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A l’hermine de cristal
Piano bar - tenue correcte exigée, animaux interdits
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Julung 16 Otalir 814 à 10h28
 
*** Ambiance ***


Située dans un entrelacs de ruelles secondaires se situe le piano bar qui tire sa fierté de son establishment sélect et connaisseur. Préférant davantage une structure plus intime à certains grands restaurants, le propriétaire a misé ses deniers dans cette ancienne boiserie. Les essences rares qui ont transité par ces lieux laissent un souvenir discret et une odeur légèrement boisée qui rappelle certains parcs en été. Si le bois est à l’honneur, le côté rustique est par contre absent… Mais pour en découvrir davantage sur la décoration, encore faut-il rentrer…

Sélect mais pas élitiste, l’hermine de cristal plus communément nommée l’Hermine, ne ferme jamais ses portes à un nouveau venu pour peu qu’il fasse preuve d’un certain niveau vestimentaire et comportemental. Les deux « portiers » à l’accueil sont ce genre d’armoires à glace placides, deux forces tranquilles qui suffisent généralement à inciter un certain zèle dans l’application du code de conduite. En cas de raffut, l’un d’eux pourra vous soulever avec ménagement et vous envoyer sur le trottoir d’en face sans trop d’efforts. Mais toujours, il insistera sur le « si vous voulez bien m’excuser, je crains que le trottoir d’en face soit assez dur à l’impact ». L’un est Massetard et l’autre s’appelle Fortdubras. Personne n’a jamais voulu leur en demander davantage.

La salle principale se présente comme une pièce capable d’accueillir entre 20 et 30 personnes, là où dans d’autres « bars » vous pourriez être entassés à 50 ou 60. Les grands miroirs sur les murs rajoutent une impression d’espace bienvenue et semblent démultiplier les lustres au plafond. Le parquet en tek a été recouvert d’un cirage légèrement plus sombre et mat pour lui donner une teinte moins tape à l’œil. Les lourds fauteuils sont en cuir noir riveté de clous dorés mais ternis par la patine du temps. Assis, vous êtes légèrement penchés en arrière où vous pouvez vous laisser aller. Les tables basses de forme ronde sont revêtues de cuir noir cerclées par un liseré doré et surmontées par une plaque de verre poli. Sur chaque table trône une petite bougie flottante dans un bol en cristal. Le comptoir est en hêtre massif avec des incrustations d’ébène sur sa partie supérieure. Quelques éléments cuivrés et en zinc cerclent les arrêtes principales et le pourtour. Quelques sièges hauts sont également avancés juste devant. La partie supérieure du comptoir cache en son sein plusieurs rangées de bouteilles et de verrerie projetant de temps en temps quelques reflets irisés. A l’étage se trouvent quelques salons privés pouvant contenir entre 2 et 8 convives éclairés par des lustres discrets en cristal et les fenêtres donnant sur une petite rue calme. Enfin, l’élément principal, ce qui fait à lui seul la moitié du charme de l’Hermine, se compose d’une légère estrade circulaire accueillant un piano à queue ciré avec soin et vierge de toute poussière. La légende parle d’un ancien habitué qui, pour payer son ardoise, avait proposé ses services en tant qu’ancien professeur de piano au conservatoire. Personne ne sait s’il continue à jouer pour le plaisir retrouvé ou pour continuer à éponger ses dettes. Une fois par semaine, une chanteuse se joint au pianiste pour y apporter une touche vocale jazz.



Passons à la carte du bar. L’écriture est raffinée où sur chaque double page un alcool différent est présenté avec les cocktails proposés. A la fin de la carte, quelques assiettes, assortiments de thés et boissons non alcoolisées. Le tout est relié dans une couverture noire rigide griffée du symbole blanc de l’hermine avec des reflets dorés. La carte du restaurant n’est disponible que dans les salons à l’étage, la présentation reste identique, les plats sont classiques mais un soin particulier est apporté aux produits sélectionnés impitoyablement par un cuisinier dont la voix tonitruante et le langage de charretier ne sont arrêtés que par des cloisons étanches au bruit.

Un élément manque toutefois. Si vous m’avez bien suivi, vous aurez remarqué le vide. Entre l’entrée et la salle principale, c’est la réception. Ce hall octogonal vous accueille telle une galerie des glaces vous reflétant plus ou moins à l’infini, ou a minima, 8 fois. Un des miroirs mural se déplace pour faire apparaître une porte cachée ou un groom viendra vous débarrasser de vos affaires. Devant vous, la plupart des soirs, vous pourrez me trouver derrière mon comptoir. Immobile et raide mais cependant souriant, je vous saluerai et demanderai si c’est pour le bar ou le restaurant, si vous avez une réservation ou des souhaits particuliers. Je vous guiderai à votre place, prenant soin à chaque visite dans les pièces de surveiller les autres convives. Oh, par surveiller, ne vous méprenez pas, en tant que maître d’hôtel, il m’incombe d’anticiper, d’identifier et de résoudre les éventuels problèmes ou de faire signe aux serveurs de venir vous voir. Certains soirs, il se pourrait que je sois le chef de rang à servir quelques habitués ou à superviser les autres garçons.

Bienvenu à l’hermine de cristal.



 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Sukra 18 Otalir 814 à 00h38
 
Une ombre, toute petite -enfin, elle se veut petite- pousse la porte. Thaïs entre sur la pointe des pieds, attend à la réception. Elle veut une table pas trop dans la lumière, pas trop éloignée de la sortie, pas trop au milieu. Une table tout court, d'ailleurs -pas gagné, vu son âge, vu son apparence. Ni garçon, ni fille. Ni enfant, ni adulte.

Une table pour manger ET boire, pour se changer les idées. Elle devient folle à rester enfermée chez ses parents, à porter une perruque, à manger tous les soirs aux côté d'inconnus qui viennent souper, aux côtés de l'horrible Oromé.

Voilà qu'elle entend des voix, depuis peu. Des voix embrouillées, des voix nombreuses, parfois affolées. Parfois incompréhensibles -dialectes d'autres quartiers.
Folle. A. Lier.

Elle est ici pour se changer les idées.

Thaïs se coule derrière d'autres clients, attend sagement son tours.

Elle ajuste ses cheveux -coupe à la garçonne, massacre capillaire-, défroisse sa chemise -une de son père, trois fois trop grande-, regarde ses bottes trop cirées pour être pauvrettes.

Thaïs toussote -une habitude dans les situations de malaise-, n'ose regarder personne. Criera probablement de surprise lorsqu'on lui parlera.


 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Sukra 18 Otalir 814 à 14h19
 
Je reviens à mon poste après avoir installé un couple d'habitués table 8 dans la salle principale. Cela fait quelques années qu'ils viennent ici. Rigoureusement, tous les Vayang soirs, je les retrouve à 20h00 précises pour prendre la table numéro 7 à côté d'une fenêtre avec vue sur le piano.

*** Ambiance ***


Oh, un nouveau client. Drôle de tête. Drôle d'accoutrement. Enfin bon, ça passe encore. Je passe en revue les archétypes de client que je connais depuis une quarantaine d'années. Désorienté et jeune mais trop propre pour que ce soit une fugue, je parie sur une petite escapade nocturne. Trop sur le qui-vive, peur de rencontrer quelqu'un qui le reconnaîtrait en ces lieux donc potentiellement client donc aisé. La chemise est mal coupée, ce n'est pas la sienne, les chaussures sont cirées mais pas brossées. Implique des connaissances en élégance mais incomplètes. Tout le monde de bien éduqué sait que les chaussures cirées doivent être ensuite brossées afin qu'elles soient propres mais non brillantes. Les faux-semblants ne se contentent que de les cirer pour attirer l'oeil. Passons. Coupe de cheveux anarchique, seule rébellion possible face à une famille engoncée et dictatoriale.

Il faut bien que jeunesse se fasse je suppose.

Allez petit, regarde moi je n'ai pas toute la soirée devant moi. Je claque des talons et m'incline à 30 degrés.


Bonsoir jeune monsieur, bienvenue à l'hermine de cristal ce soir.

Redressement du dos. Aïe mes lombaires. Je vois le carnet de réservations, il n'en a pas pris. Tsss.

Si vous voulez bien me suivre.

Et au-delà de tout ça, potentiellement turbulent. Je vais l'installer dans un salon à part. Juste au cas où.

J'emprunte les escaliers lentement. La lenteur ralenti l'humeur, les pensées et le coeur. Arrivé à l'étage, un petit couloir bien éclairé propose une série de portes sur le côté droit uniquement. Certaines portes sont fermées mais on entend parler, parfois rire mais toujours le bruit d'un repas en cours. D'autres portes sont ouvertes donnant sur des salles de tailles diverses. Vides. Au milieu du couloir, une petite salle pouvant accueillir 2 ou 3 personnes. Je reste sur le pas de la porte, m'incline et fait glisser mon bras droit devant moi.




Je le laisse rentrer, me glisse derrière lui pour lui tirer la chaise et l'aider à s'installer.

Je vous apporte la carte.

Je m'absente quelques secondes et revient avec.


Pour le menu de cette semaine, le chef vous propose en entrée l’œuf cocotte, crème fouettée a l’huile de truffe, mouillette dorée à la fleur de sel.

Un instant.

Pour le plat, sa spécialité le suprême de volaille rôtie, pomme de terre gabriel et choux fleurs à la graine de moutarde.

Avant-dernier instant.

Soufflé L'Hermine au praliné, sorbet mandarine en dessert.

Dernier instant, un peu plus long.

Souhaiteriez-vous prendre un apéritif dans un premier temps ?


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Sukra 18 Otalir 814 à 21h57
 
Sans surprise, Thaïs hoquette de surprise lorsque qu'Harvain l'aborde. Elle ne bronche pas au "monsieur", satisfaite au fond de constater que sans ses très longs cheveux, les krolannes n'arrivent pas bien à identifier son genre. Confirmant les soupçons qu'elle a toujours eu sur son physique, évidence que sa mère tentait jusque-là de masquer avec énergie.

Elle sourit timidement.

Thaïs détaille l'homme, l'étudie d'un rapide coup d'oeil. Mise impeccable. Service élégant et parfait. L'adolescente se détend. Ses parents ont quelques serviteurs, la jeune fille est habituée à se faire servir -même si souvent, les manières de reine de sa mère envers ses employés l'agacent et qu'elle évite leur présence.

Thaïs emboîte le pas à Harvain, trottine sur ses pas. Elle écarquille de grands yeux devant la pièce privée, murmure un "c'est parfait" et se glisse à l'intérieur. Elle détaille l'endroit pendant qu'Harvain va chercher la carte : c'est calme et de bon goût. Vide, surtout.

La carte est détaillée avec intérêt. Thaïs écoute avec attention mais semble être distraite par un élément extérieur, qu'elle tente de chasser à grands coups de froncements de sourcils.
A dire vrai, le silence et la tranquillité accentuent encore plus la prégnance des voix mentales, que Thaïs continue de s'escrimer à ignorer du mieux qu'elle le peut.

Après quelques instants de réflexion, lorsqu'Harvain termine d'énumérer le menu de la semaine, Thaïs répond tranquillement :


Le menu du jour, c'est parfaitement tentant.

Je vous fais confiance pour un apéritif de votre goût.


Un instant d'hésitation, puis un incongru :

Vous n'entendez pas une sorte de brouhaha diffus ? Y-a-t-il une fête à cet étage, à plusieurs pièces d'intervalles ? Cela semble très loin et très près à la fois.




 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Dhiwara 19 Otalir 814 à 13h50
 
Je hausse un sourcil, le gauche. Une fête ? A l'Hermine ? Pourquoi pas des danseuses avec des plumes et des paillettes tant que nous y sommes. Il y a bien la réunion bi-mensuelle du club de scrabble du troisième âge mais ils sont plutôt calmes et ne boivent guère plus qu'une verveine menthe-camomille pour se maintenir éveillés.

Je vous assure qu'aucune fête n'a lieu dans nos locaux. Nous nous assurons, pour le confort de tous, que le volume sonore est soigneusement maîtrisé. Même le pianiste et la chanteuse sont logés à la même enseigne...jeune monsieur.


Je n'entends rien. Même si ces voix télépathiques et mon âge n'aident pas, je n'ai pas aucune impression de volume sonore anormal. Probablement des acouphènes. Ces jeunes écoutent la musique tellement fort de nos jours qu'il ne faut pas s'étonner de certaines conséquences.

Je reviens avec votre apéritif dans quelques minutes jeune monsieur. Si vous avez une demande, vous n'aurez qu'à tirer la cordelette ici.

Inclinaison 30 degrés puis redressement. Décidément mes lombaires. Mon chiropracteur va encore arrondir ses fins de mois. Je quitte la pièce le temps d'aller au bar passer la commande et transmettre aux cuisines.

Alfred, une Lanterne s'il vous plait dis-je au barman.

En attendant, je me remets à mon poste dans le hall. Les réservations sont presque toutes arrivées, ça sera une petite soirée même s'il est encore tôt. Je fais venir les serveurs un à un en attendant pour m'enquérir de l'avancement des différentes tablées et en profite pour quelques comptes.

Je reviens avec le cocktail quelques minutes plus tard que je dépose sur la table devant le convive.


Et voici jeune monsieur. Lanterne. Un champagne brut arrondi avec un coulis de poire, liqueur de pêche et une touche de curaçao.

Je me redresse. Non décidément, aucune bruit.

Bonne dégustation.

Je me redresse, claque des talons et disparais.


 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Dhiwara 19 Otalir 814 à 16h44
 
Le géant déambulait, les mains dans les poches, d'un pas nonchalant. Sa femme venait de le quitter et son premier jour de célibat touchait à sa fin. Sans doute ne réalisait-il pas. Après tout n'était-ce pas la suite logique de la vie de débauchée que menait son épouse depuis la mort de leur fille? Lui s'était réfugié dans le travail et l'alcool.. et le tabac.

Le tabac de sa pipe était presque entièrement consumé, il tassa ce qu'il en restait et aspira les dernières bouffées avant d'arriver au seuil de l'Hermite. Les deux malabars le dévisageaient avec respect. Un grand mastoc comme lui ne faisait jamais très bonne impression dans un établissement de ce genre, même sur son trente-et-un. Aucune provoc' de leur part et si Lheluü n'était pas du genre à en faire, sa carrure incitait parfois les petits malins les plus téméraires à s'y frotter, un défi de taille qui ne s'est, à ce jour, jamais soldé par un quelconque succès. Rien de tout cela, les deux armoires pouvaient tout juste rivaliser en pouces en les trois protagonistes se contentèrent d'échanger un salut courtois et d'ouvrir les portes de l'Hermite.

Des quelques costumes que Lheluü possédait, tous taillés sur-mesures et de très bonnes factures, aucun n'était resplendissant. Le soin et l'entretien qu'il consacrait à ses affaires ne pouvaient dissimuler l'usure de ses atours qui commençaient à accuser l'âge : par ci un accroc, par là une décoloration. Il n'en restait pas moins élégant, même sobre et austère.

Le décor lui plaisait. Voilà des années qu'il n'était pas venu, depuis sa demande en mariage à dire vrai, mais rien ne devait avoir changé : de la boiserie, de la dorure, du raffiné, de la lumière et de l'intimité. Il restait dans l'expectative, attendant patiemment dans la galerie des glaces. Tous les murs lui renvoyaient sa terne image. Les années s'étaient écoulées depuis ses fiançailles, vite, trop vite. L'homme de jadis n'était plus. Les traits sombres, les yeux fatigués, les rides plissant son visage marqué par le labeur. De l'allure que diable, il devait renouer avec son allure d'antan. Une montagne, un roc, voilà ce qu'il était. Un volcan, voilà ce qu'il voulait redevenir.


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Dhiwara 19 Otalir 814 à 23h38
 
Thaïs semble perplexe lorsqu'Harvain lui assure qu'aucune fête n'a lieu dans l'endroit. La mine du Serveur est tellement sérieuse qu'à aucun moment la jeune femme n'ose un "vous êtes sûr ?" qui lui brûle pourtant les lèvres.
Après tout, Harvain semble sûr en toute circonstance.

Pendant que le krolanne s'en va chercher un apéritif, Thaïs se concentre. Elle tend d'abord l'oreille avec une attention accrue mais ne perçoit pas mieux l'étrange et distant brouhaha qui la hante depuis quelques jours maintenant -depuis cette nuit agitée où elle a massacré ses cheveux, à dire vrai. Alors elle souffle, prend le temps de se recentrer. Le calme, l'aspect neutre et confortable du cocon qu'incarne la petite pièce l'aide à mettre de côté les tracas quotidiens pour se concentrer sur l'instant présent. Fi des fêtes organisées pour la marier, fi de la mère hystérique devant la féminité avortée, fi des Augures immuables, fi de Lymiria qui ne la reconnait désormais que lorsqu'elle porte une perruque et se farde comme une prostituée -sans quoi elle ressemble immanquablement plus à un aventurier casse-cou qu'à une sage oie blanche de bonne famille.

Peu à peu, les digues tombent, les vannes s'ouvrent. Les voix se précisent. Non à l'extérieur, comme Thaïs en était persuadée, mais à l'intérieur. Dans sa tête.
Des mots d'abord diffus, puis de plus en plus précis. Des brides de conversations mentales. Thaïs se concentre un peu plus. Les dernières barrières tombent. C'est un afflux massif et violent. L'adolescente dérive de bulles de pensées en bulles de pensées, d'échanges dans des langues d'autres quartiers à des discours en krolannes où chacun semble donner son avis. C'est une joyeuse cacophonie, Thaïs ne comprend rien d'intelligible, tout résonne en même temps dans sa tête en un mélange assourdissant et confus. Elle tente rapidement d'isoler les échanges, de trier les pensées anciennes -brides en suspend qui s'étiolent manifestement- des nouvelles, plus fraîches et marquées, plus facilement accessibles.

C'est Harvain qui l'arrache à sa découverte, en posant le verre sur la table. Thaïs hoquette, tout reflue comme un éclair qui remonterait du nuage d'où il vient de fuser. La jeune femme se force à faire bonne figure -talent d'improvisation longtemps éprouvé en soirée mondaine- remercie, attend que le Serveur se retire.

Ses yeux se plongent dans la lanterne. Suivent les dizaines de bulles minuscules, fines, qui s'en vont mourir à la surface. Insignifiantes bulles destinées à disparaître, Augures identiques, Destins sans surprise.
Triste avenir.

L'adolescente songe un instant à cette nouvelle porte qu'elle vient d'ouvrir. A son passé. A ce qui va venir.
Ecart imprévu d'une route qu'elle pensait parfaitement tracée et connue.

Qu'est-elle devenue ? Peu à peu, tout se précise. Thaïs n'est ni bête, ni ignorante. Les pièces du puzzle s'emboîtent, les associations se font. Elle comprend qu'elle est devenue ce qu'ils appellent "Lanyshsta", parfois avec des yeux effrayés, souvent avec curiosité, ponctuellement avec indifférence.

Elle repense surtout aux discours de l'Orateur, krolanne Kil'darien que son père loge temporairement pour distraire ses invités via des discours effrayants sur les Lanyshstas. Elle se récite les termes que cet échalas morbide emploie : "monstres en croissance", "difformités horribles", "dangers latents", "mutations à éliminer"...
Frissonne.

Elle réalise que c'est par instinct qu'elle a tout refoulé jusque-là. Par instinct de survie.
Qu'il faudra être prudente...

A aucun moment elle n'envisage de chercher à se soigner, à se soustraire de sa nouvelle condition.
Grisée par la nouveauté.

Thaïs saisit la coupe et tue d'un coup toutes les bulles, balaie d'une gorgée tous les destins linéaires et conformes. Boit le liquide d'un trait. Elle repose sans ménagement le verre et lève la tête, fixe le plafond noyé d'obscurité. Le rien. Le vide matériel. Son esprit fuse, traverse les pensées télépathiques. Discret, il essaye, cherche, effleure. C'est de nouveau une superposition de bruits confus d'abord, puis peu à peu Thaïs parvient à discerner des environnements distincts, des penseurs particuliers. Durant de longues minutes, la nouvelle lanyshsta tâtonne, tente, laisse une évanescente empreinte mentale sur quelques conversations, sans jamais intervenir ou se révéler totalement.
S'approprie ces nouvelles possibilités.

Certains parlent de la nécessité de se cacher, du danger de se découvrir. D'autres incitent à la cohésion et à l'échange.

Toute cette nouveauté est fascinante. Thaïs décroche finalement, épuisée, la tête qui tourne, le regard hagard, un sourire extatique sur son visage redevenu poupon. Elle en veut plus, elle en veut encore.
Elle saisit la cordelette que lui a indiqué Harvain, la tire.
Elle veut continuer. S'enivrer bien plus de cette Alternative.
Il lui faut du calme et du temps.
Du calme, du temps et du vin, plus que toute autre chose.




 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Luang 20 Otalir 814 à 16h44
 
Le maître d’hôtel est un être exceptionnel le saviez-vous ? C’est la seule créature quantique qui soit recensée. Vous, vous êtes à un endroit OU un autre. Vous vous ne propagez pas en ondes dans une superposition d’états quantiques. Le maître d’hôtel si. Il a cette faculté, un peu comme les percepteurs des taxes et autres belles-mères, d’être présents en plusieurs endroits simultanément.

Je peux donc servir deux clients au même moment dans des endroits différents.

Ou sinon, faire une pirouette narrative et dire que cela se passe à deux moments différents de la soirée mais c’est moins classe.

*** ***


Moins d’une minute après que la cordelette fut tirée, je me présentais devant l’entrée de la pièce. Sur le chemin de la salle, je prenais les cartes de menus. Souvent les clients nouveaux désirent changer d’avis ou commander autre chose. D’un coup d’œil, je constate que le verre est vide. Eh bien jeune homme, vous savez prendre votre temps pour apprécier, cela fait peur à voir. Je le classe dans la catégorie de l’adolescent qui, suite à un chagrin quelconque, veut prendre sa première cuite mais qui a les moyens de le faire avec un minimum de qualité. Et bien sûr sans se mêler à la plèbe par misanthropie ou par peur.


Oui jeune monsieur ?

La carte des vins bien sûr.

*** ***


Je pénètre à nouveau dans le vestibule pour tomber sur cette force de la nature. Je ne ralentis pas mon pas même si j’aurai été en droit de le faire. On penserait à l’oncle de Massetard ou de Fortdubras. J’analyse le nouvel entrant en haussant le sourcil gauche pendant que je me range derrière mon pupitre. La seule réservation à cette heure est pour Dame Selachii, j’en conclus que ce monsieur est venu à l’improviste. Scylla me préserve des procrastinations de mes clients et de leurs envies subites. Je sens une odeur de tabac bon marché suffisamment forte pour cacher le reste. Le costume est banal et un peu usé mais il reste passable. Pas de personnel de maison pour s’en occuper, pas de teinturier. Soit sa femme est très négligente sur la tenue vestimentaire de son mari soit je ne m’appelle pas Harvain. Enfin bon, il est propre et la moustache est presque bien taillée.

Inclinaison 30 degrés.


Bonsoir monsieur, bienvenue à l’hermine de cristal. Souhaitez-vous vous rendre au bar ou dîner ?


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Luang 20 Otalir 814 à 21h25
 
Thaïs sourit plus franchement à Harvain. Elle semble prendre de l'assurance. Trouver le krolanne presque sympathique, au fur et à mesure que l'alcool fait son effet.

Son sourire est gouailleur. Il y a quelque-chose de féminin dans ces petites dents blanches et ces yeux plissés. Un instant, elle ne semble plus totalement un garçon, pas tout à fait une fille. De quoi, du moins, instiller un sérieux doute sur son genre.

La jeune femme examine la carte des vins. Elle n'y connait rien. Soupire.


Votre nectar le plus léger et fruité, je vous prie.

Surtout pas une piquette de mauvaise qualité qui lui collerait une migraine -ça ne semble pas être le style de la maison, mais ne sait on jamais... Thaïs n'est pas une buveuse expérimentée -à peine quelques gorgées, parfois, en soirée. Cette tentation, comme la gourmandise, n'est pas l'un de ses défauts.

Pendant qu'Harvain va chercher la boisson, Thaïs se replonge rapidement dans un exercice mental : elle cherche une bulle Kil'dérienne, en trouve une récente, observe. Plusieurs penseurs s'y expriment. Elle tente de les identifier mais n'y parvient absolument pas : certains traits semblent émis par les même personnes, ont une couleur, une saveur qui leur est propre. Toutefois, impossible de mettre le moindre nom sur ces nouveaux frères et soeurs de condition.




 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Matal 21 Otalir 814 à 11h04
 
Place au maître d’hôtel tiré à quatre épingles, qui semble lui aussi apprécié la sobriété dans les coloris vestimentaires. Une pensée traversa l'esprit du géant et il se prit à imaginer le pingouin dans son équipe de maintenance des aqueducs. Ses manières, sa posture, sa délicatesse et ses politesses ne seraient assurément pas appropriées, perché dans le vide au sein d'une nacelle brinquebalant à tout va ou sur un échafaudage craquelant, menaçant de s'effondrer à tout moment ; le dos chargé de tout le matériel et matériaux nécessaires. C'est certain que l'inflexibilité de son interlocuteur en aurait pris un coup, le jour où il aurait vu son plus proche camarade se faire écraser par une pierre, perdre un bras ou une jambe ou être propulsé dans le vide d'un coup de vent, l'espace d'une seconde, pour venir s'écraser au sol après une longue et horrible complainte.

Lelhuü sourit, Scylla préserve les citadins, l'heure était aux festivités. Si l'on célébrait les mariages, pourquoi ne pas célébrer le divorce après tout?


Bonjour à vous. Ce sera pour le bar, seulement. J'ai cru comprendre que Lady Olynn, la diva du jazz, se produisait chez vous ce soir. J'espère que mes oreilles pourront se réjouir de sa compagnie.

 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Matal 21 Otalir 814 à 14h44
 
*** Ambiance ***


*** ***


Je m’incline lentement sans faire attention au sourire. Je lui laisse la carte des vins, je pense que ça ne sera pas la fin. Loin de là. Je redescends au bar.

Alfred, un Rosemarie s’il vous plait dis-je en m’attardant au comptoir. Je vais le faire un peu plus patienter sinon il n’aura plus faim pour le menu. Et le gâchis m’horripile au plus haut point. En attendant, je fais ma ronde dans la salle principale pour surveiller si tout se déroule bien. J’en profite pour faire un tour en cuisine également. Tout à l’air de bien se passer. J’aime ces soirées sans histoire.

Quelques minutes plus tard je remonte avec le cocktail cette fois dans un verre tumbler. Je me présente sur le pas de la porte en faisant claquer légèrement mes talons. Je retire la flûte que j’échange contre le nouveau cocktail.


Voilà le Rosemarie. Gin Bombè, romarin frais et jus de citron jaune, relevé avec un nuage de crème de canneberge et coulis d’amaretto pour le coffre.

Je me redresse et m’éloigne d’un pas.

Bonne dégustation jeune monsieur.

Et je disparais.

*** ***


Inclinaison puis redressement.

Vous avez bien compris monsieur. Elle devrait arriver d’ici..

Rapide coup d’œil à ma montre gousset.

Une petite heure. Si vous voulez bien me suivre monsieur.



Il y a suffisamment de place ce soir pour que je puisse choisir la table. Après quelques pas, je propose du bras une banquette. Les fauteuils inclinés ne sont certes pas adaptés à ce genre de statures et les sièges surélevés du bar mettraient son front à hauteur du mur supérieur du bar. Je lui propose de se débarrasser de son manteau puis lui apporte la carte du bar. Je prends un pari sur le whisky.

Nous venons d’obtenir une très bonne bouteille d’Islay, du 25 ans d’âge. C’est notre coup de cœur du mois.


 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Matal 21 Otalir 814 à 21h55
 
Emboitant le pas du réceptionniste, Lehluü fut satisfait du professionnalisme de son hôte qui eut l'intelligence de lui désigner une assise adaptée à son gabarit, bien plus agréable que les tabourets de l'escale. En face du piano, parfait, il pourra contempler la diva et, qui sait, peut-être le flattera-t-elle d'un regard. Après tout, il était naturellement improbable que sa présence passe inaperçue. Il confia son manteau et s'installa. Le cuir de la banquette, moelleux et ferme à souhait, grinça sous le poids. Il prenait deux places à lui seul et occupait depuis son centre presque l'ensemble du siège. On lui proposa un whisky de choix, même s'il préférait les bourbons Kil'dariens.

Mettez m'en deux. Doubles, purs et sans glace. Merci bien.

Il sortit sa pipe et la présenta à Harvain.

Puis-je?

Il jeta un oeil aux alentours. Peu de monde, il était encore un peu tôt. Trois krolannes élégamment vêtus, des commerçants ou des négociants certainement, s'adonnaient aux cartes et au vin. Une vieille bourgeoise enfouie sous les fourrures et le fard sirotait un cocktail en bien jeune compagnie, un amant semble-t-il. Enfin il y avait ce rondouillard barbu à lunettes, un professeur ou un ingénieur d'après les marques de craies sur sa veste, plongé dans un livre et l’absinthe. Charmant, heureusement l'alcool rendra l'attente supportable.

 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Merakih 22 Otalir 814 à 11h20
 
Très certainement monsieur. Je vous apporte un cendrier.

Même si je trouve que l’odeur de tabac dénature la dégustation, la politique de la maison l’autorise. Oh dans ma prime jeunesse, je n’étais pas contre m’en griller une petite de temps en temps à la fin du service mais maintenant, il n’est pas de bon aloi de se présenter aux clients avec une odeur de tabac froid.

Je m’éloigne de quelques pas vers le bar.


Alfred, un double Islay sec s’il vous plait.

Gros buveur mais au moins il ne commet pas l’erreur grossière de demander des glaçons. De toute façon, depuis mon arrivée, j’ai formellement banni tout glaçon dans un whisky, nous utilisons des cubes de céramiques laissés au frais. Même effet, aucune dilution blasphématoire.

Je reviens quelques minutes plus tard avec mon plateau, le whisky et le cendrier. Je dépose le tout sans un bruit et repars à mes occupations. Peu après, je monte l’entrée à l’étage.


*** ***


Et voilà votre entrée. Un œuf cocotte accueillant une petite crème fouettée à l’huile de truffe et mouillette dorée à la fleur de sel. Une bonne dégustation.

Je dépose l’assiette ainsi qu’une corbeille de pain de seigle et une carafe d’eau puis me redresse.

Vous faut-il autre chose jeune monsieur ?


 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Julung 23 Otalir 814 à 10h54
 
Thaïs remercie Harvain, toujours avec un petit sourire gouailleur et féminin flottant sur les lèvres. Elle sifflera ce cocktail comme le dernier, avant de s’en retourner explorer les bulles mentales déjà créées. Se permettra même une intervention sur l’une d’elle, un peu trop prolixe pour lui ressembler tout à fait.

A l’entrée du menu, la jeune femme commande finalement du vin –au choix d’Harvain.

Après que l’homme lui eut amené la bouteille et se soit retiré –avec son efficacité et calme caractéristique-, elle l’admire un instant, se perd dans les reflets pourpres de la liqueur. Elle n’y connait rien mais pressent que le breuvage lui sera d’un grand secours.

Thaïs se sert un verre, qu’elle boit quasiment immédiatement et cul-sec –de quoi donne des envies d’assassinat à tous les amateurs. Fortement grisée par l’afflux massif d’alcool dans son corps inhabitué, jeune et frêle, Thaïs se détend complétement. Désinhibée, elle se laisse glisser sur son fauteuil, s’avachit quelque-peu.

Les barrières retombent totalement, dans son esprit, et elle laisse les voix l’envahir complétement. Délicieuse impression d’être au cœur d’un tourbillon.

Soudain, elle a une idée et se redresse. Se sert un demi-verre de vin, le sirote, se masse les tempes. Se concentre.

Elle tend son esprit vers des individus bien particuliers. Tente de contacter une personne seulement. Tâtonne, malhabile encore.

Thaïs commence par Lymiria, d’abord : elle la visualise, l’imagine dans ses activités du soir. Elle cherche son esprit, un lien télépathique mais ne trouve rien. Elle n’insiste pas.
Puis Thaïs tente ses parents. Son père, puis sa mère. A cette heure, ils doivent être en train de faire leur correspondance, sans même s’être aperçus que leur fille est absente –hors de quelques repas particuliers, les d’Ascara dinent rarement ensemble, Thaïs détestant le cérémonial qu’impose sa mère au moindre souper. Aucun résultat non plus.
Puis l’Orateur, krolanne vindicatif envers les lanyshstas que le père de Thaïs héberge temporairement pour divertir ses nombreux invités. Frisson de peur, action inconsidérée : l’hameçon ne prend pas, Thaïs ne trouve rien. S'y résout très vite, dans ce dernier cas.

Durant l’heure suivante –interrompue par l’arrivée des plats et reprenant toujours selon le même protocole : verre de vin, soupir d’aise, concentration soudaine- Thaïs passe en revue toutes ses connaissances. Famille, Amis, voisins, courtisans. Elle est prudente : au moindre lien, au moindre prémisse, elle couperait court et chercherait à ne pas être identifiée. Choux blanc. Les lanyshsta ne sont soit pas si nombreux, soit Thaïs n’a aucune capacité pour ce tour de force. Mais, par Scylla, s’il est envisageable de discuter à vingt dans une bulle de pensée, il doit bien être possible d’envoyer un trait télépathique à une seule personne !

Alors qu’Harvain termine de présenter le plat à cette client décidément de moins en moins attentive, Thaïs a une idée. L’homme a à peine tourné les talons et est sorti de la pièce que l’esprit de Thaïs file à sa poursuite. Le rattrape. Toque doucement à la porte mentale, déjà résignée à n’en recevoir aucune réponse.


 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Julung 23 Otalir 814 à 21h27
 
En sortant de la salle, je ne ressent qu'une légère gêne. Incapable de faire la différence entre ce susurrement et les autres voix du consensus télépathique. Je me dis que je suis fatigué et qu'il me faudra encore du temps avant de maîtriser cette faculté de communication.

La soirée avance petit à petit. Quelques clients arrivent, certains pour le restaurant, d'autres pour le bar. De temps à autre, un éclat de rire, parfois des chuchotements, mais l'ensemble baigne dans un sage flot sonore diffus. Avec une demi-heure de retard, Billie Olynn fait son entrée dans le hall accompagnée du pianiste habituel. C'est bien une des rares personnes à qui je pardonne le retard. Il y a le quart d'heure de retard pour l'artiste et le quart d'heure de retard féminin. On ne se refait pas à mon âge dit-elle de temps à autre. Je la laisse se préparer dans la pièce voisine.

Au centre de la salle principale, j'agite une petite clochette au son cristallin jusqu'à ce que le silence se fasse. Je n'ai pas besoin de hausser le ton et au contraire, je me permets d'avoir une voix un peu plus chaleureuse qu'à l'accoutumée. Je prends la parole en prenant soin de laisser un blanc suffisant entre chaque mot.


Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, pour vous, ce soir, Lady Olynn nous fait l'honneur de sa présence à l'Hermine.

Sur ce, elle fait son entrée avec le pianiste comme son ombre. La voilà parée d'une classique robe longue de soirée. Sans prétention, sans coupe aguichante, son style élégant et discret la présente telle qu'elle est. Quelques invités applaudissent délicatement, d'autres font tinter leurs verres, certains un geste de la main. A chaque invité dans la pièce, elle jette un regard, une œillade, une inclinaison de la tête ou un sourire.



*** Ambiance ***


Elle ferme les yeux quand le pianiste commence les premières notes. Plus rien n'existe sur Syfaria sauf cette petite estrade ronde. Je baisse lentement les autres lumières de la pièce. Ne restent plus que les bougies à chaque table et un petit projecteur diffus braqué sur la plateforme.


 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Julung 23 Otalir 814 à 22h46
 
D'un sourire, Lelhuü remercia le maître d'hotel. Il huma l'âpre parfum qui s'échappait des effluves alcoolisées du premier verre avant de le porter aux lèvres. Il appréciait l'odeur du whisky, mais il appréciait encore plus de le laisser mariner quelques secondes sous la langue, laissant son palais s'imprégner du précieux nectar. Mais là, étrangement, rien. L'odeur du breuvage était pleine de promesses qui ne furent honorées. Il avala d'une traite le second verre, rien non plus, tout juste un lointaine touche fruitée en bouche. La même sensation qu'à l'Escale : l'alcool, comme tous les autres aliments, n'avait presque plus aucune saveur. Il avait abandonné le tripot et la piquette pour l'un des établissements les plus prestigieux - et les plus onéreux - du quartier en vain. Même ici il n'avait pu renouer avec le goût. Il avait commencé à perdre le sens gustatif depuis qu'il était lhanyshta, semble-t-il.

Malédiction ! Lui faudrait-il désormais consommer un alcool au prix d'or pour un soupçon de saveur fruitée ?

La salle se remplissait petit à petit. La clientèle était plus ou moins chique mais toujours très select, l'ouvrier faisait presque tâche parmi eux mais il s'en moquait pas mal. Il était terriblement contrarié de son nouvel état et il n'arrivait même plus à penser avec tous ces télépathes.

Pincée par pincée, il bourra délicatement sa pipe d'un tabac légèrement humide. Ses pupilles étaient tout aussi indifférentes au tabac qu'à l'alcool, mais la drogue conservait ses vertus en l'apaisant. Il craqua une allumette mais la pipe ne "pris" pas. Les trois jeunes négociants qui tapaient le carton lui lancèrent un regard amusé et ricanèrent de son infortune. Une seconde allumette, mais le tabac s'obstinait à ne pas vouloir se consumer. Tout sourire, l'un de ses spectateurs murmura quelques mots à ses compères qui s'esclaffèrent. Le vin devait leur avoir monté à la cervelle. Lelhuü devait avoir quelque chose de comique. Sa gueule et son costume criaient son appartenance à la classe moyenne, bien plus modeste que la clientèle des habitués de ces lieux. Le gratin appréciait l'entre-soi et ces trois là souhaitaient le lui faire ressentir. Son étui d'allumettes était vide, il fronça les sourcils, considéra les trois moqueurs et se leva d'un coup avant de se diriger vers eux.


Vous auriez du feu ?

Le ton relevait plus de l'injonction que de la demande, appuyé par la voix caverneuse du colosse.

Le petit marrant de la bande, le roi de la bague qui semblait tant inspiré par le chef maintenance, lui tendit un briquet décoré de fines dorures avant de lui lancer :


Ici, lorsqu'on demande quelque chose, on précède sa phrase d'un "Gentlemen" pour la conclure par un "je vous prie".

Lelhuü, en silence, se saisit du briquet et embrasa le contenu du fourneau d'une profonde inhalation tout en braquant le nobliau d'un regard noir, plein de sens. Il relâcha un véritable nuage de fumée sur les trois négociants qui grimacèrent en s’offusquant de l'affront. Le lhanyshta rendit son briquet à son propriétaire et s'apprêta à retourner à sa place. Malgré la corpulence fort dissuasive de l'ouvrier, le négociant, face à l'injure proférée contre son honneur par ce minable de basse extraction, devant ses semblables qui plus est, s'arma de tout son courage pour le stopper en lui saisissant l'avant bras.


Et bien... Prolo... j'attends des remerciements pour le feu et des excuses pour votre conduite. Je ne sais comment on fume en bas mais ici, en haut, on fume en gentlemen.

L'adrénaline, la colère, le pouls qui s'accélérait. Il y allait avoir du grabuge en salle. C'était peut être la première fois que ce parquet allait goûter à l'hémoglobine ou rencontrer quelques gencives. Soudain, une voix s'éleva :

"Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, pour vous, ce soir, Lady Olynn nous fait l'honneur de sa présence à l'Hermine."


Applaudissements, la diva arrive, magnifique, resplendissante et les premières notes retentissent. Toute la colère s'évacue et Lehluü s'extirpe de la prise, non sans arracher un petit cri d'agonie au "gentleman" qui se ravise, à la réflexion. Chacun regagne sa place, que le spectacle commence. Harvain, lui, en bon chef de salle, n'a rien loupé de la scène.

 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Sukra 25 Otalir 814 à 17h21
 
*** Ambiance ***


Je tique en apercevant la scène à l'orée de ma vision. Je ne soupire pas mais je n'en pense pas moins. On a beau faire des efforts, pratiquer des prix éliminant le commun et le vulgaire, inspirer du respect par les boiseries et les cuivres, mettre deux éjecteurs à l'entrée (comme des videurs mais ils y mettent plus de puissance), il n'empêche qu'il y a toujours des étincelles. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe mais je bénie la musique qui apaise les mœurs et ralentit les humeurs. Les gens ne savent décidément pas se tenir. Humf.

Le but étant toujours de prévenir l'esclandre. Même si dans le passé, nous avons du faire face à des scandales, je préfère toujours éviter d'en arriver là. Faire venir Massetard et Fortdubras, casser quelques os et bannir ad vitam eternam les fauteurs de troubles sont des solutions curatives, point préventives. Et ça fait toujours mauvaise publicité. Scylla me vienne en aide pour gérer ce genre d'énergumènes.

Je continue à rincer nettoyer les verres et astiquer les couverts derrière le bar pendant que je réfléchis à la situation. Ça reprendra sitôt la musique achevée. J'analyse la situation et même avec bientôt quarante années de métier, il y a toujours des situations imprévisibles.

Je n'ai pas le choix. Mon verre est sec, cela fait dix minutes que je l'essuie.


Alfred... Je vous remplace au bar quelques minutes. Nous avons un "douze" table huit et trois "quatre" table neuf.

Aux grands mots, les grands remèdes.

Faites venir...."la dernière".

Mon comparse ne bronche pas, se contentant d'embrasser la scène au loin. Il ne peut se retenir de renifler rapidement. Combien de fois je lui ai dit que ce tic n'est pas approprié diantre !

Il s'éclipse rapidement mais sans se hâter. On pourrait penser à une commande urgente au vu de l'extérieur. Il monte à l'étage et avance dans le couloir. Derrière une porte close d'un des salons privatifs, il toque deux fois et se contente de tourner d'un quart la poignée vers la droite. Le barman entend rire à grandes voies. Il commence à compter dans sa tête tout en se décalant légèrement sur le côté.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre.

C....

La porte s'ouvre devant lui laissant échapper une brève vision de plusieurs hommes bien vêtus, cigare à la bouche en train de jouer aux cartes devant des piles de jetons. Plusieurs bouteilles sont sur la table. Quelqu'un en sort et lâche d'une voix mielleuse.

Je reviens tout de suite messieurs, je vous ramène encore quelques bouteilles ! Pas de folies en mon absence !

D'autres rires fusent puis la porte se ferme. Bref soupir et la silhouette se tourne vers Alfred.



D'une voie plus sèche trahissant un caractère bien trempé voire soupe-au-lait voire absolument insupportable façon gosse pourrie gâtée. Sans hausser le ton.

Quoi ?!

Alfred se ressaisit et chuchote.

Un "douze" table huit et trois "quatre" table neuf. Ça va pêter.

Nouveau soupir de "la dernière".

Recharge ces messieurs en Corbières veux-tu, ils sont presque à sec. Je descends tout de suite. Et dis à Harvain que la prochaine fois que Massetard et Fortdubras font rentrer un "douze", il lui serve une camomille au lieu d'un alcool fort. Et je prendrai une commission !

Alfred sourit. Tu lui diras toi-même...

Elle hausse les épaules d'un geste sec et tourne la tête d'un air boudeur. D'un pas ferme, elle traverse le couloir passant devant le salon de Thaïs sans s'arrêter. Descends les escaliers sur la pointe des pieds alors que la musique baisse de volume.

Devant la pièce principale l'obscurité gêne sa vision mais se repère vaguement en fonction de la position des tables. D'accord... Pénible. Elle fait appel à son professionnalisme. En seulement cinq ans de service, elle a réussit à apprendre beaucoup sur la nature krolanne et avoue sans détour plutôt bien se débrouiller à la manipuler. Elle sait qu'elle n'aura que peu de chance à gérer le "douze". Par contre, les trois "quatre" sont plus facilement jouables. Selon les situations, elle se contente de rester parmi les convives, essayant d'apaiser les tensions. Un petit sourire, un compliment, une conversation et généralement, tout se passant bien. Parfois, elle déplaçait le problème à un autre endroit où il sera plus facile à solutionner.

Elle se passe une main dans les cheveux et fait la moue. Dans l'ombre, elle fait quelques grimaces non pas par puérilité mais pour se décontracter le visage. A force de faire semblant de sourire, elle attrape des crampes parfois. Un jeune commis lui tend un plateau avec trois coupes de champagne. Prenant une profonde inspiration comme un artiste rentrant sur scène, elle s'élance dans la salle, louvoyant entre les tables et les fauteuils. Elle prend son temps, se laisse voir tandis que la musique s'éteint doucement et que la lumière reprend ses droits. Le temps de l'entracte sera suffisamment pour "exfiltrer" ces "quatre". C'est à peine si elle croise le regard d'Harvain mais elle sait qu'il l'observe prêt à appeler la cavalerie au cas où.

S'approchant ostensiblement vers la table neuf et les trois clients, elle arbore son plus beau sourire.


Messieurs, permettez-moi de vous offrir une petite coupe au nom de l'Hermine. Déposant son plateau vide sur un rebord de la table, elle s'assied entre Lelhuü et les trois banquiers. Oh oui, c'est du banquier. Ca se sent de loin. Les mains propres et fines, le noeud de cravate trop propre et cette petite odeur de papier obligataire. Le costume bien taillé, neuf mais d'une mode ancienne pour rassurer une clientèle vieillissante mais aisée. La serveuse effleure rapidement le bras de l'un des trois.

Pour nos clients les plus fidèles, nous proposons un petit encart dans un de nos salons exclusifs.


Tant pis, on surjoue un peu. Elle passe la main dans ses cheveux.


Je vous y emmène...

Le ton était impérieux mais fin. Directif mais pas imposant. Comme un suggestion...renforcée.

Elle se redresse lentement et prend son plateau. Si vous voulez bien me suivre messieurs, je vous en prie.

Ça marche toujours ce coup. La scène n'a duré moins d'une minute.



 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Dhiwara 26 Otalir 814 à 17h37
 
Lelhuü n'avait d'yeux que pour la diva. Elle était magnifique. Brune, les cheveux longs et bouclés, dans une robe simple mais taillée de mains de maîtres dans les plus beaux tissus : classe. Sa voix de velours faisait vibrer son auditoire lorsqu'elle montait crescendo. Une explosion de sens. Lehluü, obnubilé par sa belle, en avait oublié ses trois camarades de jeu. C'est à peine s'il se rendit compte de "la dernière" s'installant discrètement à leur table avant de les inviter à s'éloigner du grand moustachu. Il aperçu un bref instant une jolie frimousse et quelques mèches rousses sans trop s'y attarder, la cantatrice l'absorbait littéralement, il ne comprendrait de toute façon strictement rien à ce qui se tramait. Un instant il cru que leurs regards se croisèrent avec Lady Olynn, l’extase, plus jeune il se serait peut être même mis à rougir.

Il se rassit confortablement à sa place, s'enfonçant dans la banquette pour se confondre dans l'intimité de l'obscurité, même si l'exercice était difficile pour quelqu'un de cette stature. Il était paralysé par l'émotion. Le pianiste effleurait les touches, les enfonçait, jouait avec l'harmonie des notes et soutenait le chant sans jamais le surpasser ni l'égaler. Toute la lumière était sur la princesse du jazz et ses chants d'un amour perdu à jamais. Qui aurait pu quitter une krolanne aussi splendide ?

Sa pipe, qu'il avait si ardemment bataillé pour allumer s'éteignit sans même qu'il ne s'en rende compte. La première chanson fini, la clientèle sélecte de l'établissement brisa la silence habituel des lieux, en dehors des musiciens et chanteurs, et souleva un tonnerre d'applaudissements pour féliciter le duo, un bref instant. Mais les codes étant de rigueur : ni cris, ni acclamations, ni sifflets. Lelhuü, se joignit au public, toujours accaparé par sa belle. La soirée se déroula en douceur, tout en jazz et le chef maintenance s'offrit même le luxe de recommander une seconde paire de ce fameux whisky, oubliant même ses tracas de la perte du goût. D'un geste - qui se voulait discret - de la main, il demanda un serveur.


 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Luang 27 Otalir 814 à 19h49
 
Je m'empare d'un plateau et de la carte des boissons et me rend vers la table huit. Malgré moi, je laisse échapper un petit soupir de soulagement devant la maîtrise de notre arme secrète pour gérer ce genre de situations. Chose qui m'est absolument impossible. Nous n'avons pas les mêmes "atouts" dirons-nous. Je sais déjà qu'elle va me demander une augmentation, elle a bien compris comment les choses fonctionnent. Il me faudra faire les comptes et en parlant au directeur.

Oui monsieur ? dis-je du ton le plus classique du serveur.

Je prends le pari de sa prochaine demande.



 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Luang 27 Otalir 814 à 20h02
 
Thaïs reste un instant un peu interdite. Si le contact mental n'est pas tout à fait probant sur Harvain, il semble différent des autres. Atypique. Particulier.
Intrigant.

Thaïs termine un nouveau verre et lance de nouveau son esprit vers Harvain. Moins finement que la première fois, plus manifestement, comme un cri mental destiné à surprendre et faire réagir.

La jeune femme quitte le salon privatif, un peu chancelante, et commence à chercher le serveur, à grand coup d'appels télépathiques. S'appuyant sur les murs, faisant à peu près illusion à chaque fois qu'elle croise quelqu'un, Thaïs se dirige doucement vers la salle principale, d'où monte une voix sensuelle et profonde, une délicieuse mélodie.
Le pouls de la vie.

Thaïs se laisse tomber sur un banquette, dans un recoin d'ombre, et s'abreuve de la musique. Elle commence à chanter doucement, mentalement, sans se rendre compte que le flux télépathique doit résonner dans la tête d'Harvain.


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