Les rêves sont comme des serpents. Ils s'enroulent sur eux-même.
Des nœuds ou des rubans de Möbius, qui piègent votre esprit.
Dans ces fables infinies, le trouble est roi.
Et il règne sur un vaste domaine.
Les langueurs caressantes, les violences intimes, les épopées sans lendemains...
Toutes sont réelles, aussi réelles que les cinq sens qui manipulent le corps.
On peut ne jamais se réveiller d'un sommeil bleu...
Un bleu sombre, un bleu crépusculaire.
Un bleu de minuit.
*
Il y a moins d'un an, un homme seul et sombre a rêvé.
Comme quelques autres, il a rêvé d'une voix de cendre et de souvenirs qui ne lui appartenaient pas.
Mais pour lui, c'était un rêve parmi tant d'autres, noyé dans un carrousel miroitant.
Dans un salon privé de Kil'sin, où viennent rêver les insomniaques.
Comme beaucoup d'autres, un sybarite, esclave de plaisirs mystiques, ciselés comme des joyaux.
La folie est une couronne, légère et magnifique.
Une fumerie, de l'alcool, la douceur d'une couche accueillante.
Là où on ne parle plus, mais l'on chuchote.
Et à tendre l'oreille entre deux narguilés d'opiacés, on entend parfois le laboratoire des rêves opérer son alchimie.
Car les hommes et les femmes parlent dans leur sommeil. Quand les nuits sont blanches, le sommeil est bleu.
Ensemble, dans une communion involontaire d'âmes et de songes, le salon devient un banquet.
Les paupières mi-closes, le front chaud, l'esprit vague, chacun murmure ses visions.
Et quand on sort de l'endroit, on ne sait plus quel rêve est le notre ou celui du voisin.
Il s'agit alors de lire les cartes. Un tarot se dessine, avec des figures.
Des figures complexes, puissantes, hypnotiques.
Elles parlementent, débattent, échangent.
Leur caste est ancienne. Elles traduisent le monde.
Mais la réalité paraît plus trouble encore.
Les arcanes sont féroces.
Et la clef de la tour reste un mystère.
Inaccessible.
|