Le Lecteur suivait le développement imprévu des événements depuis l’extérieur du bâtiment, toujours en en lanyshsta vision retransmise en direct par son compagnon d’expérience. Il s’attendait franchement à une explosion faisant sursauter le toit de la maison tel le chapeau d’un krolanne enrhumé. Mais il n’en fut rien. La création d’un système d’évasion de l’oeil par le biais d’une transformation était en cours. Enfin, c’était une supposition. Parce qu’il pouvait tout aussi bien s’agir de la genèse d’une machine à découper du lanyshsta. Des pales, si cela tourne vite et que c’est aiguisé, cela peut faire très mal dans les gencives.

Pensée :

Soit ce qui se rassemblait sous les yeux de Khan tenterait de fuir et il faudrait le tuer, soit l’assemblage s’essayerait à une découpe et il faudrait là encore l’occire. Au final, le résultat serait identique. Seuls les risques encourus étaient différents. Etaient-ils seulement proportionnés à la valeur des informations qu’ils pouvaient espérer collecter ? Rien n’était moins sûr.

Pensée :

Cela paraissait être une lapalissade. Mais le dispositif prévoyait-il un mode silence ? S’agissait-il de petits bruits liés au métal fondu coulant sur le sol pierreux ou le plancher en bois ? Le fait d’assembler à nouveau les molécules donnait-il lieu à des sons ?

D’ailleurs, s’agissait-il véritablement de molécules inertes ou devait-on parler davantage de molécules vivantes ? La encore, l’apprentissage du langage pour l’heure inconnu devait leur en apprendre bien davantage.

Parce qu’il était surprenant de voir avec quelle facilité les objets réagissaient à chaque fois qu’une situation donnée se présentait. Il n’était concevable que d’une seule manière que cela se produise. Il fallait que les objets soient animés, mus par une quelconque programmation. Et plutôt complexe, pour être capable de signifier une liquéfaction et une reconstruction.

Pensée :

Cela, ils ne l’avaient encore jamais fait : se mettre en travers d’un liquide. Ce serait une première, sans doute pour le liquide aussi. S’ils voulaient tenter des expériences, cela en serait une assurément. Le tout était de savoir jusqu’où ils pourraient aller pour en revenir.

 
A travers le maigre espace laissé par son bras, Khan voit l’objet se modifier au lieu d’exploser. Il n’y a pas de Boum, pas d’éclats, simplement une reconfiguration de la matière à une vitesse incroyable.

C’est extraordinaire qu’une telle chose soit possible. Cette technologie permettait la création d’une manière extrêmement rapide. Fasciné, il entend Kharib mais ne réagit pas immédiatement.

Pensée :

Son arme toujours sur l’objet qui se forme, il se demande comment faire pour le capturer ou le stopper. Il savait Kharib expert en potion, peut-être celui-ci en avait-il une pou le refroidir ou au moins un contenant assez grand.

Pensée :

Il fallait tout de même faire vite pour prendre une décision.

 
Le liquide se reformait rapidement et le temps durant lequel Khan n’avait pas répondu rendait un retour de Kharib inutile. Il serait arrivé telle la cavalerie. Par ailleurs, il répondit :

Pensée :

Est-ce que le l’objet qui se reformait se déplacerait ou changerait de conception ou poursuivrait comme si de rien n’était, incluant l’objet parasite dans sa structure, ou poursuivrait avant de remarquer un problème lié à l’objet parasite ? C’était à ces questions que Kharib aurait souhaité des réponses. Il était par contre trop tard pour se déplacer. Son compagnon devrait faire des choix.

 
Le temps nécessaire à la reconstruction était impossible à prévoir. De sa position, le lanyshta avait du mal à percevoir la forme finale que devait avoir le nouvel objet mais il continuait de se dessiner seconde après seconde.

Entraver la création en plaçant un objet en plein milieu n’était pas une idée stupide. Il faudrait alors un objet résistant à la chaleur là où le métal avait tout bonnement fondu. Un rapide coup d’œil sur le côté et il avise un morceau de pierre parmi les décombres qu’il attrape en se penchant agilement. De la taille de sa main, voilà un objet qui pourrait peut-être entraver le disque à tubes d’après son camarade.

Pensée :

Khan pose le morceau de pierre sur le sol et le pousse du bout de son arme. Hors de question de rentrer en contact direct avec la machine qui devait grouiller de minuscules sphères en mouvements.

 
Le métal entre en contact avec la pierre.
La refonte ne se stoppe pas.
Il s'enroule autour de la pierre, de fines tentacules l'enserrent.
Pendant de ce temps, il apparait de plus en plus clairement des hélices de l'autre côté.
La créature qui émerge aura la capacité de voler.
De s'enfuir...

Les tentacules enserrent la pierre et... la coupe !
La réduise en miettes !

Les tentacules, cela fait, rejoignent le reste du métal, se rétractent.
La refonte continue.
Elle est lente, le processus n'est pas simple.
Encore deux minutes environ pour que la chose soit fonctionnelle...

 
Voyant ce qu’il était advenu de la pierre placée par son compagnon pour tenter d’endiguer la formation de la nouvelle entité, le Lecteur se dit qu’il avait bien fait de ne pas lui proposer de mettre un doigt en lieu et place du bloc de pierre. Mais tout ceci confirmait tout ce que le Lecteur avait lu dans le Cantatère. La créature – ou fallait-il parler d’objet ? – soit ce qui s’apparentait davantage à une sorte de robotique était mue par une conviction morale forte que rien ne paraissait pouvoir entraver. Une sorte de programmation interne qui ferait atteindre un but fixé envers et contre tout.

Il fallait apprendre à reprogrammer tout ceci. Pour en changer les buts. Pour ne pas avoir à les combattre. Et Kharib avait son idée sur comment y parvenir. Mais ce serait sans doute long, long et compliqué. Il faudrait s’armer de patience. Encore.

Pour l’heure, des décisions devaient être prises. Encore. Sur ce qu’il se passait, compte tenu de la détermination de ce qui était l’œil, le Lecteur ne pouvait souscrire qu’à l’idée de mettre un terme aux souffrances de ce qui était en cours de transformation, de reformation.

Pensée :

La machine s’en prendrait-elle à Khan auparavant ? En était-elle capable ? Etait-elle programmée pour ce faire ? Dans le cas contraire, elle ne poursuivrait qu’un but d’évasion. Ce qui signifiait que ce qu’elle avait appris, ou avait pu apprendre, pouvait être suffisamment pertinent pour les Thirdocks pour avoir conduit ces derniers à prévoir ce moyen de s’échapper en cas de capture. Indépendamment du fait que la probabilité pour l’œil d’être mis en contact avec la lumière de l’un des tubes de la Place du Martel devait être infime, cela témoignait de la réflexion et de l’attachement de l’ennemi de voir ses petits soldats rejoindre les rangs.

Par ailleurs, le phénomène de l’illumination des tubes intriguait toujours le Lecteur. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était concomitant à un événement qui prenait naissance à la Place du Martel.

Pensée :

Si l’objet se formait entièrement, que se passerait-il ? D’ailleurs, une question nouvelle taraudait Kharib : seraient-ils en mesure d’annihiler cette nouvelle chose ? Ou celle-ci serait-elle invulnérable aux attaques qu’ils seraient en mesure de produire ? L’attaquer constituait donc également une expérience en soi.

Une fois constitué, partant du principe que l’objet tenterait de s’échapper, il viserait sans doute dans un premier temps les ouvertures. Mais s’il ne lui était pas possible d’en découvrir, il était vraisemblable qu’il agirait avec les obstacles comme avec le bloc de pierre.

Il était hors de question de laisser la chose s’enfuir sans réagir.

Pensée :

Pour sa part, Kharib pointerait son arme vers la maison. Si la créature devait en sortir, sans doute dans les airs, il pourrait toujours se dire « pool » et espérer faire un carton.

 
Le sort de la pierre provoque une réaction de recul de la part du Lanyshta. C’était mauvais. S’il était incapable de l’atteindre avec quelque chose de solide il allait avoir du mal à l’arrêter. Son esprit est toujours tourné vers son camarade, attentif désormais au moindre mouvement de l’objet qui continu de se former.

Comment l’arrêter ? La force de pénétration de son revolver pourrait faire l’affaire mais il n’en n’était pas complètement convaincu. Il fallait une décharge, peut-être de la magie et au mieux quelque chose de froid. Ou au contraire une forte chaleur pourrait l’empêcher de se reformer ? Conscients que la magie devait être la dernière solution possible il attrapa son frouzeur accroché au bas de son dos.

Pensée :

Lâcha-t-il pour la deuxième remarque de son camarade.

Pensée :

Il déposa sa première sur le sol, utilisant sa main droite pour enclencher le commutateur de son frouzeur modifié. La cellule d’énergie vibra en émettant un sifflement de plus en plus aigu.

Pensée :

Le sifflement s’arrêta et le renégat pointa l’arme sur la soucoupe de métal. Lentement, il pressa la gâchette.

 
Chaud !
Très chaud !

La créature rougeoie, bouillonne bientôt !
Elle cherche à attaquer Khan, projetant des lambeaux de métal fondu vers lui !
Il les évite, mais quelques gouttes lui brule le bras, durement.

La chaleur semble fonctionner.
Il se tasse, ses attaques se mettent à aller dans tous les sens.
Il agonise.
C'est presque... triste.

Sous l'effet de la chaleur soutenue, il ne reste bientôt qu'un tas de métal informe.
Inerte.
Mort.

Fin douloureuse.
Pour elle comme pour le bras de Khan...

 
Ce qui s’était transformé avait fondu. L’objet de recherche avait disparu. Les recherches s’arrêtaient là. C’était manifeste.

Pensée :

Il n’y avait pas à ajouter beaucoup. Les éléments parlaient par eux-mêmes. La chaleur semblait faire souffrir passablement les constructions robotiques des Thirdocks. Le constat mériterait d’être soumis à une expérience à plus vaste échelle, sur le terrain. A moins que… A moins que l’expérience ait déjà été menée. Sous la Place du Martel. Quel effet a produit le feu déclenché avant la fuite du groupe de lanyshstas ?

Les interprétations s’étayaient. Mais il demeurait l’absence d’une vision globalisante. Le Lecteur avait le sentiment de progresser, mais avançaient-ils réellement dans la compréhension d’un phénomène qui n’était pas krolanne ?

Restait que l’expérience menée hors des murs du Kil’dé avait fait long feu. Il ne leur restait qu’à s’en retourner, pour préparer l’expédition qui les mènerait au Kil’dara. C’était là-bas que l’enquête les conduisait. Pour comprendre avant d’entreprendre. Un nouveau départ vers la Place du Martel. Il aurait lieu, mais plus tard. Pour l’instant, comprendre la signification des écritures.

Ils avaient encore un tube luminescent en leur possession.

 
Son bras brûlé en protection devant son visage, Khan relâcha la gâchette de son arme en serrant les dents. L’expérience prenait fin et les conclusions qu’ils pouvaient en tirer étaient minces mais pas inutiles.

Les sourcils froncés, il jeta un œil à son bras douloureux. La bestiole ne l’avait pas loupé, de large marques fumaient encore et avaient déchirés son épiderme en profondeur. Le renégat grimaça une deuxième fois lorsqu’il changea de position, de nombreux filaments lumineux parcouraient déjà ses lésions. Ses pouvoirs étaient à l’œuvre.

Pensée :

Khan rangea son arme et se redressa. Il en avait presque terminé ici.

 
Le Lecteur s'était déjà mis en marche pour regagner la maison dans laquelle avait eu lieu les expériences. Il poursuivit donc son chemin lorsque Khan l'enjoignit de le retrouver dans le bâtiment en ruine. Il profita toutefois de répondre à la question posée avant son arrivée.

Pensée :

Il pourrait toujours servir de source lumineuse dans le cas où les lanyshstas se retrouveraient dans un endroit sombre comme des égoûts, des cavernes, des mines ou autres. Et puis, le Lecteur avait dans l'idée de tester leur compréhension du langage inconnu lorsqu'ils en auraient davantage connaissance sur le tube. Cela éviterait de lancer l'expérience sur Samalthia.

Samalthia, ce n'était pas pour tout de suite. Mais Kharib ne l'oubliait pas. Surtout pas. Il attendait depuis longtemps le moment où ils seraient suffisamment armés pour être en position de dialoguer avec elle. Et il espérait avoir trouvé un chemin pour y parvenir.

Pensée :

C'était la question qui le tarabustait désormais.

 
Lentement il ramassa ses affaires. La destruction de l’œil restructuré n’avait pas fait grand bruit et le risque d’attirer d’autre Thidork de l’extérieur était plutôt faible. Son sac de nouveau en bandoulière, le lanystha se pencha une dernière fois sur ce qu’il restait de sa proie.

Rien à ramasser, rien à récupérer, juste du métal. L’expérience se terminait ici mais le voyage au Kil’dara les attendait.
Khan soupira, ils avaient toujours une longueur de retard.

Pensée :

Il jeta un dernier regard à son bras brûlé en reconstitution puis se dirigea vers le quartier abandonné.

 
Khan venait le rejoindre pour regagner la civilisation kildéenne. Le Lecteur rangea consciencieusement le tube restant dans son sac. Il ne s'agissait pas de débarquer sur le Parvis de Scylla avec une telle source de lumière à la main. La Défense pourrait encore être tentée de croire qu'il faudrait les "soigner".

Ceci fait, ils purent se mettre en route pour se retrouver entre les murs du Kil'dé. Ils ne devaient pas y demeurer longtemps. D'abord parce qu'ils avaient à faire ailleurs, ensuite parce que le tube luminescent avait précisément été la cause de leur sortie de l'enceinte urbaine.

Mais Khan avait prévu des mondanités. Ou une audition. Enfin une rencontre. Le Lecteur devrait aviser.

Il avait de la peine à évaluer concrètement le danger qu'ils encourreraient au cours de l'expédition qu'ils s’apprêtaient à mener. Mais il faudrait un plan. Un plan qui se déroulerait sans accroc. C’était ça, le plan.