Pendant ce temps, à Vera...pardon...à la Loge du Destin…
Après cette nuit au Locus Solus et la rencontre mouvementée avec Jade, voici notre chère Oromonde, la figure pensive, qui s'en retourne à la Loge où elle travaille habituellement.
Elle passe, d'ailleurs, quelques heures plongée dans ses dossiers personnels et à faire avancer la pile de demandes de révision et de rédaction d'Augures qui attend gentiment sur un coin de son bureau, partagé avec d'autres novices prédicateurs tout comme elle.
Le silence est complet entre les grandes bibliothèques. De temps à autre résonne l'écho d'une conversation échangée discrètement, de bruits de pas discrets, le craquellement du papier et des parchemins qu'on utilise ici en nombre.
Après avoir mis à jour son travail quotidien, Oromonde relève la tête. Elle se sent épuisée. Sa grossesse apparente commence à peser sur son physique d'ordinaire endurant. En plus des sautes d'humeur et autres joyeusetés auxquelles la placide créature n'était guère habituée. En face d'elle, son voisin de bureau, un jeune adolescent acnéique, lui sourit gauchement et la complimente sur son teint.
Bien, maintenant qu'elle en a fini avec les ordres de son emploi, elle peut se permettre d'aller fureter un peu. Un complément révisionnel, en somme.
Personne ne lui demande quoi que ce soit tandis qu'elle plonge le nez dans les cadastres et les registres du Kil'Dé pour déterrer les Augures des Flicksen. Cela lui prend un peu de temps, mais elle parvient à les localiser et à les lire.
Citation :
Les flicksen apparraissent bel et bien.
Famille simple, aux destinées "mornes", sans aucun relief.
Morts pour le moins banales de prévues.
Quasi aucun incident de parcours.
Des destinées somme toute "classique" pour des gens de basse extraction.
Le souci ?
Sur le papier, cette famille (un couple avec un adolescent) correspond parfaitement aux âge, naissance, noms, descriptions, etc...
Sauf qu'ils devraient être en vie.
Sauf qu'ils sont toujours en vie selon les augures...
Vérité ? Destinée faussée ?
Impossible à dire de base.
Les corps ont-ils été rapatriés à la morgue ?
L'adolescent a-t-il été recherché ? Retrouvé ?
En tous cas, pour les augures, tout va bien pour eux...
Oh-oh… elle ne sait pas trop comment prendre la nouvelle. Certes, elle n'a pas imaginé voir écrit en grand sur les Augures le nom des meurtriers et la localisation de leur bambin, mais elle ne s'attendait pas à non plus à ce qu'ils soient encore comptabilisés comme vivants ! Après tout, si le dossier est passé à la Défense – et ils avaient la preuve que c'était bien le cas – il n'y avait aucune chance que la Loge n'en ait pas été informée. On aurait appliqué les révisions. Pourquoi, dès lors, ne pas les voir apparaître ? S'agirait-il d'une simple erreur d'inattention ? Peu probable. Les Prédicateurs n'auraient pas gagné leur rang et mérité leur titre s'ils faisaient preuve d'inattention…
Petite réflexion. Solution A : on laisse tomber et on cherche d'autres voies pour se renseigner sur les malheureux. Cela évitait d'attirer l'attention, en tout cas, et vu que Thaïs trempait ces derniers mois dans tout ce qui se passait de louche au Kil'Dé en y entraînant gaiement ses camarades, ce n'était peut être pas si mal.
Solution B : insister pour essayer de trouver d'autres informations. Elle avait son idée en tête : ces derniers temps, depuis l'affaire des « fausses Augures » rédigées par le criminel justement démasqué par Thaïs, la Loge était en ébullition. Une grande partie des novices était affecté à la révision des Augures qui auraient potentiellement pu être modifiées, aidés en cela par un certain nombre de Lecteurs. Elle-même y avait passé quelques temps. Un travail pénible et ennuyeux. Elle pouvait toujours aller voir qui s'en occupait aujourd'hui et lui soumettre ces Augures en arguant quelque chose en baragouin de prédicateur.
Le souci, c'est qu'elle craignait que cela remonte aux oreilles de ses supérieurs. Logiquement, toute erreur sur un Augure devait leur être transmis. Or, vu les ennuis que s'étaient attirés Thaïs en se renseignant sur les Flicksen, il n'était pas impossible que cela lui cause aussi du souci à elle. Camoufler la mort des Flicksen n'était-il qu'un incident, ou l'ordre venait-il de plus haut ?
Tu deviens paranoïaque, se tança Oromonde. Elle se secoua les puces pour chasser ces idées. De toute façon, il fallait essayer d'en apprendre plus.
Elle rejoignit le bureau des révisions et se mit en quête du collègue affecté au difficile rôle de vérifier les modifications d'Augure. Il s'agirait alors de lui coller les Augures des Flicksen sous le nez et de lui demander de vérifier leur authenticité.