorgée d'eau de la gourde au pied de son lit, sa bonne vieille gourde de chantier, s'assit et attendit que les vertiges s'en aillent, la tête entre les mains.
Il y avait autre chose ; un rêve était une harmonie qui piochait aléatoirement dans le chaos des sensations et des acquis. Seulement, là, quelque chose d'autre était venu pertur... Oh ! Il était en retard ! Le chef avait réunion pour le projet d'urbanisme dans les bas-fonds. Ni une, ni deux, il empila les ébauches de sa veillée, de sa grande table et fila en claqu...

N'ayez crainte.
Respirez à fond.
Expirez.
Faites le vide dans vos pensées.
Et répondez.




 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Vayang 25 Astawir 814 à 09h47
 
Une choppe d'alcool sur la table. Crayon, mètre, tournevis, bandeau de reconnaissance. Et des cartes, des cartes, des cartes. La main de Vic balaya ce charmant paysage. Une gorgée de bière, du papier vierge. Crayon. 10 mines différentes ; distinguer l'important du superflu.
Un mot, central. Lanyshsta.

Vic posa son crayon et se massa les tempes... La tête le faisait affreusement souffrir. Il avait ressenti la présence de la chose par les voix ; les autres voix. Cette part de son esprit contenait des souvenirs qui ne lui appartenaient pas. Il traça une ligne. Plaça le "moi" à l'extrémité.Traça deuxième ligne et plaça "l'autre" à l'extrémité. Il se sentait suivi par une créature intangible. Connecté plus précisément. Il lia les deux points... Nota sur la branche "souvenirs, mémoire".

Qu'était-il en train de faire?.. Essayer de justifier l'injustifiable, une situation catastrophique qui avait croisé son destin? Le Kil'dara était réputé pour sa tolérance des abominations. "A la moulinette" comme disait sa grand-mère quand il était petit. Ces gens là étaient considérés comme des ennemis publics. Dangereux. Instables. Tout le monde en avait peur et le monde eut été meilleure sans eux pour le gangréner. ça c'était ce qui avait été établi AVANT. Les conditions initiales avaient changé. Victorion Averson était dornénavant un Lanyshsta, et non plus un simple citoyen du Kil'dara.. Cette simple situation faisait de lui un paria...

Paria. A moins que nul ne le sache ; après tout. Vic regarda ses mains, jeta un bref coup d'oeil au miroir, en biais, à côté de la penderie. Rien ne s'était physiquement manifesté. Il était le même ; il n'y avait aucune raison de s'inquiéter si les choses en restaient là. Sauf que...
Sauf qu'il avait laissé échapper, un instant ses pensées ; elles étaient venues faire de l'écho à d'autres qui... Il faudrait qu'il fasse attention dorénavant... Très attention. Jade avait raison... Il fallait mieux faire un pari sur le long terme. Faire confiance... Car sans allié le moment venu, le moment où Ceci aurait une manifestation concrète et physique, visible de tous, la résultante serait sans appel.

L'oblitération, pure et simple.



 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Sukra 9 Agur 814 à 22h33
 
Tu as l'air fatigué ces derniers temps, tout va bien?

Rose paraissait inquiète ; Vic se frotta les paupières et se redressa ; il s'était endormi encore une fois sur son travail. Plus de vraie nuit depuis une semaine. Le massacre de ce Lanyshsta en public sous les harangues de la foule le tenait éveillé des heures durant alors que la nuit était déjà tombée depuis longtemps.

Tu as une sale tête, Vic... Tu veux en parler?

Comment en parler, à qui en parler? Quand on est une abomination, que l'on se sent traqué, comment ne point se sentir isolé? Malgré l'aide aimable que lui proposait sa collègue, Vic savait qu'une confession de trop ne le mènerait non point à l'échafaud mais à l'abattoir. Continuer toute activité, faire comme si de rien n'était.

C'est ce projet, Rose... Ça n'avance pas...

Rose jeta un regard circonspect aux feuilles posées sur sa table imprimée, les parcourut rapidement, le regarda sceptique, lui posa la main sur l'épaule, pleine de compassion, et sortit de la pièce lentement en soufflant :

Sérieusement, Vic... Va dormir un peu... J'ai l'impression que tu perds la boule.

Vic baissa les yeux sur sa grande feuille de papier, les écarquilla, lui-même surpris... C'étaient les contours d'un Krolanne qu'il avait dessiné là. Les contours d'un Krolanne, sa structure osseuse, son architecture interne. Il leva un oeil... Vrai, il était allé effectuer quelques recherches à la Bibliothèque Universelle, la veille... "Anatomie de la matière vivante - tome 1 - Krolannes", pavé de nombres de pages trônait sur son bureau... Ce qui lui avait servi d'oreiller; Vic le sentait... Depuis qu'il avait conscience de sa condition, de nombreux fourmillements, souffles, courbatures traversaient son être en permanence à l'improviste. Il sentait ces étranges décharges décrire une carte, lui montrer une voie, un forme d'équilibre qui fluait et refluait au sein de son corps.

Vic se pencha sur ses schémas. Non.

En essayant de les recouper, ces chemins, ces réseaux de décharges, ne correspondaient guère aux schémas prédéfinis par les chercheurs qui avaient rédigé l'ouvrage. Sans espoir il repoussa le livre... Il n'était guère plus avancé, et, en plus, il allait devoir justifier ses recherches auprès de Rose.

Quelle explication?

Oh, au fond, c'était aisé. Se servir des mécanismes de construction du corps humain pour bâtir plus robuste et songer à de nouvelles fonctionnalités architecturales pour le Kil. Ses yeux brillèrent : tout compte fait, l'idée n'était pas si mauvaise... Vic travailla tard se soir là, et dormit bien cette nuit là.

L'espace d'un instant, il avait oublié qu'il était Lanyshsta.



 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Luang 13 Otalir 814 à 19h50
 
Vous dites que vous vous sentez à plat depuis une semaine Averson?

Vic jeta un regard détaché au docteur, le compagnon Strokeüln, et un plus inquiet à l'attirail du médecin, accroché, pendouillant à des crochets plantés dans les poutres de la modeste bicoque. Vic avait la peur au ventre ; s'il découvrait... Mais il devait se faire soigner... Il ne pouvait pas aller travailler dans ces conditions.

Il me semblerait plutôt que vous êtes en surmenage...

Cela faisait-il sens? Surement... Ses pendées étaient vagues et il se sentait perdu, sans boussole quel que soit le registre de sa vie.

Que faites-vous en rentrant le soir?..

Je lis...

`Des traités des grands géomètres des Kil', des traités sur la cosmogonie, l'astrologie, tout ce qui pourrait donner un sens à l'existence de ces créatures que l'on chasse à vue dans les rues, l'aider à la compréhension de soi, de sa place dans l'univers...

... Des traités mathématiques...

Le docteur poussa un long soupir :

Vous devriez vous reposer Vic. Ce n'est pas en pensant au boulot à chaque heure de la journée que vous parviendrez à retrouver la santé... Dormez. Peu importe l'énergie que vous mettez dans votre travail ; sans sommeil, point d'énergie.

Compagnon... Vous ne pensez-pas vous, que le monde, que Syfaria pourrait se réduire à une seule équation? Une équation qui régirait tout, chaque terme, chaque physique, chaque métaphysique? Vous ne pensez pas que les Lanyshstas sont des créatures qui font sens dans ce cosmos et qui y ont leur rôle?

Vic se redressa...

Merci, compagnon, bonne journée à vous...



 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Julung 23 Otalir 814 à 22h31
 
Les heures s'étaient muées en jours, les jours commençaient à arriver à maturité ; bientôt, l’on pourrait retrouver le compte des semaines… Vic s’était fait à sa nouvelle vie, la curiosité l’avait emporté sur l’angoisse, et de nouveau, à défaut d’être Krolanne, au moins se sentait-il encore Kil’darien.

https://www.youtube.com/watch?v=Kkl8U-s3bKE

Le jour, il travaillait, le soir, il méditait, entrait en contact avec ses pairs, par cette nouvelle faculté, ce lieu commun de l’esprit, la télépathie.

Et tard, alors que la soirée avançait, Vic cherchait, il recherchait, dessinait, traçait des croquis, qu’il signait dorénavant de son nouveau nom, le nom du Lanyshsta que lui même s’était octroyé. Endylion dal Balera. Sur le bord de sa table de travail, son masque le dévisageait, trait pour trait, symétrique, mais si vide, si dénué d’expression ; le masque énigmatique, représentation de l’incertitude qui pesait sur son avenir. Depuis quelques semaines, donc, Vic avait tenté de pénétrer les mystères de son propre esprit en remontant jusqu’à la création des idées… Il avait réussi à incarner, comprendre comment donner de la stabilité à cette matière qui régissait la pensée, les idées.

Puis il avait essayé de donner des sens à cette matière, de les relier aux sens de son corps, éprouver une sensation concrète dans ce lieu commun à tous les esprits, donner de la consistance à ces particules, essayer de les faire agripper, atteindre quelque chose, longue vue du marin au milieu du brouillard au coeur de l'esprit… Jusqu’à présent, nulle côte, il lui avait peut-être semblé que quelque chose approchait, éprouver une petite sensation, percevoir une petite perturbation. Mais rien digne d’être noté, de servir de preuve à l’existence d’un lieu, d’une matière, d’une bâtisse au coeur de l’esprit.

Mais comment ! Il fallait bien que toutes ces âmes soient réunies en un seul et même lieu. Vic ne désespéra donc pas et poursuivit ses recherches. Les jours passèrent, encore et encore. Il persévérait. Il se sentait grimpeur sur une parois lisse au dessus du vide dans la nuit noire. En quête d’une prise. D’une prise désespérée.

Il poursuivait son exploration même en plein jour à présent…

Jack et Rose ne semblait plus se faire de soucis. Il était de nouveau le bosseur acharné qu’il avait toujours été au travail. Son petit passage à vide ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Ses projets de postuler au grade de compagnon avaient repris. Jack l’encourageait dans cette voie. Il préférait avoir un associé que de devoir faire souffrir de ses ordres un Krolanne qu’il jugeait compétent. Mais il manquait à Vic une idée. Une idée de génie, un projet qui pousserait un conseil à lui autoriser l’ouverture d’une cellule, de sa Cellule. Cartridge Auburn avait été clair. Si Vic voulait se passer de la anième, il pourrait toujours courir pour obtenir son poste de Compagnon. La vapeur serait donc une condition nécessaire. L’Energie ne plaisantait pas avec la source de puissance. Vic avait eu une idée en voyant l’acquitté Eraz Vecchio. Une idée dérangée… Dérivée de ses pensées de Lanyshsta.

Si le corps était le lieu de l’âme, alors il suffirait de bâtir une structure tout autour pour la préserver si celui-ci venait à faillir?

Vecchio avait été victime des rouages de la politique. Quelqu’un voulait sa place, on s’en est donc débarrassé en lui jetant l’ignominie de nécrophagie sur le dos. Ce soir là, quand Cart était allé se servir une bière et avait croisé la fille aux cheveux bleus, Vic avait conversé avec le paria, qui avait fort apprécié que l’on ne lui parle pas de la sordide affaire dans laquelle il avait été impliqué. Averson, en restant très flou avait demandé, si, dans sa cellule - L’Analyse mortuaire -, Vecchio, quand il en était le compagnon attitré, avait observé certaines singularités du passage de la vie à la mort… Le malheureux compagnon avait esquissé un sourire, lui avait laissé ses coordonnées et ajourné leur rendez-vous.

Vic, qui avait une confiance aveugle en Jack, avait hésité à lui parler de ses projets, mais… In extremis, il s’était retenu ; non pas qu’il doutât de la réaction de Sorfrane, mais, au moment, où il allait ouvrir la bouche… Le nuage particulaire dans son esprit… Qui errait, errait au gré de sa volonté, avait - à cause de quoi? Son stress, son émotion, peut-être... - grandi, s’était intensifié, brûlait, fissurait… Ça… ça… L’esprit de Vic semblait se fendre en deux. Ça voulait sortir… Un effort de volonté, surhumain, et Vic empêcha la vague de douleur de submerger son être. Jack était déjà loin. Il respirait lourdement.

Ça… Avait… Failli… Sortir…
Il ne savait pas quoi…
Mais… ça… Avait… Failli.



 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Luang 10 Nohanur 814 à 20h10
 
***
Endylion dal Balera
-
762 - 812

Mathématicien


Sobre, la pierre mémorielle d’Endylion, dans le mgqu (Mausolée des Grandes Questions de l’Univers) au coeur du centre funéraire, avait plus d’attrait pour Vic Averson que nulle autre. Endylion dal Balera avait posé le lemme de la divergence et de la convergence des corps.


(I) Soit un corps C ancré dans un espace fini de dimension supérieur à 1.

Si C est composé d’au moins un élément ponctuel alors, il existe au moins un espace de dimension infinie, dans lequel C diverge en une infinité d’ondes.

(II) Soit un groupe d’onde O appartenant à un espace de dimension infinie.

Si O est composée d’une infinité d’onde, alors il existe au moins un espace de dimension finie, dans lequel O converge en un corps composé d’un nombre fini d’éléments.


De là suivait une définition :


C est appelé « particule »
O est appelé « vecteur »


Pourquoi Vic avait-il trouvé sens dans ce formalisme mathématique barbare? Pourquoi s’était il trouvé fasciné par les propositions émises par le sieur Endylion? Peut-être parce qu’il y avait trouvé là le moyen de formaliser ce qu’il se passait dans son esprit de Lanyshsta.

Du tourbillon, des idées, il avait créé en un lieu obscure un nuage de particules…
Les particules avaient forcé la porte de son esprit…
Le réel s’en était trouvé changé…



Pensez donc, une table de cuisine.

Vite, Vic s’était remis au travail ; il fallait contrôler le procédé. I devait bien y avoir un moyen de maîtriser cette matière qui, en lui bouillonnait. Il avait reprit la lecture de ses ouvrages… Seul, barricadé chez lui, il expérimentait laborieusement, mais inlassablement.

L’étape suivante fut franchie quand Vic découvrit le formalisme de la goutte d’eau. Cette goute qui tombe et qui, le long du lac forme un cercle parfait, seulement détournée par les obstacles…

Vic assis dans sa chambre, conçu le nuage de particule en le lieu de son esprit comme un lac et les fit s’intensifier, lentement, bouillonner, vibrer, jusqu’à ce qu’elles brisent, enflamment les frontières du spirituel et du réel… Alors il en lâcha une, une seule, au milieu de la nappe.

Vromb



L’onde franchit son esprit, il perçut l’espace d’un instant, leur prolongement, ces liens invisibles qui se formaient avec la réalité. L’espace de cet instant, Vic se sentit en connection avec tous les éléments de son environnement, il perçut chaque angle, chaque porosité des meubles qui l’entouraient, la circonférence et les défauts du pot de fleur sur sa table à manger, l’odeur du fromage dans le garde-manger, le gout du raisin sur le bord de l’armoire, le tranchant des couteaux dans leurs tiroirs entrouverts.

Et mieux, Vic sentit la vie, se sentit ne plus faire qu’un avec elle. Du scarabée qui grimpait le mur, à la chenille qui rampait à même le sol, à la fourmi qui - la vilaine - grattait dans la miche de pain à peine commencée, la plante, dans son peau de terre, posée contre la fenêtre. Il était en symbiose avec tout cela, il… Jamais il ne s’était senti aussi bien… A sa place dans le monde. Il versa une larme de bonheur.



Monstre. ***




 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Luang 15 Dasawar 814 à 22h02
 
***
La fourmi regardait son prédateur, pétrifiée. Un gros tamanoir, bien dodu, bien gras, de son œil bête la toise de ses quelques centaines de pattes de hauteur. Alors l’insecte détale, court de toute sa vitesse vers la fourmilière, espérant passer sous l’obèse animal. La langue fuse s’apprête à la rattraper, quand soudain, l’animal vacille, ralentit.

Un intrus, qu’il n’a pas vu s’approcher. A vrai dire n’était-ce pas un arbre, un arbre qui bougeait ? Vic sent le contact avec l’animal se rompre peu à peu. Le vecteur se détache de son esprit, le lien se brise, il va reprendre sa liberté. En proie à la plus grande panique, le tamanoir s’enfuit. Sans avoir connaissance de la petite vie qu’il vient de sauver, le Lanyshsta s’assit, épuisé contre le tronc de la clairière où il a trouvé refuge.

Maîtriser. Maîtriser. Tout n’est que maîtriser, il voit ces filaments invisibles calculer, rentrer de nouveau en son corps. Expansion de l’âme maifestation de l’esprit. Comment se lier à l’esprit d’un animal. Dans la forêt, il sent maintenant toutes les présences, les moindres microsillons de vie. Ce pourrait être pesant. C’est rafraichissant. Ici, en plein cœur du district botanique nul ne viendrait le déranger, c’était son petit jardin secret. C’était là où il s’entrainait, où il essayait de comprendre. Il avait vu qu’il pouvait toucher les esprits, qu’il pouvait les faire générer de l’énergie brute avec ce brave docteur qui, pour l’expérience, avait servi de cobaye malencontreux. Il apprenait maintenant que tout était lié, qu’il y avait un lien entre chaque vie.

En rigidifiant ce lien, il parvenait à interférer avec le corpus personnel de l’entitée vivante, qui a défaut de se soumettre était gênée par cette présence soudaine. En serrant un peu plus, il avait presque réussi à ankyloser le tamanoir. Ma la débauche d’énergie avait été trop importante. Il s’était effondré alors que l’autre fuyait.

Allons. Son étude des vecteurs avançait. L’on ne peut pas réellement créer, mais l’on peut interagir, voir, comprendre, sentir. C’était déjà un privilège.
***




 
Vic Averson
Aspirant
Kil'dara  
Le Luang 25 Manhur 815 à 23h04
 
*** Tic tac
*Dring*
Les yeux cernés d’Averson peinent à s’ouvrir. Il a l’impression que la sieste a duré des mois. En réalité, non, il a bossé, notre brave architecte. Presque nuit et jour.

Mais revenons à la base, voulez-vous ?

Nous vous avions laissé, brave lecteur, à un déjeuner et à des discussions complotistes au bord d’une table d’un appartement mal famé du Kil’dara. Puis, silence radio, nada, que pouic. Averson avait disparu du jour au lendemain. Il était rentré, chez lui, et avait trouvé Rose, sa chère collègue Rose, feue Rose dont les pétales brulaient et qui maintenant et froide comme sa tombe… Haha… Ridicule.

Je sais tout, lui avait-elle dit, je sais pour ta condition, je sais que tu es Lanyshsta, je t’ai vu… Je t’ai vu faire ces… choses…

Phénomènes lumineux, phonèmes sonores, tout était découvert, et pourtant, elle n’avait rien dit… Elle n’avait rien dit, parce que toi, Vic, tu l’avais embrassé, tu lui as fait voir au-delà du monstre et tu savais qu’elle en brulait depuis des mois… Tu savais que c’était la seule chose à faire. Et entre le monstre et l’amour, elle avait choisi l’amour… Tu lui avais démontré contre le secret que ces choses-là étaient belles. Au-delà du monstre, elle avait vu le poète, tu avais déconstruit son esprit…

Bravo.

Non, mais, sérieusement, bravo, Vic Averson, nombre de tes congénères auraient fini branché au bout d’un lampadaire à ta place… Aussi, tu t’es tût. Vic Averson, prince des lâches, seigneur des ladres avait fermé son esprit. Tatatam, fin de symphonie, Endylion dal Balera s’inclinait face au devoir de discrétion (n’allez pas penser amour, petits malins, on vous voit venir…) et le Lanyshsta redevint l’architecte (non, Krolanne, c’était mort depuis qu’il faisait de la lumière rouge…).
Un complexe pour Kil’dara, les infrastructures d’un musée de la technique. Jack avait récupéré le gros lot ensuite. LE projet, avec un grand P… Admirable, bâtir le squelette d’un de ces temples du savoir du Kil. Projet d’envergure. La bâtisse avait terminé au bout de six-mois la charpente et les bases… C’était deux de moins que prévu… Somme coquette et prime à l’arrivée… Tous ensembles, ils trinquèrent et…

Ce fut cette nuit-là que Rose passa ad machina. Son amour passionné pour Vic les emmena dans ce chantier pour admirer leur travail… Il faisait nuit. Que s’était-il passé déjà, Vic ? Une poutre mal accrochée, vraiment ? Vous qui faites toujours bien votre boulot… Non. Une autre faction du « bien-être » qui plus que jamais avait démérité de son nom. Alors soyons cyniques, voulez-vous, applaudissons.

Encore bravo.

En une nuit, Vic Averson :

- Ton amante est morte, broyée par une poutre
- La bâtisse a récupéré le contrat de « la poutre » pour défaut de fiabilité constaté par le compagnon attitré.

Bon… C’est probablement à ce moment-là que tu as commencé à boire. Ou après la mise en cendre de Rose. Oui, sûrement… Il faut dire que ça ne respirait pas la joie, cette cérémonie. Maman tombe dans les pommes, papa hurle, on l’évacue, nous avons atteint le nec-plus ultra de la misère krolanne. Alors, oui, le début de la picole était justifié…
La nuit, tu perds la raison, tu hurles, tout seul, « Endylion, je te hais, Endylion je te maudis, Endylion, crève, crève, crève !!! ».

Ils savent que Rose et toi vous étiez proches, ils ne savent pas le quart, les malheureux… Rien, rien, rien !!! Et la nuit, Vic rêve d’un œil… Un œil de serpent qui de ses multiples appendices le tronçonne, le scie, le massacre, le découpe en petits morceaux… Ah mais non, Vic, tu vis… Ce sont les tiens, Jack, Rose, ta famille. Monstre… monstre…

Sorfrane prolonge son arrêt de travail… Il ne sait pas… Il ne sait pas qu’il le tue à petits feux…

Le matin tu te réveilles, et vous êtes cinq… Cinq Vics qui se regardent, tous plus misérables les uns que les autres.

*Dring*

Vic ouvre l'oeil… Il émerge va ouvrir la porte, saute au-dessus des bouteilles qui trainent. Dehors, les usines continuent leur inlassable mélodie de taule et de fonte… ça mache, ça gobe, ça vomit… Bienvenue au Kil’dara où le silence n’a pas sa place.
La voisine qui prend des nouvelles, en donne plus qu’elle n’en demande, sans avoir dit un mot, il a déjà refermé la porte, se laisse glisser contre le battant.
Et alors ? Est-ce la fin de Vic Averson ?
Une petite voix retentit dans son esprit, une petite voix qu’il n’avait pas entendu depuis longtemps. Son œil ocre brille faiblement... ***




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