La température monte d'un coup. Dassen transpire, il se tend, il s'apprête à en prendre plein la gueule. Et d'un coup ça explose droit devant lui. Le feu recouvre immédiatement les arbres et carbonise les choses les plus fragiles. Ce qui brûle n'est pas lentement rongé par les flammes, il brûle d'une traite et tout entier. Les parties ne se brisent pas à la lenteur d'un incendie, elles se replient entièrement sur elles-mêmes et tombent en miettes, peu à peu, par chacun de ses côtés.
Malheureusement le feu n'est pas naturel. Il aurait pu se propager, ralenti puis peut-être arrêté par l'humidité de la nuit. Mais il s'arrête aussitôt, comme une erreur, un flash, une hallucination. On se demande s'ils ont vu ce qui s'est passé depuis les murailles du Kil'dé, et s'ils le comprendront.
Dassen reste un instant sans rien dire. Il admire le geste, il observe les flammes. Il inspire une bouffée d'air enfumé et l'odeur le détend. Alors le monstre sous ses pieds exhale son dernier souffle, et les mains de Djet Tamère, enfin stabilisé, s'approchent l'une de l'autre.
Applaudissements.
Il applaudit en souriant étrangement. Il est le seul à applaudir dans ce silence morbide et menaçant. Il sait certainement ce qui est en jeu ou ce qui pourrait l'être. D'une main il arrache d'un coup sec la lance encore enfoncée aux trois quarts dans le dos du Frobekh et il saute sur le sol. Désormais la nuit est rouge. Les braisent éclairent vaguement son visage. Il attache la lance dans son dos et sort d'un fourreau contre sa cuisse un vieux couteau à la lame ébréchée.
Le regard qu'il lance à Thaïs pourrait être mémorable. On a l'impression qu'il la voit, elle et ses entrailles. Plus intimement qu'avec ses yeux disparus, ensorcelés. Il ne la regarde ni avec compassion, ni avec sympathie. Il est encore moins railleur ou méprisant. Pourtant il la juge. D'un air vide et différent.
« Maintenant, je te connais. »
Une voix atone. Un faible sourire.
Puis il lui tourne le dos. Il se tourne vers le Métamorphe au poil rare et il commence à le dépecer. Maladroitement. Mais avec avidité. Il montre par là que pour lui la rencontre est terminée. Il vaque à ses affaires et qui sait ce qu'il pense. Pourtant à sa manière il la provoque, elle et son désir de meurtre. Il lui offre son dos, consciemment, comme pour voir quelle conclusion elle choisira.
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