Trempé de sueur, Oksiut est assis sur sa couche, la bouche béante et les yeux écarquillés. A t'il crié en se redressant soudainement ? Instinctivement il cherche sa pipe, pendue à son coup même durant son sommeil, et la porte à sa bouche. Quelques inspirations calment son rythme cardiaque. Autour de lui, la familière pénombre humide de ses quartiers le rassérène légèrement. Il est bien dans ses appartements et d'après la luminosité il fait nuit , bien qu'il n'y ait jamais eu beaucoup de lumière qui arrivait jusqu'ici bas.

Il a rêvé. Oui. C'est ça, un rêve. Mais plus ce dernier lui revient en mémoire plus il saisit qu'il ne s'agissait pas d'un simple cauchemar qui s'oublie. La voix résonne encore à ses oreilles. Non, elle est même encore en lui, présente dans les recoins de son esprit.

Les jambes flageolantes, il se relève difficilement, comme si sa nuit avait été une suite d'efforts ininterrompue. Ne l'a t'elle pas été d'ailleurs ? En un fugace instantané lui revient des batailles, des conquêtes, des haines et des désirs entremêlés, des peuples et des histoires qui durent des millénaires. Sa tête lui semble trop remplie tout d'un coup et il en chancelle jusqu'à son miroir.

L'image reflétée, il la reconnait. C'est bien lui, ce visage marqué par les cicatrices et ces mains calleuses n'ont pas changées. Pourtant il le sent aussi clairement qu'il est possible quelque chose a été modifié. Une conviction même : ce changement est irréversible. Il n'est plus le même qu'hier, et ce rêve en est la cause. Peu à peu lui revienne des parties de son rêve. Le brouillard disparait et les souvenirs deviennent plus clairs, plus présent. Il a réellement vécu ces choses. La voix des cendres.

Alors il part rechercher au fond de son esprit cette voix. Il ferme les yeux instinctivement, dérive, essai de ressentir cette nouvelle présence dans sa tête. Et, comme s'il avançait à l'intérieur de son crâne lui même, il se voit dans un tunnel noir et distingue une lumière qui filtre sous le seuil d'une porte. Et il ouvre la porte.

C'est un déferlement dans son esprit. Un tourbillon de voix indistincte se fraie un chemin à travers sa tête, brouillant des ses sensations en le débordant d'émotions mélangées. Des centaines de voix, des langages incompréhensibles, mais, en se concentrant, ça et là des mots qu'il reconnait. Puis des phrases entières parfois, du patois Kil'darien qu'il parle correctement. Les autres langues ne sont elles pas les dialectes des autres sharss ?

Les Lanyshtas !

La compréhension le frappe de plein fouet et le laisse pantois. Il a subi la mutation lui aussi, cette mutation si honnie chez ses semblables. Il est devenu un Lanyshta, un Krolanne télépathe.

Immobile et silencieux il reste debout alors que des milliards de questions affluent et que déjà de nouvelles convictions apparaissent. Il a été choisi, parmi tous les autres pour recevoir ce don. Cette pensée lui fait remonter un sourire. Oui, il a toujours été méprisé, un inférieur à qui l'on ne prête pas attention, mais voilà il possède désormais un destin. Cette voix en est la preuve et il ne le fuira pas, il ira au contraire à sa rencontre. Peu importe les risques.