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Et mon poing dans votre figure, Monsieur ?
Etiquette du pugilat, cours appliqués de seconde session
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Sukra 21 Marigar 815 à 13h21
 

Si un observateur imprudent avait le malheur de passer par ici, il aurait probablement été surpris d’entendre, émanant de l’ancienne boucherie désaffectée, un mélange de cris, d’injonctions et de « Aïe » ; il aurait probablement été moins surpris si, en tant que connaisseur du quartier, il savait que le lieu servait depuis quelques années déjà à des entraînements clandestins de boxe en journée et à divers combats d’animaux le soir venu. On y faisait de grands duels de chiens en particulier, d’une race bâtarde assez violente et costaude. Bien évidemment, ces combats étaient à peine tolérés par les autorités, mais ils faisaient partie du Un : toutes choses avaient une raison d’être, et dans ces endroits disséminés se produisaient un spectacle cathartique qui visait sans doute le bien de la société.

Si, sachant tout cela, l’observateur imprudent tâchait d’entrer dans la boucherie, il découvrirait un duo de péquenauds ahanant vêtus à la manière d’oiseaux arctiques ; plus précisément, il verrait un homme d’âge mûr, doté de rouflaquettes et d’un costume étriqué de majordome des hauts-quartiers, en train de se faire tirer les cheveux par une jeune femme à califourchon sur son dos vêtue d’une tunique de domestique très réglementaire. Accessoirement, la jeune femme en question tentait d’arracher les oreilles du vieil homme avec les dents et avait l’œil beurré au noir. Elle bavait un peu, aussi, et transpirait - beaucoup.

Au sol, quelques monographies de très belle qualité : L’art de l’Escrime, Règles de bonne conduite pendant les Duels de Gentilhommes, Manuel d’Etiquette du Pugilat, et l’incontournable Encyclopédie du Thé à travers Syfaria – Volume Quinze, le Thé Blanc.
D’ailleurs, au moment même où la jeune femme renonçait à scalper la tête du vieil homme à l’aide de ses ongles, elle glapit quelque chose d’assez curieux :


« La variante de thé à l’églantine et au romarin ne se sert qu’à la température exacte de 25°C après un temps d’infusion de 7 minutes 45, et uniquement entre six et sept heures du soir ! »


Comment en était-on arrivé là ?
Eh bien…*comment expliquer*

Tout avait commencé lorsqu’Oromonde avait raconté à un collègue de l’Hermine qu’elle avait l’habitude, adolescente, d’assister aux confrontations de pugilat de ses grands frères dans le quartier. L’idée qu’Oromonde, la raide serveuse silencieuse, ait jamais pu mettre son genou dans les génitaux d’un individu auparavant avait tant fait rire le personnel de l’Hermine que la nouvelle en était revenue aux oreilles rouflaquetées d’Harvain. Comme, en parallèle de cela, les entraînements de la Main avaient été suspendus par l’installation du nouveau jardin des d’Ascara, il avait conçu comme une bonne idée de tester ses propos vantards pendant les heures de congé de l’Hermine.
Par conséquent, Oromonde avait proposé de se retrouver dans cet endroit qu’elle savait très fréquenté le soir, mais très peu en journée. Au départ, il avait été question de lui enseigner l’étiquette des duels. Il avait donc fallu apprendre à sautiller bêtement d’un pied sur l’autre, et, selon les règles de bonne conduite de l’Apostolat Feyrand, noble combattant du siècle dernier et aristocrate reconnu, de ne frapper son ennemi qu’à des endroits localisés pour ne pas blesser la dignité de son adversaire.

Par ailleurs, il fallait aussi se saluer et s’excuser à l’occasion des frappes, afin de ne pas entretenir de sentiments de rancune dommageables au plaisir pris à se réunir au salon de thé l’après-midi. Nombre de courbettes diverses étaient conseillées, ainsi que quelques enchaînements de coups qui semblaient inspirés du ballet classique.

Oromonde avait essayé, vraiment, d’appliquer toutes ces règles de bonne conduite censés aire du duel un « moment de grâce et d’esthétique propre à la condition de gentilhomme. » Mais comme elle avait le tournis à force de sautiller dans tous les sens et que Harvain esquivait ses coups sans problèmes, elle avait fini par se sentir frustrée et avait alors résolu d’user d’une méthode un peu moins courtoise et d’enfoncer son poing dans l’estomac exposé d’Harvain, avant de lui asséner quelques coups de genoux et de coudes que son mentor avait pourtant réussi, avec une agilité assez étonnante, à éviter.

Il fallut quelques minutes de ce régime pour qu’Oromonde comprenne deux choses. D’abord, qu’elle s’était un peu rouillée depuis sa gloire adolescente et n’était plus en mesure de sécher un adversaire masculin en une minute trente (son record de l’époque.) Ensuite, que ce satané Harvain, malgré tous ses manuels d’étiquette, savait diablement bien prévoir des coups pourtant vicieux, désordonnés, et qu’on apprenait uniquement dans deux quartiers du Kil : les Fissures, et le Gruyère (surnom donné affectueusement à la zone des Catacombes par ceux des Fissures.)

C’était pour cette raison qu’elle en avait conclu qu’il fallait arriver aux moyens drastiques, et qu’elle avait bondi en bavant sur le dos de son mentor pour tenter de lui arracher le crâne de son corps. Malheureusement, jusque-là, ses efforts belligérants ne produisaient aucune explosion de sang et elle devait tirer de toutes ses forces sur la masse capillaire du majordome pour éviter de se retrouver au sol. Mais elle était sûre qu’avec assez de persévérance, elle pourrait lui arracher les poils des rouflaquettes.
Bien évidemment, tout cela était fait dans la grâce, l’élégance, la bienséance et la courtoisie qu’on pouvait attendre de membres du Locus Solus.

« …aucun coude ne sera posé sur la table – aïe -, et les serviettes seront dépliées sur les genoux –putaindemerde- de la personne de bonne famille ! »


Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Sukra 21 Marigar 815 à 15h26
 
*** Trente ans plus tôt, à quelques semaines près. Même endroit, même heure ***


Oh Scylla que j'aime cette sensation d'abandon de soi. C'est comme laisser s'échapper des tonnes de pression d'une chaudière, des années de retenue polie, perdre le contrôle au profit de la bête qui est en soi. Mon corps entier tremble d'excitation, quel pied ! Je suis épuisé, haletant, en sueur. Face à moi, au sol, git mon adversaire. Allongé sur le carreau de la belle manière et si je tiens debout, c'est parce que le sol est trop loin de ma tête. Oh Scylla, qu'est-ce que je dérouille, il m'a assaisonné de la belle manière le bougre. Je dois avoir quelques cotes fêlées, l'épaule gauche luxée et j'ai un marteau pilon dans la tête. Il m'a usé, vite, faut que je me tienne à quelque chose sinon je vais m'écrouler.

Je me rapproche l'air nonchalant d'un mur pour m'y adosser. Le public s'écarte de mon passage, encore en train d'assimiler l'information de la victoire. Dans quelques instants, ils vont se ruer pour récupérer leurs mises. Je sors une roulée à moitié écrasée de ma poche arrière et je l'allume avec une torche qui sert d'éclairage sommaire. Le brouhaha reprend d'un coup et les graines et autres objets précieux passent de main en main. Je tire quelques lattes l'air pensif.

Quelques instants passent. Le perdant encore sur le sol voit trente-six chandelles, il est trainé sans ménagement dans un coin de la pièce, il va prendre un bon seau d'eau froide pour le ramener sur Syfaria. Et de l'eau, c'est s'il a de la chance. Un gros ventripotent s'approche de moi accolé de deux gorilles. On ne le connait que sous le nom du "patron". Il dicte ses règles, ses lois, ses volontés à toute cette partie des fissures. Moi, je l'appelle plutôt l'ours. Il a le même appétit, le même caractère et la même pilosité.


*** Ambiance ***


Orsay, Orsay, Orsay... allons mon petit, tu me fends le cœur. Est-ce que je me serai mal fait comprendre ? Est-ce que je n'étais pas clair hein ?

Il s'adressait aux deux lourds à côté de lui qui secouent la tête en un geste stupide de négation.

Alors je ne comprends pas mon petit Orsay...qu'est-ce que tu n'as pas compris dans la phrase "à la troisième minute tu te couches" ?

Un instant.

Tu sais combien j'ai perdu ce soir à cause de toi ? Tu le sais mon petit Orsay ? Hein ? Je n'entends rien. Tu ne le sais pas ? Il ne le sait pas. Vous le savez vous combien j'ai perdu hein ?

Les gros bras hochent la tête.

Six-cent graines !

Il s'est énervé qu'un bref instant. Rares sont les personnes à l'avoir vu en colère. Enfin disons, celles qui peuvent parler encore. Ou écrire.

Alors dis-moi mon petit comment tu vas faire pour me rembourser ?

Je laisse passer quelques instants, terminant ma roulée que je jette d'un crachat mêlé de sang dans un coin. Puis j'en sors une autre que je rallume de la même manière. J'inspire profondément une nouvelle bouffée.

J'avais pas envie de perdre ce soir patron. Pas contre une fiotte comme lui. J'ai une réputation à tenir. Mais je suis un homme de parole, je vais vous rembourser et même bien plus.

La cupidité faite homme ouvrit grand les yeux devant cette révélation.

Je fais quelques pas, lentement, vers là où est accroché ma veste que j'enfile tout aussi lentement puis je reviens à ma place. Je sors d'une poche intérieure un objet cylindrique d'une trentaine de centimètres de long. Vu le regard de mes trois interlocuteurs, j'avais réussi à faire mon effet. J'approchais une des extrémités vers la cigarette que j'avais aux lèvres.


Oui patron, un bâton de dynamite. Mèche courte bien sûr. Vous n'aurez pas fait trois pas avant d'être volatilisés. Maintenant, je vais être moi aussi très clair patron. Tu me donnes toute la caisse de ta soirée et celle qui te sert de réserve. Je sais combien il y a alors n'essaye pas de me la mettre à l'envers. Demande à un de tes molosses de me ramener le fric sinon...

J'approchais encore plus la mèche de ma cigarette, un sourire sardonique aux lèvres.

Vite ! Je pourrai faire un faux mouvement.

Une minute plus tard, j'avais un sac de toile plutôt lourd dans une main et toujours mon feu d'artifice dans l'autre.

Maintenant vous allez reculer bien sagement et rester là le temps que je sorte tranquillement. Entre personnes d'intelligence, nous nous comprenons n'est-ce pas messieurs.

Je reculais lentement vers la sortie, gardant mes yeux braqués sur eux puis fermait la porte derrière moi. A ce moment-là, deux autres silhouettes m'attendaient. Ils barricadèrent la porte rapidement. On entendit courir et taper à la porte derrière.

Puj', Yun, vous avez bien fait sortir tout le monde ?

T'inquiètes, c'est fait ! me répondit Pujado.

Et on a récupéré l'autre caisse qu'il conservait là où tu nous l'avait dit. murmura Li Yun.

Partons.

Après s'être éloignés rapidement du lieu, nous nous arrêtions près d'un lavoir en pierre que j'estimais solide.

Bien joué pour l'idée du faux bâton de dynamite, on dirait un vrai ! s'écria Pujado excité.

J'allumais la mèche et d'un geste sec je le lançais vers la fenêtre de la boucherie qui se brisa. Une seconde plus tard, une énorme explosion embrasa le ciel, éventrant le toit du bâtiment.


Tu disais ?

Li Yun, en fin connaisseur s'étonnait toutefois de la puissance de l'explosion.

Ah non, ça c'est la caisse de dynamite que j'ai laissé à l'entrée.

Devant l'interrogation muette de mes complices, je reprenais la parole.

Les fissures se porteront mieux sans lui.

Ils acquiescèrent silencieusement. Tout le monde avait un jour ou l'autre souffert du patron. Il avait trop de ramifications, trop de contacts pour utiliser des moyens conventionnels contre lui. J'avais décidé d'utiliser des méthodes plus expéditives. Nous partageâmes le butin puis avant de nous quitter, je leur demandais ce qu'ils allaient faire de tout l'argent.

Moi, je vais ouvrir mon atelier de calligraphie dit Li Yun enthousiaste.

Pour moi, je vais pouvoir me propulser dans les hautes sphères de la société et m'acheter une position confortable. répondit Pujado rêveur. Et toi Orsay ?

Ca me paiera les frais d'admission au Locus Solus. A partir de demain, je commencerai les cours et je disparaitrai complètement. J'endosserai un nouvel uniforme, une nouvelle vie et un nouveau nom. Je prendrai celui du paternel.

Je réajustais mon nœud papillon et époussetait ma veste.



Appelez moi Harvain.

*** De nos jours ***


Je fus, je le reconnais, plutôt surpris d'apprendre que mademoiselle Oromonde se livrait à ce genre de passe-temps indigne d'une jeune femme. Les bonnes manières se perdent j'en ai bien peur. A son âge, il était plutôt de coutume de faire de la broderie ou de siroter du thé tout en écoutant un soupirant vous faire la cour. Certes, mademoiselle Thaïs était une exception malheureuse à cet ordre naturel des choses mais je fondais davantage d'espoir sur mon apprentie. Hum, faut-il que je sois entouré de furies ? Et puis, je me suis dit qu'un peu d'exercice ne ferait pas de mal pour se vider l'esprit après ces dernières semaines mouvementées.

Toutefois, je du mettre en œuvre toute mon éducation rigoriste et ma maîtrise pour ne pas défaillir en me voyant revenir au même endroit que j'avais quitté il y a bien longtemps. Cette ruine avait été légèrement retapée pour passer de l'état de "tas de pierres fumantes" dans lequel je l'avais laissé à celui de "minable taudis rempli de racailles". C'est comme si je rajeunissais de trente années. Scylla me vienne en aide, j'aurai presque une poussée de nostalgie. Mais ce n'est certes pas le moment pour se laisser aller à de telles idioties.

Au départ, oh pourtant, ça partait bien. Voilà, du style, de la noblesse d'esprit, un vrai comportement entre gens bien nés. Peut-être que ce misérable cloaque de ruines était simplement un lieu peu avenant rempli de gentlemen ? Voilà, une belle allonge dans les règles de l'art, un crochet du gauche bien arrondi, un pied prenant appui au bon moment, c'est harmonieux.

Puis très vite...le naturel chassé par la porte revenait au triple galop par la fenêtre. Et cette grande timide était en fait une vicelarde de la pire espèce. Je m'inquiétais soudainement de ne pas avoir pris une protection indispensable à tout homme dans ce genre d'altercations. Je redoublais donc de vigilance et les vieux réflexes prirent vite le relais sur les schémas d'esquive traditionnelle. Me voilà présentement sur le ventre avec un étrange colis à califourchon sur mon dos aïe mes lombaires petite peste !

*** Ambiance ***


Très bien. Tu veux jouer salement, je suis ton homme. J'ai arraché des nez avec les dents avant même que tu sois une lueur dans l’œil de ton père.

Cessant de me débattre inutilement, je posais mes mains à plat sur le sol puis à la façon d'un culturiste, je poussais de toutes mes forces sur les bras pour me soulever lentement du sol. Une hauteur de bras suffisait à déstabiliser ma "cavalière", haussant mon centre de gravité. D'un coup sec, je me roulais sur le côté. Dans la mêlée, j'arrivais à me dégager tant bien que mal pour me remettre debout face à elle.


Eh bien jeune fille, maintenant que l'échauffement est fini, si nous passions aux choses sérieuses.

Je retirais ma veste déjà bien salie puis mon veston froissé. Je desserrais le nœud de ma cravate puis je retroussais les manches pour la première fois depuis bien longtemps. Sur mon bras droit, de longues et fines lézardes noires descendaient de l'épaule jusqu'au poignet. Pour la première fois depuis longtemps, je pliais mon dos et cambrais les jambes, bien loin de mon attitude rectiligne habituelle. Mes mains étaient grandes ouvertes prêtes à saisir le premier membre passant à portée de main. Je craquais mes cervicales et mes jointures, signe d'une arthrose trop présente dans mon corps.

Pour la première fois depuis longtemps, j'avais envie de taper sur quelque chose.


Bah alors gamine, t'as du mal à mettre un dérouillée à un vieillard ? Essaye donc de me faire chier mes dents, à moins que tu ne sois une chiffe molle comme tout le reste de ta famille de maudits ?


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Luang 23 Marigar 815 à 20h06
 
Sacripaille ! C’est que le vieux avait du mordant, du chien, enfin, de la gueule quoi !
Si le duo n’avait pas été plongé dans un terrible combat, sans doute la mâchoire d’Oromonde se serait-elle décrochée d’étonnement devant la réponse d’Harvain. Pour le coup, elle se décrocha plutôt parce que, distraite, elle ne leva pas sa garde assez vite pour parer le coup du majordome berserk.

Waow. Elle ne savait pas qu’on les entraînait comme ça, au Locus Solus !

Loin de se douter de l’étendue des réminiscences d’Harvain (qui l’auraient sinon profondément bouleversé), la « gamine » (qui a tout de même vingt-cinq ans) se focalise sur l’affaire actuelle. Le majordome, une fois en état berserk, est un adversaire difficile et vicieux, qui évacue des années de frustration et de contrôle de soi dans quelques minutes de folie belliqueuse. Il va probablement lui lancer les manuels de courtoisie élémentaire à la figure si elle l’énerve assez.
Ahanant misérablement, Oromonde évite un coup, puis un second. Feinte ! Elle roule sur le côté avant de se faire fêler les côtes. Finalement, elle est plus vive qu’elle ne le pensait.

La « gamine » redresse la tête, lève le menton hargneusement et répond de quelques tentatives de coup de son propre côté. Ce défoulement intensif fait, il est vrai, du bien ; c’est qu’elle aussi a emmagasiné beaucoup d’années de retenue et de mutisme conformiste.

« Tu m’fais rire, le clown. C’est pas en levant l’petit doigt quand tu bois du thé que tu changeras ce que t’es.»

Opportunité : elle plonge son visage en avant pour tenter d’asséner un coup de boule.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Matal 24 Marigar 815 à 17h29
 
Je me souviens, oui, d’une époque où un de nos professeurs avait demandé jusqu’où devions nous conserver notre style, notre stature et notre professionnalisme. Beaucoup citaient des cas d’urgence divers et variés, hypothétiques situations catastrophiques ou autres exceptions particulières. Je me contentais de me taire, connaissant déjà la réponse évidente. A chaque personne qui avait répondu était assortie d’une corvée d’épluchage de patates ou de récurage de toilettes avec une brosse à dents. D’un geste sec de sa règle en métal qu’il écrasait sur le bureau, il levait un impérial doigt vers le plafond. En aucune situation, nous ne devions quitter notre éducation, que ce soit le soir de l’apocalypse, sur le seuil de la mort ou lors de la grève des producteurs de thé. En toute occasion, arborer le même professionnalisme et le même objectif de l’excellence du service.

Et bien sûr, les combats et autres situations considérées comme potentiellement dangereuses en faisaient partie. Plus facile à dire qu’à faire. J’avais toujours tendance à laisser mon esprit majordomien au vestiaire pour ne pas le salir. Le sang part terriblement mal au lavage. Alors disons que je m’autorisais de temps en temps une petite relâche dans mon code. Si mes professeurs le voyaient, je serai bon pour un polissage du cuir postérieur par un article de cordonnerie résistant administré par quelque titan. En gros, un coup de botte ferrée au cul de la puissance d’un monstre de littérature. Mais au moins, cela n’enlevait certains principes inaliénables. Je ne pouvais pas décemment savater une femme. Aussi, je me contentais du plat ou du dos de la main en essayant de retenir les coups au mieux. Adieu les coups de coudes, de genoux, de poings, de pieds. Adieu parties sensibles telles que le plexus solaire, les tempes, les yeux, les oreilles, le ventre, les articulations, la gorge et la colonne vertébrale. Cela retire malheureusement un certain intérêt à la chose. Mais n’oublions pas, certaines limites ne sauraient être franchies, tout de même. Le Locus Solus ne pratiquait aucune forme de discrimination car sous l’uniforme nous sommes tous pareils et les femmes font preuve de la même excellence dans le service que les hommes. Toutefois, pour des raisons de décence et de mœurs, les femmes n’étaient généralement pas invitées aux entrainements physiques. Disons aussi que c’était pour des raisons de misogynie : une femme n’a pas à apprendre à se battre, ce n’est pas dans l’ordre naturel des choses. Certaines de ces dames disaient que c’était plutôt par peur des hommes d’être battus par des femmes… Ah, je me souviens de quelques entrainements mixtes en ma jeunesse…

Mon adversaire par contre, ne connaissait pas ce genre de problématiques et je la soupçonnais de viser là où ça faisait mal. Et même si beaucoup en doutent, je suis un krolanne comme les autres hum… Oh elle tente la technique du « ayant-les-mains-occupées-j’ai-repoussé-le-belligérant-de-la-tête ». Scylla me vienne en aide, c’est tellement bas de gamme comme attaque. On fait ça sur un adversaire immobile ou dans un environnement étroit mais surtout pas contre moi. Désolé jeune fille. Que la douleur soit votre professeur.

J’esquive d’un pas de côté et en profite pour la faucher dans les grandes largeurs. Elle part s’écrouler quelques pas derrière moi. Si ça avait été un combat régulier, je lui aurai attrapé la nuque des deux mains, coincé la tête le long de mon corps et soulevé d’un geste brusque jusqu’à ce que j’entende craquer. Je me retourne et lui fais ce signe de main hautain de tous les combattants en supériorité que je l’attends de pied ferme.

J’avise son pied qui s’approche trop et l’écrase non pas pour lui faire mal mais pour la bloquer. Elle bougeait un peu trop et maintenant qu’elle est bloquée, la voilà à portée de main. Le sourire en coin, je m’apprête à lui sortir une répartie bien sentie quand je vois trop tardivement son poing arrivé. Je n’ai le temps que d’offrir une joue au lieu de mon nez mais le mal est fait. Je recule rapidement.


Plus fort mauviette, j’ai rien senti ! Montre-moi que t’en as…

J’ai failli finir ma phrase par « une paire » mais je me suis retenu à temps. En général, maintenant que j’y pense, c’était toujours comme d’autres hommes et l’expression est passable entre combattants. Mais ça devient plus tendancieux face à une femme… Ce n’est pas autorisé par l’étiquette de Madame de Pompe à Dour.


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Merakih 25 Marigar 815 à 22h34
 

D’ordinaire, Oromonde n’est pas du genre fanfaron : son existence n’a jamais été assez éclatante pour mériter des fioritures de Matamore.
Mais il faut avouer qu’il y a un certain charme à s’envoyer quelques aberrations lexicales tout en savatant son adversaire. Certes, elle ne se bat pas très bien, et elle déplore à plusieurs reprises son manque de rapidité ou d’adaptabilité face aux prises d’Harvain. Mais elle est plutôt tenace, comme fille. Le genre qui sait faire la cuisine pour vingt et a déjà changé des langes. Face à ça, un majordome en caleçon, ça reste gérable.
La jeune femme grogne pathétiquement en profitant de la temporaire distraction de son mentor pour se relever et prendre quelques distances. Sa figure est sale, sa chemise plissée (damnation !), et cet entraînement sportif commence à porter ses fruits bleutés appelés ecchymoses.

« Sang et foutre ! » jure la lanyshta, ce qui lui arrive assez rarement pour être noté. Elle ne répond par contre pas à l’insulte de son mentor. Etre vulgaire, ça va. Par contre, elle n’a pas le répondant de Li Yun dans ces occasions-là. S’il avait été présent, le célèbre enlumineur aurait probablement déjà tué Harvain avec un simple regard dédaigneux.
Les deux ennemis prennent quelques secondes pour jauger de la défense de l’un et de l’autre. Harvain n’est pas beaucoup plus grand qu’elle, aussi n’a-t-il pas d’avantage particulier lié à son allonge. De physionomie assez sèche, c’est un quinquagénaire qui, s’il est tenu en forme par le service et son éducation, n’est plus non plus très frais ; sans embonpoint, mais aussi sans musculature apparente. Elle dispose grosso modo de la même anatomie : aucun privilège là-dessus. Mais Harvain est, par contre, plus vivace qu’elle n’est. Cela se voit à la façon dont son regard ne se focalise par sur la dispersion de ses mouvements, mais sur les quelques axes importants que doit suivre un combattant : la tournure des hanches et des épaules, qui seule révèlent la direction de l’attaque à venir. Anticipant aisément ses actions, il est prompt à les esquiver. Mais l’exemple donné à l’instant prouve que, si elle passe ses défenses en opérant par surprise, il est physiquement démuni pour y répondre.

Elle glisse d’un côté à l’autre tandis que majordome et serveuse s’échangent un enchaînement de coups sans effets, plus pour se jauger que pour parvenir à toucher l’autre. Finalement, c’est encore une fois elle qui brise cette mise en œuvre en tentant d’attraper le majordome par son encolure. Ce dernier se dégage sans effort et réplique, mais elle a levé le bras pour paré son coup. Facile alors de forcer son appui et d’ouvrir un espace entre le bras momentanément bloqué et le torse, suffisant pour asséner un coup costal.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Julung 2 Astawir 815 à 15h43
 
J’encaisse le coup avec difficulté. Diantre, me voilà en train de choir. Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! Tiens moi ça Roger, va y avoir du rififi ! Je chois donc je suis. Me voici bien confit et déconfit. Quant à cet air contrit, j’en reste ahuri. Mais non, je ne suis pas trop vieux pour ces conneries !

Fût une époque, dans mes jeunes années, je n’aurai rien senti. Mais disons que je suis…jeune depuis plus longtemps que mon adversaire et que les années passées réclament l’addition. Mais elle n’est pas encore née la génération qui m’enverra m’allonger entre quatre planches de bois.

D’un coup de pied, je la fauche violement pour qu’elle rejoigne le plancher des vaches. Ah comme je regrette mes chaussures à bouts renforcés qui brisaient les rotules… Le plus puissant des adversaires est tout de suite moins dangereux s’il ne peut plus tenir debout. A partir de là, il ne restait plus qu’à l’achever. Oh comme elle me manque, cette sensation de sentir des genoux craquer et se plier dans une position contre-nature…

Dans ce simili-combat, me voilà bien désavantagé. Sans objets tranchants, sans coups vicieux, sans attaque sournoise. Mais cela me fait du bien. Moi aussi j’avais besoin d’évacuer. La pression retombe lentement, voilà… ça va mieux…

Je me redresse rapidement puis m’éloigne un peu. Je vais changer le rythme de l’engagement. Voyons jeune fille comment se porte votre garde basse. Et l’air de rien, je recommençais à sautiller d’un pied à un autre.



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