Le Monorail Motorisé Express, que les Kilsinites surnomment couramment Momo-Express, fait partie des transports réguliers entre Kils'in et Kil'dara. S'il sert surtout au transport de marchandises, il part cependant toujours avec une voiture de transport de passagers. Il n'est pas rare d'y trouver des négociants commerciaux ou des représentants plus ou moins officiels de comités. Ayant arrangé une rencontre en Kil'dara avec un certain Endymion (et, elle l'espère, d'autres savants lanyshtas kildariens), Rhôz s'y rend dans la froideur d'un jour de Dasawar pour prendre des billets pour elle et son assistant (auquel elle n'a pas encore pris le réflexe de confier ce genre de petites tâches).

La gare des voyageurs est un petit bâtiment comparé aux grands entrepôts où son chargées et déchargées les marchandises qui transitent entre les sharss. Le genre de lieux qui seraient un paradis pour cambrioleurs s'ils n'étaient jalousement surveillés par des dockers dont les comités sont peu réputés pour leur tendresse et leur compréhension. Rhôz ne s'attarde pas à contempler les grandes bâtisses dans le demi brouillard qui stagne encore en cette fin de matinée. À l'intérieur de la station, elle échappe à la corvée de la file d'attente car elle est seule visiteuse au local de réservation des billets – les voyageurs ne sont jamais si nombreux. Et la voilà bientôt avec deux billets pour le monorail du matin partant le surlendemain.

En présentant son voyage comme nécessaire pour ses recherches sur l'évolution urbaine des sharss, elle a pu justifier son absence et se faire remplacer à l'Institut comitaire. Au moment où elle va se féliciter, sur son chemin du retour, d'avoir réglé toutes les formalités pour le voyage, elle songe à Cal, avec qui elle avait convenu d'aller prochainement faire une exploration des sous-sols de Kil'sin. Elle ne peut décemment pas partir sans l'informer de son absence – ce serait trop bête qu'il prévoie l'excursion juste dans cette période. Heureusement, elle a un moyen très simple de l'avertir...

Pensée :
Elle préfère ne pas entrer plus dans les détails, et surtout ne pas associer Cal à ce voyage, compte tenu de ses liens avec Jade, dont les récents exploits pourraient peser sur les relations avec certains Lanyshtas kildariens.

 
Aucune réponse ne viendra. Alors comme ça, on partait sans lui ? Le branle-bas de combat. Non, elle ne pouvait pas décemment partir sans lui. Mais Jade lui avait dit de rester chez elle ! Il ne comptait plus lui obéir. Mais... Mais pour l'instant il avait promis de...

De...

"Reste discret."

.............

Illumination. Il avait promis ça. Pas de ne pas sortir de la ville. Ou de rester cloitré chez elle. Même si, en toute logique, il était déjà sorti. Non, il pouvait parfaitement accompagner Rhôz. Qui ne voulait peut-être pas de lui.

A moins que... Elle savait qu'il faisait le contraire de ce qu'on lui demandait. Un enfant de cinq ans le comprenait sans problème. Alors une grande femme comme elle. Non, elle VOULAIT qu'il vienne ! Et avait en conséquence dit l'inverse, psychologie inversée, quel talent ! Aussi, moins d'une heure plus tard, c'était un blondinet sans bagage qui débarquait en courant à la station. La rattraper. Bon, raisonner, premier point, où allait-elle ? S'il ne le savait pas, comment acheter le bon billet ?

La réponse tomba du ciel comme un... Controleur inopiné.

"Billet ?"

Blanc. Le blondinet se retourne. Et balance un grand sourire à son vis-à-vis. 1 m 6... 3 ? 4 ? Grosso merdo, sa taille.

CK : "Dans mes bagages. Suivez moi, ça m'arrange de composter."

Le préposé hausse les épaules. Il n'avait que ça à faire. Et le voila qui suit le blondinet, qui s'avance doucement sur le quai, avant de disparaitre à un tournant. Soupir du travailleur.

Et bientôt déconvenu lorsque l'aimable homme passe à la suite du blond voleur. Qui, lui, pose ses doigts sur le manche d'une dague. Se retourne. Et écrase le pommeau directement sur la tempe de l'homme en uniforme.

Pas à dire, la vitesse qu'il développait progressivement devenait un atout non négligeable. Vive la condition de Lanyshta ! A se demander de quoi se plaignait les gens. Et, rapidement, la victime se retrouve en slip. Le blondinet, lui, se retrouve affublé d'un uniforme de la plus belle facture. Ses vêtements ? Abandonné, à l'exception des plaques de cuir de son armure, dissimulées sous l'étoffe. On n'est jamais trop prudent. Et elle avait été conçue par un excellent artisan, chaque pièce parfaitement dissimulée sous les vêtements. Pourquoi s'en priver.

Mais comment trouver l'étudiante. On ferme les yeux. On respre un grand coup. On rouvre. Ok. Titillement incertain. En marche soldat, le voilà qui se dirige vers la marque la plus proche et la plus sensible. Il avait bien flairé, une Lanyshta était là. Une ? Un ? Une, oui, bien sur ! Bien sur...

 
J'ignore encore, à cette heure, qu'on m'a déjà pris un billet aller-retour Kil'Dara-Kil'Sin...
Et c'est heureux ! Si je le savais, j'en vomirais mon petit dej' de rire ! Non franchement, j'ai une tête à payer quoi que ce soit ? Moi ??

Passons : l'important, c'est que j'ai à faire au Kil'Dara. Avant de vous affranchir du pourquoi ou du comment, je dois d'abord visiter la gare, histoire de repérer les lieux et préparer mon voyage clandestin. Je laisse les nazes s'entasser comme des veaux dans le wagon cossu... mon truc, pour ne pas me faire virer, c'est évidemment de voyager planqué dans une voiture de fret !

Allez hop, suivez le guide !

J'entre dans le hangar principal par l'arrière, coté cour, là où les manoeuvres entassent les palettes et les caisses vides prêtes à charger. Bien sûr, l'entrée est toute aussi gardée que les autres, mais je sais y faire : le tout est d'y aller crânement, sans un regard pour le guichetier, en passant sous la tablette de sa guitoune. Je n'en suis pas à mon premier essai - mon dernier passage remonte à la mi-août - et comme d'habitude, ça baigne. Vous êtes toujours là ?

Nous voici dans la place. Les immenses rayonnages, sur votre gauche, servent à stocker les sacs de grain. En face, les cuves accueillent indifféremment du lait, du vin, de l'huile... autant de liquides alimentaires qui sont ensuite transférés dans des barriques (sous ces étagères) pour le transport. Les espèces de plate-formes tournantes munies de cadrans, ce sont des balances à pesée. Mais ce qui m'intéresse, moi, c'est le quai de chargement-déchargement. Par ici (attention ça glisse, il y a de l'eau grasse au sol) :

C'est à ce quai qu'on va s'embarquer clandestinement. Enfin moi, en tout cas : vous faites ce que vous voulez ! Avant de refermer les wagons, vous noterez que les dockers solidarisent les caisses et les barriques avec de lourdes bâches crochetées au plancher... Un espace demeure, entre ces bâches et ce qu'elles protègent : c'est là que je vais m'installer.

Le tout, c'est de sauter rapidement - et subrepticement - par l'arrière de la voiture au moment où les gars lancent la toile de l'avant... attention... maintenant ! Et voilà le travail !

Désormais, il n'y a plus qu'à attendre : l'intérêt de ma méthode, c'est qu'en choisissant un wagon de denrées alimentaires, vous êtes certain de ne pas glander plusieurs jours. Même en hiver, il ne fait pas bon les laisser trainer dehors trop longtemps, sauf à vouloir bouffer des vers ! Cette voiture est sur le départ, je suis sûr de partir dans l'heure ! Et si j'ai les crocs durant le trajet, je n'ai que l'embarras du choix pour me rassasier, eh eh...

Je n'ai plus qu'à m'allonger, peinard, et à taper une petite sieste. Le wagon refermé, je n'entends plus que des bruits assourdis qui ne m'empêcheront pas de dormir... pour me réveiller au Kil'Dara, frais comme un gardon ! Et vous voudriez que je paye...

Hein ? Quoi ? Pourquoi ce voyage ?
Ah oui, je ne vous l'ai pas dit :

Est-ce que j'ai une gueule de touriste ? Non ? En effet : j'y vais pour affaires. J'entends monter un trafic de lait ! Oh ne riez pas... du lait coupé à 10% - de flotte, évidemment - est toujours du lait, juste un poil plus clairet que celui que vous buvez d'ordinaire. Il faut avoir le nez fin pour le distinguer. Sur un bol, ça ne change pas grand-chose mais sur de gros volumes, vous vous beurrez rapidement les couilles, si j'ose m'exprimer ainsi !

C'est ballot, j'avais prévu un dîner de con avec Rictus, dit Ric' - le parrain du gang qui m'accueille - mais j'ai laissé mon Lohan à la maison. Sa bonne tête de vainqueur va me manquer...

Avec lui, foi de matou, j'aurais gagné haut la patte !!

 
Je n'ai pas trouve le chemin de la gare du premier coup, il m'a fallu demander de l'aide a quelques passants... enfin, j'y suis !

J'aimerais pretendre que l'aventure m'excite, mais c'est faux : elle m'inquiete, voila tout. Je ne sais pas pourquoi l'erudite veut visiter le kil'Dara : je ne le lui ai pas demande, de peur... qu'elle me reponde. Alors, lorsque je prends finalement mon billet, apres moultes tergiversations et procrastinations, je ne me sens pas specialement fier...

Deambulant dans le wagon des voyageurs, je finis par trouver ma place : a cote de madame Rose, bien evidemment. Ah, elle n'est pas encore la...

Ben je vais l'attendre, en regardant par la fenetre. Pour passer le temps...

En fait, je vois passer un chat.
Un gros chat noir qui ressemble a Titus...

Ca m'y fait penser : ai-je bien laisse suffisamment de mou dans sa gamelle avant de partir ? Et la fenetre, je l'ai bien entr'ouverte ?

Impossible de m'en souvenir. Bon sang, s'il ne mange pas a sa faim, il va me faire la gueule a mon retour..!

 
Rhôz débarque à la gare avec sa valise de voyage, qu'elle a essayé de ne pas trop surcharger pour son séjour, qu'elle prévoit d'une bonne semaine. Le Momo-Express est déjà à quai. Une petite pensée adressée à Lohan lui permet de savoir qu'il est déjà en voiture. La veille, le sous-comité de Philologie citadine et extra-citadine comparée a confirmé son embauche comme assistant, à l'essai pour quelques mois. Elle espère que ce voyage servira, entre autres, à confirmer auprès du secrétariat l'utilité d'une telle aide.

Le wagon des voyageurs n'est pas vide, mais peu rempli. Elle n'a aucun mal à y retrouver Lohan, assis près d'une fenêtre, fixant l'extérieur d'un air maussade. Elle range sa valise puis le rejoint.

Nous y voilà ! À nous Kil'dara !

Elle sent chez son assistant un enthousiasme plutôt modéré. Elle lui rappelle les grandes lignes de leur voyage : une semaine de recherches dans les bibliothèques kildariennes, avec un temps prévu pour rencontrer des scientifiques du kil ; deux chambres réservées dans un hôtel pour les premières nuits ; du temps prévu aussi pour la visite du kil.

Télépathiquement, elle ajoute les précisions qu'elle ne peut pas communiquer à voix haute au milieu des Krolannes :

Pensée :
Le monorail s'ébranle et commence à avancer. En route !