Après « l'expédition de Jade » et ses dénouements tragiques, sur la route comme sur place, il s'en est organisé une autre vers un site des quartiers abandonnés, quelque part entre Kil'dé et Kil'sin. Bien qu'elle soit probablement revenue maintenant, au souvenir de Rhôz peu de nouvelles en ont été données. Pas de nouvelles dans les Entrelacs psychiques. Pas de nouvelles non plus d'une des expéditionnaires avec laquelle l'Étudiante avait été en contact. Un vieil adage des sharss dit « pas de nouvelles, bonne nouvelle », et si l'on veut bien s'y fier il y a pas lieu de trop s'inquiéter – si l'expédition avait été attaquée, ou si on s'y était cette fois encore entre-tué, il y en aurait sûrement eu des échos télépathiques. La curiosité de Rhôz reste toutefois sur sa faim.

Les deux solutions les plus évidentes seraient évidemment de poser la question dans l'espace psychique commun, ou bien de contacter cette Lanyshta pour l'interroger directement. Mais, trop souvent au goût de la philologue, les questions posées dans les Entrelacs ramènent davantage de spéculations brumeuses ou de querelles d'egos que de réponses concrètes. Quant à cette Naoko, elle s'est jusqu'à présent montrée peu diserte dans leurs discussions télépathiques – jusque sur son nom, même, dont Rhôz n'a pris connaissance que par une indiscrétion publique du vieux Klem. Une discussion face à face serait peut-être plus propice au déliement de langue, mais une proposition de rencontre pourrait être éludée presque aussi facilement qu'une question. Le mieux serait encore de la localiser et de se présenter à elle courtoisement mais inopinément. Et Rhôz pense justement avoir un moyen de la retrouver dans le kil...

Lors de leur visite en Kil'dara, son assistant Lohan Chesmyr (dont elle est d'ailleurs sans nouvelles depuis son retour...) avait magnifiquement démontré la nature fluctuante de ses humeurs (voire l'extrême polyédrisme de sa ou ses personnalités). Lors de l'une de ses crises, il lui avait fallu aller le chercher à l'extérieur des portes du kil, et c'est ainsi qu'elle avait remarqué une curieuse propriété de ses pouvoirs télépathiques : la possibilité de diriger son esprit vers celui d'un autre Lanyshta, non pour lui adresser une parole psychique, mais pour le localiser, ou du moins s'orienter dans sa direction. Jusque-là, Rhôz n'a pas eu l'occasion de se pencher à nouveau sur le phénomène, et il reste possible qu'il ait découlé d'une familiarité particulière entre elle et son assistant, ou de la morphologie psychique très spéciale de ce dernier. Le moment est peut-être venu de retenter l'expérience, en un autre lieu et avec un autre personne, moins familière.

Aussi, un matin, entreprend-elle de projeter une série de petites émissions interrompues en direction de Naoko, afin de voir si cela lui permet de percevoir ou sentir quelque chose. Et effectivement, elle finit par avoir des impressions, d'abord vagues et imprécises – erratiques, même, au tout début. Mais en insistant elle finit par resserrer un arc lui indiquant une direction. Dans la soirée et dans les jours suivants, elle reproduit l'expérience tout en se déplaçant dans Kil'sin, jusqu'à cerner, par une espèce de triangulation, non plus une direction, mais un secteur du côté des Puces Koï, dont elle resserre peu à peu le périmètre. Arrivée en fin de semaine, elle pense avoir repéré dans quelle rue cette Naoko se trouve le plus souvent : probablement son lieu de travail et d'habitation. Comme Rhôz a compris qu'elle est artisane, elle parcourt la rue pour en repérer les ateliers. Il y en a à vrai dire beaucoup dans ce quartier, mais en continuant ses micro-émissions, elle parvient tout de même à circonscrire un bout de rue.

Arrivée à ce point, Rhôz pourrait approfondir ses investigations par une véritable enquête auprès des riverains, usant de faux prétextes, jusqu'à deviner laquelle des artisanes du quartier est celle qu'elle cherche. Mais, en dépit de toute la discrétion qu'elle pourrait y mettre, cela risquerait d'attirer une attention regrettable sur sa future interlocutrice... Le moment est venu d'une approche plus directe.

Naoko ?

C'est moi, Rhôz.

Je crois que je suis au coin de votre rue.

Pourrait-on se voir ?

 
Rentrée a la maison depuis quelques jours elle n'avait pas fait grand chose de son temps qui ne soit intimement lié avec son travail. Elle devait faire ses preuves auprès de son maître pour obtenir qu'il l'assermente en tant que maîtresse artisane indépendante. De là... Avec sa bénédiction lancer le reste de la machinerie serait plus simple. Beaucoup plus simple mais pas réellement simple non plus. L'un des problèmes était qu'elle manquait d'appuis au sein du kil sin. Oh... Il y avait du monde chez les dormeurs. Mais ceux qui avaient rêvé étaient... Peu. Et au final après ces idioties elle avait passé beaucoup plus de temps a réfléchir qu'a tisser des liens. Elle y remédierait bien a un moment ou un autre.

La pensée manqua lui faire tacher de sang l'ouvrage sur lequel elle travaillait. Portant son doigt blessé a sa bouche elle gratifia l'aiguille d'un regard assassin alors qu'elle formulait dans son esprit la réponse qui était sans le moindre doute attendue... Ou plutôt non. Comment diable Rhoz avait-elle pu remonter jusque ici ? Le hasard ? Ce qu'elle avait pu entrevoir de ce rat de bibliothèque ne l'incitait pas a pencher en ce sens... Non. Il devait y avoir quelque chose de lié a leur êtat réciproque. Quelque chose de lié a la télépathie sans aucun doute... Elle avait quelques pistes a ce propos mais ne les avait jamais réellement explorées. Il était probablement temps d'y remédier. Ou d'au moins voir quel était l'idée de base pour pouvoir mettre ça sur l'interminable liste des choses qu'elle devrait peut-être songer, un jour, a effectuer.

Bon... rien ne prouvait qu'elle était effectivement là et de toute manière s'il en était ainsi... Autant faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Pensée :

C'était peu de le dire. La rue sur laquelle donnait l’atelier n'était pas une de ces petites ruelles sinueuses qui prenaient fin dès qu'elles en croisaient une autre. Non. C'était plutôt la rue dans laquelle se jetaient les ruelles en questions. Elle s'étendait sur un peu moins d'un kilomètre... Et le nombre de boutiques et d’ateliers s'y trouvant lui assurait encore une bonne protection dans la mesure ou si elle n'était pas venue frapper a sa porte c'était peut-être faute de pouvoir la trouver avec une précision chirurgicale. A moins que ça ne soit qu'une question de temps. Ou de politesse.

Pensée :

Considérant la goûte de sang qui perlait encore régulièrement a son doigt elle entreprit de vérifier ses notes quand a la suite du travail... Elle allait devoir préparer de la ouate pour faire des côtes d'aspect un peu plus « habillé » que si elle se contentait de replier le tissus a l’intérieur...

 
Une réponse sous forme de questions. Une méfiance tout à fait prévisible. Et après tout, un appel télépathique peut bien venir de n'importe où.

Pensée :
Rhôz se félicite de ne pas avoir tenté de la débusquer directement dans son atelier. Cela l'aurait sans doute nettement plus indisposé.

Pensée :
Après tout, Naoko connaît probablement mieux les endroits du quartier où leur rencontre n'attirera pas l'attention.

 
« Belles salades & bonnes tartines » ? Effectivement. La boutique en question n'était pas bien loin. Le genre d'endroits ou on pouvait sans peine prendre un rapide repas sur le pouce le temps d'une pause. La nourriture y était de qualité, le service minimaliste mais rapide. Pas du tout adapté pour une discutions posée... Cependant la devanture a cette heure (pendant l'une des rares périodes de repos pour ces restaurateurs) ne devait pas particulièrement différer de celle de restaurants plus adaptés pour une conversation privée...

Pensée :

Moui. Une heure était gérable sans éveiller le moindre soupçons du côté de maître Hod. Pour la suite elle se contenterait de dire qu'elle mangeait avec une « amie ». Ce ne serrait pas la première fois qu'elle discutait très longtemps. Et vu le passé de son apprentie, le maître couturier prenait généralement grand soin de ne pas trop fouiller du côté de ses vieilles connaissances. Il y avait une certaine inflexion que Naoko avait fini par savoir mettre sur le mot « ami » lorsqu'il devait être synonyme de « collègue ». Ou plus précisément : « personne aux activités peu recommandables dans le besoin pour une raison ou une autre et disposée a fournir un peu de beur pour d'hypothétiques épinards pour peu qu'on la sorte de la panade ».

En tout cas « la poule » ferait parfaitement l'affaire pour discuter au calme avec la rose... Et pour la danse qui s'annonçait, mieux valait être en parfaite condition... Tant pour des questions de sûreté que pour le simple plaisir personnel. Et rien de mieux que l'ambiance décontracté de ce restaurant ou il ne fallait pas espérer en terme de chaise plus que les coussins (confortables au demeurant) a même le sol disposé devant les tables basses pour se sentir a l'aise... Et puis elle voulait goûter leur nouvelle omelette braisée.

 
Pensée :
Après une petite demi-heure de marche dans le quartier, Rhôz se rend donc à « La poule ou l'œuf ». Elle constate en entrant qu'il n'y a pas encore grand monde à cette heure et que c'est un établissement où l'on s'assied près du sol. Elle se choisit un coussin confortable pour s'installer, dans un coin où elle aura un bonne vue sur l'entrée, sans être visible de la rue, ni trop proche du personnel.

Elle commande un thé fermenté du 'Dara et, tout feuilletant distraitement un manuel de patois (et guettant discrètement l'arrivée Naoko), songe une fois de plus à la discussion qu'elles ne devraient plus tarder à avoir.

 
Elle ne s'était pas pressée plus que nécessaire... Mais elle n'avait pas non plus traîné. Trois quarts d'heures après la fin de l'échange télépathique qu'elle avait eu avec la linguiste, elle sortait de l’atelier. Cinq minutes plus tard elle arrivait devant le restaurant qu'elle avait recommandé. Une heure pour ainsi dire parfaite pour arriver : le patron se préparait pour le rush qui commencerait d'ici un quart d'heure... Les meilleurs plats étaient donc prêts a être servis... Et il n'y aurait pas (ou presque) d'attente.

En entrant elle adressa un sourire chaleureux au serveur (plutôt joli garçon mais ne lui ayant jamais adressé un seul regard laissant entendre que la vue de sa personne lui seyait).

- Pour une fois je ne mange pas toute seule, une amie m'attend... Elle est arrivée ?

Alors même qu'elle se posait la question elle faisait un rapide tour du propriétaire du regard... Bon. Rhoz devait être cette femme. Dans la mesure ou les clientes seules buvant du thé se comptaient sur le doigt d'une main et que son interlocutrice ne lui avait pas l'air d'une malapprise ayant commencé un véritable repas sans son « invitée ». Pour couronner le tout elle lisait ce qui correspondait plutôt bien a l'image qu'elle s'était fait. Sans laisser au serveur le temps de répondre elle enchaina :

- Il semblerait... Pour l'instant... Un thé fouetté... Il vous reste de ce cru... « Algis » ?

Un hochement de tête. Parfait. Elle-même avait fini le sien la semaine passée et vu les circonstances elle estimait que la force de l’arôme de ce thé en poudre serait parfait pour garder les idées claires. Elle se dirigea donc vers la table sans se presser alors que le serveur faisait demi-tour.

Pensée :

A ce rythme elle pourrait changer de direction si Rhôz la démentait sans que ça ne paresse trop étrange.

 
Pensée :
Un contact oculaire complice mais discret confirme à l'une et à l'autre qu'elles sont bien celles qui sont en train de discuter entre elles dans leurs têtes. Ou par-delà. En tout cas autrement que par vibration sonore.

Pensée :
Une fois que l'artisane a presque atteint sa table, Rhôz retourne au canal oral, en évitant d'élever la voix :

Ah, Naoko ! Comment vas-tu ?

C'est ainsi qu'elle saluerait une vieille amie qu'elle ne revoit que de temps à autre. Bien entendu elles se connaissent à peine, en réalité. Il va falloir briser la glace.

 
Un sourire vint fleurir sur ses lèvres a la réponse mentale qui lui était faite... Sérieusement ? Eut-elle assisté a pareil dialogue impliquant d'autres personnes elle aurait presque pu croire à une petite pique séductrice. Mais elle ne se faisait plus d'illusions a ce propos depuis longtemps. Pas une raison cependant de ne pas jouer le jeu.
Élégante ? Le premier adjectif comme ça ? Tu sait la flatterie ne vas pas me rendre mieux disposée pour la suite...

La confirmation ayant été donnée, Naoko achève son trajet un peu plus rapidement pour s'approcher de Rhoz, lui faire la bise puis s’asseoir en face d'elle le plus naturellement du monde.

- Et bien on fait... La routine tu vois ? Qu'es-ce qui t'amène depuis ce temps ?

En parallèle, avec une aisance démontrant une certaine pratique de l'exercice elle continue, mêlant discutions orale et mentale mais n'en délaissant pour l'instant aucune.

Pensée :

Ses quelques hypothèses sur la pratique tournaient autour de la télépathie. Après tout en discutant ainsi avec des gens elle avait déjà eu la sensation de pouvoir indiquer dans quelle direction ils se trouvaient. Rien de précis mais la pratique pouvait tout changer. Les questions qui devraient immédiatement en découler serrait : comment y échapper ? Quelle précision espérer de cette méthode ? Voilà qui rajoutait un pan de la magie Lanystha qu'elle devrait explorer. Pour l'heure elle s'était peut-être un peu trop centrée sur l'infusion. Et même si elle estimait n'avoir plus grand chose a apprendre en la matière elle s'était trop focalisée... Et avait probablement laissé passer d'autres indications. Tant pis.

 
Naoko a embrassé Rhôz avec le plus grand naturel avant de s'installer à la table. L'étudiante espère avoir paru tout aussi à l'aise au yeux d'un éventuel observateur. Elle n'a en tout cas aucune difficulté à tenir une discussion télépathique en même temps qu'orale. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour s'y habituer, ce qui n'est peut-être pas être le cas de tous les Lanyshtas – cela semblait difficile pour Lohan, dans ses phases les plus courantes. Naoko est manifestement à l'aise dans cet exercice.

Tu sais comme les nouvelles circulent. En parlant du bon vieux temps avec Jhängjak, l'autre jour, il m'a dit être tombé sur toi par ici, à la sortie d'un atelier. Ça m'a donné envie de venir prendre des nouvelles.

Jhängjak est le premier nom à lui être venu à l'esprit. Un prénom plutôt banal en Kil'sin, pas de quoi détoner par son originalité et donc attirer l'attention.

Pensée :
Les implications de la chose sont donc en fin de compte très inquiétantes, si l'on songe à l'existence de Lanyshtas plus anciens, ou d'autres créatures psychiquement sensibles.

Pensée :
Est-ce une ombre d'inquiétude qu'elle vient de voir passer le visage de son interlocutrice ? C'était en tout cas très fugace.

Pensée :
Une précision qui peut sûrement s'affiner avec la pratique, mais Rhôz n'en est encore qu'à ses balbutiements dans cette technique.

 
Habituée a tenir deux conversations simultanément. Mais a en juger le ton plutôt du genre a laisser tourner une discussion emplie de platitude en automatique tout en tenant une conversation plus digne d'intérêt. Méthode fiable assurant une bonne discrétion dans les lieux publiques et évitant de s'embrouiller les pinceaux. En terrain inconnu elle aurait probablement pris la même décision mais elle n'avait pas trop a s'en faire. Ici pour sa part elle savait que le patron était du genre a s'assurer que ses serveurs n'écoutent aucune conversations. Mais il y avait la période du rush. Et autant en soirée il lui était arrivé de discuter travail à bras raccourcis, autant là il y avait d'autres clients et toute conversation aurait du être menée a demis mots. Un jeu passionnant mais pas forcément utile.

Restait a décider du personnage qu'elle prendrait. Jouer les gentilles filles ? Ou au contraire laisser paraître un peu de son passé ? Vu comment les choses se dirigeaient la deuxième option s'imposait : après tout elle s'appliquait a reprendre contact depuis un moment.

- Jhängjak ? Vraiment ? Je me disait bien que cette tête de fouine me disait quelque chose... Faudra que j'lui rende visite une de ces nuits.

Ces paroles avaient été prononcées de manière sèche mais amusée. Le tout accompagné d'un regard sinistre laissant entendre que la « visite » ne serrait probablement pas des plus agréables... Elle s’apprêtait a commencer une nouvelle phrase lorsque le serveur vint poser devant elle une théière et une tasse et deux menus.

- Merci. On vas regarder ça. Je vous ferais signe.

Pendant que le serveur s'éloignait et que Naoko se servait sa tasse, elle enchaina :

- Bon et toi du coup ? Toujours a arpenter les rigoles ?

Globalement les explications de Rhoz correspondaient a ce qu'elle avait pu imaginer. Cependant la confirmation était la bienvenue tout comme le ton ouvert qui était employé. Cependant avant de se relâcher elle avait encore certaines réactions a observer. Côtoyer des Lanystha avait tendance a la rendre plus suspicieuse que de se balader avec des assassins. Eux au moins elle savait a quoi s'en tenir. Enfin... En règle générale quelques questions bien senties pouvaient permettre de déterminer la ligne de conduite adaptée. Il y avait un léger risque de provoquer une fuite chez l'autre. Mais la recherche de contact et de soutien semblait un point commun entre tous les Lanysthas récemment éveillés. Un simple instinct grégaire qui leur hurlait qu'ils auraient plus de chance de survivre s'ils n'étaient pas seuls. Les autres... Et bien ils restaient muets sur les entrelacs.

Pensée :

 
À sa façon d'évoquer une visite à « Jhängjak », Rhôz devine chez Naoko une violence latente, froide, enfouie quelque part sous la surface. Une chose ancrée, probablement plus ancienne que son Éveil, qui ne doit pas dater de beaucoup plus que celui de l'étudiante puisqu'elles sont de la même vague. A-t-elle face à elle une psychopathe assassine de plus ? Peut-être seulement un caractère trempé à la dureté des bas-fonds...

Toujours un peu dans les Rigoles, mais je m'essaie à d'autres quartiers, de temps en temps.

Les Rigoles... Pas toujours très marrant, pour ce qu'elle en sait.

Pensée :
Rhôz se saisit du menu tout en poursuivant télépathiquement.

Pensée :

 
La réponse orale de la demoiselle tire un sourire amusé a Naoko. C'est avec un ton malicieux qu'elle répond, continuant cette conversation fictive. A défaut d'être intéressante sur le fond, cette conversation s’avérerait passionnante sur la forme. Rhoz semblait bien s'adapter pour le moment. Agréable surprise... Les tournures de ses pensés l'avait fait crainde de se retrouver confrontée a une informe flasque de guimauve d'un rose pâlichon. Ce qu'elle voyait confirmait l'importance de cette touche de détermination et de réalisme qu'elle avait espéré déceler.

- Bon... Et ça vas ? Tu tiens le coup avec les gens d'la haute ?? … Attend... D'autres quartiers ? Serieux ? T'es allée voir des fanatiques ?

Des yeux, elle parcours le menu. Elle fini par le connaître mais se questionne toujours sur l'entrée... Tout est a base d’œuf, de volailles, de légumes et éventuellement de fromage... Mais il en allait de même pour les plats. Le tout était d'obtenir un sympathique équilibre sur l'ensemble... Et d’expérience elle sait que le choix est cornélien. La première étape est de relire la description exacte de l'omelette braisée dont maître Hod lui avait parlé.

Pensée :

La pensée est... Vide. Pareille a ce qu'on pourrait imaginer de la part d'un joueur d'échec concentré sur la partie en cours. Mais pourtant elle n'est pas... Lisse. Des émotions transitent, brillent mais semblent se délayer dans un... vide.

 
Naoko paraît tout à fait à l'aise dans l'exercice de double conversation. Tout à fait maîtresse d'elle-même et de son discours. Ce qui ne contredit pas les premières impressions de l'étudiante à son sujet.

J'ai un peu enrichi mon horizon, on peut dire cela. Mais je n'ai pas vu beaucoup de fanatiques, non. Seulement quelques outrescientistes. Hum... J'en connais qui demanderaient quelle est la différence.

Dans la partie télépathique, son interlocutrice passe bien vite sur certains détails... De sa réponse il ressort au moins que le vieux Klem n'est peut-être pas un si mauvais bougre – mais qu'il pourrait bien être plus ou moins manipulé par des forces mal définies. Cela vaudrait peut-être la peine, malgré tout, de le rencontrer un jour. Mais Rhôz sent qu'y parvenir ne sera pas évident, car il semblerait que les vieux Lanyshtas préfèrent se cacher.

En revanche, sur la première partie de son exposé, beaucoup de points restent un peu vagues, et intrigants : une brume étrange... une créature avec un masque... des adversaires (au pluriel) ?

Pensée :
Voilà bien des questions... En attendant les réponses de Naoko, l'étudiante se dépêche de faire un choix dans le menu. Un peu au hasard, Rhôz opte pour des « œufs de caille aux cinq parfums », accompagnés de nouilles sautées. La gastronomie lui importe peu en ce jour. Son attention, elle veut la laisser toute à l'échange télépathique.

 


D'un côté la conversation de façade continuait, suivant simplement son cours... Comme on pouvait s'y attendre des rencontres inter-shrass... Comme on pouvait s'y attendre plus de lien avec le kil dara. Globalement les kildéens ne semblaient pas très... Effusifs. Quelque chose qui se retrouvait chez tous ? Ou simplement une tendance chez ceux qui s'étaient éveillés... A moins que les autres éveillés ne soient trop occupés a jouer au hochet dans leur nouvelle maison... Les « soins » pouvaient être impressionnants de ce qu'elle en avait entendu.

- Y'a vraiment une différence ? J'en ai croisé un une fois... T'aurais entendu comme il causait d'la vapeur... Flippant. M'enfin... Faudrait peut-être essayer de monter quelque chose. J'suis sûre qu'on trouverait des débouchés... Pis pour peu que tu leur dise ce qu'ils veulent entendre généralement...

Sharisme primaire comme dirait l'autre. Typiquement le genre de comportement que tu avait tendance a détester. Il n'apportait rien de mieux qu'une recrudescence d'immobilisme. Mais quoi de mieux qu'une respiration pour mieux continuer le jeu ? Voir la réaction... L'éventuelle prise de main ?

Pensée :

 
Chaque kil a ses petites obsessions. Un esprit un peu malin y trouvera toujours quelques ficelles à tirer, n'est-ce pas ?

Vu le tour que prend la conversation de façade, soit Naoko est très inventive, soit une partie de ses relation ont à voir avec la faune interlope du kil... tout comme une bonne moitié des Éveillés que Rhôz pu croiser jusqu'à présent, à vrai dire. Quoi qu'il en soit, cette discussion postiche, par ce qui nourrit spontanément ses sous-entendus, se révèle plus instructive que Rhôz l'aurait cru, dévoilant des fragments de fond d'esprit. Un peu de filouterie, peut-être quelques préjugés, bien que ce ne soit peut-être que pour la façade.

Pensée :
Le serveur vient prendre leurs commandes. Rhôz s'interrompt pour indiquer ce qu'elle prendra, laisse Naoko faire de même, puis reprend.

Pensée :
Tout en la mettant un peu au pied du mur pour la rencontre. Ce qui n'était pas forcément une mesure superflue compte tenu du caractère élusif de leur échanges télépathiques antérieurs.

Pensée :

 


Oralement les choses continuaient leur cours... Rappelant par instant quelques brides de conscience vers ce qui s'y déroulait... Des réponses trop automatiques pouvaient en révéler trop ou au contraire fourvoyer l'étudiante sur sa personne, l'amenant dans une direction plus ou moins inadaptée. Pour l'heure les choses restaient relativement anodines mais... Chaque coup joué pouvait transformer une partie en une autre. Chaque pierre avait son importance.

- Bwarf... J'admire les gens qui s'y consacrent. Perso j'ai tendance a me dire que si on en arrive a jouer de ces foutus leviers c'est que le temps du passage est passé...

Omelette braisée donc... Il était question de fromage de chèvre et de légumes. Soit. L'arrivée du serveur aidant a prendre sa décision finale elle... se jeta :

- Beignets d'ailes de poulet avec leur sauce « caprine » en entrée puis une omelette braisée. Tu veux boire quelque chose toi ? Rien pour moi...

La question plus... Franche n'apporte au final pas grand chose de neuf. Le choix est plus que logique... Et le recours à la présence physique justifiée par cette envie de faire l'essai de cette méthode... A ceci s'ajoutant cette préférence qu'avaient l’immense majorité des Lanystha pour les échanges directes. Voir le visage de son interlocuteur devait rassurer et ce malgré le danger encouru.

Les questions changeaient de sens. C'était de bonne guerre. Et de toute manière les choses allaient sur un terrain plus que confortable.

Pensée :

Elle aurait pu continuer, donner plus de grain a moudre... Guider la conversation. Mais un petit quelque chose lui disait que se laisser porter serrait encore plus informateur. Et puis il y avait cette petite offre dont elles avaient parlé par rapport a cette linguiste... Rien ne pourrait être fait a court terme mais puisque le premier contact avait été dans l'autre sens... Autant en profiter.

 
L'esprit passeur s'étiole sûrement, oui, quand on commence à vouloir tirer des ficelles, dissimuler les choses dans son panier plutôt que les mettre sur l'étal. Enfin, surtout si ça devient systématique... car, malgré tout, nous avons tous et toutes nos parts d'ombre, n'est-ce pas ?

Comme le fait d'être secrètement un Lanyshta... et autres petites histoires personnelles toujours intéressantes à apprendre – mais l'étudiante doute d'obtenir autre chose par voie orale que des sous-entendus, au mieux évocateurs.

Pour la boisson, mon thé me suffit pour le moment.

Trois ans d'artisanat... Son âge semble proche du sien, ce qui laisse ouverte la possibilité d'une période de filouterie dans son adolescence. Rhôz songe à sa propre enfance, un temps aiguillée sur ce genre de voie, avant d'être réorientée, un peu malgré elle, vers l'érudition.

Pensée :

 
Un sourire franc se dessine sur les lèvres de l'artisane... Définitivement cette double conversation est agréable. Et l'esprit affûté de son interlocutrice ne fait, pour une fois, rien pour disjoindre utilité et agrément. Un travers bien trop commun... Plus dans les bas fonds que dans les hautes sphères, certes, mais néanmoins trop commun. Et puis il fallait bien l'admettre : elle-même n'avait plus tellement le choix de ses fréquentations ces derniers temps. Il y avait tellement de choses a éviter... Tellement de choses a observer... Enfin...

- Bwarf... Tu sais l'ombre... ça vas... ça vient. Pis c'est une question de point de vue. Une fois sur deux on fait de l'ombre a sa famille ou on est dans l'ombre de celle-ci... Y'a pourtant rarement de mauvaises intentions a la base nan ?



Alors que le serveur s'éloignait pour transmettre leurs commandes à la cuisine et que, à l'entrée, une nouvelle salve de clients demandait une table, Naoko se livrait mentalement a une activité fort intéressante a plus forte raison lorsqu'elle est rarement pratiquée : elle disait la vérité. Elle qui était habituée a ne pas mentir.

Pensée :

 
Pirouette après pirouette, la discussion orale avance en sautillant d'un sujet à un autre.

Ah ! La cour de Malhaut' était pavée de bonnes intentions, à ce qu'on dit... Et pourtant elle se perdit dans l'ombre.

La foule des clients s'épaissit peu à peu, tel un manteau d'anonymat – du moins si aucune connaissance de Naoko ne débarque, puisqu'elles se trouvent dans son quartier.

Pensée :
Le risque d'une intrusion ne doit pas être trop élevé, cependant, puisque l'artisane lui a indiqué l'endroit comme un lieu où elles pourraient parler tranquillement.

Pensée :
À se demander la part d'aléatoire qu'il y a vraiment dans le hasard.

Pensée :
C'est, à vrai dire, sûrement très visible dans l'habillement de l'étudiante, pour qui à l' œil attentif au vestimentaire.

Pensée :
Il est cependant bien compréhensible qu'après ce qui lui est arrivé, Yloyse veuille se faire petite pour ne pas s'attirer de nouvelles foudres. Bien que ne la connaissant pas vraiment, Rhôz est tout aussi sincère dans sa curiosité que dans le souci qu'elle se fait pour la Bleue. Désormais, pour l'étudiante, toute blessure à un Lanyshta est aussi une blessure pour elle et pour les autres.

 


Alors que le serveur amenait les plats commandés plus tôt, Naoko se laissa détourner de la conversation. Tenir une conversation mentale était suffisant lorsqu'on savourait un repas digne de ce nom... Bon. Pour la galerie elle pouvait éventuellement se mettre en mode automatique.

- Tien. Au fait. Tu sais la dernière que nous a pondu le comité des teinturiers de la rue de l'Orme ? Ces malades ont décidé de contacter les autres comités pour fonder un nouveau comité dédié a la nomenclature des teintes. Selon eux c'est honteux qu'on ose vendre une tunique citron en prétendant qu'elle est jaune.

L'entrée était, en tout cas, a la hauteur. Habituée des restaurants du quartier il y avait bien longtemps qu'elle ne mettait plus les pieds dans ceux qu'elle jugeait trop... banals. Si elle devait manger sur le pouce autant que ça soit rapide et nourrissant. Si elle prenait le temps de s'installer a une table... inutile de débourser assez de graines pour se faire servir a une table si elle pouvait cuisiner mieux chez elle...

Pensée :