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De la tête aux pieds
Où on boude.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Julung 29 Otalir 815 à 15h20
 


Oromonde remarque qu'il est difficile de conserver un air empesé et digne quand on se balance au-dessus de la chute de la Faille, sur une passerelle de bois qui tangue, et qu'on a en même temps à la fois fortement envie de vomir et aussi d'uriner - les joies des débuts de la maternité. Le teint un peu blanchi par l'effort, la novice du Prédicat fait semblant de ne pas avoir remarqué sa présence incongrue à quelques centaines de mètres du bassin de réception de la Chute. Heureusement que ses capacités de déni sont assez exceptionnelles, se félicite-t-elle en agrippant d'une poigne ferme (mais pas trop) la rambarde de la passerelle. Les autres passants ne semblent pas mesurer la difficulté de l'exercice et il y a même un ou deux gamins qui passent en courant à côté d'elle, faisant tanguer l'édifice qui lui paraît, à elle, très fragile. Saletés.

Pourquoi est-elle venue ici déjà ? A quel moment est-ce que les mots "ballade aéroportée au-dessus du sanctuaire de la Faille" lui ont paru être une bonne idée ? Oromonde n'a pourtant jamais été sensible au vertige auparavant, mais il semblerait que sa nouvelle disposition biologique ne soit pas d'accord avec la plupart de ses activités. Tout ce qui lui paraissait un peu drôle dans sa vie, comme "chasser des Krÿnans", "mettre un pain à son frangin", "se suspendre la tête dans le bas dans le vide pour méditer sur le sens de la vie et de la mort", "cacher des corps inanimés" n'était d'un seul coup plus drôle du tout. Ils étaient généralement suivis de "crampes abdominales", "fringale inexpliquée", "nausée subite." Et son préféré : "le coup d'émotivité." Ah, ça, elle en bouffait du matin jusqu'au soir, de l'émotivité, et autant dire que le mélange fini n'était pas très glorieux. Elle se serait bien passée de tout ça. Elle en voulait à l'entièreté du monde pour sa condition, allant jusqu'à houspiller du regard les arbres, végétaux et animaux en attendant qu'ils s'excusent et lui donnent une sacrée bonne explication. Il faut dire que le malheureux géniteur allait lui payer cher. Enfin...bon...si elle se résignait à lui reparler un jour...ce qui, bon...était un peu...difficile...rraaaah, ils vont arrêter de sauter à pieds joints sur les planches, ces consanguins de gamins ? Est-ce-qu'elle s'amusait à sauter sur toutes les planches, elle, hein ? Bah non. Parce que sinon, elle passerait à travers et elle irait mourir, écrasée, quelques centaines de mètres plus bas.

Dire qu'elle avait pensé trouvé un coin calme où se reposer et où poursuivre son travail en paix. Deux ou trois Augures compliqués à rédiger au bureau, il fallait revoir les interprétations de fond en comble, ça voulait dire relire les systèmes infra-auguriens de leurs écrivains originels, ce qui voulait dire...lire beaucoup plus de poésie et de calculs alambiqués qu'il n'en était souhaitable pour quelqu'un de sain d'esprit. Au terme d'une reptation-marchée douloureuse, la lanyshta s'extirpe du parapet sans se démonter et jette un regard suffisant aux alentours, à la recherche d'un coin de verdure isolé où allait régler ses affaires pressantes. Pas très sophistiqué, sans doute, mais il est hors de question de reprendre la ballade aéroportée dans l'autre sens. D'ailleurs, il est hors de question de reprendre la ballade aéroportée tout court. Peut-être qu'en refusant l'existence de ces ponts suspendus assez longtemps, ils finiront par disparaître. Oromonde peut passer beaucoup de temps à souhaiter la disparition de tout ce qu'elle n'aime pas. Toute une vie, par exemple.

Une fois tout ceci fait, la femme va jusqu' un banc de pierre froide qui surplombe les jardins automnaux et le clapotis censément apaisant du cours d'eau. Elle pousse un soupir de satisfaction en s'asseyant enfin. Et manque pleurer de suite en se rendant compte qu'elle vient de soupirer de contentement en prenant place sur un banc en pierre, les pieds en canard, et en ayant envie de manger tout ce qui passe. La vie d'aventurière n'aura pas duré très longtemps, ça, c'est certain.

Bref, Oromonde se met à bouder et à broyer du noir en cette chaleureuse journée ensoleillée d'automne. Une saine occupation d'après-midi.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*

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