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La grande Bibliothèque de Kil'dé
Laboratoire de recherche
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Julung 12 Nohanur 815 à 20h15
 
Situé au cœur du quartier du Kil’dé, au milieu d’un bois parcouru de chemins tortueux au goût de certains, le bâtiment de la Lecture dressait sa majesté sur cinq étages. Construit en pierre de taille, il avait ceci de particulier que des végétaux herbeux et même jusqu’à des buissons verdoyants habitaient la façade de l’ouvrage, l’intégrant particulièrement dans son contexte forestier. Cette végétation était d’un vert éclatant. Cela donnait une étrange impression au visiteur impromptu découvrant l’édifice au hasard de ses pérégrinations dans le bois de la Lecture.

Plus personne ne savait encore lequel du bois ou du bâtiment avait donné son nom à l’autre, tant ce nom paraissait immuable et ancré dans l’existant aux habitants du Kil’dé. En vérité, le monument avait été érigé peu après le décès de la prophétesse, afin de permettre l’exégèse des textes qu’elle laissait derrière elle pour guider les krolannes dans leur existence. Il avait été rapporté jusqu’alors que l’architecte avait réalisé les plans de construction du bâtiment durant des périodes d’état second, à l’image des prophéties de Scylla. De là à affirmer, comme le faisaient certains Lecteurs fondamentalistes d’alors, que la main de l’architecte du bâtiment avait été guidée par l’esprit de la prophétesse, il y avait un pas que la plupart des habitants refusaient de franchir. Pourtant, il était troublant de savoir que l’architecte ne pouvait progresser dans son travail que lorsqu’il se trouvait sous dépendance d’une drogue à base de poison de baloua d’Eudisse. De même, comment était-il possible qu’il ait pu effectuer les tracés tout en conservant les yeux fermés ? Mais ce dernier détail n’était pas connu de la population du kil, seuls les Lecteurs avaient connaissance du phénomène, connaissance qui leur avait été transmise lors de leur formation estudiantine.

Celle-ci se débutait toujours au printemps. C’était à ce moment-là qu’il était enseigné l’ordre canonique aux étudiants. Et à l’automne, les nouveaux Lecteurs devaient avoir compris suffisamment le fonctionnement des textes sacrés pour pouvoir s’y déplacer et avoir suffisamment de clés d’interprétation pour pouvoir fonder un avis circonstancié quant à la réalisation des prophéties.

Personne ne s’était encore intéressé au bâtiment de la Lecture comme réalisation matérielle d’une prophétie. Pourtant, si tout ne semblait pas l’indiquer, du moins un faisceau d’indices méconnus convergeaient dans ce sens.

Le sens des escaliers était également remarquable. Ils montaient tous vers le Nord. Les couloirs correspondaient à des liens menant à des intersections de vie et les salles de réunions destinées aux étudiants et autres occasions, de même que les bureaux, représentaient plus des cellules biologiques que des espaces de travail coercitifs. La pierre de taille était toujours présente, à la différence de la végétation, qui était totalement absente à l’intérieur du bâtiment. Les planchers eux-mêmes étaient recouverts de pierre de taille, donnant un aspect très minéral à l’intimité de la maison. Pourtant, l’atmosphère n’en demeurait pas moins chaleureuse. Cela était dû à l’ingénieux système de chauffage par une tuyauterie qui parcourait les murs et permettait la circulation d’eau chaude provenant d’une chaudière alimentée par le réseau d’eau. L’eau était alors injectée dans le réseau de tuyauterie par une pompe située au sous-sol.

Le bureau du Lecteur se trouvait au cinquième étage. Il fallait emprunter le grand couloir pour trouver la porte d’entrer. Il s’agissait d’un lourd battant en chêne identique à ceux de l’ensemble des bureaux dévolus aux lecteurs des textes de Scylla. Il était meublé sobrement mais de manière pragmatique. Une chaise pivotante derrière un bureau muni d’un corps de tiroirs faisait face à l’entrée tandis que les murs, fenestré sur la droite du bureau, étaient couverts pour une part par du mobilier de rangement de dossiers permettant la mise sous clé et, d’autre part, par des étagères d’une bibliothèque sur lesquelles s’étalaient des ouvrages usuels.

Les ouvrages particuliers étaient agencés dans les magasins communs de l’institution qu’était la grande bibliothèque du Kil’dé. Il s’agissait de grandes salles, voûtées au dernier étage et en sous-sol, au plafond juste gondolé aux autres étages. Les étagères chargées de livres traitant des sujets les plus divers se répartissaient selon ces derniers à travers les étages et sur le principe de l’orientation cardinale. Les étages et les salles étaient en effet tous utilisés à partir du Nord-est en commençant par le rayon du bas. Ainsi, il était possible de placer les étagères successives à bonne hauteur sans perte de place extravagante. Les bibliothécaires disposaient pour leur part d’un bureau ouvert les réunissant tous à l’exception du responsable, lequel occupait un bureau individuel.

La grande bibliothèque de Kil’dé pouvait ressembler à un immense paquebot. Il fallait le conduire à bon port.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Vayang 13 Nohanur 815 à 20h41
 
Expérimenter, découvrir, comprendre ce qu’ils avaient découvert, c’était bien. Pourtant, l’emploi qu’ils occupaient les réclamait également. Ils étaient rémunérés pour un travail à accomplir. Leur présence sur Syfaria n’était pas qu’une empreinte lanyshsta. Ils étaient encore krolannes pour la société qui les avait vus naître.

A ce titre, Kharib avait la chance d’exercer avant son éveil une profession lui permettant désormais de joindre l’utile à… l’utile.

Le rôle d’un Lecteur était de vérifier les réalisations des textes de la Prophétesse afin de pouvoir réduire le nombre de prédictions à rechercher encore. Une tâche humble. Une tâche souvent solitaire. Une tâche amenant à consulter les rayons d’histoire de la grande bibliothèque du Kil’dé abritée par le bâtiment de la Lecture. Alors que le soleil peinait à faire darder ses propres rayons automnaux, réchauffant difficilement les plumages des oiseaux qui demeuraient, que l’air se rafraîchissait, et que la nature se préparait à subir les affres de l’hiver, endurant déjà les premiers frimas, le Lecteur se rendit d’un pas habituel à son office. Un jour ordinaire. Un jour clair.

Les commerçants du kil commençaient à peine à ouvrir les panneaux de bois gardant les devantures de leurs échoppes. Bientôt tout le quartier aura retrouvé sa vie et le cours de celle-ci aura repris ses droits sur le sommeil des justes. Nul doute que certaines bourses auront changé de mains durant la nuit, que des vertueuses ne seront plus, que des krolannes auront perdu leur enveloppe corporelle, tout cela en dépit des forces à disposition des Commis de la Défense. Mais, au matin, le calme sera à nouveau restauré, en apparence.

En apparence, seulement. Un ennemi, dont les formes, empreintes de contours vaporeux, et les conditions, fantomatiques, demeuraient encore par trop peu connues pour en tirer des certitudes avérées, était là, qui attendait son heure.

Il fallait anticiper et réunir des informations. Cela paraissait plus aisé pour les lanyshstas, mais était-ce vrai ? De par sa fonction, le Lecteur était précisément amené à avoir accès à toute une série d’informations dans le cadre professionnel et avoir le temps de la réflexion dans ce même cadre. Il fallait en tirer parti.

Ce jour-là, lorsqu’il poussa la porte barrant l’accès à son bureau, il avait une idée précise en tête. Il allait s’attaquer à un texte controversé du Cantatère. Un texte pour lequel différentes versions coexistaient, la Prophétesse ayant brûlé le texte originel dans la nuit qui avait suivi sa rédaction. Toutefois, selon la rumeur, un de ses enfants avait recopié un texte qui était désormais communément admis bien que n’étant pas inclus dans le Canon. Ce texte était le suivant :

"Un corps pour tous.
Un corps pour aimer, haïr, créer et détruire.
Un corps pour être et avoir.
Un corps pour le passé, le présent et l'avenir.
Un corps pour toi, un corps pour moi, un corps pour nous.
Un corps pour lui."

Ce serait à partir de ce dernier texte que le Lecteur poursuivrait sa réflexion. Il y ajouterait les autres textes potentiels concernant le Un. Toutefois, le texte considéré comme le plus probable retiendrait davantage son attention. Le Un devait-il être également considéré au-delà de son attribution numérique ? Etait-il lié au-delà de sa numérotation ? C’était le premier enjeu. Dans un deuxième temps, à quoi pouvait faire référence tous, toi, moi, nous, lui ? Le nous faisait-il référence au Kil’dé dans son ensemble ? Le lui visait-il l’ennemi ? Le UN devait-il, pouvait-il, les sauver tous ? Le texte était particulier. Il était sans doute fédérateur de l’entier du Cantatère. Pourquoi l’original avait-il été brûlé si peu de temps après sa rédaction ? Que révélait-il ? Quel secret contenait-il ? Le texte réécrit et attribué à l’enfant de Scylla était-il fidèle ? Sa provenance était-elle assumée, certifiée ? Non, il ne s’agissait que d’une rumeur. Fonder un jugement sur un texte fondateur essentiel dont la provenance n’était pas attestée, voilà quelle était la difficulté à surmonter.

Ses collègues, tout comme la bibliothèque qu’abritait le bâtiment de la Lecture, pourraient l’aider dans cette entreprise. Au milieu du lieu rassemblant le savoir krolanne, il chercherait également à débrouiller une énigme plus récente. Il s’agissait de déchiffrer, afin de les comprendre pour pouvoir finalement les interpréter, les inscriptions trouvées dans les sous-sols de la Place du Martel. Cette écriture était-elle connue des Krolannes ou provenait-elle d’une civilisation inconnue ? Cette dernière possibilité lui paraissait de prime abord incongru puisque les caractères avaient été découverts dans le quartier abandonné. Là où les trois compagnons les avaient repérés, ils ne pouvaient avoir été laissés sans que la population ne le sache. Dans son esprit, au moment d’entamer les investigations sur le sujet, il lui semblait que s’il ne parvenait pas à trouver d’ouvrage recensant l’écriture qu’ils avaient rencontrée à la Place du Martel, cela signifierait que les connaissances de cette langue avaient été perdues à travers le temps, soit parce que la civilisation s’était à ce point transformée – peut-être pour oublier, soit parce que quelqu’un avait méticuleusement effacé les traces de la civilisation à laquelle appartenait l’alphabet utilisé pour graver les mots tapissant la salle souterraine de la Place du Martel. Il parcourut donc les ouvrages à disposition pour identifier les lettres qu’il avait relevées sur place.

Plusieurs jours plus tard, arpentant en retour les couloirs du bâtiment de la Lecture, Kharib était plongé dans moultes réflexions tout en regagnant le bureau qu’il occupait. Les sujets de recherches concernant le Cantatère ne manquaient pas. Restait encore à savoir quels leviers de questionnements actionner et comment en interpréter les résultats dans le prolongement de la réflexion puisque en cela consistait l’essence de son travail : analyser les textes pour repérer les prophéties déjà réalisées. Il avait déjà extrait deux formulations paraissant se rapprocher de son expérience vécue à la Place du Martel. Mais il faudrait sans nul doute retourner sur place afin de vérifier l’adéquation des textes avec la réalité pour pouvoir espérer en prendre la mesure. Mais cette nouvelle expédition attendrait sans doute encore, un peu.

Ce jour-là, le Lecteur décida de renverser la perspective. S’intéressant ainsi désormais à la fin du problème, le Lecteur en revint au texte 18 qu’il avait déjà analysé.

Dix-huit années de sable ont fini par s'écouler,
le temps vient à manquer pour tourner le sablier.

Il s’avérait que le nombre 18 était à considérer avec le matériau qu’était le sable. Plus, il s’agissait sans doute même d’étendre la considération à la notion de sable elle-même. Sa fluidité, sa volatilité, sa légèreté, son utilisation pour mesurer le temps. L’équation progressait, mais la solution manquait. Il fallait essayer d’introduire une nouvelle variable. Est-ce que le texte et le chiffre n’étaient pas à mettre en relation avec le texte 511 annonciateur de la fin du monde ?

Cinq-cent-onze failles ouvertes sous les pas de l'initié,
avanceront la chute du monde que l'on connaît.

Qu’étaient ces failles ? Que représentaient-elles ? Suite aux expériences précédentes, il semblait que le nombre de 511 devait également être mis en relation avec quelque chose, plus que de considérer ce nombre au pied de la lettre. Peut-être ce quelque chose pouvait être la chute du monde. Mais alors, à ce propos, comment devait-on envisager la chute du monde ? S’agissait-il de la fin du peuple krolanne ? Ou cela préfigurait-il la fin de Syfaria telle que les Krolannes l’avaient connue ? De même, à la suite de sa chute, le monde tel que vécu alors serait-il remplacé par un autre ou ferait-il place au néant absolu ?

Quant au terme d’initié, que l’on trouvait dans de nombreux textes, pouvait-il désigner les lanyshstas dans leur ensemble ? Ou correspondait-il à un groupe plus restreint, tel que celui mentionné et sommairement décrit par Carmîin ? Des lanyshstas ayant entendu l’appel depuis plus longtemps ? Les lanyshstas pourraient-ils se révélés comme des sortes de catalyseurs  ? Ou cela renvoyait-il à autre chose, à quelqu’un d’autre ? Initié par rapport à quoi ? Là était toute la question, car y répondre apporterait vraisemblablement la lumière sur l’identité de l’initié. Le vocable de messager que l’on trouvait répandu dans d’autres écrits l’interpellait également pour une raison semblable. Un messager de quoi, de qui ? Avec quel message ? Simple facteur chevauchant une vapocyclette, mystérieux augure ou courant d’air spectral ?

Assis à son bureau, il posa un instant son crayon et leva les yeux pour regarder au travers de la fenêtre. Il apercevait la forêt du bois de la Lecture. Lire. Comprendre. Il espérait, au terme de cette phase de l’étude, pouvoir être en mesure de tirer des conclusions suffisamment précises pour être utilisables. Reprenant ses esprits, il s’interrogea alors : quel étaient les textes suivant le 793 dans l’ordre canonique du Cantatère ?



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Julung 19 Nohanur 815 à 20h12
 
L’automne s’était fait et l’hiver allait bientôt commencé. Le kil ralentissait son activité. Les gens se rassemblaient plus à l’intérieur. Les rues étaient désormais moins fréquentées.

De la fenêtre de son bureau, le Lecteur avait le coup d’œil sur le Bois de la Lecture. Parfois, il hasardait son esprit au-delà de l’espace restreint de son bureau. Il le laissait alors vagabonder dans les bois, grimper au sommet des arbres, observer la nature dissimulé dans un buisson. L’une de ces fois, ses réflexions se focalisèrent sur les lanyshstas. Ses recherches dans le Cantatère avaient apporté des réponses à certaines questions, en avaient formulées de nouvelles. Mais cela concernait davantage la nature des êtres et leur destinée passée et nouvelle, leur existence, que leur fonctionnement. A ce propos, force était de constater que les tensions qui habitaient certains krolannes se vérifiaient également chez les lanshstas. Les Entrelacs étaient source de dissensions autant que de rassemblements. Que fallait-il en conclure ? Qu’ils ne pourraient coopérer ? Leur survie individuelle ne paraissait pas nécessiter une collaboration franche. Toutefois, l’apparition d’un ennemi au final aussitôt leur éveil effectué, rendait cette dernière plus impérieuse. Elle ne s’établissait que par intermittence, chacun conservant sa méfiance. Des petits groupes s’étaient constitués, qui avaient émergé. Certains avaient déjà affronté l’ennemi. La plupart ne connaissait que l’environnement urbain et les espaces entre les Sharrs.

Un martèlement à la porte du bureau tire le Lecteur de sa réflexion.


Entrez !

C’était un nouveau Lecteur qui signala, contrit :

Je n’ai rien de nouveau concernant la prédiction 21.

Kharib hocha la tête et l’autre se retira, comme il était venu.

La prédiction 21 était de celles qui retenaient particulièrement l’attention du Lecteur.

Vingt-et-un noeuds défaits libèrent un vieux messager,
cela fait très longtemps que son nom est oublié.

Elle faisait partie du nombre comportant la locution de vieux messager. Qui celui-ci pouvait-il être ? Surtout si son nom avait été connu. Mais Kharib savait qu’il ne faudrait sans doute pas prendre les mots contenus dans le dyptique dans l’ordre et dans le sens commun. Scylla n’avait pas voulu laisser un livre ouvert, seulement des pièces de puzzle. Il fallait reconstituer ce dernier à la lumière des événements survenant dans le monde qui les entourait.

Le personnage auquel il était fait référence pouvait-il provenir d’une civilisation ancienne de Syfaria ? Il s’agirait alors déterminer laquelle et de comprendre ce qu’il avait à transmettre. Sa mention dans plusieurs textes de la prophétesse en faisait quelqu’un d’incontournable et l’un des mystères du Cantatère. Et Kharib était persuadé qu’il avait un lien entre cette sorte de coryphée et l’ennemi, ne serait-ce que dans une aide quelconque qu’il pouvait apporter par la divulgation de son message.

Un autre mot paraissait important. C’était celui d’initié. Et le Lecteur pouvait imaginer que l’un n’allait pas sans l’autre. S’agissait-il même du même personnage ? A moins que l’initié puisse représenter le lanyshsta. Mais ce dernier pourrait aussi être le messager, sa transformation ayant libéré quelque chose… Mais il pouvait tout aussi bien s’agir de l’initié aux textes de Scylla, soit le Lecteur…

Un autre martèlement se fit entendre à la porte.


Entrez !

Une fois la porte ouverte, un autre Lecteur énonça simplement depuis le pas :

Tu n’oublies pas notre réunion ?

Il était vrai qu’une réunion avait été agendée. Elle concernait les Lecteurs. C’était parfois le cas, afin de pouvoir coordonner les travaux et de faire état des avancées et des découvertes effectuées. Elle avait lieu dans la plus grande salle du bâtiment de la Lecture située au sous-sol. De la sorte, les secrets des analyses en cours ne pouvaient filtrer à l’extérieur sans le concours intentionnel d’un membre du concile. La salle, allongée, était meublée d’une immense table rectangulaire en son centre. Autour de celle-ci étaient disposées des chaises en nombre. Chacune des lourdes chaises en bois de chêne possédaient un dossier gravé de l’œil de la vision de la prophétesse. Des encriers, des plumes et des papiers dotaient chaque place du nécessaire à la réunion.

Plus loin, au-delà d’une porte portant également le symbole de l’œil, une petite pièce contenait les cahiers originaux des textes de la main même de Scylla. Peu nombreux les ont vu, et jamais sans une bonne raison. La porte qui en défendait l’entrée était munie de trois serrures et chacune des clés entre les mains de trois lecteurs différents choisis par leurs prédécesseurs et renouvelés annuellement, de façon à ne pas cristalliser le pouvoir. Chacun des trois détenteurs ignoraient qui étaient les deux autres et seule une demande obtenant l’autorisation de consulter les manuscrits originaux de la prophétesse faisait apparaître les trois clés simultanément. La rumeur rapportait qu’un gardien surveillait la porte, pour le cas où les serrures seraient déjouées. Mais personne ne savait s’il s’agissait de la réalité ou d’une invention destinée à prévenir le vol.

Lorsqu’il entra dans la salle et qu’il prit place sur sa chaise, Kharib ignorait encore s’il allait révéler tout ce qu’il avait découvert, y compris que la prédiction 793, faussement interprétée jusque-là, était réalisée. Il prit le parti d’attendre et de voir ce qu’il se passerait lors du tour de table qui s’effectuerait comme à l’accoutumée. Les derniers Lecteurs qui n’étaient pas présents lors de l’arrivée de Kharib firent leur apparition à leur tour et s’assirent calmement sur leur siège attitré.

La séance pouvait débuter.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Luang 23 Nohanur 815 à 21h10
 
Ce qui s’était dit durant la séance resterait dans la salle éponyme. Rien ne filtrerait sur le contenu des débats. Car les propos échangés ne concernaient que les participants. Et il était important que cela restât ainsi.
Sur le chemin de retour vers son bureau, le Lecteur se demanda quelle attitude il lui fallait adopter de manière générale. Tout révéler selon les interprétations du moment ? Tout lancer à la cantonade sans aller plus loin que la matière brute ? Tout garder pour soi ? Kharib était d’avis qu’il lui fallait réunir suffisamment de renseignements pour qu’il lui soit loisible d’établir des hypothèses vérifiables et éviter de propager de fausses affirmations apparentées à de nouvelles légendes urbaines. Celles-ci étaient déjà suffisamment nombreuses concernant les lanyshstas.

Pourtant, une voix sur les Entrelacs le contraignait à dépasser cette position concernant un élément, à savoir le dénominateur commun des lanyshstas. Quelqu’un avait posé une affirmation que le Lecteur savait erronée. Il lui fallait donc intervenir pour apporter le résultat de ses recherches sur ce point précis. Il n’en maîtrisait pas toutes les implications. C’était la raison qui expliquait l’absence de communication à ce propos avec ses semblables.

Une pensée fut formulée. Simple. Il n’y avait pas d’autre chose à dire. Pas encore du moins.

Pour cela il s’était assis sur un banc proche d’une fenêtre du bâtiment. Il fallait être précis dans ce qu’il dirait. Il reprit sa route ensuite, regagnant son bureau.

Celui-ci l’attendait dans le même état qu’il l’avait laissé. Il reprit ses notes de lecture et d’interprétation qu’il avait pris soin de ranger dans le second tiroir à gauche. Il n’avait pas renoncé à comprendre le chiffre de 321. La dernière fois, il lui manquait un élément pour déboucher sur un résultat plus pertinent. Il avait retourné le problème dans sa tête.
Bien que le chiffre fasse référence au vide, ne pouvait-il être mis en référence avec le nombre de vagues ?

Naturellement, cela présupposait que la troisième vague soit la dernière. Pourtant, en partant de cet axiome, il était possible d’entrevoir certaines perspectives numériques qui pouvaient aboutir à quelque chose.

Dans un autre cas, il pourrait s’agir d’ajouter une composante formelle à imaginer par rapport à ce qui était connu. La forme et la nature de cette composante était complexe à déterminer, toutefois. Et le Lecteur avait le sentiment de tourner un peu en rond sur la thématique.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Merakih 2 Dasawar 815 à 20h43
 
Les maigres réactions aux informations divulguées sur les Entrelacs étaient empreintes au mieux de méfiance au pire de dédain. Le Lecteur en prit note en même temps qu’il en tira les conclusions qui s’imposaient pour la suite.
Il rentra chez lui après une journée de travail sur l’un des textes du Cantatère sur lesquels il focalisait son attention, d’une part parce que son emploi l’exigeait et d’autre part parce qu’il en avait besoin. Il voulait comprendre, convaincu que des informations capitales se trouvaient consignées dans le recueil des prophéties de Scylla.

La neige allait poindre prochainement sans doute. Les rues seraient bientôt recouverte d’un manteau blanc au petit matin, manteau blanc tout au plus émaillé de quelques accrocs dus au passage nocturne de krolannes fêtards ou en mission nocturne. Durant la journée, le poids des pas aidant, le manteau serait vite déchiré.

Parvenu au-devant de sa maison, il pouvait admirer le lierre grimpant le long des façades. Celui-ci ne menait toutefois pas jusqu’au premier étage, mais il donnait l’impression que la maison fût sortie de terre, avec sa façade en pierres de taille, ses fenêtres oblongues et étroites, ses volets bruns, ses tuiles du même et sa cheminée à peine visible sur le toit.

L’hiver arrivait. Mais la vie persistait. L’ennemi se terrait. Mais, petit à petit, on le débusquerait. Pour peu que l’on comprenne. Il en revenait au même point. Une fois la nuit passée, au point du jour, il en serait pareil. Jusqu’au jour où le mystère serait percé.

Pour l’heure, il reprenait le chemin de la Grande bibliothèque. Il était tôt et les marchands ouvraient à peine leur échoppe. Avisant un boulanger, attiré par l’odeur du pain sortant du four, il s’approcha.


Bonjour, voisin. Combien le croissant ?

Le prix demandé demeurant modique, il s’en acquitta prestement afin de profiter de ce maigre réconfort, tout en pensant qu’il pourrait même faire défaut si un conflit ouvert éclatait. On ne savait que peu de chose à ce sujet pour l’instant.

Reprenant son chemin, il atteignit la forêt aux mille chemins serpentant à travers les bois, certains, seulement certains, conduisant à la Grande bibliothèque. Inconsciemment, le Lecteur emprunta l’un des plus longs. Sans doute avait-il besoin de réfléchir ce matin-là. L’endroit et le paysage était propices aux réflexions dans tous les cas. Il ne prit toutefois pas la peine de s’assoir un instant, poursuivant sa route sans s’arrêter ni interrompre sa pensée. Ses pas le guidèrent instinctivement là où il devait se rendre.

La porte de son bureau franchie, il prit soin de nettoyer ses bottes de façon à ne pas gâter le parquet qui tapissait le sol de ce qui lui servait en fin de compte de repaire, du moins à la Grande bibliothèque de Kil’dé. C’était un endroit qu’il avait façonné à son image, sobre. Seules ses recherches en cours s’étalaient sur son bureau, à l’instar de ce que faisaient la plupart de ses collègues. A la différence de ces derniers, il prenait toutefois toujours le plus grand soin de relever dans sa mémoire la position exacte de ses dossiers, étant entendu que les plus confidentiels se trouvaient sous clé ou même autre part, à savoir dans le laboratoire situé à son domicile.

Reprendre là où il en était resté la veille. Poursuivre les recherches, inlassablement. C’était là que l’adage « au lieu d’engager des chercheurs, on devrait engager des trouveurs » prenait toute sa consistance et son sens. Fera-t-il partie des seconds nommés ?



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Julung 17 Dasawar 815 à 20h37
 
Sur les Entrelacs, quelqu’un avait informé la communauté lanyshstas de l’imminence d’une guerre. La désignation et la description de l’ennemi demeuraient floues. Alors que, précisément, l’identification de la menace était prééminente sur la suite du déroulement. L’enjeu était en fin de compte de gagner cette guerre avant qu’elle ne débute.

C’était à ce titre que le Lecteur avait entrepris des recherches concernant les caractères découverts sous la - désormais célèbre pour certains lanyshstas - Place du Martel. Il s’agissait d’une écriture particulière tapissant l’autel entre autres qui était agencé dans une pièce située sous la place. La question que s’étaient alors posé les trois lanyshstas présents était : pourquoi cette entrée n’avait pas été condamnée à l’instar des autres entrées ? Les hypothèses tenaient essentiellement compte de l’intérêt à conserver un accès à la caverne aux œufs. La chambre intermédiaire, celle-là même qui contenait les échantillons d’écriture, semblait étrangement accueillante. Une présence avait même été ressentie, non agressive. Elle avait alors été considérée comme amie. Pourtant lors de l’échange de civilités entre Khan Thanal’ot et Samalthia, la présence changea. Était-ce suite à la démonstration de force ou plutôt par la démonstration des pouvoirs lanyshstas du premier nommé ? Et l’accès conservé, permettant effectivement de parvenir à la caverne aux œufs n’avait-il pas été désigné également – surtout ? – par l’existence de cette pièce intermédiaire, importante pour l’ennemi ? Les interprétations se transformaient au gré des investigations et des renseignements récoltés.

Si les recherches concernant les textes de la place du Martel avaient été longues et fastidieuses, elles avaient également été, partiellement du moins, couronnées de succès. En effet, un ouvrage pluriséculaire avait été mis à jour. L’écriture qui le marquait était très similaire aux caractères recopiés et transcrits par le Lecteur à la Place du Martel. Il s’agissait toutefois d’une version originale non traduite. Des recherches supplémentaires avaient été nécessaires pour permettre d’établir que la langue dans laquelle il avait été écrit, identique donc à celle des mots étalés dans la pièce sous la Place du Martel, était la langue des Machines et qu’elle servait à les contrôler aussi ! Elle avait été en usage chez les premiers colons de Syfaria et s’appelait De Profundis.

Il devenait clair à présent que la compréhension de ce langage pouvait permettre de tuer dans l’œuf toute velléité guerrière de la part d’ennemis toujours biomécaniques. Du moins, pouvait-on l’espérer. L’avantage serait alors dans le camp des lanyshstas. La découverte paraissait d’importance. Kharib, rassemblant ses idées, envoya un message télépathique à Khan Thanal’ot lui faisant part des éléments bruts et des interprétations qu’il en faisait.

D’autres éléments titillaient son esprit parmi les récentes découvertes qu’il avait effectuées. Il fallait qu’il étende encore une fois le champ de ses investigations pour tenter de comprendre, d’appréhender davantage la réalité de leur condition de lanyshsta. Que savait-on de la Voix de Cendre ? Quelle écoute celle-ci permettait-elle ? La recherche s’entendait bien évidemment au-delà de l’Eveil qui lui était connu. Des expériences passées avaient-elles été faites, consignées, dissimulées au coin d’une page d’un livre, peut-être par des lanyshstas des deux premières vagues qui avaient disparu depuis ? Comprendre le mécanisme qui entourait cette nouvelle étape permettait de poser une brique supplémentaire sur le chemin de la connaissance, non seulement de leur vie de lanyshsta, mais encore du groupe le plus à même de s’opposer à l’ennemi.

Trois coups frappés à la porte de son bureau tirèrent Kharib de ses réflexions multiples. Un collègue venait lui demander conseil au sujet de la possible réalisation d’un texte.

472 esprits affamés s'engagèrent dans la nuit.
Leurs estomacs enflammés finirent par les dévorer.

Le Lecteur était persuadé de sa réalisation. Il fallait encore la vérifier, mais Kharib ne pouvait concevoir qu’il en fût autrement. Il savait que cette prédiction était couplée à la prédiction 72 :

72 épices fanées furent ajoutées.
Les eaux se muèrent en moutons aveuglés.

Il hésitait dans l’ordonnancement des textes, mais guère dans leur réalisation. Du moins, l’espérait-il. Il avait forgé ses interprétations depuis longtemps. Les épices étaient-elles la mousse, à moins que le rôle de la mousse ne soit endossé par les eaux ? Le mouvement de la mousse transformée observé dans la caverne aux œufs pouvait le faire penser tandis que les épices pouvaient être la mousse originelle. Les esprits affamés pouvaient représenter les vers très très immondes, ravagés par les flammes, selon toutes prévisions.

Mais Kharib estima l’opportunité de la vérification à partir des connaissances accumulées avant celle qui aurait lieu, qui devait avoir lieu, sur place intéressante.


Nous pouvons en parler en effet. Comment comprendre le texte et à quoi le raccrocher ?

Il évoqua alors la prédiction 72 et des liens qui devaient réunir les deux prédictions. La discussion pouvait débuter et les recherches qui s’en suivraient invariablement devaient bénéficier de cet apport nouveau.


UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Khan Thanal'ot
Assistant au Transfert d’Idée
Kil'dara  
Le Luang 21 Dasawar 815 à 22h24
 
Khan était en plein entrainement physique avec son père lorsqu’il reçut la pensée de son compagnon.

D’ordinaire il se coupait des entrelacs lorsqu’il avait besoin de toute sa concentration mais il savait différencier ce qui venait de ses amis, et le reste. Dans la salle pourpre du manoir Thanal’ot, il esquiva une frappe cervicale en roulant en arrière et prétexta le besoin de se rafraîchir afin d’avoir un peu de temps pour répondre et focaliser toute son attention sur ce qu’il venait d’entendre mentalement.

Pensée :
De Profundis ? Il me semble déjà avoir lu ce nom quelque part.
De là à penser que ce langage permet de contrôler les machines ?
Penses-tu que nos ennemis pourraient être une branche de déscendance directe ce ces côlons ?

Dans tous les cas, si ce que tu dis est vrai et si nous parvenons à apprendre cette langue, nous éviterions probablement la guerre.
Je vais venir te donner un coup de main.


Il s’essuya le visage à l’aide d’un torchon que lui tendait un domestique.

Pensée :
La montre que je possède doit aussi venir de cette ancienne civilisation. Si c’est bien ça, je suis assez étonné de son état de conservation.

Cette découverte est importante. Si nous ne trouvons pas comment traduire cette langue en Kil’dé il nous faudra aller dans les autres Sharss, étendre nos recherches aux plus anciens ou même chercher ces réponses ailleurs.
Penses-tu que les Dath'ogals pourraient nous renseigner ?





Bats-toi pour ce en quoi tu crois, même si cela veut dire que tu dois combattre seul.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Matal 22 Dasawar 815 à 23h21
 
Le Lecteur reçut le message télépathique lorsqu’il n’était plus seul. Il en prit donc note et y répondit plus tard, quand le travail journalier à la grande Bibliothèque était terminé.

Pensée :
Je me demande dans tous les cas si nos ennemis ne sont pas des machines.
Il semble en effet que l’apprentissage de cet idiome puisse nous fournir un avantage certain.
Et cet apprentissage pourrait bien coïncider avec l’analyse et la compréhension de la montre que tu as ramenée de sous la terre.


C’était véritablement ainsi qu’il voyait la suite du périple qui devait les amener à obtenir l’arme permettant de contrer l’invasion bio-mécanique de Syfaria. Concernant les autres Sharrs , il fallait être sérieux. Si le Kil’dé ne le pouvait pas, les autres n’y parviendraient pas non plus.

Pensée :
Il importe en effet que nous nous intéressions davantage à cette montre.
J’ai déjà contacté d’anciens érudits.


Les Dath’Ogals, encore eux. On en revenait une fois de plus à se demander s’ils ne détenaient pas une partie des clés de l’énigme. C’était possible, mais pas certain. C’était cela, le problème. Le manque de certitudes.

Pensée :
L’état de la montre indique peut-être qu’elle a été façonnée plus tardivement.


Le Lecteur n’oubliait pas non plus l’étrange moment qui fut celui où Khan tomba sur la trouvaille. Les trois compagnons étaient déjà passés par là. Sans rien découvrir de cet acabit. Y avait-il une volonté parallèle visant à faire découvrir ce trésor ou un concours de circonstances hasardeuses avait-il permis de mettre en lumière ce qu’il semblait être de prime abord un reliquat du passé ?

Pensée :
Poursuivons les recherches à ce propos dans mon laboratoire.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Khan Thanal'ot
Assistant au Transfert d’Idée
Kil'dara  
Le Luang 28 Dasawar 815 à 16h01
 
Installé dans un divan, Khan se reposait de son entrainement en sirotant une boisson fraiche. En tunique sombre, il était en train de regarder justement son étrange montre lorsque Kharib lui répondit.

Pensée :
Concernant la montre je n’en sais trop rien. Je suppose de mon côté qu’elle est de la même époque que le coffre et tout le reste mais que ses inscriptions, comme celles du sanctuaire ou de certain objets sous la place du Martel, la protège contre les affres du temps et contre nos ennemis.


Il posa son verre pour continuer d’examiner sa montre. Il était fasciné par l'étrange objet tout comme par les circonstances qui avaient causés sa soudaine découverte.

Pensée :
Si cette ancienne langue permet de contrôler les machines alors c’est tout à fait possible. L’objet possède peut être des propriétés magiques lui permettant tout celà.


Ses doigts effleurèrent le cadran et s’intéressèrent aux différents boutons.

Pensée :
Dans tous les cas, il nous faut poursuivre l’examen je te le concède. Elle détient sans aucun doute des informations capitales et la mettre en contact avec de la mousse peut être intéressant.


Tout en continuant, il chercha un moyen de l’ouvrir.

Pensée :
De quels érudits parles-tu ?




Bats-toi pour ce en quoi tu crois, même si cela veut dire que tu dois combattre seul.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Luang 28 Dasawar 815 à 21h36
 
Ce fut sur le chemin le ramenant à son domicile que le Lecteur reçut le message de son compagnon d'aventure. Il s'arrêta un instant sur le devanture d'une échoppe située non loin pour répondre tranquillement.

Pensée :
Les érudits concernaient le langage inconnu. Je les ai déjà interrogés à ce propos. Il semble qu'il soit dorénavant inconnu sur Syfaria, sauf pour l'ennemi.


La problématique de la montre était plus complexe. Ne serait-ce parce qu'ils ne s'y étaient pas encore attelés.

Pensée :
Il importe que nous étudions cet objet. Pour commencer à l'appréhender. Pour tenter d'en déchiffrer les inscriptions.


C'étaient désormais ces dernières qui retenaient toute son attention.

Pensée :
Ce langage pourrait nous procurer un avantage indéniable sur l'ennemi. Ce dernier n'escompte vraisemblablement pas que nous le comprenions.


Il aurait pu ajouter que l'ennemi ferait sans doute tout ce qu'il pourrait pour entraver cet apprentissage. Mais, cela allait de soi.


UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Khan Thanal'ot
Assistant au Transfert d’Idée
Kil'dara  
Le Dhiwara 3 Jangur 816 à 14h37
 
Khan était maintenant dans les rues de Kild’é avec Eileen. Les deux amis étaient en train de faire quelques achats. Le lanyshta avait plusieurs sacs sur les bras, il hochait la tête en direction de la Krolanne qui lui montrait une sorte de collier fait d’étranges coquillages.

Pensée :
Je suis d’accord, ces inscriptions si elles permettent vraiment de faire ce que tu avances, doivent être notre priorité.


Il hocha de nouveau la tête en direction d’Eileen qui lui montrait maintenant deux bonnets aux couleurs vives. Ses goûts en matière de vêtement avaient toujours été étrange. Alors qu'elle était toujours bien habillée, Khan la soupçonnait souvent de vouloir le déguiser de la manière la plus affreuse possible.

Pensée :
Voyons cela plus en détails dans ton laboratoire.

Déterminons ce qu’il est posible d’accomplir nous même et ce que nous allons devoir chercher ailleurs.

Je me libère dans une heure.




Bats-toi pour ce en quoi tu crois, même si cela veut dire que tu dois combattre seul.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Luang 4 Jangur 816 à 21h41
 
Jetant un regard par-delà la Faille, il sembla au Lecteur que c'était cela qu'il leur faudrait accomplir: sauter d'un bond de l'autre côté de la Faille de Kil'dé. Personne ne paraissait être en mesure de déchiffrer les écritures étranges que les deux lanyshstas avaient exhumées des sous-sols de la Place du Martel. Et pourtant, ils allaient tenter d'y parvenir. Kharib était persuadé de l'impériale utilité de ces investigations et Khan le suivait dans cette optique de recherche.

Pensée :
Oui, je crois fermement que la compréhension de ce langage pourra aider notre cause.


Il rejoignait à présent sa modeste demeure aux secrets immenses. C'était là, dans cette ancienne maison, que les deux compagnons se réuniraient pour mettre à profit leurs réflexions mutuelles afin de démêler les noeuds langagiers auxquels ils étaient confrontés.

Pensée :
Je t'attendrai. Tu connais le chemin.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Vayang 15 Jangur 816 à 19h59
 
Le rendez-vous agendé avec Khan Thanal’ot laissait peu de temps pour la discussion avec le collègue du Lecteur. Toutefois, la réflexion qui serait ainsi entamée sur les deux textes du Cantatère 72 et 472 pourrait être poursuivie les jours suivants au besoin.

Kharib connaissait bien ce collègue. C’était d’ailleurs déjà celui-ci qui était venu précédemment lui rappeler l’heure de la réunion plénière des Lecteurs. Ils avaient pris l’habitude d’échanger ensemble sur l’avancement de leurs travaux respectifs. Adzo de Soufflefeuille, tel était son nom, avait souvent des approches différentes de celles de Kharib sur les mêmes textes, ce qui permettait, en faisant converger les points de vue, de découvrir des éléments intéressants.

Adzo habitait près du Bazar de Thün. Il affectionnait de pouvoir se rendre rapidement aux étales des marchands. Non pas qu’il en y eût un usage si fréquent ou impérieux, mais simplement par commodité et par goût. Son grand appartement en attique était meublé avec tout autant de ce même goût. Il souhaitait vraiment conserver son esprit dans la même atmosphère qu’au sein de la grande bibliothèque, dans un environnement sobre mais fonctionnel. Parce que telle était sa vie, vouée à l’étude des textes de Scylla.

Kharib avait fait sa connaissance au moment de leur initiation. Ils avaient fait partie de la même volée d’étudiants. Ce fût à ce moment-là qu’ils tissèrent des liens de confiance suffisamment solides pour parler plus avant de l’état d’avancement de leur étude des prophéties lorsqu’ils ont été nommés tous deux au rang de Lecteur.

Leurs bureaux respectifs n’étaient pas contiguës, il y avait même un couloir à parcourir, mais les déplacements étaient largement autorisés et les discussions également. L’intérêt commun primait sur le privilège de la connaissance individuelle, si tant était que l’on souhaitait partager son savoir avec un collègue. Dans le cas d’Adzo et de Kharib, c’était un véritable échange, pas seulement unidirectionnel, sachant que les secrets révélés demeureraient enfouis dans l’esprit de l’autre et seraient tus.

En l’occurrence, c’était cette fois-ci Adzo qui était venu le consulter. Il tentait de comprendre en concentrant sa réflexion sur un texte à savoir la prédiction 472.

472 esprits affamés s'engagèrent dans la nuit.
Leurs estomacs enflammés finirent par les dévorer.

Selon le Canon, il devait avoir lieu prochainement ou même avoir déjà eu lieu et le collègue venu solliciter Kharib expliqua qu’il y avait quelques nuits, il avait fait un rêve dans lequel il avait vu un gigantesque brasier se consumer dans la nuit. Or, le lendemain matin, il était tombé par hasard sur ce texte. Sérieusement intrigué, il avait effectué de grandes recherches dans les ouvrages de la bibliothèque, en vain. Il était cependant persuadé qu’il lui manquait un élément pour comprendre davantage le dyptique qui l’obsédait plus ou moins du fait de son partage onirique.

Le Lecteur encapuchonné ouvrit un compartiment sous clé de son bureau. Il en tira un mince dossier duquel il sortit une feuille de papier sur laquelle étaient opposés les textes 472 et 72.

72 épices fanées furent ajoutées.
Les eaux se muèrent en moutons aveuglés.

Puis, il se leva tranquillement de son siège, fit quelques pas, s’arrêta devant son collègue demeuré debout pendant son explication. Il était plus grand que Kharib d’une vingtaine de centimètres. Sa peau était d’un rouge mat et ses yeux d’un bleu identique à l’océan d’avant la matière noire. Il était vêtu à la manière des kildéens de l’aristocratie dont il était issu. L’encapuchonné lui remis le document.


Avant de poursuivre, je crois bon de prendre connaissance de ceci.

Au-dessous des deux textes qui se faisaient face, le Lecteur avait pris le parti de noter ses réflexions quant à la réalisation de ces textes à partir de références sommaires découvertes en même temps que les deux textes.

De la sorte, Adzo prit conscience des liens unissant les deux prédictions. Dès lors, ils pouvaient entamer la discussion et les recherches, lesquelles avaient déjà été bien entamées par Adzo. Nul doute qu’il pourrait à son tour faire bénéficier Kharib d’éléments qui pourraient s’éclairer dans son esprit à la suite de la prise de conscience de la concomitance des deux textes.

Kharib gardait à l’esprit les circonstances qui l’avaient amené à s’intéresser à ces prophéties. Il utiliserait son savoir pour orienter les recherches, par exemple, est-ce que la nuit pourrait symboliser la caverne située sous la Place du Martel ? Cette manière de faire participait d’une envie de ménager Adzo d’une part, et d’autre part de dispenser ce qu’il savait tout de même, pour parvenir à la vérité.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Narrateur
 
Le Julung 21 Jangur 816 à 18h01
 
Adzo était concentré.
Il resta silencieux un long moment, réfléchissant posément à ce qu'il venait d'entrevoir.
Deux prédictions liées ?
Enchainées ?
C'était rare, mais pas non plus totalement improbable.
Le cas avait déjà été perçu à maintes reprises.

Il regarda Kharib, un mince sourire aux lèvres.

472 esprits affamés s'engagèrent dans la nuit.
Leurs estomacs enflammés finirent par les dévorer.


72 épices fanées furent ajoutées.
Les eaux se muèrent en moutons aveuglés.


Difficile de ne pas voir un lien sur le 72.
De 7 ils finirent 2 ?
4 fois plus d'esprits que d'épices ?

Je dirai que la 472 précède la 72.
Et si elle a été réalisé... cela signifie que la 72 a du se réaliser aussi, ou devrait le faire à la suite.
Comme s'il manquait quelque chose à la 472 ?
Une prédiction inachevée, que seule la 72 peut rendre complète ?

Les eaux sont souvent le symbole du temps qui s'écoule.
Tumultueux.
Cela signifierait qu'ajouter les "épices fanées" permettrait de dompter le temps ?
Le rendre docile, mais aveugle...
Sans contrôle ?

D'après toi, ces épices fanées, ça pourrait signifier quoi ?


 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Dhiwara 24 Jangur 816 à 16h10
 
Adzo avait ceci de particulier que sa réflexion partait toujours du plus général pour aller vers le particulier. Il venait d’en faire à nouveau l’éclatante démonstration.

Ainsi, le lien sur le 72 était tellement évident. Le cas pourrait être soumis aux étudiants lors de la prochaine volée. Enfin plutôt, il aurait pu être soumis aux étudiants, si les textes n’étaient ce qu’ils étaient.

De 7, ils finirent 2. Lors de la première expédition à la Place du Martel, ils étaient 7 : Klem A’this, Naoko, Napishtim, Thakeon Keymlos, Rubus Tectus, Khan Thanal’ot, Kharib. Seuls deux restent désormais à poursuivre les recherches inlassablement. L’interprétation d’Adzo semblait impliquer un retour à la Place du Martel. Sur ce point, Kharib l’avait également déjà dépassé. Il était persuadé depuis longtemps qu’une troisième expédition devait avoir lieu.

La 472 complétée par la 72. Kharib avait également pensé à cet enchaînement : 4 sans 72 complété par 72. Mais sans en trouver la certitude. Le fait que son collègue lui fasse part de la même intuition le confortait dans son appréciation.

Par contre, le Lecteur ne parvenait pas à trouver de lien entre ce qu’il connaissait et l’idée qu’il y ait 4 fois plus d’esprit que d’épices. D’ailleurs, la dernière question d’Adzo, qui en l’occurrence ne s’interrogeait plus à voix haute, mais était directement destinée à Kharib, laissa ce dernier songeur un instant.

Evidemment, les épices fanées pouvaient être la mousse séchée ou le cadavre desséché trouvé dans le coffre. Mais il était impossible de révéler cela directement. Kharib gardait également à l’esprit l’existence de la montre. Il était de plus convaincu que la solution résidait ailleurs.

Cette étape, le Lecteur ne l’avait pas franchie. Il hésitait et réfléchissait activement afin de solutionner l’énigme. Il finit par prononcer, demeurant pensif :


Ce pourrait être une drogue dont les effets permettrait de défier l’écoulement du temps sans pour autant le contrôler, seulement le modifier ou en modifier l’appréhension.

Qu’en penses-tu ?


Il jeta un œil à la réaction de son collègue, tout en demeurant concentrée sur sa propre réflexion.


UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Narrateur
 
Le Merakih 27 Jangur 816 à 21h48
 
Adzo opine du chef.
Mais semble très sceptique.

Une drogue ?
Qui défie l'écoulement du temps ?

Hum...
Tu parles de magie là ?
Tu... tu crois que c'est lié à ça ?
A la magie ?
Aux... Lanyshstas ?


Adzo frissonne un peu.
Comme beaucoup, il a peur de l'inconnu...

 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Julung 28 Jangur 816 à 20h52
 
Le Lecteur avait tenté de rester dans les limites du raisonnable en imaginant une plante utilisable sous forme de drogue pour ne pas effrayer Adzo qu’il savait réticent face à l’inconnu et aux aspects mystérieux. Par contre, peut-être en surmontant sa crainte, son collègue lui souffla ce qu’il n’osait peut-être pas voir lui-même. Les épices fanées se matérialiseraient sous la forme des lanyshstas eux-mêmes.

Tu veux dire que l’existence des lanyshstas modifierait l’écoulement du temps ? Que les lanyshstas seraient capables de modifier l’écoulement du temps ? Qu’ils le feraient à leur insu ?

Ou bien était-ce l’apanage des initiés que d’avoir ce pouvoir ? Soudain, la lecture des deux textes ne prenait plus du tout le même sens. La Place du Martel n’était plus au centre de l’interprétation de ceux-ci, contrairement à ce que Kharib pensait jusqu’ici. Quoique…

Les récits de la rencontre avec Carmîin transmis sur les Entrelacs laissaient supposer cette action des lanyshstas sur le temps. Cependant, ce manque de contrôle était pour le moins particulier si ce n’était à quelque part inquiétant.

Ainsi, ils auraient une explication pour le second texte, mais quid du texte qui se serait déjà réalisé ou dont la réalisation précédait celle de celui qu’ils étaient en passe de déchiffrer ?


472 esprits affamés s'engagèrent dans la nuit.
Leurs estomacs enflammés finirent par les dévorer.


La nuit pourrait-elle prendre la forme d’une grotte ?

A moins que, à moins que les esprits affamés ne soient des personnes à la recherche de quelque chose qui s’engagent dans l’inconnu pour le trouver…


Pour la seconde phrase, le Lecteur n’osait pas parler des tubes et du feu qu’ils avaient laissé et qu’il imaginait être la résultante du texte.

Pour les estomacs enflammés, il ne peut s’agir d’une brûlure d’estomac quand même ?

A moins que, à moins que le manque de nourriture ne les ait consumés ?

Mais alors quel rapport entre les deux textes ?



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Narrateur
 
Le Luang 15 Fambir 816 à 17h56
 
Adzo réfléchit de longues minutes.
Il tourne en rond dans le bureau, visiblement en proie à une grave introspection.
Finalement, il se tourne vers Kharib, l'air grave.

Tu sais, cela fait longtemps que ça me tracasse, mais oui... certains d'entre nous le pensent, même si aucun n'oserait l'écrire...
Je pense effectivement que les Lanyshstas ne sont pas que sans destinée figée, tel nos Apostats qui forment la nécessaire incertitude.
Non, les Lanyshstas sont pour moi plus que cela.
Une anomalie.
Dans le temps lui même. Son écoulement. Ses directions.
Je crois, mais je n'en suis évidemment pas certain, qu'ils pourraient peut être altérer le temps...
Altérer tout !


Il fait une pause, véritablement perturbé.

Pour ces textes, les lire à l'aune de cette information pourrait peut être les démêler.
Car si cela concerne les Lanyshstas, et une perturbation temporelle, alors... cela est grave, mon ami...



 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Matal 16 Fambir 816 à 21h58
 
Le Lecteur écouta avec attention ce que son collègue lui disait. Le pauvre était remué par les observations qu’il faisait. Kharib prit conscience du fait qu’il faudrait le laisser prendre du recul et du repos par rapport à tout cela.

Je te remercie, Adzo. Je pense qu’il vaut mieux que tu fasses une pause maintenant. Tout ceci paraît t’avoir éprouvé.

D’ailleurs, moi aussi je vais me changer les idées.


Et ils quittèrent le bureau en refermant la porte.

Pourtant, la question n’était pas entièrement et complètement résolue. Il restait à interpréter les quatre phrases ensemble, de manière liée.

472 esprits affamés s'engagèrent dans la nuit.
Leurs estomacs enflammés finirent par les dévorer.

72 épices fanées furent ajoutées.
Les eaux se muèrent en moutons aveuglés.

Le cerveau du Lecteur poursuivait le raisonnement et épuisait les interprétations. Jusqu’à arriver à quelque chose qui semblait tenir la route.

Les lanyshstas étaient arrivés après, bouleversant le déroulement du temps, l’altérant. La question était : après quel événement étaient-ils arrivés ? La nuit de leur éveil ? Les krolannes appelés avaient alors muté. En poursuivant la réflexion, cet appel ne serait alors pas complet sans l’altération du temps liée aux lanyshstas qui les avaient à quelque part remplacés.

Désormais un autre élément l’interrogeait et allait orienter ses recherches dans le Cantatère.

Les voix s’étaient emmêlées sur les Entrelacs. Voilà qu’au lieu d’un ennemi – comme si cela n’était pas suffisant, des bien-pensants en avaient déniché un second. Une faction Ombres. Qu’était-ce que la faction Ombres ? Là était l’inconnu. Si le représentant rencontré paraissait avoir su parler davantage du troisième camp auquel les lanyshstas avaient déjà été confrontés et qui serait appelé les Thirdhocks, il semblait avoir été moins loquace sur sa propre faction. Dans tous les cas, rien ou si peu au gré du Lecteur n’avait été rapporté. Beaucoup de blabla insipide. Peu d’information réelle. Mais il n’était ni dupe, ni fou : sans doute rien de plus ne pouvait être rapporté. Ce qui résumait l’opprobre au babillage qui avait entouré l’annonce.

Fidèle à son statut de Lecteur, Kharib partait du principe que ces Ombres devaient avoir été mises en lumière d’une quelconque façon dans le Cantatère. Ce fût donc à cette tâche qu’il s’attela désormais. Reprenant les textes de Scylla, il les étudia à nouveau sous cet angle particulier, y compris les prédictions déjà réalisées. Car un détail pouvait avoir échappé à ses prédécesseurs. Était-il possible de dater l’apparition des ombres de la sorte ? Que pouvait-on appréhender de leurs buts ? Que pouvait-on déduire du nombre et de la composition de ses membres ? Quelles traces les avaient précédés ? Qu’avaient-ils de différent des lanyshstas de la troisième vague ?

Le Cantatère ne pouvait demeurer muet ce propos. Il existait assurément des textes à interpréter. Il devait y avoir un écrit mettant ces ombres en lumière. Du moins, le Lecteur en était persuadé.

Un instant, il leva la tête des écrits pour hasarder un regard par la fenêtre. Le jour se terminait et les ombres avaient fait leur apparition. Allait-il en être pareil dans les textes ?



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.
 
Kharib
Lecteur
Kil'dé  
Le Luang 7 Marigar 816 à 20h40
 
La recherche fut longue et ardue. Les renseignements divulgués sur les Entrelacs étaient maigres. Mais… ils avaient permis de mettre en lumière un texte particulier. Il s’agissait encore une fois d’un texte numéroté. Le 29.

L’hiver se terminait. Il avait été très doux cette année-là. La neige était tombée parcimonieusement. Les enfants n’avaient guère pu ériger de krolannes de neige. Les marchands de bois et de charbon n’avaient pas réalisé autant de bonnes affaires que les hivers précédents, ressassant le bon vieux temps où les hivers étaient plus froids, permettant à leurs pères et aux pères de leurs pères de s’enrichir au-delà de ce qu’eux-mêmes pouvaient espérer.

Le Lecteur avait traversé la forêt sans entendre la neige crisser sous ses pas, le sol en étant dépourvu. Il s’était rendu à la Grande bibliothèque de Kil’dé sans hâte. Non pas qu’il cherchât à retarder l’heure du début de son travail, mais plutôt que le chemin ainsi parcouru lui permettait de cheminer intérieurement également. Les idées s’entassaient, s’entremêlaient, se mélangeaient, se multipliaient.

Des réponses étaient apparues. Peut-être avait-il même appris plus qu’il ne l’imaginait. L’avenir le lui dirait. Pour l’heure, le temps passait. Les minutes s’égrenaient. Les recherches se poursuivaient, mais le manque de renseignements diffusés sur les Entrelacs concernant la faction Ombres entravaient ces dernières. Pourtant, le Lecteur était convaincu qu’au-delà du babillage livré suite à la rencontre, il était quelque chose qui n’avait pas été révélé aux autres lanyshstas. Il se posait tellement de questions qu’il n’était pas pensable que ceux ou plutôt celles qui s’y trouvaient ne se les aient pas posé.

Kharib demeurait toutefois persuadé que c’était cette faction le véritable ennemi des lanyshstas de la troisième vague. Il échafaudait un plan pour tenter de s’opposer à la faction. Et il avait commencé à mettre celui-ci à exécution. Toutefois, cela prendrait du temps. Beaucoup de temps. Il restait à espérer qu’ils en auraient suffisamment… du temps.
Parvenu au bâtiment de la Grande bibliothèque, le Lecteur entra comme il le faisait à l’accoutumée. Il gravit les marches menant à son bureau. Il en ferma la porte doucement. Puis il s’assit. Devant lui, le texte de la prophétie 29. Il allait débuter son étude.

La seconde phrase avait sans doute trait à l’entrevue mielleuse à laquelle le groupe de lanyshstas de la troisième vague avait eu droit au Kil’dara. Par contre, cette même phrase indiquait clairement ce qui allait se produire : une confrontation. Il ne restait qu’à espérer qu’ils ne se retrouvent pas par la suite dans la mélasse. La gadoue, en voyageant entre les sharss, ils n’allaient sans doute pas y échapper, mais la mélasse, cela collait et cela était d’autant plus désagréable.

La première phrase, de son côté, avait un contenu des plus sibyllins. Et pourtant, le Lecteur commençait à connaître par la théorie et également par la pratique le Cantatère et ses textes déroutants. Il tenta de réfléchir à partir du nombre de la prophétie. Il était convaincu que l’essentiel de la signification des deux lignes résidait dans l’interprétation de la première.

La répétition du même son trois fois d’affilée avait aussi attiré son attention. La couleur de l’ébène signifierait-elle que les oeufs portaient le poids de la faute ou les difficultés ? Ou alors le poids du cœur, le poids central ? La question de la nature des œufs était également présente. Mais là, surtout là, le Lecteur estimait qu’il pouvait avoir des surprises dans l’interprétation avec aussi peu d’éléments.

Il fut ensuite surpris par le ballet qui se déroulait sous ses yeux et s’interrompit pour l’observer.

Un étincelant cafard noir cheminait paisiblement sur la surface polie du bureau. Ses petites antennes s’agitèrent à deux ou trois reprises, tâtant le vent comme pour un décollage. Il progressait en titubant légèrement, à l’image d’une vieille femme surchargée de paquets. Le cafard atteignit le bord du bureau et continua tout droit. Il tomba sur le dos, battit faiblement l’air de ses petites pattes grêles et fatiguées, puis fit le mort. Le Lecteur ne s’en souciant pas davantage que de poursuivre son rôle spectateur, l’insecte recommença à gigoter pour finalement, après des efforts insensés, se retrouver sur le ventre. Après quoi, il se traîna cahin-caha dans un coin, en direction de nulle part.

Le Lecteur s’imagina parfaitement à la place de la blatte.



UN, cela va. Deux, bonjour les dégâts.

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