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L'art d'être partout
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Le Matal 17 Fambir 815 à 22h58 |
A l'écoute de la dernière phrase de la rouquine, le Lecteur se dit qu'il n'avait pas eu fin nez en débusquant cette échoppe. Il aurait sans doute mieux fait de s'en aller trouver un autre Maître enlumineur. Il se demanda d'ailleurs un instant s'il ne valait pas mieux qu'il parte à la recherche d'un autre artisan. Il se hasarda néanmoins encore à poser une question:
Pourquoi? Il lui est arrivé un accident funeste?
La rouquine ferait-elle à nouveau volte-face ou l'entretien serait-il consommé?
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UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts. |
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Le Merakih 18 Fambir 815 à 05h10 |
*** Le Lecteur capta finalement l'attention de la femme. Elle se retourna doucement, révélant un visage soudainement fatigué. ***
Un accident? L'âge n'est pas accidentel. C'était écrit. Nous n'y étions pas suffisamment préparé, voilà tout. J'ignore ce que vous voulez mais si c'est uniquement mon père que vous souhaitiez voir, c'est un peu tard. Je doute franchement qu'il remette les pieds ici.
*** Sa voix était cassante, son regard lointain.
Elle ne se laissa toutefois pas abattre. La seconde d'après, elle avait reprit son entrain et se remit à indiquer vigoureusement aux deux adolescents divers endroits où déposer les paquets. *** |
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Le Merakih 18 Fambir 815 à 20h04 |
Le Lecteur comprit que la famille vivait telle qu’elle le pouvait avec une fille plus âgée qui faisait marcher la boutique en commandant ses frère et sœur. Leur père était vraisemblablement incapable de poursuivre le travail, mais serait-il encore capable d’identifier l’origine d’un type de papier ?
En réalité, je souhaite savoir d’où pourrait provenir ce type de papier et de quand il date.
Il tendit la page vierge prélevée dans le cahier trouvé à la Grande bibliothèque de Kil’dé.
Êtes-vous en mesure de répondre à la question ?
Car c’était bien là le nœud du problème maintenant. Quelles connaissances le père avait-il transmis à ces descendants ? Il ne s’agissait pas de fabriquer en reproduisant une recette, mais d’avoir une culture du papier pour en reconnaître la texture et les fibres, de manière à pouvoir l’associer à une époque par expérience.
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UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts. |
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Le Merakih 18 Fambir 815 à 21h55 |
Tout ça pour ça?
*** Nonchalamment, la rouquine se saisit de la page témoin fournie par Kharib.
Elle ausculta les angles, renifla le plat de la feuille puis éprouva le degré de résistance en la pliant légèrement.
Moins d'une minute après, elle rendit l'exemplaire au Lecteur. ***
Bien qu'il ait été altéré par une trop forte exposition à l'humidité, votre truc là est tout ce qu'il y a de plus classique en terme de papier. La fabrication est industrielle. Impossible à dater plus précisément, les techniques n'ont pas beaucoup évoluées depuis quelques siècles. A la différence des parchemins ou tissus illustrés, la pâte à papier ne peut se dater qu'à l'aide de procédés chimiques spécifiques.
Enfin tout ce que je peux vous dire, c'est que ce truc là n'est pas très ancien non plus. Sans quoi, la page serait devenue cassante sous l'effet des vapeurs d'eau.
*** L'espace d'un instant, la femme se targua d'un sourire. Après tout, c'était à elle de reprendre la boutique, de prouver qu'elle était devenue bien plus talentueuse que son impotent de père. *** |
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Le Julung 19 Fambir 815 à 20h25 |
Tout en écoutant le rapport de la rouquine, le Lecteur s’interrogeait en silence. Altération suite à une exposition à l’humidité. Est-ce que l’endroit où il l’a trouvé à la bibliothèque était spécialement humide ? « Les techniques n’ont pas beaucoup évoluées depuis quelques siècles. » C’était bien sa chance, lui qui espérait justement qu’il y ait eu des virages importants dans la composition, le grammage et les procédés de création. Enfin, il n’était pas très ancien, à moins qu’il n’ait pris l’eau que récemment peut-être.
Le voilà bien avancé. S’il avait espéré remonter la piste du papier si ce n’était de sa création jusqu’à maintenant, du moins avoir une idée de la période, il faudrait trouver autre chose.
Après avoir pris congé de la femme en la remerciant, il retourna à la Grande bibliothèque de Kil’dé afin de vérifier l’emplacement où il avait trouvé le carnet. Était-il humide ? Était-il repourvu ? Et, dans la foulée, il rechercha d’autres éléments qui pourrait intéresser sa recherche, au cas où ceux-ci lui auraient échappé lors de la première visite.
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UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts. |
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Le Dhiwara 22 Fambir 815 à 21h31 |
*** Kharib ratissait les rayons en quête de nouveaux indices, carnet à la main pour comparer les différents états des ouvrages présents. Cependant, c'était sans compter l'archiviste en chef, bien différent du jeune homme que le Lecteur avait pu croiser auparavant.
Le regard accusateur de l'archiviste se posa sur l'homme à capuche. ***
Pris la main dans le sac !
*** De sa main noueuse mais encore vigoureuse, le bibliothécaire saisit Kharib par l'épaule. L'homme était plus imposant que la moyenne, tant par sa taille que par son volume. Du doigt, il pointait le carnet que le Lecteur avait récupéré ici même quelques jours plus tôt. ***
Alors comme ça tu essaie d'introduire ce genre de torchon dans ma bibliothèque? Ça fait plusieurs semaine qu'on te traque petite vermine, les gars de ton genre qui essaient d'introduire des cochonneries en ces lieux...
*** L'archiviste se saisit du carnet sans ménagement.
Il jeta un bref coup d’œil à l'intérieur, écœuré. Finalement, il saisit Kharib sous le bras et l'emmena vers la sortie. ***
Je passe l'éponge pour cette fois mais que je ne te vois plus traîner ici avec ces trucs là entre les mains !
*** Quelques secondes plus tard, le carnet disparaissait dans une déchiqueteuse.
Visiblement, la piste n'était pas aussi sérieuse qu'elle semblait l'être à l'origine. Le carnet n'était au final qu'une blague concoctée par un obscur plaisantin. ***
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Le Dhiwara 22 Fambir 815 à 22h12 |
Pas possible... De retour à la case départ... En voilà une recherche qui débute de manière brillante et fanfaronnante. Le Lecteur s'assit un instant sur un rebord près de la Falaise. Alors qu'il pensait trouver un élément de réponse ou, du moins, un indice pour sa recherche dans la littérature, il semblait tout simplement que personne avant lui n'ait laissé la moindre trace concernant une recherche semblable. Voilà qui était à la fois passionnant, puisqu'il serait le premier à s'aventurer dans cette voie et être encore là pour en parler, et également inquiétant, car aucune des deux phases de la création d'alchimie était documentée alors.
Il rentra pensivement à son domicile, puis regagna son laboratoire. Il reprit ses ouvrages de référence en main et chercha tout d'abord à comprendre quels ingrédients pourraient entrer en ligne de compte, étant donné leurs propriétés intrinsèques. En cela, il prit la fonction de chercheur empirique.
Chacune des plantes et tous les minéraux étaient passés au crible et seraient inscrits sur une liste que ceux qui pourraient apporter des propriétés dans le cadre et le but recherché ou qui pourraient apporter de telles propriétés en étant associés avec d'autres.
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UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts. |
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Le Luang 9 Marigar 815 à 20h30 |
Après plusieurs jours d’une étude complète et minutieuse, pour laquelle il s’était également rendu à la grande bibliothèque du bâtiment de la Lecture qu’il connaissait bien, le Lecteur parvenait aux conclusions suivantes :
La plante aquatique qu’était l’Amborcie des marais était utile dans le domaine médicinal, mais ne réunissait pas de propriété intéressante dans le but poursuivi. Il en était de même du Crychtiam originaire des montagnes, concernant les cas désespérés du point de vue médical. Le Sakrosus servait dans le cadre de préparation d’onguents et non pas de potion. Le poison virulent n’entrait pas précisément dans la zone de l’effet recherché.
L’Ambre, molle, de couleur généralement cendrée, et au parfum musqué, pourrait intervenir, mais vraisemblablement plus pour ajouter une note de couleur que par ses propriétés intrinsèques. La poudre argentée de Filihnn ne devrait pas non plus avoir d’intérêt, mais un essai pourrait être tenté tout de même, pour ajouter une teinte différente.
L’eau drainée pourrait par contre être intéressante, car chargée en divers minéraux. Il faudrait effectuer quelques analyses à ce propos.
De même, la réaction de la Larme de Scylla dans le contexte recherché devra être testée. Il importera d’acquérir des récipients totalement opaques dans la perspective de conserver les propriétés de l’eau provenant du plus profond de la Faille.
L’Evaly pourrait alors aider à lier différents éléments liquides entre eux tout comme la gomme ocre de Malignès pourrait avoir la même fonction, une fois distillée. Celle-ci est toutefois réputée pour avoir des propriétés hallucinogènes et est donc à manier avec précaution. Le jus d’une larve de Fabre pourrait éventuellement remplacer les deux ou fournir un nouvel élément.
Restait la poudre d’écaille de Foedien, laquelle possédait des propriétés étonnantes qu’il fallait envisager dans le projet poursuivi, tout comme la Graisse ombreuse issue des Fuscusiens devait aussi être considérée dans la préparation, à l’inverse de l’Huile de Frobekh qui n’avait manifestement pas les caractéristiques recherchées. L’Huile de la ruche, de son côté, possédait, disait-on, des propriétés exceptionnelles qu’il faudrait analyser. La Pétale de Fleur de Fiel pourrait peut-être entrer dans la recette, ainsi qu’un œil animal, un iza filigre ou un sac de cervelle d’araignée.
Ainsi était dressée une liste impressionnante ouvrant la porte à des modalités multiples. Ceci fait, il faudrait ensuite passer à une phase pratique.
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Le Matal 17 Marigar 815 à 21h01 |
Il fallait débuter la phase d’analyses pratiques à quelque part. L’alchimiste choisit de le faire par les éléments liquides. Tout d’abord, pour en connaître les propriétés plus à fonds que ce que le savoir livresque lui avait apporté. Ainsi, avisant l’eau drainée comme pouvant être intéressante, car chargée en divers minéraux selon les textes, il entreprit des analyses en outre par décantation pour déterminer plus précisément les minéraux contenus dans cette eau.
Il procéda ensuite aux mêmes opérations avec une Larme de Scylla, afin d’en vérifier la réaction et ainsi en déduire l’utilité potentielle dans le contexte recherché.
Ensuite, il tenta ses premiers assemblages en cherchant à lier les deux liquides avec de l’Evaly d’une part, puis avec de la gomme ocre de Malignès distillée. Il était question de voir comment les ingrédients réagissaient au contact les uns des autres et, le cas échéant, lequel assurait la meilleure cohésion entre les deux liquides.
Il attendit ensuite le résultat de ses analyses et consigna ses observations pour déterminer plus avant les éventuelles implications.
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Le Sukra 21 Marigar 815 à 22h07 |
Il finit par obtenir une solution d'apparence homgène et stable. C'était une première étape. Il fallait désormais connaître les effets de la mixture ainsi créée. Il avait prévu à cette fin une cage emplie de rongeurs. Toutes les nouvelles formules sont testées sur les animaux et il ne dérogerait pas à cette règle. Il prit le soin d'attacher une patte du rat à un anneau de fer fichu dans une dalle du sol. Il prenait les précautions possibles. Même s'il ne devait normalement pas se produire d'effet diamétralement opposé à celui recherché, les ingrédients ayant été sélectionnés selon leurs propriétés.
Puis, il prit une pipette et plaça ainsi quelques gouttes de la potion dans la gueule de l'animal de laboratoire.
Il se retira, prêt à réagir en cas de réaction inopportune du sujet.
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Le Dhiwara 22 Marigar 815 à 04h58 |
*** Dans les premiers moments, l'animal ne réagit pas.
Néanmoins, une minute plus tard, son comportement évolua. Il semblait sur ses gardes, comme si quelques chose lui était apparu. Il reniflait, gigotait de gauche à droite.
Mise à part ça, le Lecteur ne pu rien observer de plus. Aucun dédoublement réel du rongeur. *** |
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Le Luang 23 Marigar 815 à 20h33 |
Bon, ce n’était pas cela. Il s’y attendait quelque part. Réussir du premier coup aurait été pour le moins surprenant. Pourtant demeurait un problème. Il fallait trouver les bons ingrédients et ainsi établir la recette. En l’espèce, le rat était soumis à une forme d’hallucination, à moins qu’il ne soit devenu aveugle. Le Lecteur prit de quoi opposer un obstacle au rat afin de vérifier la seconde hypothèse.
Il reprit ensuite les éléments depuis le départ en comparant les données récoltées lors de ses analyses réalisées avant la première décoction.
Sur cette base, il prit le parti de retirer la gomme de Malignès de la préparation à venir. Il conserva les trois autres éléments afin de parvenir à une solution liée. Il ajouta cette fois-ci du jus d’une larve de fabre. Il espérait ainsi augmenter l’effet de la Larme de Scylla laquelle semblait être prometteuse dans les propriétés rassemblées en vue du succès de l’entreprise.
A nouveau, il inscrivit toutes les observations effectuées quant au comportement des ingrédients lors de chaque étape ainsi que la texture et l’apparence du résultat final.
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Le Matal 24 Marigar 815 à 00h16 |
*** Le rat évita sans problème l'obstacle posé par le Kharib. L'échantillon ne l'avait pas rendu aveugle.
Lorsqu'il fit absorber sa nouvelle mixture, à base de larve de fabre, au rongeur, le résultat fut plus immédiat et visible. En effet, l'animal se mit à couiner longuement. Ses pattes tressaillirent. De nouveaux os poussèrent ici et là, petits, multiples, prenant leur sources sur le squelette existant. La peau du pauvre animal fut percée par endroits.
En moins d'une trentaine de seconde, le cobaye succomba. Les organes internes avaient été perforés, ne restait qu'une carcasse d'os recouverte d'un pelage ensanglanté. *** |
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Le Merakih 25 Marigar 815 à 20h38 |
Il eût un instant de compassion pour le rat. Il avait donné sa vie pour la science. C’était honorable.
Le jus de larve de fabre produisait un effet surprenant joint aux autres ingrédients. Il était maintenant d’avis qu’il convenait d’isoler davantage les éléments, afin d’en percevoir mieux les répercussions. Ainsi, il s’abstint cette fois-ci d’ajouter un quelconque ingrédient, cherchant à avoir une potion de base qu’il compléterait ensuite. Il utilisa donc une base d’eau drainée, une larme de Scylla et de l’evaly pour les lier. Une solution d’apparence plus simple mais dont les résultats pourraient infirmer ou confirmer une impression.
Il suivait les réactions des composants durant toute la préparation. Le crayon parcourait le carnet pour y noter ses commentaires. L’étape du rongeur déterminerait la suite de la recherche.
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Le Merakih 25 Marigar 815 à 22h48 |
*** La nouvelle solution semblait stable. En apparence.
En effet, dés lors que Kharib la fit absorber par le rongeur, celui-ci s'immobilisa. Son corps se ratatinait à vue d’œil, laissant échapper une étrange vapeur.
Surpris par une telle réaction compte tenu des précédents essais, le Lecteur ne pu s'empêcher d'inhaler un peu de l'émanation. Son regard se troubla, un bruit suraiguë le frappa. Une forte pression fut exercée dans son crâne puis...plus rien.
Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, tout paraissait normal, ou presque.
En effet, les éprouvettes se mirent à trembler, ou peut-être était-ce de la danse? Le rat précédemment décédé convulsait. Très vite, un nouveau rat, copie conforme du premier, s'extirpa du premier dans un cliquetis d'os. Lentement, les rongeurs, une dizaine à présent s'approchèrent lentement de Kharib.
Le reste de la pièce s'anima également, les objets vibrèrent jusqu'à une certaine fréquence puis, subitement, se dédoublaient...indéfiniment. D'ici peu, l'alchimiste finirait par finir étouffé par ses propres instruments. Fort heureusement, son laboratoire était spécieux, il avait un peu de temps... Une ou deux minutes peut-être. *** |
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Le Vayang 27 Marigar 815 à 20h50 |
Etant donné les ingrédients employés, le résultat était certes surprenant. Pourtant, il s’attendait à tout en poursuivant ses expériences. En l’occurrence, il s’agissait à n’en pas douter d’une vapeur hallucinogène sécrétée de la bête morte. En effet, comment expliquer autrement que des objets inertes puissent se dédoubler ainsi ? Il n’était pas possible que la réalité diffère de cette interprétation. A moins que la vapeur inhalée fasse voir ce qu’il aurait aimé voir, le subconscient prenant alors le dessus sur la réalité du moment. Dans les deux cas, il ne pouvait s’agir de ce qu’il se passait dans son laboratoire. La fiction était en marche. Mais la réalité devait reprendre le dessus.
Il se persuada donc tout d’abord qu’il ne s’agissait que d’une hallucination pour permettre à son esprit de recouvrer la raison. Si cela ne permettait pas d’endiguer le phénomène, il fermerait les yeux durant un temps pour voir si lorsqu’il les rouvrait ensuite le phénomène avait progressé ou s’il s’était interrompu pendant le temps durant lequel il avait les yeux clos. Si tel était le cas, il attendrait ainsi que les effets de l’inhalation se dissipent.
Autrement, il aviserait...
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Le Sukra 28 Marigar 815 à 00h22 |
*** Malgré ses efforts pour se maîtriser, Kharib ne pu retenir quelques violents mouvements lorsque ses instruments lui sautèrent à la figure. Finalement, après une lutte acharnée pour se persuader que tout ceci n'était pas réel, il s'écroula lourdement sur le sol, inconscient, gardant pour seul souvenir une armée de pilon qui le rouait de coup.
Impossible pour lui d'estimer combien de temps s'écoula entre l'inhalation de la vapeur et son éveil.
Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, les multiples rats et autres ustensiles agressifs avaient disparus. Un horrible mal de crâne le saisit. Ses membres étaient endoloris. Ses doigts comportaient de multiples coupures peu profondes. Lorsqu'il parvint à se redresser, Kharib pu alors contempler l'ampleur du désastre : son laboratoire avait été complètement saccagé. Des débris de béchers, ballons et autres ampoules étaient éparpillés sur la paillasse et le sol.
L'hallucination avait été plus puissante que prévue.
Il fallait se rendre à l'évidence : ce type de recherche était dangereuse.
Seul, Kharib serait-il assez fou pour mettre en danger, non pas seulement sa vie, mais celle de tout son Kil? *** |
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Le Sukra 28 Marigar 815 à 13h39 |
L'alchimistre se releva tranquillement pour prendre note de ce qui s'était passé. Il s'assit ensuite, lorsqu'il se sentit apte à entamer une réflexion, pour faire un état de sa recherche. Il avait appris. Certes, il n'avait pas été courronné de succès dans son entreprise, mais cela ne voulait pas dire que tout était un échec complet. Il ne fallait pas non plus minimiser les renseignements recuillis, y compris concernant la méthode à employer.
Pour l'heure, il avait du travail devant lui pour remettre en état son laboratoire. En effet, peu importait la suite qu'il donnerait à tout ceci, il lui faudrait indubitablement commencer par mettre de l'ordre. Il chercha des sacs en jute pour y placer les déchets à évacuer, remplaça les instruments détruits, épousseta le lit, rangea les ouvrages. Il en profita également pour dépoussiérer les endroits d'ordinaire difficiles d'accès. Balai, ramassoire et chiffons en mains, il nettoya le local.
Reprenant les notes qu'il avait rassemblées durant cette étape obligée de rétablissement de son laboratoire, il les parcourut pour voir comment orienter la suite des recherches. Il ne renonçait pas. Pas sur un simple échec. Toutefois, il était clair que de l'information manquait et qu'il était hasardeux de tenter simplement de prendre des composants de manière, si ce n'était aléatoire, du moins sans plus de certitudes quand aux effets une fois assemblés. Derrière l'échec de la dernière potion avaient toutefois pointé une réussite dans la multiplication des objets et leur "réalisme", allant jusqu'à leur blesser.
Il importait de changer les moyens à disposition et donc un peu la méthode d'investigation. Il lui fallait également acquérir encore de l'expérience dans le domaine par la fabrication de potions connues. Il faudrait peut-être même faire appel à quelqu'un d'autre pour le seconder dans la recherche. Sur ce dernier point, il avait déjà sa petite idée.
Mais, pour l'instant, d'autres événements interviendraient, qui reporteraient les expériences suivantes.
Le Lecteur prit soin de tout remettre à sa place, en prêtant attention aux détails, afin que rien ne puisse advenir durant son absence. Celle-ci durerait un temps certain qu'il renonçait à quantifier dans sa tête, préférant n'imaginer que le retour une fois une nouvelle découverte effectuée.
Une fois sûr de son fait quant à l'état de son laboratoire, il quitta les lieux selon le protocole mis en place.
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Le Sukra 8 Agur 815 à 23h02 |
Il poussa la porte de son laboratoire. Il était rentré. Il posa sa carabine sur la table en pierre. Il s’assit. D’un coup d’oeil circulaire, il parcourut la pièce. Il regarda attentivement autour de lui. Rien n’avait bougé. Les objets méticuleusement rangés à leur place attitrée, y compris les quelques objets laissés en un désordre ordonné qui, si le laboratoire avait fait l’objet d’une fouille, aurait irrémédiablement trahi l’indélicat. Satisfait d’avoir retrouvé sa cachette inviolée, il goûta un instant ce repos qu’il savait être court. Il aurait pu rester là, immobile. Il aurait pu attendre. Mais il n’était pas dans sa nature d’agir ainsi.
Il n’avait pas oublié ni abandonné son projet de recherche. Ce dernier était seulement simplement ajourné. L’examen de la meilleure façon d’aborder les problèmes rencontrés n’était pas complètement terminée. Il lui fallait également poursuivre l’acquisition de connaissances dans le domaine de recherche déterminé. Et puis, parallèlement à son emploi, il avait une autre préoccupation.
En effet, l’ombre poursuivait ses raids nocturnes. Au cours des sorties qu’il menait ainsi, dissimulé dans sa cape, à l’abri des regards, le Lecteur s’envolait vers des aventures qui n’appartenaient qu’à lui. Il ne s’agissait pas de démonstration de force brutale. Il demeurait calme, se tenait immobile, un genou à terre, à plat ventre ou le trépied de sa carabine posé sur un quelconque appui. Seul importait le confort de la position et le silence qu’il régnait. Ainsi à l’affût, il guettait. Il prenait son temps. Ne rien précipiter. Puis il pressait sur la gâchette, abattant parfois un Tailladeur krynän, parfois une Trappeuse. Seul le cliquetis du rechargement de la chambre à cartouche de son arme troublait le silence qui était retombé sur le décor qui avait connu un bref instant de violence.
Il pouvait arriver qu’il fût surpris par un Assassin krynän lâchement dissimulé dans un fourré près de la route. Mais ce dernier manquant son attaque sournoise, il ne lui fit pas quartier. Désormais lui-même à l’abri de la végétation, le Lecteur saisit son arme, l’installa posément et visa avec détermination l’être qui avait attenté à sa vie. Quatre coups de feu plus tard, il rangeait sa carabine dans l’étui qu’elle occupait sous sa cape, dans son dos, et regagnait paisiblement le Kil’dé. L’Assassin krynän n’assassinerait plus.
Le lendemain, le Lecteur débusqua un coreligionnaire de l’assassin rencontré la veille. L’individu lui avait été signalé par Rubus qui profitait des quelques jours de battement pour se rendre au Kil’sin. De manière sournoise, il était tapis près de la sortie du Kil’dé, guettant sans doute sournoisement le voyageur esseulé. Kharib lui transmit sa carte de visite de plomb, s’assurant que le Krynän l’avait bien reçue et n’avait aucun commentaire à apporter.
D’autres Krynäns rendirent l’âme aux cours de ces nuits chaudes. Ils étaient épris d’intentions malveillantes. Pour la sécurité des krolannes, il importait de leur faire regagner d’autres quartiers. Était-ce lors de cette période que fût forgée l’expression « le seul bon krynän est un krynän mort » ? Une analyse des textes anciens, encore non menée à cette époque, l’attesterait peut-être. Ce qui était certain, c’était que les krynäns étaient désormais plus nombreux à dormir d’un sommeil profond dont ils ne se réveilleraient pas. Les krolannes, pour leur part, endormis d'un sommeil naturel, ignoraient tout de ce qu’il se passait hors du Kil’dé.
Qui leur dira ? Qui leur racontera ? Personne. Aucun témoin. Aucune trace. La mort laissée derrière lui. Et le retour à la normale au petit matin.
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Le Dhiwara 16 Agur 815 à 10h23 |
Mais la nuit ne servait pas qu’aux expéditions hors du Kil. Il lui appartenait aussi d’étendre ses connaissances dans le domaine de l’alchimie s’il entendait un jour parvenir à créer la potion dont il aspirait à composer la recette nouvelle. C’était la raison pour laquelle il enchaînait les potions dans son laboratoire secret.
D’ailleurs, il était possible de se demander s’il opérait dans son laboratoire secret ou dans le secret de son laboratoire. Au final, les différentes potions s’alignaient sur la table en pierre. Certaines seraient données, offertes à ses compagnons. D’autres seraient emportées en réserve lors de la prochaine expédition. Puisqu’il était écrit qu’il y aurait une nouvelle expédition. Trop de mystères demeuraient qui ne pouvaient vivre encore longtemps sans être découverts.
Pour l’heure, le Lecteur en était aux préparatifs. Les analyses des documents et aux objets ramenés de la seconde expédition n’avaient pas encore livré toutes les informations recherchées afin de planifier la suite. Mais nul doute qu’ils parleraient bientôt le même langage que les compagnons.
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UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts. |
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