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Du monde au balcon
 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Vayang 17 Otalir 814 à 14h09
 
Comme chaque matin, Lelhuü s'était réveillé aux côtés de sa "femme", Dynella. Il était rentré tard du travail la veille, après s'être saoulé longuement à "l'Escale". Une taverne plus proche d'un tripot de Kil'sin que d'une auberge aussi respectable que "l'Hermite". D'ordinaire Dynella était allongée dos à lui, chacun de leur côté du lit, les cuisses encore chaudes de la veille de ses exercices avec les quelques "voisins" les moins respectables du quartier. Ce matin là, la maison était vide ce qui ne l'empêcha nullement de se lever, de réciter les préceptes du Un et d'adresser un salut à l'effigie de Scylla qui ornait son armoire à vêtements. Il s'était rincé le visage et rasé de prêt avec son coupe-chou, taillant aux ciseaux sa moustache. Il avait enfilé sa tenue de travail et s'était rendu, alors que le jour attendait patiemment l'aube, prendre son poste au service des eaux de la faille.

Le travail était pénible, dur, et le souvenir de Ki'lyne le hantait toute la journée durant. Son déjeuner était amer, la compagnie de ses ouvriers lui était amère, comme un goût de cendres dans la bouche. Mais voilà quelques jours que des rêves bizarres perturbaient ses nuits. Il repensa à ce qu'il vit et entendit de ses péripéties nocturnes et l'alcool ne pouvait en rien lui effacer sa vie noctambule.

Ce soir là il sortit du travail, comme tous les soirs, mais il ne se rendit pas à l'Escale. Direction les parapets surplombant le monde extérieur. Il était seul, errant telle une âme en peine, et prit une longue bouffée d'air pur. Sa main trouva instinctivement sa poche à tabac et il enfouie la drogue dans une pipe en bois gravée à son nom. L'allumette s'enflamma d'un craquement singulier et la flamme vint lécher et embraser le contenu du fourreau. Tirant des longues aspirations toxiques, le tabac pris et un épais nuage vint entourer le géant à moustache. Le regard vague, perdu dans l'immensité du paysage, profitant d'un moment de répit dans sa tête, espérant ne plus les entendre ces monstres.

D'un côté les ateliers, où d'innombrables petites mains s'affairaient dans un vacarme qui remontait jusqu'aux murailles. La vie était une fabuleuse dynamique de bruits, d'odeurs, d'agitations. De l'autre côté, le monde extérieur, si calme et pourtant si dangereux.

Sa vie changeait, il était temps de la reprendre en main et que son existence reprenne un sens.


 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Merakih 22 Otalir 814 à 15h12
 
Lelhuü appréciait ces moments de calme sur le parapet, le soir venu. Il flânait le long des remparts, pensif, scrutant tantôt les mornes et vastes plaines sauvages du monde extérieur, tantôt la fourmilière industrielle intra-muros de la cité. Des milliers de lanternes, bougies et autres lampes illuminaient le quartier et les innombrables cheminées crachaient leurs volutes blanches dans un immense panache s'élevant lentement vers les cieux, voilant les astres. Cette sérénité lui permettait de repenser au passé.

Il écarta les mains devant lui et les contempla. Ces mains avait tué un Krolanne voilà bien des années. Il était alors jeune, très jeune...





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Il venait d'être promu chef de la maintenance du secteur treize des aqueducs. Déjà un bon gaillard, bien bâti et énergique, moustache en pointe. Rebelle, il contrariait même ses employeurs en se laissant pousser la crinière peu importe les risques auxquels il s'exposait en travaillant sur des machines à vapeur et engrenages. Un chien fou, un jeune loup bouillonnant et enragé qui s'enflammait à la moindre étincelle. En ce début d'année 798, un "fureteur" - le nom des coursiers chargés de parcourir de long en large les aqueducs pour déceler les problèmes - avait signalé une fuite le long d'une canalisation. Lelhuü dirigeait le premier poste de maintenance proche de l'incident. Ses ouvriers étaient déjà affectés sur d'autres tâches et il décida de se déplacer personnellement pour réparer la fuite.

Plusieurs heures plus tard, alors qu'il approchait de sa destination, il aperçu quatre krolannes affairés à réduire la pression des canalisations en verrouillant l'une de vannes. Torses nus, en sueur, l'exercice leur était particulièrement difficile même à quatre. Des trafiquants d'eau potable... Une vraie vermine. Le procédé provoquait inévitablement un dysfonctionnement dans la circulation hydraulique et mettait à rude épreuve les jointures des canalisations, provoquant des fuites voir des catastrophes. Ils étaient montés sur l'aqueduc à l'aide de crochets propulsés. Le procédé était simple, ils réduisaient la pression hydraulique au niveau d'un puits et dévissaient les écrous de jointure pour évacuer l'eau. Ils perçaient le revêtement étanche puis remplissaient d'immenses outres qu'ils descendaient puis remontaient à l'aide de cordes et poulies vers leurs comparses au sol. Ces charognes revendaient l'eau trois fois son prix aux habitants du monde extérieur et à ceux qui souhaitaient dépasser leur ration d'eau journalière. Le confort de quelques individus peu scrupuleux et l'appât du gain de quelques rapaces mettaient en péril une installation vitale pour toute la population.

Fou de rage, Lelhuü ne pu se contenir. Brandissant sa clé à molette il leur hurla violemment :


Arrêtez ça immédiatement pillards! Rendez-vous sans histoires et vos peines seront moins lourdes! Canailles! Espérez les autorités plus clémentes que moi : je vous ferai couper les mains sur le champ!


Les trafiquant firent volte face. L'un d'eux, le plus jeune visiblement, s'échappa en courant dans la direction inverse du chef de maintenance. Les trois autres hésitèrent un instant, mais reconsidérèrent leur retraite. Le mécano avait beau être un poids lourd, il était seul avec ses outils pour seules armes. Ils avaient le nombre, et leurs piolets d'escalade. Chacun maintint sa position, laissant à d'autres l'initiative d'engager la lutte.

Lelhuü ne perdit pas une seconde de plus. Son coeur, impulsé par l'adrénaline, battait la chamade. Son flux sanguin s'intensifia, ses veines se gonflèrent et tous ses muscles se contractèrent, se crispèrent. Soufflant comme un buffle pour garder le contrôle, le taureau s'élança au galop. Il lança de toutes ses forces la clé sur l'un des brigands qui le frappa de plein fouet dans l'épaule. Les os craquèrent sous le choc de la masse et l'inertie du missile et le voyou s'écroula sous l'impact. Les deux autres eurent tout juste le temps de réagir en se protégeant comme il pouvait de la charge du géant. Des coups magistraux fusèrent. Un direct du droit percuta une tempe d'un bruit sourd. Le choc n'eut le temps d’assommer le malandrin que déjà un poing massif s'enfonçait dans son foi. Sonné, le souffle coupé, il s'effondra à terre, plié en deux.

Le dernier criminel frappait à l'aveugle le chef de maintenance, ne cherchant même pas à se préserver. Il assénait d'innombrables coups dans le fol espoir d'espérer stopper l'agresseur, en vain. Ses poings percutèrent un roc inébranlable, les os de la main se brisant à la percussion. La riposte arriva presque instantanément : un uppercut décrocha une mâchoire, le crochet suivant déchaussa une paire de dents, le dernier coup fracassa le crâne d'un craquement singulier. Lelhuü se retourna pour s'occuper de celui qui s'était pris la clé à molette, mais il était déjà en train de déguerpir maladroitement, en descendant en rappel depuis l'une des cordes. Son second adversaire, essoufflé, s'était relevé et le menaçait d'un piolet. Il s'approcha du précipice et des cordes. Le chef de maintenance hésita une seconde, mais le trafiquant profita de ce très bref laps de temps pour plonger dans le vide en empoignant l'une des cordes.

Le colosse tremblait sous l'excitation, ces deux charognes pouvaient se réjouir de leur pari sur la vie qu'il ne couperait pas les cordes : il n'était pas un meurtrier. L'un d'entre eux ne s'était pas échapper, il gisait à terre dans une marre de sang, le crâne défoncé. Lelhuü mit plusieurs minutes à réaliser qu'il venait de prendre la vie. Il ferma les paupières boursouflées du cadavre de ses mains vermeilles, mais plus jamais il n’oublierait ce regard. Le meurtre était un acte criminel, mais les faits seront qualifiés de légitime défense et il sera même récompensé par ses employeurs qui le décorèrent de la médaille du mérite du personnel des eaux, à défaut de médaille plus appropriée dans cette institution non habituée à ce genre d'événement.


 
Lelhuü
Travailleur
Kil'dé  
Le Julung 30 Otalir 814 à 09h03
 
BORDEL !!!


Le Lhanyshta était très remonté. Il parcourait avec énergie le chemin le long des parapets, ne prêtant nulle attention au monde extérieur, ni aux contrebas du quartier. Il ne cessait de repenser à ce qu'il venait de se passer dans la matinée. Il était furieux, bouillonnant de colère et il manifestait cette rage sans retenue. Il évacua toute cette colère accumulée pendant la journée en assénant, de toutes ses forces, un coup de poing fulgurant dans le mur du parapet. Il se décontracta, un peu, tout juste assez pour pouvoir se rappeler ce très désagréable moment de vie qui venait de s'était dérouler voilà quelques heures.




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Le notaire, qui s'était occupé de ce qu'il pensait être une formalité lors de son mariage avec Dybella, lui avait adressé une invitation à le rejoindre "concernant la rupture du mariage et les effets du contrat d'union civile de communauté de biens universelle". Lelhuü ne comprenait pas grand chose à ce charabia de juriste. Se pouvait-il que son épouse, qu'il n'avait plus vu depuis plusieurs jours, ait demandée le divorce ?

Arrivé à l'étude notariale, une clerc toute pimpante lui indiqua la luxueuse salle où maître Ahr' konaine l'attendait. Presque avachi sur son fauteuil en bois rare richement décoré, son immense séant tenant tout juste dans l'assise pourtant large du siège, le notaire portait une robe rouge qui dissimulait tout juste sa silhouette. Il transpirait déjà abondamment en ces premières heures du matin, s'essuyant à l'aide d'un mouchoir en tissu imbibé de sueur. Il était visiblement malade. Il souffrait de rougeurs, de cloques et de bubons sur la moitié du visage et grimaçait parfois d'un rictus lorsque la douleur lui était insupportable.

Dybella était déjà là, assise, toujours aussi belle mais elle avait changé. Elle s'était salie, souillée par sa décadence. Elle grattait furieusement quelques boutons dans le cou. Avait-elle couché avec cet immonde notaire ? Ce ne serait pas surprenant.

L'entretien fut bref. Le nobliau les informa de ce qui allait se passer au nom de la loi et de leur contrat. Dybella n'avait pas de travail - quoiqu'elle serait riche aujourd'hui si elle entreprenait de monnayer ses aventures - et Lelhuü devait maintenir le niveau de vie de sa dulcinée tant que celle-ci ne se remariera ou ne percevra les subsides pour renouer avec sa qualité de vie ex-maritale. Coup dur, près de la moitié de la solde du lhanyshta sera ponctionnée à la source, avant même qu'il ne perçoive sa paie. Ces quelques jours de bonheur où il s'était notamment offert le plaisir de s'attabler à l'Hermine de cristal étaient révolus jusqu'à la fin de sa vie : Jamais Dybella ne se remarierait dans ces conditions. Le monde qu'il s'était doucement pris à rêver s'effondra, il allait redevenir misérable et s'endetter de nouveau pour survivre.

Soudain la colère l'envahit. Ses veines se gonflèrent et son pouls accéléra. Il jeta un regard noir à ses deux interlocuteurs et, l'espace d'un instant, les vermines crurent tous deux que leurs corps ne feraient bientôt qu'un avec ce fameux siège en bois rare. S'en était fini de lui s'il s'abandonnait aux crimes qu'il s'apprêtait de commettre, il préféra couper court en se levant brutalement de sa chaise pour quitter l'étude en claquant la lourde porte d'entrée, sous les yeux horrifiés de la clerc apeurée.





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Le géant retira son poing du mur et contempla le dos de sa main et ses doigts qui n'avaient, étrangement, aucune séquelle. Le mur, lui, s'était partiellement effrité à l'endroit de l'impact et quelques morceaux de pierre s'arrachèrent de la fissure lorsqu'il en retira le poing.

Lorsqu'il avait battu à mort le trafiquant, ses mains étaient en sang, quelques plaies béantes, et il avait mis plusieurs semaines à s'en remettre : le temps que ses phalanges brisées se ressoudent. Il venait de donner un coup magistral à ce mur épais comme nul autre et s'en sortait indemne, pas une contusion.

Il repensa un instant à ce curieux blondinet à l'aspect roublard qu'il avait croisé la veille. Les gains des combats clandestins n'étaient évidemment pas déclarés et il conserverait donc tout ce qu'il empocherait ... Revoir Lady Olynn, boire à l'Hermine - où il retrouvait tout juste le sens du goût le temps d'une lampée d'un whisky hors de prix...

Sans trop savoir pourquoi, mais Lelhuü ne s’embarrassait jamais de trop longues réflexions inutiles, son corps changeait. Il avait d'abord perdu l'usage du goût et il perdait petit à petit le sens du toucher. Sa peau s'était légèrement durcie. Sans doute pouvait-il enfin profiter de ces "changements" dans l'arène.


Raaah, canailles !

Il chassa cette pensée. Frayée avec la racaille n'apportait jamais rien de bon. Demain, il demandera la promotion qu'on lui promettait tant depuis quelques années, à défaut la possibilité de faire quelques heures supplémentaires pour arrondir ses fins de mois.

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