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Tasse de thé entre demoiselles
Armes et boules de feu au vestiaire - La direction
 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Merakih 18 Nohanur 815 à 17h23
 
Thaïs écoute la réplique sans broncher. Elle s'y attend parfaitement, et les mots glissent sur elle. Elle sourit, presque amusée, à son tour, et répond calmement -un calme froid, à dire vrai :

C'est un jeu facile, vous savez.
Je vous parle de couleur, vous nous décrivez blanchâtre. Je vous parle de colonie, vous me parlez d'y mettre le désordre. Je vous parle d'un peuple plein d'abnégation, vous me parlez d'ordre pépère.
Je vous parle de lignée, vous me parlez d'eugénisme. Ah, mais je peux accoucher d'un nourrisson stupide. Cet enfant pourra provoquer un incendie qui ravagera un hôpital et tuera des centaines de malades.
Evitant ainsi une épidémie. Personne n'en saura peut-être jamais rien et cette engeance jettera-t-elle opprobre sur mon nom. Peu importe.

Vous n'envisagez tout qu'en terme d'optimisation mathématique. Comment en trouver les limites ou le parfaire. Peu importe notre éducation ou nos croyances : vous piétinez tout, enfournez tout pour mieux le mâcher et le recracher selon votre haute analyse...

Vous prenez ce que nous avons de plus Saint, les Apostats, et vous manipulez le concept avec une légèreté horripilante. Devant ceux qui ont la patience de vous répondre, vous poussez dans les retranchements avec le flegme et le détachement d’une anthropologue analysant les pratiques de macaques. Nous ne sommes pas des putains de singes !


Et tant qu'à y aller dans la franchise, Thaïs balance carrément :

Il y a une différence entre vous et moi, pour l'instant, chère. Je n'ai jamais tué de lanyshsta car je considérais que mon avis, ma vision et-ou mon intérêt supplantaient les siens.

Je crois que ce sont vos crottes, qu'il faudrait momifier pour la postérité.


Un silence mortel s'ensuit de la part de l'adolescente.
Puis, lorsque Jade change de sujet, Thaïs finit par lâcher :


Nos rapports avec Yloyse sont restreints. Nos premiers échanges ont été... houleux.
Elle aussi a de gros sabots.


La Noxamancienne reste très ombrageuse. D'apparence toujours aimable mais faisant peser une ambiance lourde et désormais peu amène...

 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 18 Nohanur 815 à 18h12
 
En effet. Les singes ont une capacité d'auto-destruction des plus limitées.
D'où accord sur notre différence avec eux, s'il en faut une. Nous pourrions ensuite reprendre chaque terme pour y montrer la valeur, de la totalité des couleurs du blanc aux bienfaits du chaos-pas du désordre- mais ce serait stérile.
Mais sur la différence entre nous deux...


Elle prend son temps, la voix se faisant plus douce, sans pour autant verser dans la tendresse, pas plus que dans la séduction.

... vous êtes pourtant prête à "protéger par tout les moyens" un mode de vie de l'interaction d'autrui, si celle-ci s'avère néfaste. Je suppose que, dans un cas tel, vous êtes prête à vous opposer, voir à tuer quelqu'un.
Mais qui jugera que l'acte est néfaste ?
Attendrez-vous systématiquement qu'il soit réalisé, vous contentant de la vengeance, ou agirez-vous en amont ? Voir autant en amont que possible, si l'acte est destiné à engendrer des conséquences de plus en plus néfastes ?
Et plus on remonte, plus la question se pose de la limite : quand quittez-vous la protection active pour la mise à mort sur simple divergence d'opinion ?


Elle secoue lentement la tête.

Je n'ai jamais tué pour cause de simple divergence d'opinion. Uniquement par protection. Alors oui, ma conception du danger est plus élargie, tant dans le temps que dans les répercussions, que ce que même des services organisés peuvent se permettre d'extrapoler. Et de fait, je ne peux me tenir que comme seule responsable de mes actes là où vous pourrez vraisemblablement dire "j'ai tué car mes supérieurs me l'ont ordonné, leurs raisons étaient sans doute bonnes", sans vous interroger si ce n'était pas qu'une autre forme de divergence d'opinion.

Un début d'émotion dans la voix. Une pointe de tristesse, si non de pitié.

Vous voulez tant être intégrée dans ce Tout, ce Un, en vous coupant de tout le reste. Les krolannes des singes, le Kil'dé des autres Sharss, vous de moi. Vous vous raccrochez à votre appartenance à une culture, une idéologie...

Et la pensée fusa, dénuée, elle, de toute compassion.

Pensée :
Mais tu es une Lanyshsta. Oui, j'ai compris, Lanyshsta MAIS intégrée au grand Tout du Kil'dé. Comme une verrue sur un visage. Ce n'est pas parce que TOI tu veux continuer à être proche de tes Voisins que eux ne te considèrent pas comme différente.

Tu as foi en le Un ?
En ta place dans celui-ci ?

Alors lève toi. Lève toi, sors dans la rue et gueule "Je suis une Lanyshsta, et je vous le prouve, mes chers voisins !" avant de faire un ou deux jolis sorts bien visible.

Si le Kil'dé est capable d'influer une telle confiance en soi à l'un de ses citoyens, je veux bien croire qu'il ait une supériorité sur les autres, et il peut valoir le coup d'amoindrir à grande échelle l'influence des autres Sharss sur lui.

Sinon... La différence reste dans nos seuls points de vue, et ta merde sent tout autant que celle des autres -moi y compris- et même s'il est moins mortel d'être Lanyshsta ici qu'ailleurs, il faudra sans doute se reposer la question de qui tu diffères le plus.


Yloyse avec des gros sabots, hein ?
Première sortie, en improvisation. Son rôle ne devait pas encore être parfaitement maîtrisé alors, car depuis, ses prestations semblaient avoir grandement gagné en qualité. Par contre, à creuser, car soit elle avait affaire à un mensonge visant à présenter un éloignement fictif avec Yloyse -il faut dire qu'après l'avoir accusée de tuer pour avis contraires, se targuer d'une amitié sincère avec la bleue aurait été illogique, que ce soit le cas ou non- soit l'unité du trio du manoir d'Ascara ne s'étendait pas aux relations personnelles.
Mais bon, quitte à avoir de gros sabots, autant en profiter pour flanquer des coups dans les rotules.



La perfection est amorale.
 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Merakih 18 Nohanur 815 à 19h12
 
Les yeux se plissent, ne deviennent que deux fentes. Distantes et concentrées. Les réponses fusent rapidement.

Je n'ai pas été confrontée à ce choix. Pas encore. Même si, sans doute, en effet, j'y suis prête.
Il me semble simplement risible de me représenter comme égocentrique, ethnocentrique, hautaine et méprisante alors que, dans l'affaire, c'est vous qui tentez de décortiquer et de juger nos modes de vie et nos croyances, vous qui les remettez en question. Vous qui avez déjà écrasé quelqu'un car il -ou elle- ne vous suivait pas.

Peut être, sans doute même, dans une situation tendue, aurais-je pu faire le même choix, pour protéger Kil'dé, les miens ou moi-même. Mais je n'ai pas encore choisi. Je n'y ai pas encore été confrontée.
Qui peut dire, alors, que je le ferai ? Pas toi.


Haussement d'épaules.

Tuer par protection... Je trouve cela vide de sens.
Tout le monde "tue par protection", si nous allons par là.


La pensée répond, étonnamment calme :

Sans doute ne m'accepteront-ils pas. Sans doute mon Destin est-il lui-même contrarié par ma... nature.
Et alors ?

Pouvoir brûler une maison d'un claquement de doigts ne signifie pas que je n'aurai pas d'enfants, que je n'occuperai pas de fonctions importantes ou que je ne mourrai pas vieille, comme le stipule mon Augure.
Ne signifie pas non plus que je massacrerai mes pairs.

Sors en Kil'dara et crie que tu as des morpions, que tu es une grosse traînée... Regarde les autres te juger. Ne pas t'accepter telle que tu es.
Est-ce que ça signifie qu'il faut te détacher de tout ce que représente ton Quartier pour toi, tout ce qui te lie à lui, tout ce en quoi tu croies ? Jeter au feu tout ce pour quoi tu as contribué et contribuent les tiens au quotidien ?
Être une catin fait-il de toi une guerrière moins utile et efficace, t'empêche-t-il de t'accomplir dans l'art de la guerre ?

Tu penses que je me donne de l'importance. Mais c'est exactement l'inverse. Je ne suis qu'un minuscule fil. Et tant que je me place à la bonne place dans le tableau, le reste de ma marge de manoeuvre est conséquente.
Avoir une fonction définie ne signifie pas ne pas exister. Ne pas avoir de latitude.


Le retour de flamme s'enchaîne, sans animosité toutefois. Juste que puisque Jade se permet de donner son point de vue sur Thaïs et ses croyances, l'adolescente lui emboîte le pas et lui rend la politesse naturellement.

Tu es une machine, Jade. Es-tu seulement capable de croire en ce que tu ne comprends pas ? Non... Tu ingères et digères tout ce que tu touches, tout ce que tu approches.

Tu juges si Kil'dé "peut valoir le coup". Mais Kil'dé ne t'a rien demandé, Jade... Il se passe de ton autorisation d'exister, de valoir le coup, de continuer...

Tu vois un vase, et tu veux immédiatement le briser pour en analyser la matière. Tu examines s'il vaut la peine de rester entier ou pas. Ou si ça sera plus intéressant de l'éclater par terre.
Il faut que le vase se justifie d'exister, démontre par A plus B son utilité pour rester entier. Plaide.
Peu importe que tu n'es pas celle qui ait fabriqué le vase, ni la propriétaire.
Tu arrives et tu te sers.

Tu vois une Foi, et tu veux immédiatement la mâchonner, la rationaliser, la découper.

Jade...
Tous les liens n'étranglent pas.


Ceci pensé sans aucune condescendance, pitié ou apitoiement. Ni provocation ni violence.
Simplement la livraison d'une pensée brute et personnelle.






 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 18 Nohanur 815 à 20h33
 
Vous avez déjà écrasé quelqu'un car il ne vous suivait pas.

Oui, je le répéte. Et pour cause.
Y étiez-vous ? Non. Avez-vous tout les éléments connus de l'affaire ? Non.
Avez vous des certitudes ?
Je ne juge pas. J'analyse, j'extrapole, je décortique, oui. Je n'ai aucun respect pour une tradition, une morale, un caractère sacré, non. Je m'attache aux faits, et en tire le maximum d'informations, afin de déterminer quelle est la meilleure voie à suivre, et ce depuis t...
Une infime pause, typique du cas "s'est forcé à se mordre la langue" ...le début.
Je tempère le plus souvent mes propos de "je pense que" ou de "il semblerait", car cela reste des réflexions profondes -généralement bien plus profondes que ce que les faits bruts méritent, d'ailleurs, mais ce n'est qu'une fois une analyse terminée qu'on peut reconnaître sa futilité- et spécialisées, mais néanmoins personnelles.
Je peux présenter des faits comme admis, certains, mais ils ne le sont jamais que jusqu'à ce qu'un événement autre vienne bousculer les certitudes, parce que la voie de la survie est dans l'adaptation perpétuelle. Chose que je ne ressens pas ici. Là encore, toujours, avec la possibilité de se fourvoyer.

Je ne peux pas dire ce qui sera fait, mais d'autres peuvent visiblement réécrire ce qui s'est fait hors de toute leur connaissance.

Vous avez la chance de pouvoir défendre quelque chose en quoi vous croyez.
Je suis chargée de défendre un ensemble que, d'instinct aussi bien qu'après analyse approfondie, je méprise.
Et malgré ça, histoire d'être claire...


Une courte inspiration.

Je. Ne. L'ai. Pas. Tuée. Par. Désaccord

Sans que ce soit un cri, la voix a claqué, avec force, résonnant dans la salle commune, alertant les tables alentours.
Jade reprend, d'une voix tellement calme que c'est par contraste qu'on peut sentir la colère de ses propos précédents, sans sembler prêter la moindre attention aux réactions de la salle.


Et oui, tout le monde tue par protection. C'est exactement ce que je dis. Tout le monde tue par protection, même si certains le font par protection de leur plaisir vicieux qui consiste à justement tuer autrui.
Ce n'est pas l'acte qui est important, c'est la cause qui en est à la base.
Et la cause, c'est l'opinion, et l'opinion est subjective. Il n'y a pas de "bien", de "mal", juste des faits, qui découlent des volontés.

Il n'est pas de mon ressort de juger. Car juger ne peut se faire que par rapport à un référentiel, et je réfute justement la légitimité de tout référentiel qui s'arrogerait le droit de juger. Je catégorise, j'agis, et j'assume les conséquences de mes actes.
Point.


Lissage d'un pli de cape. Pas de sac à main à prendre sur ses genoux, il faut bien continuer à communiquer dans le non verbal. Le temps est précieux.

Des rapports rugueux, hein ? Ma venue ici avait de multiples objectifs -optimisation oblige- avec entre autre une évaluation des dégâts provoqués par les interactions avec Yloyse. Corruption des volontés par présence d'une charge émotionnelle forte.
Que vous en soyez ou non consciente, que la démarche ait été volontaire ou non, que vous l'appréciez ou vous en défiiez, peu importe : il y a eut altération, et en profondeur.
Essayer de vous convaincre ne pourrait se faire qu'en contrant une telle altération.
D'une part, ma victoire en ce domaine est rien moins qu'incertaine, d'autre part, une telle victoire ne se ferait que sur les ruines de certitudes, et nécessiterait de consolider l'ensemble en vous ancrant plus profondément dans mon point de vue.


Je ne veux pas de marionnette Lanyshstas. Si j'ai choisi à la base de ne pas mentir à notre -ou votre, même parmi les Lanyshstas j'ai du mal à me trouver suffisamment de rapports avec les Multicolores pour m'inclure dans un groupe- communauté, ce n'est pas par caprice, par désir de changement, ou parce que cela faisait une jolie affiche publicitaire apte à rallier les foules, mais parce que, quelles qu'en soient les conséquences personnelles, il a été calculé que c'était la meilleure voie globale.

Un léger, très léger soupir. Mais un soupir de ceux que les gens absolument seuls peuvent pousser, par pur lassitude, lorsqu'ils sont convaincus qu'il ne sert à rien de le forcer, puisque personne ne l'entendra.

Tuer par protection à un sens.
Pour moi.
Protéger le monde à un sens.
Pour moi.
Garantir la pluralité des points de vue et leur indépendance à un sens.
Pour moi.

J'expose les faits, les éclaire de mes analyses, offre une autre voie, une voie fondamentalement étrangère, car justement axée sur un raisonnement purement global. Quand bien même, oui, la pérennité même de cette voie et de ses moyens de s'exprimer nécessite une protection de ma personne et de mes réseaux de krolannes manipulés.

Mais visiblement, c'est une attitude à ce point incompréhensible que mes moyens passent pour être mes fins, et que mes fins ne semblent être que de forts oiseux moyens afin d'assouvir une présumé soif de pouvoir.


Jade se lève, met de l'ordre dans sa tenue.

Citation :
Les liens n'étranglent pas tous, non. Mais une main agile a tôt fait de les transformer en fils de marionnette.
J'ignore à quel point tu danses, et sur quels tempos, mais il ne m'appartient pas de trancher les liens d'autrui, c'est à chacun de le faire, s'il le désire.
Moi, je me contente de montrer une voie. En espérant qu'assez de personnes la suive. Mais sans imposer mes liens à qui n'en veut pas.
Bonne chance.


Je vais d'abord passer aux toilettes. Il serait sans doute malséant de partir sans avoir au moins bu l'eau demandée.


La perfection est amorale.
 
Thaïs d'Ascara
Commis des Sans Destins
Kil'dé  
Le Merakih 18 Nohanur 815 à 23h53
 
Thaïs paraît sur le point de répondre, répliquer. Encore. Le dialogue -si c'en est un- pourrait être sans fin. Mais sa bouche, qui s'ouvre, se referme finalement. Son esprit se fait muet. Pas sourd. Pas inattentif. Mais sans écho et sans réponse.
Profondément vide : les mots de Jade y tombent. Indéfiniment.

Les yeux, si durs, si prêts à la réplique, ses épaules mouvantes, ses sourcils arqués : tout s'immobilise. Se fige. Devient neutre.
D'une neutralité distante et polie.
Lointaine.

Les sentiments, contrastés, se tarissent. Se coupent. Or l'adolescente, enflammée de nature, ne peut exister sans eux.
Alors elle s'éteint dans l'échange. Si c'en était un.

Jade a tout dit, en fait.
Sa recherche frénétique de la bonne voie à suivre. La voie qu'elle montre.
Unique.

Comme si vivre dans un monde sans Unité, sans Scylla, était potentiellement d'une évidence crasse.
Cela revenait à expliquer à un père de famille qu'il fallait passer tous ses mômes par le fil du rasoir mais que le monde serait plus beau après, si si.
Que ces enfants n'étaient qu'un fardeau, qu'un boulet de plus au bout d'une chaîne.
Et qu'il était bien con de ne pas le voir.

Jade pousse ses hôtes dans leurs derniers retranchements, foule leurs croyances du pied, insulte leur éducation et leur culture, détache des mots un par un en Kil'déen -au cas où le krolanne soit trop ambigüe ou son interlocuteur stupide.
Puis souligne aimablement que, bon sang, les émotions de Thaïs sont complétement détraquées.
Que ses réactions sont manipulées et son point de vue profondément incorrect.

Corriger Thaïs ? La catégoriser ? Elle qui n'est ni femme, ni homme. Plus tout à fait krolanne mais toujours Kil'déenne.
Femelle mais désirant ses paires.
Enfant et adulte. Riche mais n'aimant que la pauvreté.
Protectrice par la violence et le feu.

C'est reprocher à une rose ses épines comme ses pétales. Lui demander de n'être qu'une tige.

Thaïs n'est pas une machine. Certes. C'est sans doute son tord. Mais c'est inéluctable : elle a un passé, un coeur, une famille, des croyance, des attaches. Elle est née ainsi.
Ou alors le fruit des cinq minutes méticuleuses et ultra habiles du passage diabolique d'une totale inconnue bleue en Kil'dé...
Peu importe au fond.

L'Ambigüe est las d'être ballotée, jugée, classée entre A et B, écrasée par des étrangers à qui elle ne doit rien.
Alors le silence, pour toute réponse.

La d'Ascara regarde la grande silhouette verte aller aux toilettes. En son absence, sans un autre mot, elle se lève et paye leurs consommations non consommées.
Puis s'éclipse.
La malséance, sans doute, aurait été de rester.


 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Sukra 21 Nohanur 815 à 12h12
 


A un moment, Oromonde lève le doigt pour intervenir, mais n'est même pas discernée par ces deux têtes butées qui sont rentrées en confrontation.
Un peu paumée, la jeune femme se perd entre les histoires de fourmi – depuis quand doit-on disposer d'un brevet d'entomologiste pour siffloter une tasse de thé entre amies ? -, des considérations houleuses sur les couleurs de fils d'une tapisserie (qui devient carrément impossible à suivre passé les deux premiers échanges), le tout finissant sur un registre nettement plus scatophile. La mine perdue, elle se passe les mains sur la tempe en se demandant si elle aura quand même l'occasion de toucher au fraisier au chocolat blanc et à la pistache.

Bon, il faut faire l'effort de comprendre. Le fond lui paraît clair : Jade a poussé à bout le raisonnement de Thaïs et n'a pas apprécié que celle-ci lui rétorque avec sa diplomatie habituelle. La suite est un conundrum d'arguments qui ne peuvent se partager. Enfin, en tout cas, c'est le tableau d'ensemble d'un point de vue extérieur. Elle-même n'est pas sûre d'avoir tout compris à ce qui se passe, et malgré quelques timides tentatives, ne parvient pas à s'insérer dans le débat pour tenter d'y voir plus clair.

Après que Jade soit partie aux toilettes, Thaïs et Oromonde se regardent dans un silence blanc des plus troublants. La Prédicatrice comprend sans peine l'expression fermée de sa camarade. Elle même n'a pas été attaquée personnellement par Jade qui l'a laissé de côté lors de l'échange, mais elle aurait probablement eu du mal à rester impassible aux remarques de cette dernière. C'est bien embêtant : elle n'a pas envie de prendre position, mais pressent qu'elle fait délit de neutralité en tâchant d'observer une place extérieure. Après tout, c'est aussi sa culture et son monde qu'on maltraite là. Mais fondamentalement, l'idée de départ, qui avait causé tant de mal, était une hypothèse : et si tous, y compris les habitants des autres sharss, faisaient partie du même Destin ? Du point de vue de la Commis aux Sans Destins, c'était forcément une position idiote. Du point de vue des Prédicateurs, c'était tout aussi stupide. Mais pas impossible pour autant : il y avait une certaine nécessité logique derrière. Ce qui la glace, par contre, c'est la question à propos d'Yloyse.

Oromonde se rappelle de la façon dont cette rencontre là aussi avait mal fini. Thaïs et la Bleue avaient manqué en finir aux mains, ce qui aurait été un échange sportif probablement agréable à regarder, mais assez risqué. Elle est au moins satisfaite que l'adolescente n'ait pas menacé d'enflammer sa compère verdoyante : nul doute que ça se serait très mal passé. Ceci dit, on pouvait féliciter Thaïs d'avoir tout autant désamorçai la froide logique de Jade, qui laisse place à quelques mécanismes apparents intéressants.

C'est vraiment gênant, là, comme position. Elle ne marche pas sur des œufs, mais sur des bombes à fragmentations. Il y a fort à parier qu'elle va finir par s'en manger une en pleine tronche. Pourtant la curiosité lui commande de ne pas partir pour le moment. Pas sûre qu'il y ait grand-chose à rajouter, mais bon.

«  Je vais rester encore un peu, Thaïs, puis j'irais à la Loge pour enquêter.
Ne te sens pas obligée de rester pour moi. »


Thaïs désapprouvera sans doute sa position, mais l'a certainement déjà anticipé. Après tout, se dit Oromonde nonchalamment, la Prédicatrice aux yeux noirs était le genre de personne qui aimait appuyer sur les boutons rouges avec écrit « interdit » au-dessus pour voir ce que ça faisait.

Dès que Jade rentre ou fait signe en tout cas de se rapprocher, Oromonde, qui n'a pas bougé, reprend la parole, visant la précision factuelle après cet étalonnage émotionnel.

«  Il est possible logiquement que chaque Sans-destin ait de fait était prédit ou observé, pas par les Augures individuels des Prédicateurs mais par la vision à long terme du Cantatère et de la grande Augure, qui nous sont inaccessibles.
Le destin du Kil'Dé dépendant mécaniquement de l'ensemble auquel il est rattaché, c'est à dire à la cité, il y a un besoin qu'au moins les institutions et leur avenir soient inscrits dans cette ligne prédictive.
Cependant si cette hypothèse permet d'assurer la fondation logique de l'exercice prédicatif, son impact n'est que théorique mais non pratique. C'est un axiome, si vous voulez. Il est probablement nécessaire pour effectuer une démonstration et la décréter vraie ou non, mais on ne peut pas démontrer l'axiome lui-même.

Je ne vois, de fait, pas l'intérêt pour vous de cerner cette position.
Loin de moi l'idée de vous comprendre – vos mécanismes de pensées ayant prouvé plus d'une fois qu'ils étaient souvent modelés d'une autre étoffe que ceux, plus passionnels, des autres -, mais si j'avais à décrypter la situation, je me poserais tout de même quelque question.
A) on note votre intérêt dans l'hypothèse d'un Un intégrant jusqu'aux Sans-Destins
B) on note aussi votre curiosité vis à vis de l'Apostasie, qui pourrait dans ce cas être partagée à l'étranger
C) curiosité personnelle ? Vous vous renseignez sur la possibilité d'une intégration au Un des étrangers par la prédication d'un destin, cf les conditions de possibilité de cet exercice que vous avez donné (en ce cas, je vous informe qu'il est tout à fait possible de tenter de déterminer quelques lignes de force d'un avenir étranger, mais que la prédication se fait à la naissance au kil'dé pour des raisons précises, qui ferait que lire le destin d'un étranger devient irrationnellement, certainement sans intérêt)
D) vous parlez régulièrement de protéger la pluralité et l'ensemble des peuples, y voyant même les structures anthropologiques qui les configurent. Je ne saurais néanmoins dire si vous souhaitez protéger tous les krolannes, seulement certains d'entre eux, ou simplement ces structures de pensée ;
E) de fait, vous vous arrogez la légitimité de celle qui est prête à tuer pour l'ensemble, bien que vous savez très bien qu'en grande partie la communauté à laquelle vous appartenez vous craint et vous méprise, ce qui rend impossible une légitimation de ce point de vue là ;
F) ce qui me fait me demander quels sont, en fait, vos plans. De toute évidence vous n'êtes pas venue jusqu'ici pour admirer notre fontaine ou goûter à nos fraisiers à la pistache, ni même à nos thés.

Vous avez testé les limites de notre modèle culturel pour essayer de le comprendre, ce qui a amené à un échec. Affectif, malentendu socio-cognitif et culturel, ce qui prouve qu'on ne peut pas distendre à loisir une structure : celle-ci est dépendante de ceux qui la portent, les structures ne se baladent pas d'elles mêmes dans la nature. On ne les fait pas évoluer par la surenchère mais par les actes et l'évolution de la civilisation. Et je ne vois pas bien ce que fait cette référence à Yloyse au milieu de ce programme, si ce n'est pour prendre la température relationnelle des groupes et affinités qui se tissent. J'imagine que vous devez avoir une vue d'ensemble des interactions de cellules et groupuscules assez complète. Ce qui, au vu de votre volonté de coordonner, protéger et structurer le tout de chacun me fait penser que vos ambitions concernent toute notre communauté, même si je ne suis pas sûre que vous employiez la méthode la plus efficace. Enfin, pour dire ça, il faudrait que je comprenne quel est le plan d'ensemble, or j'ai mon hypothèse mais je suis loin d'être certaine de sa validité.

Et si on arrêtait les préliminaires avec ces histoires de mandibules et en venions au vif du sujet  ? »




Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 21 Nohanur 815 à 20h50
 
A son retour des toilettes, Thaïs était partie, ce qui était, sans être certain, au moins prévisible.
Oromonde était là, peut-être pour assumer un rôle de tampon, en essayant de limiter une éventuelle réaction de sa part.
Mais il apparu bientôt qu'elle n'avait pas juste quelques mots polis à lancer avant de s'absenter, aussi Jade reprit-elle sa place.

Elle en avait, des choses à dire. Calmement, doucement, mais il s'avérait que quiconque aurait pu la prendre pour une potiche qui se contentait d'être présente se serait lourdement trompé : elle avait écouté, et désormais, elle analysait.
Là où Thaïs avait été dans une explication justificative, mêlant à des développements factuels des éléments culturels jugés comme aussi rigides, Oromonde préférait une démarche évolutive, qui ne cédait rien sur ses convictions, mais les mettait en retrait, ne perdant pas de vu un objectif d'échange d'informations.

Lorsqu'elle commença à structurer ses... Pas vraiment ses questions, mais disons l'exposé de ses points d'incompréhension, Jade laissa un sourire presque naturel poindre sur son visage.
Pas une vraie marque de camaraderie, pas une preuve de condescendance, plutôt un simple "effort noté, et apprécié".

Elle laissa Oromonde parler sans l'interrompre, laissant même quelques secondes s'écouler après la question, afin d'être sûre qu'il ne s'agissait pas là d'une simple reprise de souffle pour continuer.

Comme elle avait déjà eu l'occasion de le dire à d'autres, les questions ne la gênait pas. On apprenait beaucoup d'une personne en écoutant ses questions, et lui livrer des réponses n'était souvent qu'un bien maigre prix à payer pour avoir le privilège de bénéficier d'autres questions à l'avenir.


Même si l'ordre chronologique n'est pas forcément le plus adapté, il reste le plus logique dans le traitement des demandes. Il y aura des redondances.
Ainsi donc, et jusqu'aux non numérotées...


Courte inspiration.

A. Le Un concerne plusieurs millions de personnes. Qu'il existe et concerne le monde entier, ou même dans le cas le plus défavorable, simple mystification en laquelle seuls les membres d'un Kil croient, il concerne plusieurs millions de personnes. Une meilleure compréhension de celui-ci, notamment dans ses limites d'application, est donc une connaissance partielle, mais s'appliquant à, une fois encore, plusieurs millions de personnes. C'est précieux.
De fait, cela répond également à la question non-notée qui précède ce point : cerner une situation, ne serait-ce que cerner si elle est ou non démontrable, si les personnes l'appliquent par tradition ou par foi, ou à quel point ils y sont attachés, est précieux, par le simple fait que le nombre de personnes concernées est d'importance.

B. Idem. La caractère défini comme sacré de l'Apostasie implique une incidence majeure pour une partie des krolannes. Que ce soit justifié ou non importe peu : leur importance est un fait. Comprendre ce fait et voir s'il y a d'autres éléments correspondant en dehors du Kil'dé permet non seulement à court terme de mieux comprendre le Kil'dé, à plus long terme de potentiellement mieux comprendre les courants de pensée de la Cité entière, voir au delà. Car s'il est possible que l'influence des Apostats soit surestimée, il peut aussi s'agir d'un potentiel sous-évalué. Dans tout les cas, une estimation plus précise du phénomène est à ne pas négliger.

C. Je ne comprends pas l'acception que vous donnez à curiosité personnelle. S'il s'agit de se demander si ma question à pour but d'obtenir une information dénuée d'intérêt, ou limitée à un intérêt purement personnel, non. S'il s'agit de demander si cela permettrait d'aboutir à une question que je me pose, et que je sois capable d'en tirer un bénéfice personnel par une meilleure compréhension d'un élément, bénéfice susceptible d'avoir des répercussions difficilement quantifiables, oui.
Et dans tout les cas, j'aimerais savoir, à titre personnel -non pas en ce sens que ça n'intéresse que moi, mais en celui où je serais directement impliquée dans le processus- quelles informations pourraient être tirées d'un extérieur au Kil'dé par le biais de la Prédication. Quelles lignes de force votre art parviens à visualiser sur moi, tant sur le passé que l'avenir. Les limitations étant de fait aussi intéressantes que les révélations.


Elle continuait, calmement, mais en gardant une voix basse. Suite à son éclat de voix, certains tendaient peut-être l'oreille, et certains mots pouvaient être problématiques.

D. Je protège le monde. Le monde étant une priorité de liste 0 -la plus haute. Il est également constitué d'un nombre élevé d'éléments constitutifs, le nombre de ces éléments, ainsi que leur qualité, leur rareté, constituant des sous-groupes de différentes listes. De façon générale, plus on descend vers les détails, plus l'importance est limitée.
Ainsi, les listes fonctionnent par priorité. Au sein d'une liste, plusieurs subdivisions existent, mais en cas de choix à faire, un élément d'une liste N sera prioritaire dans sa survie à une liste N+1. Les Lanyshstas non évalués sont, de par leur rareté et leur potentiel, en liste 3. Un krolanne non évalué est en liste 4, seuls les groupes importants pouvant remonter dans les listes.
L'épisode des égouts est une illustration simple : vous étiez un élément de liste 3, une Lanyshsta dont je n'avais pas grand chose à faire, en conflit avec un élément de liste 4, un groupe de krolannes de taille modeste au potentiel et aux nuisances modérés. Votre survie était prioritaire. Lorsque le jeune Lanyshsta est intervenu pour menacer Malthogan, il est entré en conflit, lui élément de liste 3, avec une démarche visant à protéger les intérêts des Comités de Vigilance, un groupe important, noyauté, et rentable, de bas de liste 2. S'il avait poussé au choix au lieu de se reculer, il aurait été éliminé.
Son attitude et ses actes lui ont par contre valu d'être dégradé en liste 4, Lanyshstas à potentiel pour le monde supérieur aux nuisances produites, mais à nuisances enregistrées, ce qui lui vaudra d'être systématiquement supprimé s'il entrait en conflit avec un élément de liste 3.

Au final, ces listes sont en évolution constante, tout choix forcé en faveur d'un élément dégradant également sa position dans sa liste s'il était opposé à un élément rentable -donc de liste 4 ou inférieure. Ce qui évite qu'un groupe de liste 3 puisse éliminer un groupe de liste 2 simplement en décomposant celui-ci en des éléments uniques de liste 4.

Bilan ? Les krolannes ne sont rien. Les croyances ne sont rien. Les cultures ne sont rien. Si elles sont prises dans le détail. Ce n'est que pris ensemble que leur valeur se dévoile, et c'est cet ensemble que je protège au mieux.
Si pour sauver dix millions de personnes il faut en sacrifier un million, soit. Si je dois faire partie des sacrifiés, soit.
Simple logique des listes, la liste 0 est prioritaire. Mais en attendant, ne pas s'attendre à la moindre indulgence envers un élément des hautes listes. A vous de voir si cela correspond à une volonté de sauver tout les krolannes ou seulement certains d'entre eux. Certaines croyances ou certaines d'entre eux.

E. Je réfute deux termes : légitimité et communauté. Les Lanyshstas ont des opinions différentes sur moi, oui. Mais je ne me considère pas comme partie intégrante de cette communauté. Cf. notre discussion préalable sur ma numérotation de vague, mais je pourrais également discourir sur mon histoire et mon appartenance présupposée au Kil'sin ou à la Cité. Je partage des points communs avec divers éléments de la Cité, l'état de Lanyshsta n'étant pas le moindre. Mais je ne suis pas élue. Je prend mes fonctions.
La pluie ne mouille-t-elle que ceux qui l'apprécie ? Ceux qui estiment qu'il est juste qu'elle mouille ? La pluie est-elle supérieure à eux ? Inférieure ? Non à toutes ces questions. La pluie est. Et la pluie mouille.
Je suis. Et j'oeuvre. De la même façon. Que certains me pensent légitime ou non dans une telle position, qu'ils applaudissent les éliminations passées ou se préparent à maudire la future purge de liste 5, ce ne sont que des informations, qui peuvent permettre de mieux comprendre les gens, mieux les évaluer, et donc mieux les classifier, mieux les utiliser dans la sauvegarde commune.

Les choses seraient-elles plus faciles si j'étais appréciée, suivie de plein gré ? Oui. Là, la purge de la liste 5 risque d'engendrer des réactions qui conduiront au basculement d'autres éléments déjà mal classés en liste 5, et du fait compliqueront mon action et la ralentiront, tout en étant une perte de potentiel d'action à long terme par rapport à un cas où ils m'apprécieraient plus.
Mais même dans un tel cas, ceux qui parleraient de légitimité de mes actes se fourvoieraient.
Je peux les expliquer. Les mettre à portée de compréhension d'autrui : ce sont des actes de défense. Qui obéissent à des classifications, des déductions et des extrapolations qui semblent généralement trop complexes pour être comprises, et qui passent pour des arguments oiseux, mais ce sont au final simplement des conséquences logiques.
Pas des demandes d'autorisation, d'acceptation ou autre.

La seule légitimité d'un acte vient de la simple capacité à le pratiquer.

F. Recherche d'informations. Et du point où mon influence peut être optimisée. Les fontaines, les habitudes culinaires, sont des informations, au même titre que les croyances et leur répartition, leur intensité. Je ne perds pas de temps : j'engrange des informations, de la plus grande fiabilité, de la plus grande pertinence, et ainsi de la plus grande valeur possible. Les thés ne sont pas une priorité, et leur traitement est donc différé afin de pouvoir se focaliser sur d'autres éléments plus prometteurs, mais si nous restions ici assez longtemps, je goûterais chacun des thés. Et le fraisier. D'ailleurs, n'ayant plus à observer Thaïs en parallèle de vous, je vous en piquerais un bout, si cela ne crée pas d'incident de sociabilité.
Par rapport à d'autres activités, à d'autres endroits, l'enquête sur Carmïnn -pour elle, ou bien, même si l'un n'empêche pas l'autre- dispose d'un potentiel latent d'informations supérieur aux autres actions que je pourrais entreprendre. D'où ma présence ici.

G. Ma méthode d'extraction d'information est variable. Mais aller à la confrontation est parfois la meilleure source d'informations. Une fois pelé comme un oignon, une fois éliminées des couches de courtoisie et de réserve, on expose une opinion purement émotionnelle, dans laquelle je suis même susceptible d'entrer par réflexe-miroir. Mais opinion qui d'une part est sur le fond généralement moins altérée, et d'autre part sur la forme, bien plus dense en informations. J'en ai plus appris sur Thaïs sur le dernier quart de la discussion que lors des trois premiers, et à moins que ses facultés d'analyse n'aient été altérées, il en est de même pour elle : les échanges se font en flux plus importants lors de fortes tensions émotionnelles. Le tout est de parvenir à être portée par un tel flux, sans s'y noyer.

H. Recherche d'informations. La question sur Yloyse est intervenue à un moment de charge émotionnelle suffisante pour me permettre d'obtenir une réponse non diplomatique. Et de fait, plus intéressante. Évaluation de votre degré de crédibilité et de franchise, par recoupement subit avec des informations déjà connues par d'autres biais. Tester ce que vous dites, et ce que vous pensez pouvoir dire.
J'aurais pu de même demander si au final Cal avait trouvé par votre biais un moyen de saillir une femelle au cours de son passage au Kil'dé.

I. Mes ambitions concernent le monde, la communauté Lanyshsta dans son ensemble en étant donc une partie. Ma position en tant que pierre angulaire d'une telle communauté n'est pas indispensable, juste pratique, et à partir du moment où l’Éclipse a été attaquée sur ses fondements même, un projet de regroupement et d'entraide étant décrié comme un outil de totalitarisme, à partir du moment où un partage total d'information a été dénoncée comme une manoeuvre manipulatrice, et que certains se sont pris à y croire, le projet était condamné.
Il aura au moins eu le mérite de clairement identifier la poignée de ceux désirant se tailler une place au sommet, et ayant vu en moi une concurrente dangereuse, permettant ainsi d'établir une liste 5 précise.
Mais l'élément primaire reste l'information, c'est le seul bien réellement valable, et le seul nécessaire.


Durant tout son discours, les deux mains n'avaient que peu bougé, l'un des pouces allant toucher telle ou telle phalange, un procédé mnémotechnique ayant visiblement été nécessaire pour associer chaque partie de chaque point à une portion du corps.
Le phénomène était visible au fait que, juste après son dernier mot, le doigt reprit sur quelques instants l'ensemble des positions précédentes, permettant de vérifier que pas un point n'avait été oublié.
Léger acquiessement, plus pour elle-même que pour son interlocutrice.


Pour moi, l'échange d'informations est toujours le vif du sujet. Et j'aimerais à ce propos bien entendre votre hypothèse sur mon plan d'ensemble, éventuellement développé par mes explications présentes.
Mais que vous acceptiez ou non, à moins que vous n'ayez d'autres demandes d'éclaircissement, oui, nous pouvons passer à un autre sujet.



La perfection est amorale.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Matal 24 Nohanur 815 à 10h13
 

Oromonde écoute le développement de Jade avec attention, un peu surprise qu'elle daigne lui répondre. Encore une fois, elle est frappée et quelque peu mal à l'aise devant la réflexion de cette dernière, si peu habituelle chez les krolannes et les lanyshtas. Elle s'imagine mal quelqu'un de normalement constitué discuter de liste 0 et liste N+1 pour déterminer qui il sauvera, ou tuera, en priorité…

C'est peut être un peu superstititieux, mais Oromonde en vient à s'interroger sur le surnom de « machine » que Jade reçoit si régulièrement sur les Entrelacs. De fait, elle n'y connaît pas grand-chose au robotique, sa visite au musée des machines antiques s'étant limité à casser une des œuvres présentées par maladresse, mais elle suppose que le vocabulaire et le rapport très présent de Jade à sa fonction auto-attribuée (quoi que...ça, ça restait à voir) est assez déstabilisateur. Elle jette un coup d'oeil en biais à Lina, qui fait mine de n'avoir rien entendu. Heureusement, parce que le mot « lanyshta » et « meurtre » a été prononcé tant de fois que ça commence à lui siffler dans les oreilles. D'un regard, Oromonde invite Jade à se rappeler de la présence de la simple krolanne dans le restaurant.

Et en plus, elle veut lui croquer son fraisier ?

«  Hmmm... » fait Oromonde, s'arrogeant un peu de temps pour ramasser ses pensées et orienter une réflexion valide.

« Merci déjà d'avoir partagé votre pensée.

Je soupçonnais votre plan d'ensemble d'être quelque chose dans la veine de ce que vous venez de présenter. Oh, je n'aurais pas tant insisté sur l'importance que vous donnez à la récupération d'informations et n'aurais sans doute pas pensé à ce système de classification que vous avez mis en place, mais j'avais l'impression que votre comportement avait quelque chose à voir avec un but donné de protection d'un ensemble – le monde, puisque vous l'avez dit vous mêmes plus tôt. Le problème, c'est que « le monde », ça peut être tout un tas de choses. Ça n'a pas de sens, « le monde. » Vous l'avez d'ailleurs dit : le monde est constitué d'éléments majeurs et mineurs qui le composent. Or c'est bien ça le problème. Quand on balance « le monde » sur la table, on ne balance rien d'autre qu'un « concept ». Or ce ne sont pas des concepts que vous défendez, ce sont des groupes d'éléments. Ce qui me paraît contradictoire, si je peux me permettre. Encore une fois, l'idée de monde n'a que le sens qu'on lui donne ; or une grande partie de ce qui rend ce concept tout simplement possible et pensable, c'est la présence d'une virtualité non réelle mais cruciale qui provient de la possibilité qu'il y ait quelque part un autre que moi qui regarde un autre bout du monde que moi, ce qui signifierait qu'il y a possiblement un tout virtuel et fictif qui soit « le monde. » En bref, je ne comprends pas votre liste 0. Ou bien elle n'est que fiction et idée – et dans ce cas, qu'en faites-vous exactement et qu'est ce que ça subsume précisément ? - ou bien elle cache autre chose.

Mon hypothèse de base était la suivante. Jade Srhaggelle, marginale de toutes les vagues et de fait marginale par rapport à ceux qu'elle côtoie, réfléchit en termes d'objectifs, d'échanges d'informations, de mimétisme krolanne, et de fonction, la sienne étant dédiée à une protection d'un objet d'ensemble encore mal défini pour les raisons précédemment citées. En bref, que vous le voulez ou non, le mimétisme ne trompe pas et personne n'irait croire que vous pensez comme une krolanne. Même les cas pathologiques ou psychiatriques sont moins maniaques que vous l'êtes. Ce n'est pas une offense. C'est un constat. Ce qui m'interroge sur votre passé. En fait, ce qui m'interroge sur la possibilité que vous ayez un passé. Cela peut paraître idiot, mais je m'explique. On note les caractères d'extériorité très marqués chez vous, le mode de raisonnement maniaque et sémantiquement si marginal qu'il ne peut avoir été transmis par une éducation krolanne en tout cas normale, les facultés mimétiques importantes mais qui ne sont qu'un déguisement visible, la capacité d'analyse d'informations quasiment irrépressible, les capacités de lutte et de survie développées...et votre implication très forte dans tout ce qui touche à des potentiels tierces groupes d'individus. Et si vous étiez un agent dormant, même malgré vous, d'un autre groupe que ceux de la Cité justement ? Voilà mon hypothèse.

Je relève quelques points d'incohérence ou en tout cas de désaccord dans votre discours.

- La conception du monde, pour les raisons données. Les ensembles abstraits de cette nature sont irréels, fictifs et par conséquent dépendant d'une construction personnelle. A moins que vous ne résumiez sa définition à celle d'une totalité englobante, mais dans ce cas cela n'a aucun de sens de classer ses éléments qui tous sont essentiels à sa définition.
- Votre situation entre les vagues et le nombre de fois où vous avez mentionné le mot cité et votre extériorité par rapport à cette dernière.
- La définition de légitimité. Je refuse celle que vous donnez : le pouvoir n'est pas une caution légitime. Ce n'est pas la capacité à faire quelque chose qui vous y autorise et vous en donne le droit. La légitimité vient, que vous le vouliez ou non, d'une reconnaissance. Et je suis sûre que vous le savez. Oh, les actes peuvent être faits, même de façon illégitime ; mais pour qu'ils trouvent une réelle justification, ils ne doivent pas dépendre de votre seule idée subjective sur la question. Est-ce donc vous qui vous auto-attribuez cette légitimité, ou bien l'avez-vous reçu ?
- Votre propre réaction émotionnelle à l'accusation, que vous avez souvent reçu, d'homicide volontaire envers Yloyse et Cal. Plusieurs fois cette accusation vous a insupporté au point de modifier crucialement votre ligne de conduite et comportement. Pourquoi ? Si cela était prévue dans vos fonctions de base, ça devrait tout au plus vous arracher un haussement de sourcil.



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 24 Nohanur 815 à 18h38
 
Alors qu'aux débuts de la réponse d'Oromonde, Jade reste telle que d'habitude, calme, maîtresse d'elle-même, son attitude change lorsqu'on aborde son passé.
Tête légèrement penchée, attentive, d'une immobilité soudainement parfaite, on pourrait réellement croire que la "machine" est cassée.
Seuls les infimes mouvements d'air des déplacements dans la salle parviennent à faire bouger ses cheveux, éliminant la possibilité qu'elle se soit changé en pierre.

Et alors que la conclusion tombe, elle ne bouge pas plus.
Plus rien, durant quelques secondes, qui semblent s'étirer...
Puis elle se redresse, secouant cavalièrement la main.


Pour passer sommairement sur les divergences triviales...

Ce qui, par la formulation même, pourrait étonner, vu le luxe de détail habituellement apporté à chaque mot.

Le monde à un sens précis. Selon ma conception. Vous permettre de l'appréhender nécessiterait de vous faire regarder le monde par mes yeux, et inversement, pour que ce qui vous semble être des failles de conception puisse m'apparaître. Semblant à priori d'accord sur la richesse d'une diversité d'opinions, je propose donc de s'accorder sur un désaccord avant de devenir trop semblables.
De même, oui, la légitimité vient d'une reconnaissance. Lorsqu'on évolue entre pairs. Mais je reviens à la pluie : la pluie est un phénomène naturel, à l'action logique, et qu'on la reconnaisse ou non n'a pas d'incidence sur son action. Elle ne peut pas être considérée sur un même plan que ceux qu'elle mouille, elle n'est qu'un décor avec lequel ils interagissent, pouvant la louer ou la maudire. Si on me considère comme membre de la communauté, mes actes sont illégitimes. Pour tout ceux me considérant comme hors de la communauté, la notion même de légitimité devient caduque, la légitimité ne pouvant être demandée que si elle est possible, et l'absence même de référence commune dénie son existence, le pouvoir devenant aussi valable comme justification que l'envie d'un bambin d'avaler son biberon : cela peut-être légitime ou non du point de vue de ses parents. Pas de son biberon.
Dans la même veine, Jykos ayant été exclu de la communauté, selon Carmïnn, celle-ci a renoncé à ses droits de reconnaitre ou non ses actes : ils peuvent êtres connus, contrés, anticipés, redoutés, peu importe, mais la notion d légitimité est morte en même temps que l'idée de communauté.


Autre mouvement de la main, comme pour clore une parenthèse. A nouveau, quelques secondes de silence.

Multicolores.

Puis rien, le temps de compter jusqu'à trois.

C'est ainsi que s'est imposé la définition des premiers habitants de la Cité que j'ai vu. Multicolores.
Colorés, éclatés, fragmentés, dispersés.
Aucune cohérence, aucune solidité, aucun objectif.
Juste des morceaux d'êtres brisés, et regroupés en de nouveaux, comme des pantins laissés aux mains d'un enfant détraqué.
Des sous-êtres, des rebuts, des imparfaits, des inconsistants.
Incapables de se focaliser sur un point. Incapables de prévoir à long terme. Incapables d'atteindre un objectif un tant soit peu difficile. Incapables de le tenir.
La seule chose qui sauve l'ensemble, c'est le nombre. Le nombre et le chaos.
Parce qu'avec assez de personnes, et assez de mouvement, les éléments importants sont -même si c'est temporairement, et uniquement par accident- occupés. C'est aussi pour cela que pour moi "le monde" est cohérent en tant que condensat d'une totalité englobante. Il n'y a nul besoin de conserver tout les éléments pour que l'ensemble continu à tenir. Mais s'il reste trop peu de monde, en dessous d'un niveau critique, ou s'il devient trop ordonné -la cristallisation soudaine en un instant parfait étant une hypothèse aberrante- s'il s'effondrera sur lui-même.


Multicolores : ce n'est pas ainsi que j'ai été formée. Une fonction précise, premier des impératifs à une efficacité absolue. Un agencement parfait.
Au milieu de tout ces "un peu de tout", j'ai du m'adapter. Laisser s'émousser des capacités si soigneusement peaufinées, accepter les compromis, les compromissions. Apprendre des modulations de communication inefficaces, à base d'implication émotionnelle et de détours, de contre-indications gestuelles et verbales. De la sociabilisation à outrance.
Et se disperser sur les différentes capacités, perdre la faculté de pouvoir compter sur autrui de façon parfaite, avoir besoin d'au moins "connaître les bases" pour échanger avec un spécialiste afin de lui communiquer ses besoins.
Apprendre les balbutiements du combat, du vol, quelques notions culturelles...


Cela fait plus de quinze ans que je me superficialise, que je me dissous lentement dans un magma multicolore, voyant mes capacités de base fondre comme neige au soleil, tout cela pour mieux saisir un monde pour lequel, avec le temps, j'en suis venue à devoir développer des sentiments -en l'occurrence exécration et mépris.

Le plus frustrant -oui, cela fait quelques années que cela à un sens pour moi, autre qu'une analyse externe d'un phénomène purement multicolore- dans tout cela ? Des capacités de lutte et de survie développées.
Même avant de...


...devenir Lanyshsta, mais visiblement, Oromonde verrait d'un mauvais oeil de continuer à employer certains termes.

... subir notre évolution de carrière commune, j'étais considérée comme une tireuse d'élite au Kil'sin. Je suis une pyramide que la Cité a érodé, et qui voit qu'on s'extasie devant la hauteur de quelques amoncellements de débris à sa base, sans comprendre que ce n'est qu'un déchet issu de la structure centrale.

Ceci étant dit, votre hypothèse est intéressante, mais pas que pour moi.
J'ai eut une discussion similaire avec le Doc, à propos de notre nature. Des hypothèses.
Car nombreux sont ceux qui semblent voir dans leur état une évolution, alors que ce ne pourrait être qu'un parasite mental ayant colonisé un corps acceptable. Mais surtout, nous n'avons aucune preuve d'être les seuls ainsi parasités.

Nous, soudés par une conscience commune à défaut d'objectifs communs. Des "sauvages" qui eux sont peut-être des parasitages ratés et incomplets, détachés de notre communauté. Et les Obadias qui eut fonctionnent selon un modèle bien supérieur d'unicité d'esprit.
Trois camps, deux opposés, un "neutre" au milieu pour les coups fourrés.
Un champ de bataille, la Cité. Ou le monde, vu les cartes retrouvées.
Et un jeu. Un jeu entre deux puissances -ou trois, les habitants de base de la Cité pouvant être aux mains d'un Destin anthropomorphique, d'où, aussi, mes questions sur le Destin potentiel des Sans-Destins, ou plus encore- ou une seule s'amusant à tester des combinaisons nouvelles, ou encore une par Vague, pour des objectifs que nous ignorons.


Oui, la possibilité d'être manipulée est réelle, bien plus, à mon sens, que celle d'une modification purement aléatoire. Et pas que pour moi.
C'est sans doute l'énigme la plus complexe à laquelle j'ai été confrontée, à plus forte raison avec l'affaiblissement de mes processus cognitifs par corruption via éléments de sociabilisation.
Mais il n'y a qu'une façon de trouver la solution : avec du temps, et de bonnes conditions.
Le temps, on l'obtient en gagnant le jeu. Les bonnes conditions, en trichant.
Mais pour tricher, il faut connaître les règles, et la meilleure façon de faire, c'est de jouer le jeu.


Voilà, c'était dit.
Un peu étrange, sans doute, dans la façon de présenter les choses, mais au moins, le discours de Jade pouvait prendre un sens plus concret, par son analogie : le monde était un jeu, et eux n'en étaient que des pions.
Mais le pion de Jade était du genre à mordre la main du joueur.


Et pour mes sautes d'humeur, c'est une... Conséquence de ce que j'appelle puiser dans l'Onyx.
Je vous l'ai dit, la voie de l'excellence, c'est une fonction définie, et la perfection en celle-ci. Mais il est parfois utile de pouvoir démultiplier, d'épauler une fonction définie. Pas en la singeant, pas en se dispersant dedans, simplement en l'émulant à partir de sa base la plus pure.
Le processus est difficile, délicat, et avec des taux de compatibilité différents selon les fonctions de base. Mais avec mon jumeau, il est sans doute logique que cela soit plus facile.
Lorsque je suis dans une situation où la différence entre mes capacités et les siennes est criante, et que les siennes me seraient utiles, je fais un...


Pause, le temps de chercher le mot adéquat.

... glissement de personnalité. Une forme fusionnelle, plus aboutie, d'un "que ferait Onyx dans un tel cas ?"
Ce faisant, j'abandonne temporairement une partie de mes capacités -essentiellement centrées sur l'analyse- pour une partie des siennes -plus adaptées à certains théâtres d'opération.
Mais le transfert n'est pas discriminant, et en cherchant certaines capacités précises, je tire également une partie de sa personnalité.
Plus je puise profondément, plus le glissement est important, et plus le temps d'instabilité est long. Je suis alors susceptible de glisser à nouveau spontanément, même sans impératif de survie.

Lors de l'expédition auprès des Obadias, j'ai du puiser plus profondément que je ne l'avais jamais fait. Cela m'a permit de sortir sans avoir été touchée par les larves, et avec seulement quelques entailles dues à Obadia, ce que je n'aurais pas alors été capable d'assurer par moi-même. Mais cela à un prix.

Cela répond-t-il à votre question ?



La perfection est amorale.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Luang 7 Dasawar 815 à 20h03
 

Multicolores ?
C'est...une façon de voir les choses. Pour la scribe, plus monochrome que colorée, ça fait sens, d'une certaine manière.
Oromonde écoute avec intérêt le récit de Jade.

« Plus de quinze ans ? » remarque-t-elle tout de même. Elle dévisage la Verte avec sérieux. Clairement, celle-ci n'a rien d'une jeune adolescente écervelée, à moins qu'elle n'ait grossièrement menti sur son âge...où était-elle si vivre en Cité n'a jamais été son mode de vie originel ? L'idée perturbe Oromonde. Peut-on avoir grandi en-dehors des Sharss ?

Quant à l'idée d'un Destin anthropomorphique...celle-ci fait carrément se décrocher la mâchoire de notre Prédicatrice, qui vient d'écouter plus de blasphèmes et d'impiétés en quelques minutes qu'en toute sa vie ! Quoi ? Un Destin à faciès krolanne ? Un être qui les gouvernerait en secret, plutôt qu'un principe idéal ? L'idée est révoltante.

Finalement, et pour répondre à Jade, Oromonde ajoute :

« - Cela répond à mes questions…
Mais ne cesse d'en amener d'autres.
Par exemple, qu'est-ce qui a provoqué, lors du combat contre Obadia, votre besoin de puiser dans l'Onyx comme vous le dites ?
Et d'où venez-vous, si vous étiez toute à la fois nouvelle à la Cité il y a quinze ans, et perdue entre les vagues il y a peu encore ?

Et puis, il y a matière à soupeser : s'agit-il réellement d'une réponse ? Vous avez, de fait, développer vos processus, en long, en large, en travers, et même en diagonales et en parallèles...mais, comme vous m'en avez avertie par conversation privée, ce flot de parole noie tout aussi bien le poisson.

En tout cas, l'idée d'un parasite ou d'une manipulation à vaste échelle est une hypothèse intéressante. Malheureusement, pour le moment tout aussi irréfutable qu'elle est sans fondement... »


Oromonde se laisse aller dans sa chaise en se mordillant le pouce, pensive. Fort heureusement, le thé et le goûter en profitent pour apparaître comme par enchantement sur la table, grâce au service rapide de la jumelle d'Harvain, qui dissimule bien la gêne que doit lui occasionner cette conversation fort suspicieuse.

«  - Et vous, Jade ? Avez-vous des questions ?
J'imagine que celles-ci ne doivent pas manquer. »



Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Luang 7 Dasawar 815 à 22h20
 
Les questions en entrainaient d'autres, ce qui était compréhensible. Une fois qu'on a commencé à détricoter le fil, il est fichu, alors autant continuer jusqu'à en récupérer une pelote complète.
Et quand on a commencé à dévider, autant laisser filer...


Jade Myrhissal Srhaggelle. De même que les multicolores, cela m'a troublée, initialement. Ce besoin de nommer multiplement les choses, alors qu'une unique désignation suffisait. Mais vu le nombre de personnes dans la Cité, c'est compréhensible. Je connais -ou plutôt, je suis au courant de l'existence, je ne leur parle pas- pas moins de dix-sept Jade différentes au Kil'sin. Mais même si les deux noms sont très différents à l'oreille, ils reprennent la même idée.
Mhyr'rhissal, une association des termes Dath'ogals, issue de leurs légendes sur la matière noire. Qui pourrait se traduire par "la fille du Néant".
Et Srhaggelle, ou Srhagg'elle, une déviance de la forme ancienne du krolanne, signifiant "l'enfant (féminin) du Noir".

Les deux m'ont été données le même jour, quoique par des personnes différentes. Une expédition d'exploration typiquement Kil'sinite, sans réel objectif arrêté. Conduite par ma future mère adoptive -et future co-fondatrice des Comités de Vigilance, même si cela s'est déroulé bien après et sans lien direct entre les deux- qui avait réussi à se faire escorter sur un bout du chemin par une des caravanes à destination des Veilleurs Noirs, gardée par quelques-uns d'entre eux.
Ils m'ont trouvé, inconsciente, au pied d'une falaise, sur une minuscule plage donnant sur l'océan de matière Noire. Plus proche du Kil'dé que du Kil'sin, d'ailleurs, en voyageant plein Ouest, on devrait ne pas tomber trop loin. Lhyn -ma mère- m'a trouvée, remontée, et nommée Myrhissal, tandis que Srhaggelle emportait l'adhésion du reste du groupe. Elle a décidé de me ramener avec elle au Kil'sin.


Haussement d'épaules, autant jouer cartes sur tables.

Elle a aussi décidé de me donner dix-sept ans, suite à une consultation des autres présents. Une fois correctement lavée, arrivées au Kil'sin, elle avait dit "quoique, peut-être vingt, ou même vingt-cinq" mais le dix-sept était resté. Je compte à partir de là, c'est un âge qui n'a pas plus de légitimité qu'un autre, mais qui n'en a pas moins.

Et puisque la question qui se soulèverait naturellement serait "oui, mais vous avez quel âge vraiment, alors", il fallait continuer. Dis adieu à ta manche, pull. Néanmoins, malgré l'engagement de ne pas user des mêmes méthodes envers les Lanyshstas qu'envers les krolannes, il restait délicat de dévoiler ce qu'elle considérait comme une faiblesse, une fêlure. Aussi, si le débit et le ton ne furent pas altérés, une minuscule grimace pu se percevoir au coin des lèvres.

J'ai une mémoire qui, selon les critères usuels, est excellente. Mais de "avant" mon intégration à la Cité, je ne garde que des souvenirs, certes nombreux, mais non reliés selon une trame chronologique précise. J'ai pu les reclasser selon leur ordre probable, mais sans certitude, et sans liens inutiles entre eux. Je sais, confusément, qu'entre deux sessions d'entrainement, il y avait des préparations, des interactions nécessaires avec d'autres personnes, d'autres lieux, peut-être même quelques missions réelles. Mais au final, tout ce dont je me rappelle précisément, c'est ce qu'on a fait de moi à cette époque, l'éducation qu'on m'a inculquée, la fonction qu'on m'a assignée.
Le plus étrange, c'est que, séparée de toute trame chronologique précise, j'ai vraisemblablement adapté mes souvenirs à mon apparence, car si ceux-ci permettent de remplir plusieurs années, je ne me vois jamais enfant, pas plus que les autres. Aucune modification -tant physique que comportementale- de perceptible, comme si je superposais à ces souvenirs disjoints une unique image de ces personnes, conforme à mon opinion finale d'eux.

D'où viens-je ? De quelque part, mais cette information n'était pas assez pertinente, par rapport à ma fonction, pour être conservée en mémoire. La préservation de l'entrainement était prioritaire. Même certains éléments ont pu être condensés selon des versions métaphoriques, afin de mieux se conserver, sans s’embarrasser de détails.
J'ai essayé, il y a cinq ans de cela, de remonter la piste. Mis à part le récit d'une petite plage désormais disparue suite à l'effondrement partiel de la falaise comme cela arrive régulièrement dans cette zone, rien. Impossible de remonter plus loin. Que cela me plaise ou non, je suis désormais liée à la Cité, sans possibilité de me rattacher à autre chose.


Ah, un verre d'eau. Ou plutôt, une coupe. Visiblement, quelqu'un avait pris soin de respecter à la fois la commande et le standing de l'établissement, puisqu'on lui servait dans une coupe de grès à l'extérieur soigneusement décoré.

Et selon les cas... Je peux ne pas avoir de question.
Lorsqu'on s'interroge sur un point précis, qu'on recherche un avis de spécialiste, qu'on a la faculté de s'assurer de la véracité des propos d'une personne, qu'on souhaite provoquer une réaction autre, oui, dans tout ces cas on peut avoir des questions.
Mais on obtiendra alors au mieux que des réponses à nos questions, et éventuellement des informations annexes, et connexes.
Mais dans une discussion plus libre, on est susceptible d'en apprendre bien plus, en ne se concentrant pas sur la teneur de la réponse mais sur tout ce que cachent chacun des propos, chacune des attitudes. Chacune des questions de son interlocuteur.
Une question, c'est partir chercher une plante précise dans la forêt, pas de question, c'est pouvoir cueillir tout ce qui se présente à portée de main.
Alors non, je n'ai pas de questions, pas de fleur spécifique à récolter pour le moment, ce que je fauche à proximité est actuellement bien assez prometteur, il est inutile de se déplacer.
En plus, c'est une mauvaise habitude à ne pas prendre : on pose des questions à ceux qui peuvent répondre, en se focalisant dessus, on oublie de questionner ceux qui ne parlent pas. Et caillou retourné, odeur dans le vent, roulement de muscles sous la peau : autant d'éléments qui ne pipent mots mais qui sont des éléments à analyser sous peine de fin brutale.


Renifler l'eau, rechercher la plus petite effluve de quoique ce soit. Y tremper le bout de la langue, et laisser une unique goutte se mêler à sa salive. Ce n'est pas parce qu'elle avait monté le niveau d'exigence de sa commande à seule fin de ne pas trop trancher dans l'ambiance qu'elle n'allait pas vérifier que le résultat était parfaitement conforme.

Et contre Obadia ? Instinct de survie. Pour l'analyse, je suis précise, et rapide. Capable même de sciemment négliger certains éléments pour réduire le délai de traitement de l'information. Mais il y a des fois où ce n'est pas encore assez rapide. Dans les situations où le délai est si court qu'on ne peut que réagir à l'instinct, à cette forme d'intelligence conditionnée qui opère selon un mode automatique sans avoir recours à la réflexion, Onyx est meilleur que moi. Les discussions, le tir, je peux gérer. Les entrainements, les duels, pareil. Un affrontement au contact contre un adversaire aussi rapide ? Ou en simultané contre plusieurs personnes ? Il est meilleur.
De même, contre des anatomies classiques, je me fie à mes connaissances pour savoir quel coup peut être fatal. Face à des nouveautés, ou si le but est de maximiser la douleur, je puise.
Obadia, le second, est seul parvenu à me toucher car capable de conserver la vitesse du contact, en l'adaptant à une attaque à distance, me prenant alors au dépourvu. Le premier a été éliminé sans que lui ou ses... aides externes, n'ai la moindre possibilité de porter la main sur moi.
Mais sans puiser dans l'Onyx, je ne serais pas ressortie des souterrains. Pas plus que des égouts du Kil'sin, sans doute. Et j'aurais pu être pistée au Kil'dara.
Gérer la trop grande nouveauté en urgence, combattre au contact, blaguer, ou disparaître : c'est dans ces cas là, généralement, que je puise.



La perfection est amorale.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Sukra 12 Dasawar 815 à 11h56
 
Jade, espèce de grande tarée, songe Oromonde sans en faire le commentaire oral. Elle finit son thé, avec peut être plus de précipitation que n'en aurait apprécié la propriétaire des lieux.

« Le fait est que vous donnez de l'eau pour alimenter mon moulin... » commente la Prédicatrice le plus sérieusement du monde. « Un passé mystérieux, une adoption dans la Cité, une personnalité en grande partie vouée à être artificielle : avouez que vous ne faites pas grand-chose pour vous défendre contre l'hypothèse d'être un agent dormant d'un quelconque adversaire. Vous êtes krolanne, de toute évidence. Mais qui sait ce que à quoi on vous a conditionné. Ce n'est plus un Destin que vous avez, c'est une Finalité.

Par ailleurs, et pour répondre à une de vos préoccupations antérieures, je crains n'être pas en mesure de pouvoir essayer de filer votre destinée. Sans informations plus précises sur votre naissance, votre âge, et l'environnement maternel, c'est proche de l'impossible.
Je vais voir ce que je peux tirer de ce que vous m'avez déjà dit...mais entre votre qualité de Sans-Destin et celle d'orpheline amnésique, vous avez peu de risques d'entendre au final quelque chose qui soit véritable.  »


La Prédicatrice conserve un air solennel tout en s'attaquant à son goûter, ce qui est tout de même un sacré tour de force. Elle en propose, d'ailleurs, à Jade, après avoir pris une première bouchée – que cette dernière n'aille pas imaginer qu'elle tente de l'empoisonner.

« Bien, revenons maintenant au sujet principal de notre entrevue.
Il s'agissait de savoir si nous pouvions travailler ensemble et de façon coordonnée dans cette enquête portant sur les Flicksen.
J'aimerais connaître votre point de vue sur la question avant de vous donner le mien. »




Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 19 Dasawar 815 à 17h47
 
Un acquiessement au qualificatif de la Prédicatrice : une Finalité plutôt qu'un Destin. C'était quelque chose qui collait assez bien à sa propre conception des choses. Mais voir qu'on pouvait y arriver logiquement via un raisonnement s'appuyant sur des bases culturelles différentes avait un côté réconfortant.

Effectivement, je ne me défends pas contre cette hypothèse. Parce que si c'était mon objectif, j'aurais du altérer certains propos, en masquer d'autres, adapter quelques passages, ajouter quelques détails permettant d'infirmer cette hypothèse.
Possible. Mais contre-productif. Pour avoir un avis valable sur un sujet donné, mieux vaut lui permettre de pouvoir se baser sur des faits bruts. Si on manipule l'information, on manipule l'avis, et je ne voulais pas d'un avis manipulé.

Et il n'y a pas de crainte à avoir, je ne suis ni déçue, ni vexée. Avoir un Destin exploitable aurait pu être intéressant. Savoir que quasiment rien d'exploitable ne peut être extrait de celui-ci, même avec ma collaboration, est un élément tout aussi utile. Ne pas voir, mais ne pas pouvoir être vu... Comme on dit, ''dans le noir, toutes les armées font la même taille''. De ce fait, cela renforce simplement l'importance des autres capacités personnelles. Cela me convient.


Qu'elle se doute de ne rien pouvoir tirer de l'éventuel Destin de Jade n'a pas empêché Oromonde de comprendre certaines choses sur son interlocutrice, car ce n'est qu'effectivement après avoir eu la certitude que la Kil'déenne a déglutit qu'elle attaque le morceau lui ayant été proposé.
Et aussitôt, elle en commence, presque de façon automatique, l'analyse. Le goût, la texture, la température... Sépare du bout de la langue les divers éléments, pour mieux les exploiter, un par un. Sans doute pas au point d'en retrouver la recette -la nourriture étant plus vue comme un combustible qu'autre chose, elle n'a de toutes façons quasi jamais réalisé d'expériences culinaires et manque donc de précieux éléments de référence- mais parvenant à puiser de cette simple dégustation plus d'éléments que nombre de gourmets.
Le plus dommage ? Vu les éléments repérés, et vu les comparaisons effectuées, elle est sûre à près de quatre-vingt-dix pourcents que le fraisier est considéré comme au moins "très bon" par une majorité de krolannes. Mais, tout comme les questions portant sur la beauté, elle est elle-même quasi incapable de donner un avis personnel.


Et pour votre question, en version courte, ma réponse est oui.
En version légèrement plus développée, je dirais que les notions de coordination, et d'ensemble, peuvent varier, mais que réfléchir en tant que groupe, plutôt qu'individu, et par là même organiser un échange régulier des informations sur ce domaine, balaie l'essentiel des cas à prévoir, en validant les exigences initiales.
Dans une minorité de cas, notamment celles d'urgence, comme la plupart des combats, j'ignore vos capacités et votre responsivité, et ne peut donc affirmer que mes actions combleraient vos attentes.



La perfection est amorale.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Dhiwara 27 Dasawar 815 à 12h43
 


Deux sourcils noirs se haussent au-dessus des iris denses et silencieuses. Sous la pommette, un étirement aquilin et sans humour : comme le fantôme d'un sourire de connivence. Copine ou pas (et Oromonde ne sait pas encore dans quelle catégorie ranger cette brave Jade), Oromonde ne va pas aller déballer ses atouts logistiques guerriers à sa compagne. Nul doute qu'elle s'en souviendra et qu'elle les utilisera fort à propos. C'est un peu le problème. Ce qu'elle expose avec sincérité :

« - Vous devez vous douter que je ne vais pas exposer mes talents à votre œil scrutateur. Ce serait malaisé.
Même si, en suivant vos propos, je doute d'appartenir à la classe des lanyshtas n-1, je suppose qu'après cette agréable confession matinale vous n'hésiteriez pas à me faire payer le partage de ces dernières. Je me trompe ? 

Quant à notre commerce… vos talents de coordinatrice, et surtout votre vision à long-terme des affaires qui nous préoccupent, sont du plus grand intérêt. Mais vous avez un défaut assez important : votre manque de cohésion à l'ensemble et au tout. De fait, vos relations avec nos chers confrères sont rarement heureuses. J'en conviens, mon amie d'Ascara prend la mouche facilement – comme le font tous les nobles. Mais avoir causé son départ précipité pour tirer quelques informations de cette dernière est contre-productif au vu du lien que nous sommes supposés tisser.

Pour moi, si quelqu'un doit coordonner, je dois pouvoir le voir comme un élément fiable. Or, rien ne me permet de table sur votre fiabilité pour le moment. J'entends par là votre fiabilité relationnelle – pour ce qui est fonctionnel, je vous ferais confiance. »


« Je », hein. Oromonde ne sait pas trop quelles seront les points de vue de Thaïs et d'Harvain sur une collaboration active avec Jade.
Est-ce une raison pour rejeter l'offre de Shragelle ? Pour être franche, elle ne sait pas trop. Pour le moment, ils n'ont pas spécialement besoin d'elle, de fait...mais si les choses se corsent, comme cela s'est produit dans les égouts, elle serait bien contente de l'avoir de son côté.

«  Faisons simple. Je partagerai mes informations tant que possible. En retour, vous pouvez partager les vôtres et nous pouvons travailler en commun à dénouer cette affaire. Nous pouvons même enquêter ensemble.
Mais je pose une condition. On ne touche pas à un seul Apostat sans avoir de très, très bonnes raisons de le faire.
Et si vous voulez coordonner, il va falloir gagner la confiance de Thaïs.
Cela vous paraît crédible ? »




Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Luang 18 Jangur 816 à 09h51
 
Un mince sourire.
Non pas un sourire de connivence, façon "nous nous sommes compris", mais plutôt un sourire de type "j'ai analysé mes propos, ai estimé que leur donner un côté léger pourrait être profitable, et ai estimé que le sourire était le moyen le plus efficace", un tantinet artificiel, donc.
Mais un sourire quand même.


Il y a toujours un élément pour lequel chacun est le meilleur. Un élément pour lequel chacun est parfaitement fiable : pour être fidèle à lui-même. Personne ne saurait être plus Oromonde que vous, simplement parce que la définition de ce que vous êtes est liée à vous. Même quelqu'un agissant toujours au hasard peut être considéré comme fiable pour ce qui est de se comporter comme il le fait, de façon anarchique. Et qu'il change du jour au lendemain, adoptant un comportement très strict, il ne se trahira pas lui-même, lui-même étant par définition une personne instable qui subitement se stabilisera un jour. Pour une durée indéterminée.

Nous sommes tous intrinsèquement fiables pour suivre nos desseins -ou nos destins, selon le point de vue.
Ce qui n'est pas fiable, c'est le point de vue que les autres ont de ceux-ci : qu'ils se trompent à notre égard, et ils nous qualifient de peu fiables, de dangereux. Sans réaliser que l'erreur vient de leur côté.
Je me trompe. Souvent. Et même sans doute plus souvent que la plupart des gens, parce que j'émets plus d'hypothèses qu'eux. Mais je rectifie mon point de vue pour l'adapter à la réalité, ce qui fait que généralement ces cascades d'erreurs passent inaperçues.

Mais je suis -à ma façon, et chacun l'est à la sienne- fiable.
A partir de là, et en ayant conscience que c'est l'incompréhension de l'autre qui engendre la plupart des erreurs, et donc une défiance compréhensible, le meilleur moyen est d'exposer clairement sa façon de fonctionner, afin que l'autre puisse y déceler la fiabilité.


Une courte pause, le temps de réunir les doigts en cloche. On sent que c'est une attitude puisée dans la catégorie "position à adopter pour marquer un point important d'un discours", et non pas un réflexe.

Alors oui, l'échange d'informations me convient. Pour ce qui est de gagner la confiance de Thaïs, n'ayant pas l'intention de la manipuler, c'est un domaine dans lequel je ne peux avoir la main. Au mieux puis-je dévoiler mes intentions, la laissant libre de choisir si cela vaut confiance ou non.
Quant à la condition...


Un autre sourire, mais celui-ci en coin, ironique, et beaucoup plus naturel que le précédent. Il apparait puis s'enfuit, tel un lézard sur une roche, pouvant presque faire douter de ce qu'on a vu.

Je vais la reformuler. Afin de pouvoir pleinement vous permettre de prendre conscience de la fiabilité à attendre de moi. Ne pas y voir une provocation ou une menace, une compulsion chronique au marchandage. Juste une façon d'éviter toute suspicion, toute réserve, qui aurait logiquement découlé d'un simple "oui" de ma part, susceptible de dissimuler autre chose.
Je m'engage, en l'absence de raisons suffisantes pour vous convaincre d'approuver une telle action, à ce que vous ne sachiez rien de mes potentiels "attouchements" d'Apostat.

A votre avis, une telle franchise est-elle susceptible d'accéder à la confiance de Thaïs, ou au contraire de la brusquer ?



La perfection est amorale.
 
Oromonde
Prédicateur
Kil'dé  
Le Merakih 27 Jangur 816 à 23h16
 

Difficile de contredire la première partie des propos de Jade. Ça parle de Destins et de fiabilité, alors forcément, ça botte notre jeune héroïne kil'déenne qui hoche la tête gravement, sans se départir pourtant d'un regard en coin curieux.
Elle ne s'énerve pas plus que ça, la Jade ? Étrange. Elle l'avait imaginé réagir de manière plus drastique. Comme quoi ; on pouvait peut être finalement lui faire confiance, si elle n'écharpait pas tous ceux qui la remettaient en cause mais était en mesure de discuter rationnellement avec eux. Voilà de quoi rassurer quant à la réputation sulfureuse que la créature émeraude s'était malgré elle constitué.

Quant à la dernière question de Jade, elle fait franchement sourire Oromonde.
Vous imaginez, vous, Thaïs entendre ce genre de choses et rester calme ? Non ?
La kildéenne choisit de manifester ce point de vue de la façon la plus diplomatique possible :

« C'est à essayer. Thaïs peut se montrer très surprenante. »

Ce qui est assez proche de la vérité.

«  Bien. Si nous en avons fini ici, je vais régler l'addition et ne plus vous retenir plus longtemps. »


Après s'être acquitté de sa tâche, et si Jade n'a pas autre chose à ajouter ou n'a pas disparu, Oromonde lui tendra la main :

« Oh, Jade ?
C'était un plaisir de converser avec vous. »




Mon nom est Personne.
*Le Chaudon qui Fume*
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 3 Fambir 816 à 09h11
 
Pas de réponse définitive, tranchée. C'est peut-être la plus belle preuve de franchise possible, quand on ne peut justement pas s'avancer pour autrui.
Effectivement, les choses dépendront de Thaïs, pivot central du groupe Kil'déen. Harvain aurait peut-être eu le même effet, s'il avait été contacté en premier : leur cohésion était leur bien le plus précieux, et qu'un seul de leurs membres se défie d'elle, et toute collaboration serait logiquement repoussée.
C'était aussi bien. De temps en temps, dans l'océan mouvant de faux semblants et d'hypocrisie dans lequel elle évoluait, un îlot de stabilité avait ses atouts.


C'est tout pour moi.

Il ne fallait pas tant "attendre un peu" que "profiter de la stabilisation de cette relation pour mener d'autres projets à bien", un nouveau trajet était à prévoir, un nouveau passage au Kil'sin, avant de revenir ici, peut-être.

Se lever, faire un dernier tour de la salle, afin de noter d'éventuelles évolutions de comportement.
Oromonde revient, lui tend la main. Tête légèrement penchée, afin de vérifier la paume. Rien. Ce n'est donc pas une méthode pour passer discrètement un message, la présence d'une pointe empoisonnée dissimulée étant quant à elle illogique. Intérêt alors ?
Oh, oui. Interaction sociale élémentaire. Ne pas s'éloigner des bases.
Elle prend la main, la serre brièvement.

Un plaisir ? Toute conversation contient un échange d'informations. L'échange d'information est bénéfique. On peut donc le lier à la notion de plaisir, sauf en cas de flux unilatéral de l'information. Mais ce n'est sans doute pas cette constatation qui est ici présentée. Plutôt encore une forme d'interaction sociale.
Décidément, il va falloir qu'elle travaille un peu plus ce pan de compétences. En attendant, le réflexe du miroir semble bien convenir.


De même.

Bien, temps de la discussion écoulé, il est temps de repasser à celui de l'action.


La perfection est amorale.

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