Teo' fila vers l'appartement de sa sœur, se souvenant vaguement du lieu, il perdit pas loin d'une heure dans des méandres inutiles. Il se demandait bien si les autorités arriveraient à remonter leur piste sur ce crime, il faisait confiance aux capacités de suppression de Tri' mais le moindre détail pourrait les trahir et annihiler leurs efforts...

Arrivé dans les Bas-Fonds, perdu dans ses pensées et autres simulations fictives d'interrogatoire musclé, il bouscula un passant. Ce dernier grommela mais le Lanyshsta n'en avait cure, non seulement il ne l'avait pas remarqué mais il se rendit à peine compte de l'impact. Il ne prit donc pas la peine de s'excuser et poursuivit sa route, ce qui déplut fortement l'autre personnage qui tenta une altercation pour "s'expliquer". Pressé et passablement occupé à d'autres plans "supérieurs", Teo' se servit de ses connaissances anatomiques pour asséner un coup de pied sec dans la rotule de l'importun. La rotation du disque cartilagineux fit dévisser le genou et crier de douleur le malheureux protagoniste. Il profita de cet interlude sonore pour reprendre sa route à rythme soutenu avant que la patrouille ne débarque.

Quand il arriva enfin devant la bâtisse aux allures sombres et inquiétantes, il s'engouffra avec hâte dans le couloir qui menait à sa destination finale. La porte de Tri' enfin à portée, il toqua trois fois.

* Toc Toc Toc*

 
Quelqu'un ouvrit la porte donnant sur le logement de Tri' et de sa mère. Les persiennes tirées, l'endroit était sombre, d'autant plus que ce quartier recevait déjà fort peu de lumière. Une fois Teo entre, elle referma la porte et tira les verrous. Ses cheveux gris étaient caches par une coiffe bleu sombre dont elle pouvait rabattre l'avant pour mieux dissimuler ses traits. Elle portait une robe longue mais pas trop gênante couleur bleu-nuit. D'ailleurs elle paraissait luire légèrement, une lumière bleue également.

Personne ne t'a suivi j’espère ? Avec tous ces logements ici, ils ne pourraient sans doute pas savoir lequel tu visites.

Elle lui fit signe de le suivre et une fois arrives dans sa chambre elle s'installa confortablement.

Tu as vu ? Il m'arrive de luire bleu ? J'ignore encore ce que ca peut bien signifier mais en me concentrant je peux arrêter cette lueur.

Peut-être son frère saurait-il de quoi il s'agit.

 
A vrai dire, Teo' n'avait pas fait particulièrement attention à qui pouvait bien le suivre. Vu le côté chaotique de son trajet, toute personne l'ayant suivi aurait été perdue un moment ou un autre, lui-même avait été déboussolé de toute manière. Il se dit que travailler son sens de l'orientation est un autre domaine qu'il devra étudier...

Je ne pense pas avoir été suivi, si c'est le cas, garde une lame près de toi, toute intrusion sera punie. Désolé pour le retard, j'ai pas pris le trajet le plus court.

Il s'installa sur un siège devant sa sœur dans la chambre de cette dernière, un étrange reflet bleuté semblait l'envelopper :

Je ne t'avais jamais vu luire ainsi, as-tu toujours eu cette capacité ou est-elle apparue récemment?

Le regard du Lanyshsta se fit plus perçant, semblant vouloir déceler le moindre détail scientifique sur la condition de Tri'.

 
Tri' avait de nombreux défauts mais pas celui d’être bavarde.

C'est récent.

Plutôt que de longs discours, rien ne valait une démonstration. Elle invita donc son frère a lui tenir fortement le bras de manière a ce qu'elle ne puisse pas le bouger.

Sans qu'il sache comment, Teo' se retrouva avec la dague de Tri' sous le menton. Il ne tenait plus qu'une sorte de bras bleu, fantomatique et virtuel.

Elle rangea lança négligemment sa dague en l'air, la rattrapa, par le manche il va sans dire et la dissimula prestement.

Alors?

Elle lui tourna le dos, regardant la lampe a gaz qui éclairait la pièce. En fait, le bulbe de verre qui la recouvrait permettait de voir la pièce dans son entier. Elle aimait a avoir un point de vue qui permettait de tout surveiller. Elle ne luisait maintenant plus du tout et avait retrouve ce cote efface et discret qui était habituellement le sien.

 
Bien qu'il fût surpris de se retrouver en fâcheuse posture avec une lame sous le menton, Teo' réfléchit à ce qu'il venait de voir, où ce qu'il avait cru voir.

Cela ressemble fortement à une manipulation de la réalité et si tu n'arrives à la faire que depuis récemment, il semblerait que...

Il dirigea son regard vers le plafond comme pour se remémorer de quelque chose.

Alors les rumeurs seraient fondées... Les Lanyshstas seraient bien capables d'aller outre les perceptions habituelles des sens pour en donner des contours divers, selon leur volonté. C'est très impressionnant Tri' et me semble-t-il, cela pourrait être on ne peut plus utile à nos projets! As-tu remarqué d'autres "améliorations" vis à vis de ton ancienne condition de Krolanne?

Le Lanyshsta n'avait pas encore pu expérimenter de telles possibilités, si l'on exclut la télépathie bien entendu. Il se demandait bien si sa sœur était exceptionnellement douée ou s'il était en retard sur sa capacité à maîtriser son nouvel état de mutant.

Le regard animé d'une ambition mal dissimulée, il regardait Tri' fixement en songeant à tous les avantages que comportait une alliance avec cette dernière.

 
Elle écouta sans mot dire les explications de son frère, se contentant de hocher la tête pour marquer son acquiescement.

Le fait que tu sois mon propre frère pourrait faire croire a un manque d’objectivité mais en toute modestie fraternelle, je trouve que tu ne manques pas de génie.

Visiblement le diagnostic de Teo' lui convenait.

J'ai remarque une vitesse d'apprentissage beaucoup plus rapide. Quoique ces manifestations magiques soient récentes, il me semble que de jour en jour j'arrive mieux a les contrôler.

Elle aussi avait le regard toujours empreint de tristesse mais pas dénué d'un certain enthousiasme malsain.

Avec de l'entrainement je pense pouvoir arriver a disparaitre complètement.

Elle soupira et versa une larme.

Mon rêve sera alors réalité.

Dit-elle de sa voix timide et douce habituelle.

 
Teo' tendit la main en direction du visage de sa sœur et sécha sa larme d'un geste délicat du pouce. Il ajouta d'une voix mélancolique :

Ainsi disparaîtrait un des joyaux de Syfaria.

Il ne savait quel sentiment éprouver à cet instant, joie profonde de voir Tri' comblée ou tristesse insondable à l'idée de perdre ce lien familial florissant. Tracassé, perdu, il préféra sombrer dans un mutisme trahi de mouvements oculaires nerveux. Quelques instants plus tard, il respira profondément puis reprit :

Génie et folie sont deux notions liées et subjectives, je te remercie néanmoins.

Puis il réfléchit en intensifiant sa pensée, entre concentration et probable rêverie :

Apprentissage plus rapide, altération de la réalité, camouflage avancé, tout un panel de compétences indispensables à nos aventures prochaines. Je doute que les espions à nos trousses qui résister bien longtemps devant de tels talents. En parlant du loup, il me semble ne rien avoir remarqué de suspect, ce coup de poignard envoyé dans la zone commerciale les a peut être refroidis... Au sens propre et figuré bien entendu.

Les ténèbres vinrent entourer ses yeux perçants durant l'allusion funeste de ce trait d'humour noir.

 
Tri' tripotait nerveusement une mèche de ses longs cheveux argents.

Un coup de poignard dans la zone commerciale ? De quoi me parles-tu donc ? S'il y a quelque chose que je dois savoir dis-le moi sans tarder.

Machinalement elle vérifia la présence de ses lames.

La courte est toujours contre ma jambe, l’effilée est encore dans mon corsage mais... mais... il me manque la longue et pointue ? Elle était bien dissimulée de manière a ne pas pouvoir tomber accidentellement.

Elle semble en proie a une certaine panique.

Ah non.. la voila, j’étais sure de la porter a gauche mais c’était a droite. Bizarre quand même.

Bon désolée de ces digressions. Quelle est notre prochaine étape ? Si on allait visiter les commerçants pour voir un peu quel matériel est disponible et a quels prix ?

 
Teo' fut très surpris de la réponse de sa sœur.

Oui, notre cible dans la zone commerciale, celui qui nous espionnait dans la bibliothèque et que nous avons supprimé discrètement. Tu n'as pas utilisé tes lames au final?

Voyant Tri' énumérer toutes ses armes, il se demanda comment avait-elle annihilé la menace... Ses nouveaux pouvoirs sont-ils déjà suffisamment puissants pour éliminer un être sans besoin d'équipement? Il en salivait presque rien qu'à en caresser l'idée.

Je ne sais pas comment tu t'y es prise mais je dois avouer que je suis impressionné. Accomplir un tel exploit sans arme et sans se faire remarquer, j'en frissonne.

La suite... Excellente remarque, que faire, les possibilités étaient si vastes et les connaissances du Lanyshsta fort limitées.

Retourner maintenant à la bibliothèque? Non, trop risqué. S’équiper convenablement, pourquoi pas, ça fera passer le temps histoire que la situation se tasse et que la probable enquête prenne fin.

Allons donc nous équiper, me faudra de bonnes bottes, une cape pour rester discret et avoir chaud, un sac de voyage pour porter nos futures trouvailles... Bref, je te suis.

Il se demandait bien qu'elle arme pouvait-il choisir. Il n'était pas assez costaud pour les haches et autres épées, pas assez agile pour manière l'arc ou la dague, restaient les bâtons. Bien qu'il ne sache pas s'en servir, un bâton peut parer un coup et aider lors des longues marches, ce sera toujours ça de pris.

 
Elle ne comprenait rien a ce que son frère lui racontait sur une cible qui les espionnait. Jugeant qu'il valait mieux ne pas le contrarier, les hommes aimant bien qu'on leur donne raison, elle marqua maladroitement son accord.

Ah oui, l'espion de la zone commerciale. Oui, oui, il est parti pour ne plus revenir et non, pas de lames parce que c'est coupant. Il ne faudrait pas blesser quelqu'un n'est-ce pas.

Elle réfléchit brièvement aux achats qu'il lui faudrait faire.

Tu as raison, il faut s'habiller de manière adaptée aux risques et aux éléments que nous allons rencontrer. Je connais un commerce qui pourrait nous convenir et te propose que nous nous y rendions mais pas comme tu l'a dit. Je préfère que ce soit moi qui te suives. Nous verrons ainsi si quelqu'un t'espionne ou pas. L'inverse serait plus difficile.

En laissant Teo passer en premier, elle pourrait voir si quelqu'un le surveille ou non. Et puis comme il avait une petite tendance a s'attirer des ennuis il était préférable de pouvoir le surveiller pour éventuellement lui porter aide de manière adequate.

 
Parti pour ne plus revenir, c'était intéressant comme image. Ça rappelle un peu père sous certains aspects. Elle prend même garde à ne pas blesser les autres passants, c'est fort courtois de sa part et particulièrement discret. Connaître un assassin de cette trempe est une aubaine.

Bien, si le gredin ne nous importunera plus c'est parfait, nous pouvons déambuler tranquillement, pour l'instant...

Teo' se prépara à partir en enfilant tour à tour son manteau puis sa capuche.

Ok, je pars devant. Indique-moi dans quel coin se trouve ta boutique s'il te plaît?

Sans attendre la réponse il fila dans le couloir prêt à rejoindre l'extérieur, Tri' lui indiquera la suite télépathiquement, ça évitera de se faire repérer trop facilement.

 
Elle était loin de partager l'enthousiasme des autres lanyshtas pour les communications télépathiques. Elle craignait de ne parfois en révéler trop sur son etat d'esprit avec les risques que ses pensées plutôt pessimistes et négatives pouvaient générer chez les autres. Et puis, on ne savait pas si quelqu'un n’était pas a l’écoute, dans les parages, ils risquaient ainsi de révéler leur état de lanyshtas. Son frère étant parti a l'avance, elle n'avait pas le choix.

Après le pont du Glou, tu tourneras a gauche dans la première ruelle. C'est au fond, sur la droite...

Prudente, elle n'avait pas donne l'emplacement exact du magasin ou elle comptait aller. Préférant donner rendez-vous pas tout près mais pas trop loin. Elle se dépêcha par des passages moins aises mais plus rapides pour arriver avant Teo et observer les environs. Si quelqu'un les surveillait, elle et son frère, elle l'apercevrait.

Un quart d'heure plus tard, tandis qu'elle surveillait attentivement les environs, elle aperçut son frère arriver. Elle lui fit discrètement signe pour pouvoir l'attirer vers l'emplacement réel du magasin. Une pancarte sans éclat lisait "Borlug - Vêtements de travail". L’intérieur manquait de faste mais était vaste et proposait un bel assortiment. Il était clair que le propriétaire misait davantage sur la qualité de sa marchandise pour attirer le chaland, que sur des attrapes commerciales ou un emplacement couteux mais propice aux achats spontanés.

 
Après avoir reçu de vagues instructions, Teo' marcha calmement dans les rues, s'enfonçant en Kil'dara jusqu'atteindre les avenues proches du Pont du Glou. C'était animé, trop à son goût, les chaussées étaient enflées d'un trafic incessant, d'un bruit permanent, la lumière était tantôt éblouissante, tantôt filtrée par les bâtisses en fonction du niveau où se trouvait l'ingénieux mécanisme de Glou. Une éternelle instabilité qui l'étouffait implacablement.

Une fois ce dernier dépassé, il soupira puis s'engouffra dans des passages plus étroits et intimistes, voire inquiétants. Le contraste auditif devint vite saisissant et la luminosité avait décru fortement, quelques rares rayons provenaient de lampadaires vieillissants et chancelants.

Le Lanyshsta contemplait attentivement le changement de paysage, tant et si bien qu'il fut presque surpris d'arriver devant sa sœur. Il la suivit après que celle-ci lui indiqua la réelle destination, un magasin somme toute classique et peu tape à l'oeil, cela lui rappela certaines échoppes des Bas-Fonds.

Il entra et fut étonné de l'achalandage des rayons de Borlug. Il y avait de quoi monter toute une expédition, une bonne adresse pour tout aventurier averti. Il se mit donc à chercher des chausses confortables...

Essayons cette paire de bottes, elle me paraît de fort belle facture. Par contre c'est étonnant je ne vois guère le prix.

Le marchand réservait-il une surprise de taille à Teo'? Tri' apparaissait de manière éphémère, comme à son habitude, une ombre planante, insaisissable, éthérée. Il la chercha du regard afin de voir ce qui l'intéressait dans la boutique.

 
Son noble frère paraissait s’intéresser a une paire de bottes. Voila qui prouvait bien qu'il était le plus censé des krolannes. C’était bien la base de tout voyage. Sans chaussure adaptée, même le voyageur le plus aguerri ne pouvait aller bien loin. Quel paradoxe ! Elle ne le connaissait que depuis quelques jours mais elle sentait fort bien que c’était un génie alors que d'autres personnes, selon les dires de Teo, l'avaient traite comme un fou. Elle sentit la rage monter en elle en pensant a cela. Non seulement c’était fort malpoli envers Teo mais en sus cela lui rappelait a elle aussi de bien mauvais souvenirs.

Je ne vous connais point mais j'inscris ma rage sur votre compte débiteur ! murmura-t-elle en serrant les poings.

Elle suivit l’idée de son frère et examina attentivement les bottes proposées. Il lui en fallait qui soient légères et propices a la dissimulation, tout en étant suffisamment solide. La matière dans laquelle elle étaient réalisees était primordiale. Elle découvrit des bottes de cuir fin mais visiblement très solide, sans doute un animal de l’extérieur et pas une vulgaire vache d’élevage. Un vendeur s'approcha d'elle le sourire aux lèvres, flairant la bonne affaire:

C'est 100 girasols Mademoiselle.

Elle tressaillit car elle n'avait pas cette somme et son inaptitude aux relations sociales l’empêchait le plus souvent de marchander habilement comme certaines personnes savent le faire.

 
Il reposa les bottes après les avoir essayées, malheureusement, la coupe était trop grande. Il recherchait une autre paire quand il tomba sur sa sœur les poings fermés. Une perte de calme peu coutumière pour la jeune Lanyshsta, Teo' poursuivit sa visite du rayon des bottes tout en veillant du coin de l’œil les déambulations et attitudes de Tri'.

Celles-ci me paraissent plus à ma taille. Mais le cuir semble fort épais et peu souple, j'ai peur que ce soient mes pieds qui se déforment au fil du temps. Ah! J'aime beaucoup ces dernières, elles remontent plus haut que la cheville, les lacets de maintien ont de nombreuses accroches mais semblent faciles à retirer, la peau est souple et résistante, bien tannée. Je vais dem...

Il entendit la voix du vendeur en direction de Tri', il faillit s'étouffer devant la somme demandée, il pensa que c'était plus une rançon qu'un prix raisonnable. La demoiselle semblait tétanisée, il faut dire que le vendeur avait du coffre et de l'aplomb en affaires. Le Lanyshsta cacha discrètement la paire qu'il désirait sous un étal quelconque, hors de vue, puis se dirigea calmement vers le lieu du larcin.

Excusez-moi monsieur, ai-je bien entendu que vous offriez 100 girasols de réduction pour cette paire? Quel est le prix du coup? Laissez-moi bien juger du produit pour deviner le coût après cette ristourne...

Il regarda avec attention tous les détails desdites chaussures puis en regardant le marchand droit dans les yeux, sûr de lui :

Je vous en donnerais bien 10 girasols, elles iront à merveille aux pieds de cette gracieuse demoiselle. N'est-ce pas?

Tri', cette paire ne doit pas te coûter plus de 15-20 girasols, au-delà c'est du vol.

Il remit délicatement les chaussures dans les mains de sa sœur en attendant la réplique du vendeur dont le visage était désormais plus tendu. Ce n'était pas avec cette transaction qu'il allait pouvoir arrondir ces fins de mois bien qu'un geste commercial lui ouvrirait de nombreuses autres ventes étant donné que les deux comparses nécessitaient d'un équipement complet de voyage.

 
L'intervention de son frère rasséréna Tri. Il était vraiment aussi galant qu'efficace, si différent des autres garçons qu'elle avait pu rencontrer au cours de son existence. Elle craignait cependant qu'il ne soit comme père et ne disparaisse sans crier gare.

Conscient d'avoir affaire a forte partie le marchand changea de ton.

Ah Monsieur, votre intervention tombe a pic. J'allais lui expliquer qu'une offre spéciale ramenait le prix des bottes a 19 girasols.

Ce prix la était nettement plus abordable et Tri sortit sans hésiter la somme demandée. Elle en oubliait même de les essayer. Le marchand la regarda puis fixa Teo.

Avant de payer un essayage s'impose Mademoiselle. Une chaise est a votre disposition ici.

Tandis qu'elle essayait elle remercia son frère, d'un ton glacial mais visiblement sincère.

Merci Teo, j'ignorais que tu savais si bien discuter avec ce genre de commerçant. Ton intervention opportune sauve mes finances.

 
Teo' regarda sa sœur, le regard brillant et le sourire au coin des lèvres.

C'est son métier d'arnaq... De maximiser ses marges. J'aurais pu utiliser des méthodes moins souples mais parfois quelques mots bien sentis suffisent. En y réfléchissant, c'est presque frustrant...

Il songea brièvement à diverses méthodes psychiques pour "amadouer" le vendeur.

Tu m'as sauvé la mise dans les Bas-Fonds, je vois ma vie comme plus importante que quelques girasols, j'ai encore une dette à payer.

Le souvenir de la scène d'agression fit surgir des images de tortures et autres tourments physiques qu'il pourrait aisément infliger à quiconque souhaiterait lui barrer la voie de ses ambitions. Il revint proche de l'endroit où il avait caché la paire qu'il convoitait mais cette dernière avait disparu, il pesta :

La personne m'ayant fait cette fourberie va payer le prix de mon courroux naissant!

Une aura noire émanait de son regard scrutant tous les badauds afin de repérer l'objet dérobé. La boutique scannée par ses yeux attentifs, il repéra une krolanne somme toute lambda si ce n'est qu'elle avait exhumé les bottes désirées. D'un pas pressé il s'approcha d'elle et lui tint d'un ton sec :

Je vous prie de bien vouloir me remettre ces bottes, je les avais réservées à mon usage personnel.

Il fixa la dame droit dans les yeux tentant de percer sa volonté, de saper ses résistances mentales et de corrompre ses pensées profondes. Sans violence, sans éclat de voix, cette scène dégageait pourtant une intensité peu commune...

 
Elle ne comprenait guère ce qui était la cause du courroux fraternel mais elle était sure d'une chose. Il était mérité. La femme qui se tenait devant lui allait comprendre ce qu'il en était de contrecarrer le cours de la science et du progrès. Elle laissa Teo agir a sa guise, la fierté masculine ne souffrant que rarement d’être aidée sans l'avoir demande.

Elle se tenait cependant prête au cas ou les choses tourneraient mal. Surveiller les issues pour pouvoir saisir l’éventuelle arrivée de renforts et choisir celle qui permettrait la meilleure fuite et tenir ses armes prêtes, s'il fallait riposter. Elle ne croyait pas vraiment en des attaques létales mais quelques coups bien places suffisaient a gagner un temps précieux. Couvert de sang, même blesse de manière superficielle, un adversaire faisait rarement le fier.

C'est donc dissimulée derrière le rayon des pelisses et une dague a portée de chaque main qu'elle surveillait la scène, n'en perdant pas une miette.

 
Vexée, la Krolanne tint bon. Elle rétorqua de manière fort peu courtoise qu'il aurait du les conserver sur lui et que de toute manière, faute d'achat, son nom n'était pas marqué dessus. Elle se dirigea vers l'entrée du magasin pour payer les bottes. Il réagit aussitôt en barrant sa route de sa jambe ce qui faillit faire trébucher la harpie.

Me semble-t-il avoir parlé en bon Kildarian. Mais vu que vous me semblez un peu dure d'oreille, je vous le répète une dernière fois, ces bottes m'étaient destinées. Je les avais déposées dans un endroit hors du rayon pour marquer ma réservation et pouvoir les retrouver rapidement. Ceci sera mon dernier avertissement, je veux récupérer ces articles maintenant.

Hardie, elle tenta de forcer le "barrage" de la jambe de Lanyshsta, en vain, il tenait bon. Il fit obstacle du reste de son corps pour combler le maigre passage qui restait derrière lui. Bloquée, elle se libéra une main pour tenter de pousser Teo' hors du chemin. Souriant d'un air machiavélique et narquois, il résista sans effort, son assise étant sûre et fiable. Acculée, elle posa les bottes sur un espace libre de l'étal le plus proche puis tenta de pousser violemment celui qui entravait son chemin.

Il avait prévu cette manœuvre idiote... En un éclair, il replia sa jambe, tourna son corps de 90 degrés pour laisser un grand vide devant les mains de la teigneuse et laissa traîner juste la pointe de sa chaussure pour déséquilibrer furtivement la Krolanne. Cette séquence précise lui permit non seulement d'esquiver une ruade potentiellement douloureuse mais aussi de se délecter de la chute à plat ventre de la cliente belliqueuse. Il saisit rapidement les bottes désormais libres et, avec un grand sourire en usant d'une voix mielleuse à l'excès, tint:

Vous voyez, ce n'était pas bien difficile, même pour vous.

Son regard s'assombrit de manière inquiétante et brutale, son pied gauche vint à croquer discrètement le mollet de la dame, infligeant une pression douloureuse mais supportable. Le ton de la voix devint nettement plus lourd :

La prochaine fois je ne ferai pas montre d'autant de diplomatie.

Il relâcha l'emprise de son pied, tourna le dos avant même qu'elle ne puisse riposter en pestant. Ce qu'elle ne manqua pas de faire en se relevant mais Teo' avait déjà disparu dans un autre rayon, totalement indifférent à ce qu'il se passait alentour...

 
Diantre! Teo ne craignait pas de provoquer une bagarre pour arriver a ses fins. Il avait entièrement raison mais Tri aurait privilégié une manière plus discrète. On aurait retrouve la krolanne quelque part au fond d'une ruelle et l'arme du crime dans la poche d'un badaud proche de la scène.

Peu lui importait du moment que la krolanne ne provoquait pas davantage d'esclandre. Elle resta donc dans son ombre a surveiller ce qu'elle pouvait bien vouloir faire. Elle finit par maudire la clientèle du magasin et quitter les lieux. Tri en profita pour essayer diverses sortes de capes. C’était bien pratique pour se protéger du temps mais pourquoi autant de couleurs criardes ? Elle finit par trouver quelque chose de pratique et de discret. Il allait lui falloir a nouveau négocier les prix et cette simple pensée la faisait déjà suer.

Teo, serais-tu assez aimable pour négocier l'achat de cette cape ? Je ne voudrais pas que le marchand profite a nouveau de ma naïveté financière.

Sans nul doute, l’incroyable Teo allait lui permettre d'obtenir un prix des plus favorable.