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Un monde (trop) parfait
Où l'on apprend à voler, à défaut d'atterrir
 
Narrateur
 
Le Dhiwara 26 Astawir 815 à 22h19
 
***
Il pleut.
Il mouille.
C'est la fête à la grenouille.

Mais pour le krolanne longeant le Bois de la Lecture, la fête est terminée. Il le sait, il le sent. Il a la tête qui tourne. Sans doute ce qu'il a bu... Il n'aurait pas du boire. Pas du boire ça en tout cas.
Par beau temps, quelqu'un l'aurait déjà interpellé, lui demandant s'il se sentait bien. Car il n'en donne pas l'air.
Mais il pleut, et avec la pluie, l'odeur. Les passants sont rares, et ceux-là ont aussi le nez plissé, la moue boudeuse. Lorsqu'il pleut sur le Kil'dé, la solidarité semble se concentrer dans les endroits secs, dans la rue, on ne croise que des inconnus.

Flic-floc.
Plic-ploc.
Il se retourne, mais non, rien.
Rien à voir ou rien qu'il ne parvienne à voir ?
Effet de la boisson ou de l'inexistence ?
Il y a bien ce rythme qu'il entend, qu'il ressent, mais entre les battements trop forts de son coeur et des bruits de pas, il est bien capable de faire la différence, non ?
Non ?
***


Ma tête...

***
Il se masse les tempes, mais cela semble plus répandre la douleur que la faire disparaître. La pluie s'est intensifiée.
FLIC-FLOC.
Plic-ploc.
Toujours ce battement régulier. Toujours personne. Il va prendre par une zone plus dégagée. En tournant à droite, il y a la promenade, le long de la Faille. Un bel endroit dégagé. Pas comme le ciel.

***

Il y a du vent. Vent+pluie = désagréable.
Sa belle chasuble de Commis aux Sans-Destins est destinée à en mettre plein la vue aux moins bien lotis, plus que bien des autres, il ne doit pas se conformer aux règles du bon goût du Kil'dé, mais à l'image que les autres ont du Kil'dé. Ou du moins à l'image que les autorités du Kil'dé veulent faire croire qu'ils pensent que les autres pensent en songeant au Kil'dé. En gros. Disons qu'elle est belle, ornementée, mais qu'elle se gorge trop facilement d'eau à son goût. Et avec le vent, cela lui plaque le tissu humide contre les jambes, l'entravant légèrement, rendant sa démarche titubante.

Heureusement, la pluie se calmait un peu.
Flic. Floc.
Plic-ploc.
***


Que... ?

***
...
***
Un cri, cela fait tendre l'oreille. Un choc sourd, moins, des tas de choses tombent.
Mais un cri qui s'achève par un choc sourd, les gens se méfient, et très vite, alors que les nuages se dissipaient, quelques Kil'déens inquiets vinrent inspecter la promenade de la Faille.
Il ne fallut pas longtemps pour que l'un deux, maudissant la chaussée glissante, ne s'accroche au parapet et regarde en bas.
Quasi trente mètres de dénivelé avant d'être arrêté par un échafaudage.
L'échafaudage avait gagné la confrontation.

Les étrangers pouvaient bien moquer le traditionalisme du Kil'dé, il n'en demeurait pas moins d'une efficacité ayant fait ses preuves. On allait chercher les personnes concernées. Qui de la Défense était disponible ? Car il y aurait une enquête. Quelqu'un pour aller aux Archives ? Au Kil'dé, on ne se contentait pas de constater la mort, on vérifiait aussi la pertinence des prédictions. Qui était-il, avait-il de la famille, des collègues ? Il faudrait les avertir, les prévenir.
La cérémonie funéraire aussi, serait préparée... Même les pleureuses seraient au courant dans l'heure.
Car même si le reste pouvait être incertain, le Kil venait de perdre un Voisin.
***


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Luang 27 Astawir 815 à 20h12
 
Les enfants s’étaient montré très excités à l’idée de rendre visite à leur père ou oncle, c’est selon, sur les échafauds de la Faille. Achille, troisième fils de la dynastie Shen, y accomplissait avec brio et beaucoup d’ego ses tâches d’ouvrier. Il y tenait un petit poste de contremaître et tournait avec une équipe de cinq gaillards dont le boulot consistait à vérifier la sécurité des installations. Achille était très fier de son poste, d’autant plus qu’il venait d’apprendre que son fils aîné le suivrait dans son Destin. Il avait donc insisté en conséquence pour que sa jeune épouse, son fils, et ses nièces et neveux les plus grands viennent célébrer cet Augure en visitant son lieu de travail. Oromonde avait fini par accepter de finir, pas par curiosité mais parce que la jeune épouse en question était prise de convulsions épileptiques à l’idée d’avoir sous sa seule responsabilité cette tribu de marmaille bruyante, mal élevée (il faut bien l’admettre), et écervelée. Les Shen ne s’était jamais illustré par un comportement exemplaire ni par une intelligence très développée.

Toutefois, les gamins s’étaient rapidement calmé : il faut dire que se balancer à quelques centaines de mètres de la Faille et bien loin des rambardes rassurantes de la Promenade avait de quoi vous sécher n’importe qui. Oromonde elle-même faisait pâle figure. Achille et ses équipiers, pour leur part, ne paraissaient pas dérangés le moins du monde. Ils avaient longuement expliqué à la jeune famille et en particulier au fils touché par le Destin en quoi consistait leur travail, et leur avait fait l’exemple de quelques manœuvres.

« Trop fort ! » furent les commentaires.

Lorsque l’averse s’était déclarée, (« trop nul ! ») ils les avaient fait se replier sous un auvent accroché à une passerelle de dépôt et de stockage qui avait été dressée sur un promontoire artificiellement aménagé du gouffre. La surface était étroite et resserrée, et la pluie battait son mélancolique chant contre la toile huilée. L’humidité passait tout de même à travers l’installation, et la température avait quelque peu chuté. Pour faire passer le temps, le plus vieux des équipiers avait commencé à raconter quelques histoires.

Elles étaient toutes à propos d’ouvriers perdus dans ces ouvrages arachnéens qui sous-tendaient le Kil’Dé, dans un univers lissé et glauque de passerelles d’aciers et de câbles assassins. Le long du gouffre- on ne pouvait apparemment pas en couvrir la surface – se produisait d’étranges phénomènes. Des apparitions, des spectres, des voix énigmatiques s’exprimaient à travers le bruissement de la seule eau pure de Syfaria. Invariablement, le jeune protagoniste principal de ces histoires était emporté vers une mort certaine par sa curiosité dévorante. Selon le vieil homme, on pouvait encore entendre la plainte de ces morts bloqués aux portes du temps, dont le seul ressort de communication consistait dans la vibration des câbles qui tendaient l’architecture microcosmique de la Faille. Les enfants, bien entendu, n’en menaient pas large, d’autant plus que la toile était parfois prise d’un coup de vent fort à propos qui les faisait tous sursauter.
Ce fût dans cette ambiance inquiétante que le corps heurta l’échafaudage 43-A-B, qui avoisinait directement leur refuge de fortune. Il se trouvait légèrement à leur droite, à quelques mètres au-dessus de leur tête. Malgré le bruit de la pluie et les chuchotements narratifs du vieillard, tout le monde entendit distinctement le bruit, si ce n’est le cri qui l’avait précédé. Certains des plus jeunes parmi les enfants se mirent à hurler.

« - Le fantôme de Ouazzel ! » criaient-ils, terrifiés par la dernière invention du moustachu. Oromonde le maudit secrètement et se redressa en même temps qu’Achille.
« - C’est 43 qui déconne, marmonna ce dernier à ses collègues.
- Ivan y était tout à l’heure. RAS. Structure stable.
- On va j’ter un œil. Or, chope-moi ce truc derrière toi. »


Oromonde se retourna et finit par apercevoir la caisse d’outils de mesure que lui désignait son frère. Elle la prit sans un mot. Au final, elle était plutôt heureuse de sortir. Cela faisait bien deux heures qu’ils étaient coincés là à écouter ces stupides histoires. Le moustachu resta avec la jeune épouse et les enfants.
Passer de la passerelle à l’échafaudage prit quelque temps, principalement parce qu’il fallait d’abord vérifier le système de poulie des tronçons de bois que l’on pouvait utiliser comme ascenseur tout au long de l’installation. Oromonde ne comprenait pas très bien comment le tout fonctionnait – ses notions en ingénierie et en physique étaient trop mauvaises. De son point de vue, ils se contentèrent de parvenir à l’aide d’une nacelle en bois jusqu’à l’échafaud suivant de façon presque magique.

Ce fût là qu’ils comprirent, bien sûr, que ce n’était pas la structure de l’échafaud qui avait un problème, mais plutôt le corps krolanne qui venait de s’y répandre. Les jurons volèrent aussitôt, ainsi que les exclamations de crainte. Achille lui fit signe de partir, mais la lanyshta resta sur place. Qui qu’ait pu être le cadavre, il était difficilement reconnaissable après sa chute. Quelques centaines de mètres en chute libre et le reste de pluie avait étalé une pulpe sanguine, indistincte, le long de l’acier calme.

Pendant quelques difficiles secondes, Oromonde resta là, bouche bée, persuadée d’avoir devant elle le corps d’Iolain. Lui aussi avait été déformé, de manière moins saisissante et gravissime. C’était lui, à nouveau, qui venait la hanter, elle le sentit dans ses tripes. Il lui fallût quelques instants pour réaliser qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre, que cet épisode appartenait au passé – une transpiration gelée lui goutait déjà du dos et du front. Elle s’était presque crue à nouveau sur le parvis de l’auberge où elle s’était un jour éveillé sans souvenirs. Comme les quatre hommes autour d’elle s’affairaient à…faire des choses apparemment utiles autour d’elle, elle pût s’approcher sans trop de problèmes du cadavre.
Lorsque Harvain avait voulu maquillé le meurtre d’Iolain en suicide, il l’avait défenestré. Se produisait-il la même chose ici ? Et dans tous les cas…si un Commis remarquait que la jeune Oromonde Shen se trouvait à chaque fois auprès d’un cadavre mort de la même façon, ne risquait-il pas de pousser un peu plus son enquête, au risque que l’affaire « Iolain » lui revienne en pleine figure ?

Ce raisonnement un brin égoïste parvint toutefois à faire sortir Oromonde de son immobilisme. Elle fit le tour du corps pour tâcher de trouver des signes distinctifs ou des possessions quelconques. Dans le même temps, elle contacta par esprit Thaïs d’Ascara et Harvain.

Citation :
Thaïs, Harvain. Je me trouve sur un échafaudage de la Faille, nommé 43-A-B. Quelqu’un qui porte une chasuble de Commis aux Sans-Destins vient de s’y fracasser. J’ai pensé que cela pourrait te parler, Thaïs. Peut-être que tu connaissais cette…personne. Du reste…ça me fait penser à la façon dont…dont nous nous sommes occupés d’Iolain.




Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Luang 27 Astawir 815 à 21h36
 
Une tâche de couleur ne se répand que mieux sur un tissu blanc. Et c'est donc naturellement que, très vite, la rumeur a enflée dans les beaux quartiers. Là où les nantis, aux Destins brillants et tout tracés, se délectent des parcours cabossés, des Augures brisés, des ragots du monde d'en bas. Pas une dizaine de minutes n'a passée après l'accident que deux ou trois gamins courent les pavés clairs, remontent les allées agencées, répandent la nouvelle à qui veut bien l'entendre -monnayant parfois adroitement quelques détails réels ou supposés.

Ce jour là, Thaïs est nonchalamment assise sur son lit, à tenter d'infuser une armure légère qu'Harvain lui a remise. Elle tourne et retourne l'objet, cherche comment le renforcer, laisse ses doigts glisser sur le cuir à la recherche d'une faille à combler, d'un axe à exploiter. Ses yeux sont fermés, la concentration est totale : un des rares instants de calme de la brûlante adolescente. Insensible au raffut qui commence à monter, peu à peu, dans les allées du Quartier.

Le message mental est d'autant plus violent. Arrache Thaïs à sa transe. Ses yeux s'écarquillent, ses mains se crispent soudainement. L'armure vole dans la chambre, s'en vient fracasser un bibelot. En quelques minutes, Thaïs est dehors -Harvain probablement sur ses talons. A peine a-t-elle pris le temps d'attraper sa cape d'Adjointe -simple et modeste-, pressentant qu'il faudra peut-être jouer de sa fonction. Elle n'a pas de perruque, porte un pantalon informe et des bottes simples. Indigne d'une d'Ascara mais révélateur de sa hâte.


Qui qui qui ? J'arrive. Qui ?


Martèle mentalement la jeune lanyshsta. Elle n'a qu'une peur : que ce soit Pujado. Ou quelqu'un qu'elle connaît bien.
Elle n'a pas beaucoup de liens étroits dans le milieu, hors son Maître, mais a croisé pas mal de collègues au cours des interminables présentations, quorums, assemblées de son ordre. Un front commun, une position immuable du Quartier, ça se travaille, et Thaïs a toujours vu ces rassemblements d'un oeil ennuyeux. Elle espère et a peur à la fois de ne reconnaître que trop bien le corps. La raison se fraye peu à peu un chemin toutefois : Oromonde connaît Pujado, et ne l'aurait sans doute pas présenté comme cela si elle avait reconnu le vieux croûton.
Mais qui, alors ?

Thaïs court sur les pavés, file vers la faille. Elle chope un gamin qui a réussi à se créer un petit auditoire de bourgeoises rouges d'excitation et le secoue pour avoir un nom. Mais le petit ne sait pas, se met à pleurer, et Thaïs le lâche sans plus de ménagement pour continuer sa folle course.
Il faut trouver ce foutu échafaudage. Et l'orientation n'est guère la force de la magicienne...



 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Matal 28 Astawir 815 à 07h33
 
En inspectant avec un peu plus d'attention la scène, Oromonde se rendit vite compte qu'elle s'était trompée quant à ses premières suppositions. Les pluies striées et l'aspect saisissant du tout lui avaient fait apparaître pendant quelques instants le cadavre comme réduit à l'état de confiture crânienne. En y regardant de plus près, le corps avait au contraire conservé grosso modo son unité volumique. Le corps, allongé sur le côté, présentait une cage thoracique brisée. Le reste....avait subi des dégâts mais restait identifiable. A la demande de Thaïs, Oromonde se pencha pour tâcher de décrire le visage à sa camarade.


Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Matal 28 Astawir 815 à 13h26
 
Après s'être un peu égarée, Thaïs parvient à mieux localiser l'échafaudage. Une petite troupe de curieux s'est déjà amassée, en surplomb. Les Commis à la Défense ne paraissent pas encore être sur les lieux -ils n'ont pas eu la rapidité télépathique dont a bénéficié Thaïs. Dans sa hâte, l'adolescente ne semble pas avoir remarqué qu'Harvain ne l'a pas suivie et qu'elle est seule a avoir quitté la maison.

Oromonde !

L'Adjointe enjambe sans hésiter le parapet, là où le complexe assemblage de métal semble accessible. Elle pousse sans ménagement les badauds, fait voir sa cape aux insignes d'Adjointe.


Place, place !

Féline, la d'Ascara se glisse peu à peu jusqu'au cadavre et sa camarade, plissant les yeux pour mieux distinguer qui est la victime, attentive mentalement à la description d'Oromonde.

 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Merakih 29 Astawir 815 à 13h41
 
En recevant le message télépathique, je lève un sourcil mental et physique. Allons bon. Que diable cette jeune écervellée est allée encore faire... Dont nous nous sommes occupés de Iolain...humf, dont JE me suis occupé. J'ai encore mal au dos d'avoir transporté un tel gaillard sur quelques pas... C'est assurément dramatique. Pauvre homme. Je laisse le repassage des chaussettes de monsieur d'Ascara de côté. Je préviens l'intendante que je dois conduire mademoiselle Thaïs à son cours de gipure ancienne, quelle attelle la voiture.

Depuis le dernier incident avec le jeune monsieur Iolain, j'ai pensé qu’il était nécessaire d’investir dans une voiture plutôt que de recourir à des taxis. Plus facile, plus discret, plus sûr. J’ai découvert avec stupéfaction une vieille voiture dans une remise lors des travaux. Je comprenais mieux la théorie de pourquoi les riches étaient riches. Ils achetaient des biens solides et conservaient tout en attendant que ça serve plus tard. Quelques coups de peinture, rembourrage des coussins, rénovation des essieux, remplacement des amortisseurs et achats de deux chevaux azelans. Il ne restait plus qu’à refaire briller le blason familial.

En sortant, je trouvais la voiture affrétée. Je m’installais à la place du cocher et je lançais les chevaux. Je savais que mademoiselle Thaïs avait déjà pris pas mal d’avance sur moi. Dans le coffre, j’avais pris quelques affaires et le terme d’échafaudage résonnait dans mon esprit. Une de mes faiblesses était une certaine aversion pour les hauteurs que d’aucuns qualifiaient de vertige…

Arrivé peu après tout le monde au lieudit, facilement repérable par l’attroupement de badauds et de curieux, je stoppai la voiture. Je prenais un sac de cordes avec moi. On n’est jamais trop prudent, et surtout que je dois compenser l’imprudence des deux jeunes femmes avec moi… Je fais beaucoup d'effort pour rester serein en me promenant sur les planches de ce chantier instable. Je regarde en bas, hum…le dénivelé…on est mort d’ennui avant de toucher le sol je pense… Bon allez Harvain, un majordome doit savoir être présent partout…

Je me faufile lentement, descend prudemment les échelles en m’accrochant toujours au mieux à la paroi. Je me ceinture avec la corde et accroche l’autre bout à la structure. J’avance plus lentement désormais mais au moins, je me dis que je ne devrai pas avoir de soucis. Scylla que c’est haut…

Je finis par arriver vers la scène dite. Personne ne semble faire attention à moi.


Ah mademoiselle Thaïs, mademoiselle Oromonde, bonjour.

Inclinaison trente degrés.

Si vous voulez bien m’excuser…

Je m’approche d’elles et commence à les ceinturer avec les autres cordes puis à les attacher à la structure métallique.

On n’est jamais trop prudent hum…


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Vayang 1 Manhur 815 à 11h15
 
Thaïs se laisse ficeler docilement. L'adolescente est trop occupée à tenter de reconnaître le cadavre, se tortillant pour apercevoir le visage sans toutefois oser toucher trop ouvertement au corps. L'a-elle déjà vu ? Probablement, s'il s'agit vraiment un Commis aux Sans-Destins. Le connait-elle nommément ? Moins certainement, avec sa mémoire de poisson rouge sur les identités. Toutefois, sans doute arrivera-elle à rattacher un Commis à un district ou à des collègues communs.

Les mains de la jeune femme semblent agir d'une volonté propre, alors qu'elles commencent à effleurer rapidement le cadavre, ses poches, soulever délicatement les tissus, farfouiller dans les habits, à la recherche d'un objet quelconque. Thaïs pense de prime abord à une lettre d'adieu.

Sans résultat clair indiquant un acte délibéré, la fouille est sommaire et vite abandonnée.
La d'Ascara invite Oromonde ou Harvain à la reprendre plus efficacement. Elle pense à leur intention :


Il faut examiner si la peau est marquée, les vêtements abîmés : il y aurait pu avoir lutte si ce n'est pas un suicide.

Thaïs ferme les yeux et se concentre. Elle maître la Noxamancie et les Flux d'énergie. Elle tente de capter une anomalie dans la trame, une présence ou une trace récente de magie. Une marque Lanyshsta ou, du moins, non krolanne. Son esprit est grand ouvert, tâtonne, sa peau se hérisse de petits frissons, ses doigts dansent dans le vide pour mieux capter l'étrange. Sans doute si des lanyshsta's sont dans le coin, peuvent-ils sentir cette exploratrice peu discrète qui cherche à attraper à la volée et assez grossièrement tous les éléments à sa portée.

 
Narrateur
 
Le Vayang 1 Manhur 815 à 15h21
 
***
La pluie lave beaucoup de choses, mais Thaïs perçoit néanmoins une subtile et éphémère odeur d’alcool tandis qu’elle se penche au dessus du corps.
Le crâne est visiblement enfoncé du côté qui repose sur l’échafaudage, mais ses mains ne portent pas de traces de lutte et aucune blessure par une arme n'est repérable... Le cadavre présente un profil à peu près intègre vers le haut. Suffisamment intègre pour reconnaître le visage d’un quadragénaire croisé dans les couloirs, mais pas pour mettre un nom dessus…

Tandis que ses mains se glissent dans les poches de sa chasuble, l’Adjoint aux Sans-Destin peut sentir les reliefs de la cage thoracique brisée sous les vêtements, et ses mouvements déséquilibrent le corps qui roule sur le dos, révélant le côté brisé de son visage.
La vision peu ragoûtante produit un hoquet de dégoût dans le petit attroupement, néanmoins personne ne semble s’offusquer que quelqu’un d’autre, qui plus est un collègue du mort apparemment, s’occupe du sale travail en attendant l’arrivée probablement imminente des forces de l’ordre.

Le nom du mort se trouve sur un document retrouvé dans une poche de poitrine, et que Thaïs reconnait immédiatement pour en posséder aussi un très similaire.

« Commis aux Sans-Destins Dorigon Espelet » titre la carte.
Document émis environ un an et demi plus tôt, portant comme il se doit le tampon officiel du Comité et son numéro d’accréditation.

Il n’a pas grand-chose d’autre sur lui : une bourse contenant quelques graines, un jeu de clefs, probablement de son domicile…
***


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Sukra 2 Manhur 815 à 14h24
 
Thaïs a un instant un haut le coeur en se retrouvant devant la face du mort. L'homme semble bien être décédé des suites de sa chute. Peu connaisseuse sur ce point, elle laisse toutefois Harvain ou Oromonde confirmer les conclusions cliniques de ce fait, s'ils le peuvent.

L'adolescente est secouée devant la mort de ce krolanne qu'elle connaissait de vue -sans toutefois lui avoir une fois parlé, simplement aperçu deux ou trois fois au gré de leurs fonctions. Le nom lui dit vaguement quelque-chose, tout juste assez pour savoir qu'il n'a sûrement pas été inventé et qu'il s'agit d'une véritable identité.

Sans doute Pujado, le Maître de Thaïs et vieille commère avide des ragots sur ses collègues, pourra lui apprendre quelques informations croustillantes -ou le manque de rumeurs- sur la victime.

L'odeur d'alcool semble en tout cas indiqué qu'il avait passé quelque bon temps avant de chuter. Thaïs murmure :


Un simple accident ? Peut-on, saoul, tanguer au point de chuter ? Je n'ai pas souvenir que le parapet soit si peu haut...

La jeune lanyshsta mémorise le numéro d'accréditation -espérant le relier facilement à une adresse. Dans la même logique, le jeu de clés disparaît prestement et discrètement dans les poches de la d'Ascara, tandis qu'elle relève la tête à l'intention des badauds et leur crie péremptoirement -avec tout l'aplomb censé compensé son jeune âge :

C'est le Commis Dorigon. Il faut prévenir la famille ! Il devait revenir d'une soirée ou d'une taverne, diffusez son nom que nous retrouvions rapidement avec qui il était dernièrement, ainsi que ses proches !

Et ramenez des cordes, il faudra sortir ce malheureux de là, exposé à la vue de tous !


Cela donne un peu plus de transparence et de crédibilité à son action. Un regard vers Oromonde : les autorités n'allaient pas tarder à arriver, que faut-il faire ? Se séparer pour ne pas qu'elles soient encore reliées ? Faire front commun ? Après tout, dans l'affaire Iolain, aucun lien direct entre elles n'avait été établi.

Puis, pendant quelques minutes, Thaïs recommence à sonder la trame, à la recherche d'une altération magique récente, à toute fin utile. Son esprit grand ouvert aux flux tâtonne, tentant de mettre en pratique ses affinités avec la Noxamancie et les arts reliés.


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Sukra 2 Manhur 815 à 14h36
 


Oromonde s’est écartée rapidement du corps après la descente spectaculaire de Thaïs et d’Harvain, et a balbutié un « Bonjour monsieur, madame » poli pour garder la face vis-à-vis de son frère et des autres ouvriers. Même si elle attendait leur arrivée, mieux vaut faire semblant d’en être surprise : pour eux, ils n’ont aucune raison d’être là. De même, elle a refusé l’encordage que lui proposait Harvain et a rejoint son frère, qui s’affaire autour de plusieurs mécanismes.
Ce dernier n’a pas manqué l’arrivée des deux lanyshtas et leur jette un regard torve, prêt à intervenir.

« -Quoi foutre, ces guignols ? » grogne-t-il à l’adresse de sa jeune sœur qui semble les reconnaître.
Oromonde s’explique rapidement, désireuse de ne pas attirer de suspicion sur Harvain qui se balade avec des affaires d’escalade et Thaïs qui psalmodie et médite tout en fouillant le cadavre, actes quelque peu mal vus en général par les étrangers et surtout par la Défense.

« - Le monsieur est mon chef, au restaurant. Il n’habite pas très loin d’ici. Je crois que madame d’Ascara est attachée aux Sans Destins. Ils ont dû se précipiter ici quand ils ont entendu la nouvelle », propose Oromonde. Elle sait que son frère est sensible aux titres de noblesse et ces derniers n’ont pas manqué d’attirer son attention. « -Où sont les autres ? » rajoute-t-elle, voulant parler des ouvriers qui l’ont suivi ici et qui ont disparu.
« - Y en a deux qui sont partis remonter les gosses. Louis est monté prévenir la Défense. De toute façon, la passerelle a une charge limitée et avec ces branquignoles qui se jettent dessus, on pouvait pas rester à dix. » A nouveau, Achille jette un regard torve à ses deux camarades. « Je prépare la nacelle pour faire monter c’pauvre homme. Fais comprendre à tes poteaux de faire de l’air, et qu’ils aillent expliquer tout seul aux Commis qu’ils ont barboté la scène de crime.

- Est-ce qu’on ne devrait pas garder le corps ici, justement, pour la scène ?

- J’en sais rien ! Tu crois que ça arrive souvent, ce genre de truc !
» s’emporte Achille. « Si jamais ça devait être dû à un problème de sécurité dans la Faille, ça me retombera sur la gouaille. Et à mon fiston aussi ! Qu’un Destin se meurt le jour où un autre s’éveille…c’est un mauvais présage ! »

Oromonde se rend compte que son frère, malgré son âge plus avancé, est tout comme elle dépassé par les évènements. De plus, Achille et ses amis ne sont pas des hommes très éduqués ni cultivés ; comme tels, ils craignent la fréquentation des plus riches et de ceux qui tiennent des postes importants, et font preuve d'une certaine superstition. Nul doute qu’une explication avec la Défense ou le Concile les terrifie déjà. Ce sont des hommes simples, pour la plupart à la limite d’être analphabètes. Aux yeux d’Achille, elle est déjà une érudite sous prétexte qu’elle travaille chez un enlumineur et fréquente, même comme servante, les haut-quartiers. Elle pose une main sur son épaule pour le rassurer, réfléchissant à ce qu’elle peut faire.

«- Il vaudrait peut-être mieux attendre des consignes officielles avant de prendre d’autres initiatives » suggère-t-elle (ce qui donnera un peu plus de temps à ses camarades pour trouver ce qu’ils cherchent.) « - Et concernant la sécurité, d’où penses-tu que cet homme aurait pu tomber ? Le reste de la construction m’a l’air normal, à moi. »

Le frère et la sœur continuent de discuter dans leur coin de ce sujet, surveillant Harvain et Thaïs et guettant l’arrivée des autorités.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Luang 4 Manhur 815 à 16h57
 
Je hausse un sourcil au refus de mademoiselle Oromonde. Quelle idée saugrenue ma parole ! ah ces jeunes, ça croit savoir tout mieux que les anc....moins jeunes. Soit, tant pis. Je reste avec une corde sur l'épaule en rab, j'avoue que j'ai l'air un peu niais... Enfin bon. Je les laisse vaquer à leurs petites occupations. Mademoiselle Thaïs fouille le cadavre sans ménagement, je pense que la Défense n'appréciera pas trop cette curiosité éventuellement déplacée ou hors juridiction.

Je prends note dans un coin de l'esprit du nom du commis. La famille, ce n'est pas mon affaire de les prévenir. Sauf si on me le demande bien sûr. Par contre, poser des questions dans les tavernes environnantes... Ce n'est pas mon affaire non plus mais bon. J'éprouve une certaine aversion à devoir me plonger dans la foule de ces tavernes qui n'ont même pas une étoile au guide Miche-lain.

Effectivement, la présence de la Défense ne devrait pas tarder, autant que je m'absente déjà...


Je pars vers les débits de boissons environnants mesdemoiselles.

Ma phrase pourrait prêter éventuellement à confusion si c'était une personne normale qui la prononçait. Je ne perds pas de temps en détails futiles tels que "juste pour prendre des informations hein, je ne vais pas m'en jeter un sauf si c'est offert par la maison". Je ne bois pas en service de toute façon...

Je remonte lentement, péniblement l'échafaudage, ça tangue brrrrr et quel dénivelé à côté de moi... Quelques longues minutes plus tard, je retrouve le plancher ferme des vaches et me dirige, au petit bonheur la chance, vers le premier établissement que je trouve à proximité de la terrasse.

La technique est totalement aléatoire j'en ai conscience mais sans autre indice, j'ai du mal à restreindre le champs des possibles. Est-ce qu'il sortait d'une grande enseigne ou d'une gargotte ? Qu'avait-il seulement bu ? En partant du principe qu'il était saoul, il ne devait pas venir de bien loin ? Sauf s'il tenait bien la boisson ? La chance que j'ai est que le nombre d'auberges dans cette partie du quartier n'est pas trop élevé...



 
Narrateur
 
Le Matal 5 Manhur 815 à 12h50
 
La troisième journée de travail du jeune l'Adjoint à la Défense Kevhad avait pourtant bien commencé avec l'annonce que son supérieur s'était fait porté pâle ce jour là... Son chef et lui étaient sensés aller patrouiller ensemble pour lui montrer quelques coin du quartier où il venait d'être affecté, et la perspective d'une journée passée au chaud au poste à traiter des dossiers plutôt qu'à vadrouiller dehors n'était pas pour lui déplaire vu le temps pluvieux.

C'était sans compter que bon nombre de ses collègues nourrissant des pensées similaires trouvèrent parfaitement normal d'envoyer le petit nouveau quand on leur appris qu'il y avait eu une chute sur les échafaudages de la faille. Probablement un accident, une glissade dans une flaque? Il allait falloir vérifier les normes des balustrades, l'entretien des échafaudages, et remplir tout un tas de paperasse barbante à souhait... Idéal pour la bleusaille, non?


***
Bien sûr, les nouvelles prennent un peu de temps pour voyager, si bien qu'Harvain commence à peine sa "tournée des bars" quand l'Adjoint à la Défense parvient enfin sur les lieux.
***

***
Kevhad a d'abord oublié sa rancoeur contre ce temps humide quand il est descendu sur les échafaudages et que ses tripes se sont nouées lorsqu'il a jeté un regard vers le bas.
Le vertige non plus ne fait pas long feu, lorsqu'il se fraie un chemin entre les personnes rassemblées et que le cadavre tombe sous ses yeux.
Un hoquet de dégoût soulève bruyamment son estomac, si bien que les regards se tournent vers lui et remarquent sa tenue caractéristique. Et son teint livide.
Ce n'est qu'alors que les idées de l'Adjoint à la Défense se remettent à peu près en place.
***

Urg... Heu.. Adjoint à la Défense Kevhad! Ecartez-vous du corps mesdames messieurs! Heu...

***
Son regard redevient vide un instant et sa voix fait une pause, comme s'il cherchait à se rappeler de la leçon à réciter.
Visiblement, elle ne lui revient pas.
***

Qu.. Que... Heu... Quelqu'un a vu ce qui s'est passé? Qui est le responsable de ces échafaudages? demande-t-il à la cantonnade d'une voix se voulant ferme, mais avec peu de crédibilité vu son hésitation.

 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Matal 5 Manhur 815 à 23h12
 
Thaïs ne semble rien déceler d'anormal dans l'air : ni magie, ni trame froissée. Mais, novice dans cette tentative, peut-être est-elle simplement inexpérimentée et elle ne tire encore aucune conclusion. Au demeurant, hors de la thèse la plus probable de l'accident, la d'Ascara pencherait plutôt pour un meurtre manu militari -une personne surgit, pousse et disparaît- plutôt qu'un phénomène paranormal inexpliqué.

La jeune femme prend soin de se retourner vers Oromonde et son frère, l'air de regarder au dessus d'eux, en murmurant un "Oui... ça sent l'alcool dans l'air" un peu étrange. Comme si toute sa concentration et ses gestes dans le vide n'étaient qu'une toquade pour rendre mystique une évidence. Avec son menton fier et sa robe d'Adjointe, son nom connu, elle espère ainsi paraître intimidante -sinon simplement bizarrement maniérée. Dans tous les cas pas dangereuse ou malhonnête : au pire allumée.

Thaïs entend un Adjoint qui se présente. Prestement, elle se détache et remonte à sa rencontre, abandonne Oromonde et son frère pour s'éloigner quelques peu du cadavre -dans l'attente d'une remontée prochaine, sans doute. La partie "diplomatique" s'engage : il s'agit de se glisser dans l'enquête, l'air d'aider mais surtout avec la ferme volonté de glaner de nouvelles informations.

La d'Ascara s'avance vers le jeune homme, fendant la foule qui l'entoure avec assurance. Elle lui tend une main ferme en parlant calmement -elle semble maîtriser la situation, jusque-là :


Adjointe aux Sans-Destins Thaïs d'Ascara. Le mort est un Commis de ma branche, Sire Dorigon. Pas de doute possible.

Thaïs parle comme si elle l'avait reconnu -ne faisant pas mention de la fouille, de la disparition des clés de la victime. Peut-être paraîtra-elle ainsi assez proche du mort pour que la Défense la lie à l'enquête -si enquête il y a- ou la mette dans des confidences. Elle a pris soin de remettre les documents d'identité en place après les avoir examinés et espère avoir assez impressionné le frère d'Oromonde pour qu'il ne s'en aille pas rapporter des... détails insignifiants.

La d'Ascara rajoute :


Quel Destin tragique. Je ne savais pas que ce bon bougre était voué à une telle Fin...

Elle laisse la phrase en suspend, dans l'espoir que la Défense ou une autre personne soit déjà renseignée sur l'Augure du krolanne.


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Merakih 6 Manhur 815 à 08h44
 

Achille lance un regard interloqué à jeune sœur devant la déclaration de Thaïs, et attend qu’elle lui tourne le dos pour chuchoter un : « Tout ça pour ça ? » déçu. Peut-être attendait-il un tour de voyance. Oromonde, pour sa part, se retient de rigoler franchement, ce qui serait assez malheureux étant donné les circonstances, et affiche une mine de pierre tombale, ce qui est bien plus dans le ton.

Lorsque l’Adjoint à la Défense arrive, le frère et la sœur se rapprochent timidement, sans rien dire pour le moment.
Achille a l’air assez impressionné par Kehvad, contre toute logique. Il bombe le torse en conséquence.
Oromonde, elle, se contente de se faire discrète et de garder un œil sur le corps. Des fois que. On sait jamais.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Narrateur
 
Le Merakih 6 Manhur 815 à 12h57
 
***
Les épaules du jeune Adjoint de la Défense se relâchent légèrement quand Thaïs vient à sa rencontre avec un air assuré.
***

... une telle Fin... répète-t-il songeur après la d'Ascara.

***
Le mort est identifié et il y a une quelqu'un qui le connait sur place... Bon, c'est déjà ça de fait!

Les krolannes présents se regroupent autour d'eux et Kevhad tente à nouveau de rassembler ses pensée... Diantre, c'est lui qui est sur le devant de la scène aujourd'hui, il se doit être à la hauteur! C'est tout de même la première fois qu'il est en mission en solo...

Comment faire? Qu'aurait fait son chef?
Se remémorant son stage et la façon dont ses tuteurs géraient leurs enquêtes, il parvient finalement à s'en inspirer pour déterminer la meilleure marche à suivre : déléguer. C'est bien ce que la Commis faisait à longueur de journée en répartissant les tâches entre ses Adjoints, non?
***

Adjointe aux Sans-Destins, vous dîtes? Désolé pour la perte de votre collègue.
Puisque les Augures sont votre rayon, j'aimerais compter sur votre implication citoyenne sur cette enquête : pourriez-vous aller vérifier les siennes? Si on vous pose des questions... et bien... je vous nomme Stagiaire Assistant de l'Adjoint de la Défense.
Oui voilà, ça devrait régler les problèmes.
dit-il avec un air satisfait.

***
Kevhad extirpe un bloc-notes et un crayon d'une poche et y prend quelques notes rapides.
Avisant la tenue d'ouvrier et les outils d'Achille, l'attention de l'Adjoint de la Défense se porte à présent sur ce gaillard au torse bombé.
***

Et vous monsieur? Vous travaillez ici, je me trompe?

 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Merakih 6 Manhur 815 à 19h30
 
Le torse se gonfle un peu plus mécaniquement. Pensez-vous, ce petit bout d'homme, tout palot derrière les oreilles, vient juste de promouvoir sur place la jeune gamine au rôle de Stagiaire Assistant Adjoint ! Stagiaire Assistant Adjoint !! Devait y avoir de la paperasse, là-dedans, non ? Oulalalala, la même chose pourrait peut être lui arriver...ça avait l'air important et tout comme grade...dangereux, dangereux...

"Ahahaha, da, mon goret, j'suis le chefton ici", répond Achille avec son lexique habituel, mais d'une petite voix et d'un air malaisé.

Oromonde grimace et chuchote rapidement quelque chose à son frérot pas très malin.

"Oui Monsieur" rectifie l'intéressé d'un air penaud.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Merakih 6 Manhur 815 à 19h31
 
Je commence mon petit tour. C'est quelque chose d'assez singulier pour moi, de faire l'enquêteur sans en être un réellement. Scylla me vienne en aide, ce n'est certes pas dans ma fiche de poste ! Maquiller des meurtres en suicide, chercher des indices, faire l'équilibriste sur un échaufaudage...bon, ça passe encore. Mais il manquerait plus qu'on me demande de ne pas mettre les patins après avoir ciré le parquet ! Humf, ça ne m'était jamais arrivé, même quand j'étais au service de madame De la Faille. Et pourtant, elle avait des idées saugrenues à vouloir chasser les plutitrons avec une culotte cloutée...

Mais que faire ? Obéir aux ordres. Je suis ce que je suis.

Et j'ai l'habitude d'écouter les gens parler. Sauf que généralement, je ne suis pas client.

A chaque fois, je procédais de la même façon. Je crois avoir lu ça dans un manuel de cours en option, la veille de l'examen. Comme d'habitude pour les cours en option hum. Accoster le tavernier ou une serveuse, lâcher quelques graines, s'intéresser à tout et à rien... Qu'y avait-il d'autre ? Hum....

Disons que je cherche un vieil ami parce qu'il n'est pas venu à notre rendez-vous hebdomadaire de bridge. Oui, un prétexte d'enquête tout à fait cohérent et discret. Ce vieux Dorigon, haha, à sortir des mains honteuses au bridge et à siroter une fine de temps en temps. Voilà, une infiltration de poisson au milieu de l'eau. Eau sans matière noire bien sûr hum...

Il me faudra faire passer les pourboires en notes de frais hum...

Finalement, ce n'est qu'au quatrième établissement, une gargote "Au poisson rouge comptable" sans prétention à quelques rues de là que je trouve un semblant d'intéressement. Plutôt propre pour le commun des mortels, et avec une petite scène apte à accueillir de petits spectacles ou concert (probablement horribles sans piano à queue ou violoncelle), le tenancier, un homme portant un tablier dont les tâches pourraient servir de menu et un des piliers de comptoir au nez rouge brique me confirment que Dorigon est bien un client régulier. Mon partenaire de bridge venait souvent manger ou boire un verre avec différentes personnes. Il vient généralement le dhiwara, mais pas forcément non plus. Ils ne l'ont pas vu depuis quelques jours... Je juge inutile de demander davantages de question sur ces différentes personnes, improbable. Collègues, amis, familles, des Voisins comme nous tous.

Je transmets l'information aux jeunes femmes ainsi qu'une demande de consignes complémentaires.

Pendant ce temps-là, je réfléchis aux éventuelles pistes. Que pourrai-je faire d'autre ? S'ils ne l'ont pas vu depuis plusieurs jours, ce n'est pas ici que j'aurai mes réponses. Peut-être sortait-il de chez des amis ? Ou d'une autre auberge ? Hum...



 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Merakih 6 Manhur 815 à 23h00
 
Thaïs prend un air profondément triste lorsque l'Adjoint lui présente ses condoléances - comme touchée au coeur par la marque de compassion d'un pair face à la perte d'un bon collègue. Qu'elle ne connaît absolument pas en vérité, mais ça la Défense n'a pas spécialement besoin de le savoir.

La d'Ascara soupire d'un air entendu lorsque l'Adjoint lui confie la mission d'aller vérifier l'Augure et lui accorde une part de sa confiance dans l'enquête. En apparence, elle semble accepter la charge comme une inéluctable nécessité: il faut que quelqu'un s'y colle, et elle doit bien ça à son cher, cher ami disparu.
En vérité, sa curiosité affamée s'affûte -fut-ce un suicide, en savoir plus sur le mort l'obsède. Ca y est, sa main est prise dans l'engrenage et elle ne reculera devant rien pour en savoir plus.

L'adolescente hoche la tête : elle sera donc le bras droit de l'enquêteur. Il peut lui faire confiance, oui.
Dévouée et sérieuse. Un peu lèche-botte dans ses regards au jeune homme -elle est sans doute plus jeune encore, de quoi lui laisser un petit sentiment de supériorité sur elle.

Et Thaïs s'en va en trottinant, docile, essayant d'arranger au premier coin de rue sa tenue et ses cheveux, très défaits après son départ en toute hâte de son domicile et ses pérégrinations sur les échafaudages. Sans perruque, Thaïs se sent un peu nue en société -l'habitude, sans doute- et ressemble plus que jamais à un jeune homme efféminé ou une fille aux airs masculins.

En route, Harvain distille des informations télépathiques. Thaïs rappelle ou apprend à ses amis le vol des clés de la victime et la nécessité de trouver son adresse. Ainsi que la possibilité de passer le trousseau à qui se sentira l'âme aventurière -bien sûr elle se chargerait avec grand plaisir d'une effraction, plus tard, mais veut avant tout jouer sur tous les fronts pour en découvrir le plus possible. Impliquer Linsey, peut-être, le quatrième doigt de la Main ?

Sans perdre plus de temps, pensant en marchant, l'Adjointe improvisée Assistante à la Défense fonce vers le bâtiment où sont archivées les Augures. Temple immense, bibliothèque précieuse. Elle repense à celles -les uniques- émises à sa naissance :

"Docile enfant, belle graine, Parents admirera.
(...)
Longs cheveux, peau très blanche, la Beauté couvera.
Fleur étrange, danseuse éprouvée, la Singularité à chacun de ses pas.
(...)
Mondanités incessantes, représentation permanente, son Image maîtrisera."


Avec toute la bonne volonté du monde, Thaïs a du mal à coller à cette description. Elle espère que les Augures de Dorigon seront moins interprétables.

Thaïs pénètre en trombe dans le bâtiment, saisie d'une grande hâte, l'air très sérieux et mortifié. A la première personne qui semble un brin responsable dans le lieu, elle se plante devant -empêchant toute esquive- et assène :


La Défense m'envoie. Le Commis Dorigon est mort. Je dois vérifier et rapporter aux enquêteurs ses Augures.


Sa bouche est grimaçante -le trépas est récent et Thaïs tente de faire peser une certaine urgence et de responsabilité sur son interlocuteur.





 
Narrateur
 
Le Julung 7 Manhur 815 à 11h43
 
***
Parfait, il y a donc quelqu'un qui connait les lieux…
***

Bien… Pourriez-vous envoyer quelqu’un au poste pour signaler qu’on a besoin de rapatrier un corps à la morgue? En revanche, les gars vont avoir du mal à le remonter. Je vais avoir besoin de votre expertise et de votre matériel, dit-il en désignant un des treuils permettant de transporter des chargements entre la surface et le fond.
Je vais aussi avoir besoin de vous pour trouver l’endroit d’où le malheureux a chuté…

Je dois… inspecter la scène,
continue-t-il sur un ton moins valeureux en regardant à nouveau le cadavre. Donnez-moi une minute…

***
Kevhad prend quelques notes supplémentaires, et ceux qui regardent par-dessus son épaule pourront y voir un rapide croquis, relativement exact, de la disposition du mort sur l’échafaudage. L’Adjoint de la Défense entreprend ensuite de s’agenouiller et de glisser ses mains dans les poches du mort (non sans une nouvelle grimace de dégoût) dont il ressort la même chose que Thaïs. Moins les clefs bien sûr…
***


Pendant ce temps, les Augures...

L'une des facettes les plus significatives, et les moins comprises à l'extérieur du Kil'dé.
Car ici, tout est écrit, même si, paradoxalement, tout n'est pas lu : dès la naissance, les prédicateurs donnent un destin au nourrisson. Souvent, en plus de la prédiction initiale aux tournures poétiques obscures, c'est une version édulcorée, qu'on pourrait même dire "traduite", en un certain sens, qui est donné aux parents, s'attachant aux grandes lignes plus qu'aux détails.

Puis les écrits sont placés là, dans les archives. Officiellement, n'importe quel citoyen peut venir consulter les prédictions d'un Voisin, mais cela est généralement vu comme du voyeurisme, à moins que cela ne soit justifié.


Ceci dit, les destins sont quand même relus, en moyenne deux à trois fois lors de la vie de chacun,
explique l'employé à Thaïs, tout en la menant à travers les couloirs.
Presque toujours au moment de fonder un foyer, parfois à l'adolescence pour aider à trouver sa voie, assez souvent lors d'une modification majeure de la vie. Et au moment du décès, bien sûr. Mais cela varie, forcément, certains sont relus plus de dix fois, avec des réécritures partielles.
Et encore, ça c'est pour les individus, vous imaginez pour les institutions, ce que cela peut donner, pas vrai !?
Oh. Nous y sommes.


Une pièce assez petite, comparée aux autres, aux étagères couvertes de livres. Le principe expliqué est "relativement" simple. Déjà, c'est l'une des trois pièces identiques de ce style : afin d'éviter une catastrophe, ces "indicateurs de Destins" sont répartis dans trois bâtiments différents, afin d'éviter qu'un incendie ne rende aveugle tout le Kil.
Au centre, un grand index, signalant, d'après les premières lettres du nom et le "cycle quinquennal" de la naissance dans quel livre de la pièce se trouveront les indications.
Ensuite, il s'agit de prendre le bon livre dans lequel sont placés entre mille et deux mille noms, par ordre... Chronologique. Logique dans la mesure où ils sont inscrits au fur et à mesure, lent quand on connait le nom mais pas la date de naissance. Enfin, muni de cette date de naissance et du nom complet, il devient possible de ressortir de cette pièce, où les millions d'âmes du Kil'dé tiennent chacun sur une ligne, afin d'aller rechercher la prédiction complète dans une des nombreuses pièces dédiées.


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Vayang 8 Manhur 815 à 00h00
 
Thaïs suit discrètement son guide, écoute très attentivement ses paroles. Une bonne élève, cette d'Ascara, dévote et sage, qui hoche la tête aux explications et murmure de petits "oui". Elle a bien compris. Surtout, elle sera très soigneuse. Elle entre pour la première fois dans le Coeur de son Quartier, le fondement de sa culture, les racines du passé, du présent et de l'avenir. Le sien, mais aussi ceux de tous les êtres qu'elle chérit ou déteste.

Un peu écrasée par cet honneur, Thaïs garde en tête sa mission première, légitime : trouver plus de renseignement sur les Augures de ce Dorigon. Elle n'aurait jamais osé venir seule, sans réel motif. Mais forte de sa mission première, la donne n'est pas la même.

Thaïs s'attend à recevoir de l'aide -ne serait-ce que de son guide- dans ses recherches, mais celui-ci s'esquive rapidement, un dernier regard lourd sur l'adolescente. Elle a des responsabilités : à elle de s'en montrer digne. Lui a autre chose à faire, un poste qu'il a laissé vacant qui l'attend. Pas de temps à perdre.

Thaïs souffle un grand coup et se lance.

D'abord, elle s'exerce pour bien saisir la logique. Sur elle-même, sa mère et son père : elle connaît les dates, les noms, les retrouve plus ou moins rapidement. Note, donc, la pièce dédiée où se trouve ses Prédictions et celle de sa famille proche -à tout hasard, pensez. Elle ne s'y rend pas, pour l'instant compile juste des références de rangement : peut-être pourra-t-elle grouper un déplacement dans l'un des trois bâtiments par la suite...
Et la curiosité la grignote peu à peu...

Alors oui, dans la culture de Thaïs, bourgeoise qui plus est, ce genre d'indiscrétion est on ne peut plus mal vu. Avoir accès à tout ce qui a régi, régit et régira la vie de ses Voisins est un peu comme tenter de les déshabiller, de les voir nus, d'aller glaner des détails avec une grande indiscrétion. Dans le milieu, beaucoup arrangent leurs prédictions, présentent au monde une version interprétée de manière reluisante, valorisante. Qu'un couple de pouvoir ait un enfant à qui le plus brillant avenir ne soit pas prédit et ils tâcheront toujours de trouver un angle de lecture qui ne salira par leurs noms...
Tenter de lever ces fiertés n'est pas dénué d'une certaine bassesse. Avoir accès aux écrits crus -même difficiles de lecture- c'est comme tenter de se saisir d'une âme qui ne l'a pas demandé dans toutes ses aspérités, sans fard, sans faux-semblants.

Thaïs en est le plus flagrant exemple, d'ailleurs : elle dont les Augures la disent féminine et destinée à épouser un homme de pouvoir pour fonder une belle famille se trouve bien aise de ce Destin, avec ses allures de garçon manqué, son esprit aventureux et sa passion pour sa jeune Voisine Lymiria...

Vous vous voyez débarquer un jour dans un cours de professionnels de dessin d'après des modèles nus, habillée en boulangère, pour demander à vous assoir dans un coin de la pièce et à observer des techniques dont vous n'êtes sans doute absolument pas capable de comprendre les tenants et les aboutissants -puisque vous êtes très manifestement une boulangère et pas dessinatrice de renom, ni même étudiante en dessin ?
Imaginez maintenant que le modèle nu soit votre père ou votre meilleur ami... Alors oui, vous pouvez être tellement discrète que personne ne vous prendrait la main dans le sac, sans doute. Vous prétendre novatrice et en train d'étudier la possibilité de vendre de la mie de pain comme gomme.
Mais il n'empêche que vous seriez une sacrée tordue...

Voilà, vous êtes à peu près sur les remous des états d'âme de Thaïs.

Alors oui, le rouge monte un peu aux joues de la jeune fille devant le naturel avec lequel elle commence à noter plusieurs numéros, dans l'optique de sortir quelques papiers intéressants...

Mais la d'Ascara reste une adolescente. Curieuse et légèrement transgressive -une lanyshsta, en plus, pensez bien...
Alors elle recommence à chercher...
La jolie Lymiria, sa voisine qu'elle aim.. admire tant...
Tonton Uguindob, qui a disparu du jour au lendemain...
Harvain -chou blanc, elle ne connaît pas son âge exact et ignore même s'il s'agit de son vrai prénom...
Oromonde...
Dans tous les cas, elle ne récolte au mieux que des références de rayonnage, au pire qu'une belle frustration.
Elle a plein de noms à chercher, ne s'attarde pas trop longtemps. D'autant plus que prendre et ranger les registres pourrait paraître louche -croit-elle vraiment que Dorigon a entre 17 et 55 ans ? Elle bougonne comme si elle se trompait et se trompait encore. Prend soin de griffonner de manière la plus illisible possible, rature, barre, s'énerve ostensiblement -surtout si des personnes passent à côté d'elle et l'observent. Thaïs affûte également ses questions pour la suite : elle se doute que la lecture des Augures n'allait pas être des plus simples également.

Petite souris fouineuse et maligne...
Surtout, une idée commence à la tarauder : la mutation des lanyshsta se répercute-t-elle dans les Augures ? Et quel Destin leur est réservé ?
Une ligne commune, un vol fracassé ou bien un avenir glorieux ?
Tout est écrit : en comparant, compilant, interprétant les mots qui les concernent, les lanyshsta's de Kil'Dé pourraient aller aux devants de bien des choses, sans doute.

Ca et d'autres possibilités, liées aux événements passés, d'une moindre mesure.
Son esprit fuse, alors qu'elle agite les pages, vers Oromonde et Harvain :

Les amis. Je suis dans un foutu labyrinthe. Il me faut l'âge de ce Dorigon Espelet. L'année précise.


Hésitante :

Et je... peux aussi en profiter pour... essayer de faire d'une pierre deux coups... Chercher d'autres Augures.

Oh, ça va, ne me jugez pas !

Or... Tu sais quand Iolain est né précisément ?


L'amant assassiné de son amie, au cadavre balancé par la fenêtre par leur soin en un maquillage de suicide : son Augure avait dû être vérifié, mais rien n'avait filtré, bien sûr, d'une enquête sans doute vite classée...

Les petits doigts de la jeune femme s'agitent dans les pages. Elle perd du temps en tentant de nourrir au maximum sa fichue curiosité, tout en chargeant ses amis de l'aider à distance pour la rendre plus efficace dans sa tâche initiale et officielle.


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