Au yeux de visiteurs kilsiniens, le quartier du Stroboscope forme une étonnante (et cacophonique) concentration de vitrines lumineuses et d'automates animés par compression de vapeur. Non qu'on n'ait jamais vu de telles choses en Kil'sin, mais certainement pas en pareille profusion. On sent qu'on est dans un kil qui valorise au plus haut point la vapeur et ses applications techniques, y compris dans le domaine de l'esthétique.

Pour leur première soirée à Kil'dara, Rhôz l'étudiante-chercheuse et son fidèle assistant Lohan ont rendez-vous avec des savants du cru, rencontre de la plus grande importance à ses yeux. Elle espère que l'Affaire Jade n'accaparera pas trop leur discussion car il y a assurément beaucoup de questions plus intéressantes à aborder, comme leur récente observation de l'Œil, leurs théories respectives concernant la nature des Lanyshtas, ou leur expérience des capacités afférentes. Sans oublier ce qui touche à l'objet de recherche officiel de Rhôz. Et une autre petite idée qu'elle a en tête.

Sa seule crainte était que ce projet de rencontre débouche sur un traquenard, les quelques échos glanés sur la situation des Éveillés en Kil'dara laissant entendre qu'en plus de la traque menée par les Krolannes de certaines administrations, des Lanyshtas détraqués s'adonneraient aussi à une telle chasse. Il lui a fallu le temps de longues discussions télépathiques avec son contact, un certain Endylion, pour enfin être raisonnablement sûre qu'il n'y ait pas anguille sous roche. Elle n'envisage plus maintenant autre choses qu'un petit colloque informel avec lui et deux de ses amis.

Ils ont rendez-vous aux Chardons d'Émail, un établissement de brasserie de plusieurs étages, en bordure d'une galerie marchande, immédiatement repérable à sa grande façade blanche ornée des végétaux éponymes. Une table ayant été réservée à son nom, elle se renseigne auprès d'un serveur à son arrivée.

Bonsoir. Vous devez avoir une table réservée au nom de Rhôz ou Rose.

Le préposé va consulter un registre posé sur un pupitre, derrière rideau discret, et confirme :

Madame Rhôz. Table 107, à l'étage. Si vous voulez bien me suivre.

L'employé les conduit jusqu'à un petit élévateur sans toit qui les hisse jusqu'à une salle en balcon, moitié pleine. L'essentiel de la décoration est faite de boiseries ouvragées contenant de nombreux panneaux de céramique aux motifs émaillés similaires à ceux de la façade. Ça et là, comme pour éviter de sombrer dans trop de sobriété, des appareils lumineux font clignoter leurs ampoules de couleur.

L'architecture des lieux est pleine de recoins et d'alcôves, mais sans le moindre recoin obscur. Personne n'est encore installé à la table à laquelle on les amène, dans un coin de salle discret. Ils prennent place et commandent des boissons pour patienter.

C'est une femme jeune et grande, d'allure assurée, dans de sobres vêtements masculins, et un homme nerveux, auquel son dégingandage donne l'air plus vieux et rabougri qu'il ne l'est réellement, qui attendent ainsi leurs homologues kildariens.

 
C'est marrant... j'ai un mauvais pressentiment...

Enfin non, c'est pas marrant. Ca va sans doute se finir quelque part dans une ruelle sombre, comme souvent dès lors que « quelque chose » qui m'implique se finit. Encore qu'avec la patronne à mes cotés, on peut envisager de la nouveauté : nous pourrions, par exemple, mourir sous les bistouris de savants kil'dariens... On dit qu'ils aiment mélanger les genres pour créer des êtres difformes - 50% chair, 50% vapeur, 50% machines - nourris à la matière noire et qu'ils conçoivent, dans leurs laboratoires secrets, d'étranges soldats chimériques qu'ils lâcheront bientôt sur le monde...

N'allez surtout pas croire que je suis le genre à balancer de telles fadaises sans citer mes sources : je l'ai lu – de mes yeux lu - dans « Les prophéties cryptées de Scylla : ce qu'on vous cache », le dernier hors-série de « Complots et Conspirations » n°255 (un magazine édité par le Comité de l'Histoire Parallèle, dont je suis un fidèle lecteur) : alors ? On la ramène moins !

Déjà, le trajet en monorail m'a laissé nauséeux : ce train, il se traine et secoue ses passagers comme c'est pas permis. Et pour cause : un aqueduc n'est pas conçu pour supporter un tel véhicule ! Ca sent le travail bâclé...



J'ai fait le calcul : même si les maths et moi, ça fait trois, nous avons quand même voyagé à la « vitesse » (ahahah) de 13 km/h. 13 km/h ! Je pense qu'à cloche-pieds, j'aurais fait mieux ! Si c'est ça, le progrès technique à la kil'darienne, ça promet. M'est avis - mais ne le dites pas, ils pourraient se vexer, on les dit soupe-au-lait - que ces soit-disant savants sont de misérables jean-foutre qu'une discussion un tant soit peu rationnelle va vite démasquer. Oui monsieur.

Madame Rose ne partage pas mes doutes. C'est normal : je n'en ai pas parlé. Pour ce que j'en devine, elle attend beaucoup des discussions à venir. Alors je marche, avec elle, parmi tous ces gens curieusement vêtus, au patois horrible, aux manières brutales et aux véhicules improbables. Même leurs bicycles sont dangereux !



Très attentif à ne pas me faire écrabouiller par tout ce qui rampe, roule, glisse et saute dans les rues encombrées de ce quartier de dingues, je suis l'érudite jusqu'à ce qui ressemble à un boxon haut de gamme : le genre de lupanar où vous allez croiser des grosses légumes en slip, courant et ahanant dans des couloirs moquettés, poursuivis par des poules de luxe armées de fouets factices. C'est dire si je suis surpris lorsqu'elle m'annonce qu'il s'agit, plus trivialement, d'une grande et fameuse brasserie où nous mènerons nos entretiens. Nous ? Je suis supposé dire quelque chose ? Alors même que je ne parle pas un traitre mot de leur foutu idiome ?

Avant d'entrer, je jette un coup d'oeil nerveux à l'extérieur, tel un condamné à mort regardant se coucher le soleil pour la dernière fois...



Puis je pénètre dans l'estaminet.
Si je m'en sors vivant, c'est promis : je résilie mon abonnement à CC.

 

- Bonsoir. Mademoiselle Rhôz je présume? Et vous devez être son confrère dont monsieur Endylion m'a parlé.
Docteur Helhar'sen, ravi de faire votre connaissance. se présente-t-il, avant d'ajouter une pensée destinée aux deux kilsinites.

Pensée :

 
Rhôz serre la main tendue par un homme d'âge mûr, dont la coiffure un peu en bataille contraste avec l'élégance de la tenue.

Enchantée de même de vous rencontrer, Docteur.

Voici Lohan, mon assistant.

Cette fois-ci elle n'oublie pas de le présenter...

Pensée :
Formule de politesse un peu convenue, pour éviter d'entrer dans le vif des sujets avant que tous les convives soient présents.

 
Quand je vois s'avancer le docteur, ma première pensée est qu'un client plus dégourdi qu'un autre - ou quelque employé de la brasserie - nous aura trahis et vendus aux Soupirants, la police politique secrète de l'Outre-Science.

Il faudra que je vous raconte - une autre fois peut-être ? - quelles sont les méthodes de cette sinistre institution : elles ont fait l'objet d'un dossier complet du « Monde Invisible », le bimensuel clandestin crypto-anarchiste ronéotypé par l'obèse qui habite deux étages en-dessous du mien. Je le croise souvent dans les couloirs de l'hôtel, lorsque je rentre tard : les bijoux de famille au grand air, simplement vêtu d'un marcel puant la vieille pisse, il glisse son périodique pamphlétaire sous les portes des chambres, en essayant de ne pas se faire chopper par le gardien... Mais je m'égare.

M'ébrouant mentalement, je rentre la tête dans les épaules - c'est un réflexe de tortue, désolé - et vais prendre la main du krolane... avant de réaliser qu'il la tend à l'érudite. Evidemment. Je range la mienne dans sa poche attitrée, penaud, avec le sourire navré d'un gamin pris en faute.

Notre hôte a le bon goût de s'exprimer en langue commune ? J'en suis presque ému. C'est une petite élégance, un simple détail, mais qui pourrait traduire quelque bienveillance envers l'étranger que je suis. Elle m'incite à sortir de mon mutisme usuel, ce n'est déjà pas si mal :

- B-bon-bon-b-bonjour, d-docteur. Pa-aa-ar-donnez mon élo-cucu-cution hééé-ésitante...

Oui, je sais, ça surprend. Personne ne parle le k-kr-krok-krolane, au Kil'Dara ?

Et voilà que je reçois, au moment même où je bégaie fort poliment, un message télépathique de bienvenue.
Malédiction ! Le sémillant bonhomme est adepte de la conversation encapsulée, paroles et pensées mêlées ! Et madame Rose qui lui emboite le pas !

Comment se fait-il que tout le monde ait la parfaite maitrise de cet art consommé, sauf moi ??
Me raclant la gorge, je pose ma tête dans les mains, me masse les tempes et pense à l'intention de mes deux vis-à-vis :

Pensée :

Puis je me lève, associant le geste à l'idée.
Marcher jusqu'au zinc me décrispera...

 

- Enchanté monsieur Lohan. Je vous en prie, il n'y a pas de souci.

Pensée :

Pensée :

 
Dire que Vic était blafard en entrant dans le restaurant eut été un euphémisme. L’architecte était maladif. Jamais sa condition de Lanyshsta ne lui avait semblé plus un fardeau depuis que le pacte d’entente non explicite des Lanyshstas du tourbillon s’était effrité pour tomber en poussière. Pas tomber en poussière ; c’était le voile de l’illusion qui s’était levé. Au fond, tous avaient cru qu’ils pouvaient se faire confiance, et la réalité, mécontente de cet angélisme s’était révoltée. La confiance n’existait plus. Seul importait désormais le respect. L’éminence de la réflexion et de la pensée, cette déesse qui se haussait au-dessus de tout communautarisme, devenait la seule boussole à suivre. Jade… Yloyse… A quel funeste jeu d’échec jouez-vous ? Jade avait cueilli sa déroute, Yloyse l’avait réconforté sur sa solitude. La trahison de l’une ou de l’autre serait de toute façon amère.
Il avait demandé des explications à Jade. Il n’en avait pas demandé à Yloyse.
Pourquoi ? Parce que Jade était l’accusée. Parce que Jade revendiquait et était coupable d’un meurtre. Alors quoi ? Yloyse avait gagné la bataille de l’opinion et joué avec les passions et tous avaient perdu le sens logique. Au lieu de comprendre ses motifs, ces imbéciles avaient pointé du doigt la seule personne qui ait jamais fait quelque chose de concret pour les aider.Passion… Quel poison tu étais dans le cœur de petits Krolannes. Vic avait pleuré en apprenant, en pensant la mort d’Yloyse, synonyme de mort de Jade, mort de leur espoir. Mais Jade ne s’était pas laissée pas emporter par la vague d’incompréhension générée par son acte et, avec une habileté toute politicienne était revenue sur le devant de la scène.
Jade avait parlé. Et son espoir, un instant recouvré, s’était retrouvé plongé dans un abîme d’incompréhension et de malaise… La toile tissée était large. Il aurait pu en être, il en était peut-être. De même pour le docteur.
S’il avait su plus tôt… Il aurait recommandé à ce dernier de ne pas venir. Car le danger était maintenant réel. Et double.
Krolanne et Lanyshsta.

« La table de mademoiselle Rhôz… Je vous prie… »

Les verres teints devant les yeux, l’architecte attend que le TKAV (Transport Krolanne à Axe Vertical) parvienne lentement au balcon ad-hoc. Reflet de déchéance, son image projetée par un miroir placé innocemment à même le mur dévoile sa silhouette légèrement amaigrie, enveloppée dans un deux-pièces et serré d’une cravate qui ressemble fort à la corde du pendu qui bientôt va balancer. Il aurait dû accepter l’invitation de Rose, refuser celle de Rhôz, et se faire porter pâle auprès des deux Kil’sinites et aller admirer la nouvelle collection de papillons des serres du jardin botanique.
Allons, le docteur était déjà là accompagné des deux acolytes. Ils ont l’air de converser. Vic sent une goutte de sueur perler à son front. Une pensée s’envole et frappe le docteur de plein fouet :

Pensée :

Le pas sec des deux chaussures de Vic fait craquer le sol du restaurant alors qu’il se rapproche et observe de derrière ses lunettes, sonde sous toutes ses coutures l’étudiante.
Rhôz… Si tu savais à quel point tu étais dangereuse.
Et lui… L’assistant… A l’air d’un vrai scientifique, le regard dans le flou, un peu paumé, un peu stressé, idée qui amuse l’architecte…
Sans se dérider, sans un sourire, Vic tend une main gantée de noir à l’étudiante et à son assistant. De la soie.

« Je vous remercie d’avoir accepté mon invitation. Je suis Endylion. »

Il incline la tête vers Helhar’sen :

« Bonsoir docteur… »

Puis, se tournant vers les deux convives :

« Vous avez fait bon voyage ? »

Ne manquait plus que la mystérieuse invitée du docteur.

 
Le Docteur s'installe à leur table et ne peut s'empêcher de remarquer les contrastes d'élocution de Lohan.

Pensée :
Et elle n'a sûrement pas fini de faire la découverte des facettes de sa personnalité.

Peu après les rejoint un homme dont l'allure est pleine de lividité. Une mauvaise santé ou une grande fatigue. Certains jour Rhôz n'aurait sans doute pas été loin de cet état non plus.

Le voyage s'est bien passé, oui.

Ravie que nous ayons cette occasion de nous rencontrer. Nous sommes presque au complet, je crois ?

On attend plus qu'une cinquième larronne, à ce qu'à compris l'étudiante.

Pensée :

 
- Je v-vous pr-prends aussi des ca... des caca... des cacahou... c-c-c... hou... je v-vous p-prends des oeufs d-durs !

La serveuse me regarde comme si j'avais vomi sur ses pompes, puis me pose un plateau sous le nez en me montrant le présentoir tout proche :

- Servez-vous. C'est une pièce pour deux.

J'ai chaud, je respire mal, comme si je manquais d'air. J'éclaircis mon col d'une main fébrile, extrayant le Dé de sa cachette sans l'avoir voulu. La krolane ne me regarde plus, déjà partie vers un autre client. Rentrant la breloque sous ma chemise, je manque de me brûler... bon sang, c'est ce truc qui m'oppresse ! Et si j'allais m'en débarrasser dans les toilettes ? Qui sait, ça pourrait marcher, cette fois ?
Mais pour l'heure, je suis attendu.

Prenant six oeufs, une salière, quelques verres, une eau-de-vie de prune (j'ai besoin d'un remontant) et un broc d'eau claire, je règle la note et reviens lentement vers notre tablée. Le plateau, tenu d'une main faible, menace de se renverser à trois reprises... mais j'arrive à bon port, juste avant monsieur Andy Lion.

Lorsque ce dernier se présente, il m'apparaît un poil crispé, sur son quant-à-soi. Et quand j'y repense, le docteur Helhar'sen semble inquiet. Moi-même étant des plus nerveux, j'ai soudain l'impression étrange de partager quelque chose... avec ces deux-là ; je me moque de ce qu'ils pensent, en fait, mais je perçois ce qu'ils ressentent. S'ils sont tendus, anxieux, sur la défensive ou plus simplement prudents, c'est qu'ils ne me veulent aucun mal. J'ai rencontré bien des salauds, dans ma courte vie, et s'il est une chose qu'ils partagent tous, c'est... l'assurance.

Les gens sûrs d'eux me glacent les sangs.

Je prends la main tendue du nouveau venu sans appréhension, me fendant d'un :

- Tr-très heur-rr-reux, monsieur-sieur Lion.

Je ne pousse pas la familiarité jusqu'à lui donner du "Andy", même s'il m'est sympathique.
Est-il docteur, lui aussi ? Et si oui, docteur en quoi ? L'érudite, pour ce que j'en sais, a récemment soutenu sa thèse. Fichtre, il y a plus d'intelligence à cette table que dans toute ma généalogie depuis le stade amibe !
Je vais faire tache...

La curiosité l'emportant sur l'angoisse, je demande d'une voix fragile :

- Di-i-dites moi, d-docteur Helhar'sen... quelle est v-votre d-domaine de c-compétence ? Quel champs d-de la rech... rech... rech-cherche s-scientifique-que p-pr-pra-pr-pratiquez-vous ?

Je précise ma pensée, l'expression pince-sans-rire :

Pensée :

 

Pensée :

- Et bien pour tout vous dire, monsieur Lohan, j'officie dans une petite cellule médicale, et mon quotidien consiste plus à soigner mes congénères qu'à consacrer du temps à la recherche. Je suis un médecin de quartier si vous préférez.


- Et vous-mêmes? Monsieur Endylion m'a dit que vous étiez des personnes de science, mais il est resté très mystérieux pour le reste... leur demande-t-il après un bref sourire à Vic.

 
Le Chardon d'émail était une lumière parmi les milliers qui éclairaient le stroboscope jour et nuit. Aussi haut dans le quartier, on aperçois même le ciel entre deux nuages de vapeur. Tu avais presque oublié sa présence, lui qui ne montre jamais sa frimousse bleutée au Ras-du-Sol, alors tu l'observe quelques instants songeuse. Une pensée étrangère te sort de ta quiétude, le Docteur s'impatiente, il est temps de faire ton entrée.

L'énergumène chargé de l'accueil de l'établissement te jète un drôle de regard, tu es crasseuse comme à ton habitude et ta combinaison d'agent d'entretiens semble le rendre perplexe. Visiblement il n'en a jamais vu d'aussi petit, son esprit dois être en train de lutter pour protéger la bulle qui l'entoure, imperméable aux conditions précaires des gens du Bas. Tu hésite un instant de lui dire que tu viens réparer la K.F.T.I.R (Ka'Féinatrice Tuyauté à Intense Résolution), un machine dont les derniers modèles sont particulièrement prisé par les bouis-bouis du coin et les chercheurs du kil en besoin d'énergie pour faire fonctionner leur matière grise. C'est étonnant le nombre de porte qu'une telle déclaration peu ouvrir…

Mais tu te ravise, et tu lui dis que tu viens rejoindre ton oncle, un grand krolanne qui porte des verres sombres devant les yeux. Il te pointe rapidement dans la bonne direction et tu disparait pour rejoindre le groupe sans vraiment lui donner le temps de t'accompagner. Il te suit tout de même, le pas rapide, pour s'assurer que tu ne va pas déranger des clients. Alors à ton arrivée à la table tu te plante à côté de Vic.

Salut tonton Endylion, désolé du r'tard, encore une foutue valve qu'a pété au niveau 17-J.

Puis tu te tourne vers Helhar'sen et ôte un chapeau imaginaire pour le saluer, alors que ton poursuivant repart en direction de l'accueil en marmonnant dans sa barbe inexistante.

Doc'.

Il ne manquera pas de remarquer, sans doute, que le bandage sur ta main n'est plus là et que la brulure semble cicatriser normalement. Finalement tu te pose sur une chaise et ton regard se tourne vers les deux autres krolanne assis à la table.

M'sieurs dames.

La partie peu commencer.

 
La dernière venue n'est pas très grande et bien jeune. Elle se présente comme nièce d'Endylion mais a peut-être autant de lien de parenté avec lui qu'en ont Cal et Rhôz. Son allure pas très propre évoque celle d'une enfant des rues ou d'une souillon d'atelier, comme on en croise beaucoup dans certaines parties de Kil'sin. Elle n'a pas donné son nom.

Enchantée. Je suis Rhôz, de Kil'sin, et voici mon assistant Lohan.

Elle désigne son compagnon, tout juste venu avec du ravitaillement.

Pour revenir sur la question du Docteur, nous faisons partie de l'Institut comitaire des grandes études. C'est l'un des principaux comités universitaires de Kil'sin. Mais vous en avez sûrement entendu parler.

Plus précisément, je suis étudiante-enseignante, et je suis en train de valider mon statut officiel de chercheuse au sein du sous-comité de Philologie comparée. J'enseigne un peu les patois et je mène quelques recherches plus ou moins libres. Je suis d'ailleurs venue ici pour me documenter sur l'histoire des souterrains et quartiers abandonnés de la Cité.

Elle s'empare d'un œuf et commence à l'éplucher, avant de reprendre télépathiquement.

Pensée :

 
Vic serra les mains qui se tendaient vers lui en acquiesçant d’un signe de tête. Rhôz avait raison. Il était beaucoup plus agréable de discuter face à face.
Bon… L’assistant avait l’air à moitié bègue à moitié taré, définitivement très nerveux. L’étudiante, elle, était d’un professionnalisme exemplaire presque raide, dans sa posture, sa prestance. Puis arriva la gamine. « Tonton Endylion ».

Cette voix…

Vic tiqua.

Foutrevilebrequin. Eliane? A la voix pleine de cette espièglerie malsaine, qui courait on ne savait quoi dans les faubourgs.
Eliane. La première Lanyshsta avec qui il était rentré en contact.
Eliane. Qui connaissait son nom, sa profession, en clair son identité, Victorion Averson, architecte de la bâtisse du comité du Bien-Etre de la Krolannité.
La soirée commençait décidément bien plus mal que prévu.

Tu aurais pu te changer ; on a des invités de marque, souffla sèchement l’architecte…

Rhôz contait ses recherches et son savoir. Certes, tout cela était intéressant, la philologie, les tunnels, tout ça… Mais à quoi cela servait-il? Des problèmes bien abstraits pour des esprits un peu terre à terre. Mais un peu d’indulgence. Au fond, c’était le formalisme mathématique une élévation de l’esprit et la transduction de l’abstrait au concret par les théorèmes de divergence et de convergence d’Endylion dal Balera qui avaient permis à Vic de commencer à comprendre sa condition de Lanyshsta.

« Les quartiers abandonnés de Kil’dara… je devrais pouvoir vous obtenir quelques documents à ce sujet. Certains des travaux de ma cellule se sont portées aux souterrains et aux frontières de ces endroits désertés. Mais je n’en ai jamais été directement responsable.»

Puis Rhôz évoqua la possibilité d’une alternative si l’on venait à être découvert. C’est juste, envisageable. La question des pouvoirs surnaturels. Bon, les thématiques étaient bien définies. Vic risqua un mot au sujet de la sécurité :

Pensée :

Regard torve à Lia. Retour vers Rhôz.

Pensée :

Vic baissa les yeux vers Lia.

Pensée :

Vous n'êtes pas trop dépaysés? Dit Vic avec un sourire complaisant en regardant Lohan visiblement pas très très à son aise.

 
Pensée :

Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? De quoi je me mêle ??

Pensée :

Que t'es con, Lohan ! Ferme-la !

J'envisage de m'éplucher un oeuf lorsqu'une très jeune fille rejoint notre table. Quand l'érudite me présente, je me fends d'une brève et silencieuse inclinaison du chef. Si parler devant des adultes m'attire parfois des sarcasmes, ânonner comme je le fais devant des ados est carrément suicidaire : grosse marrade et foutage de gueule - voire violences physiques - garantis ! Qui plus est, la discussion prend de l'épaisseur, ce n'est pas le moment de digresser.

Monsieur Lion m'adresse alors la parole. Impossible de me taire sans passer pour un parfait crétin (soit) doublé d'un grossier personnage (ah non, pas devant madame Rose). Je réponds donc :

- S-si, bien s-sûr. Je... t-tout, dans v-votre quar-ar-quartier, m'impressionne. A c-commencer p-par vos ma-aa-mama-machines. Mais j'apprécie la qu-qualité de v-votre accueil. Je m-me sens plutôt b-bien en v-votre compagnie. Ca me ch-ch-change de n-notre dernier entre-tretien...

... avec tête-de-cloches.
N'est-ce pas, madame Rose ?

 

Pensée :

- Je suis ravi d'entendre que vos premières impressions sont bonnes, ajoute-t-il alors qu'un court instant de flottement s'installe suite à sa référence à leur précédent entretien, et j'espère que la suite du repas sera à la hauteur.
Ceci dit, en ce qui concerne les reliquats du Kil, on n'entend pas que des choses rassurantes à leur propos... j'imagine que vous avez déjà eu des échos avant de venir? dit-il, commentant le sujet de conversation "officiel" tandis qu'il complète télépathiquement sur le motif réel de leur rassemblement.

Pensée :

 
La Rose et le Bègue, ils forment une paire inattendu, intéressante. Mais ils restent des sinnites, des voleurs de vromballes, encore plus indigne de confiance que les dariens… Comme s'il existait un krolanne ou un lanyshsta en qui tu avais confiance. Tu désigne le nom en lettre dariennes brodé sur ta combinaison pour répondre à leur présentation.

Aelyne.

Tu offre ensuite un sourire espiègle à l'Architecte pour sa remarque sur les vêtements, ravi de le voire se prêter au jeu avec autant de facilité, sa transformation semble avoir changé le coeur de son être, remplaçant naïveté par une prudence blasé. Alors les pensées commencent à fuser, voilà qui promet une soirée divertissante.

Pensée :

Puis vint l'interrogation sur les parties abandonnés du kil, il est vrai qu'il existe de nombreuses usines et laboratoires, bureau et coursives, qui lorsqu'un objet d'étude ou de production est rendu obsolète par l'Outre-Science, sont désaffecté en attendant leur réassignation par le Conseil d'Attribution des Ressources. Tu n'en as exploré qu'une parcelle infime, en recherche de ressources exploitable abandonnées, mais ce n'est pas comme si les invités ont besoin d'en savoir plus à ce sujet… D'autant plus que la Rose parle sans doute des ruines à l'extérieur des Sharss que tu n'as jamais visité. Pas encore.

Pensée :

Tu laisse ensuite les adultes à leurs conversations mondaines, et fondamentalement inintéressantes, pour te concentrer sur l'observation de la paire de philologues en herbe. Tu lance un bref regard au Docteur lorsqu'il mentionne l'oeil, mais tes orbes pâles reviennent rapidement sur les sinnites lorsqu'il mentionne l'expédition du fortin.

Ta curiosité est à son comble, mais se glisse pas sur ton visage, laissant la primeur de l'embarras, l'indignation, et l'indifférence à tes comparses de la soirée.

Qui qui fait quoi? Intéressant n'est-ce pas?

 
Ah, la foutue question des évènements du fortin... comment y échapper ? J'espère simplement pour ma pauvre érudite qu'on n'y passera pas la soirée, je sais qu'elle n'est pas venue pour ça...

Ce que j'en pense, elle le sait bien. J'ai encore notre dernier échange en tête :

Depuis l'éveil, la mort elle-même n'est plus ce qu'elle était. Désormais, il semblerait qu'elle ne soit guère qu'un aléas, si tant est que les deux victimes du règlement de compte susdit en reviennent indemnes. J'imagine que chacun n'y verra qu'un magnifique cadeau quand j'y vois, pour ma part, une extraordinaire invitation à "tuer" sans état d'âme...

S'il n'y a plus de mort, il n'y a plus de meurtres et déjà, ce mot terrible perd de sa substance. Jade, finalement, n'a tué personne. Cet argument puant, soyez sûr que nous l'entendrons très vite, lorsque quelqu'un d'autre - ou la même personne - enverra de nouveau l'un des nôtres ad patres : "Il n'est pas mort, allons ! Il n'a fait que taquiner les limbes ! Voyez, il revient déjà"...

La fausse mort à la sauce lanystha, c'est un appel du pied à tous les tarés que la gâchette chatouille : "Faites-vous plaisir, les gars : tuer ne fera plus de vous des meurtriers". Je suis sûr que les pires d'entre nous l'ont déjà compris, et n'attendent qu'une occasion pour le mettre en pratique.

Oui, madame Rose sait exactement ce que j'en pense. Mais qu'en pense-t-elle, elle ? Au fond, je l'ignore. J'imagine qu'elle est tiraillée entre ses principes et la nécessité d'avancer, malgré les obstacles, les chausses-trappes et la propension des nôtres - moi inclus - à coller des étiquettes simplistes ("meurtrier", "psychopathe", "lâche", "digne de confiance"...) sur leurs pairs...

A question honnête, réponse honnête. Je n'ai pas envie de soûler l'auditoire avec mes grandes cogitations, alors, j'opte pour quelque chose de sobre :

Pensée :

A cet instant, l'adolescente pointe sa combinaison : Aelyne.

Aelyne ?
Sérieusement ??

Bon sang, j'espère que j'ai tout faux, parce que dans le cas contraire, n'importe quel cruciverbiste amateur ou branleur oisif - comme votre serviteur - va lever le lièvre !
Que faire ? La prévenir de la faiblesse de sa ruse - et passer pour un gros con bouffi de suffisance, un vrai bonheur - ou la boucler, ce qui n'est guère charitable ? Putain de dilemme...

J'ai trouvé !!

Je vais passer par le toubib. Apparemment, c'est un brave type.
Si j'ai raison, ça vaut le coup et si j'ai tort... peu importe.
Je pense donc à son intention exclusive :

Pensée :

Je ne la connais pas, mais elle ne s'est pas pissée dessus quand j'ai bredouillé ma lamentable prose.
Rien que pour ça, elle a tout mon respect.

Note : sans indication contraire, considérez que Lohan adresse ses pensées à tous les convives :)

 
Il est vrai que l'histoire des quartiers perdus de Kil'dara rejoint la sombre histoire du Kil'darogan, et qu'il y a là quelque chose qui rend les souterrains d'ici encore plus mystérieux et chargés d'histoire que ceux des autres sharss. Mais je m'intéresse pour le moment à des évolutions plus récentes dans le passé de la Cité.

Ce serai en tout cas avec grand plaisir que je jetterais un œil à toute documentation que vous pourriez me fournir, Monsieur Endylion.

C'est à ce moment que Lohan mentionne de « précédents entretiens » dont l'évocation pourrait faire dévier la conversation sur des sujets moins académiques. Mais force est de reconnaître que leurs interlocuteurs kildariens semblent avoir la tête mieux posée sur les épaules que la plupart des Lanyshtas qu'ils ont rencontrés jusque-là.

Puis voilà l'histoire du Fortin qui resurgit. Elle pèsera comme une ombre sur la discussion aussi longtemps qu'elle n'aura pas été abordée... Autant en parler maintenant.

Pensée :

 

Pensée :

Pensée :

 
A Lia :
Pensée :


Averson sourit à Rhôz :

“Je verrai ce que je peux faire. Contrairement à une cité ou le taux d’abandon atteint souvent les lieux les plus en périphérie, le Kil’dara voit ses lieux désaffectés, à distinguer des bas-fonds où il règne une réelle activité, ou plutôt ses lieux désertifiés localisés en point noirs au creux de la cité. Un peu comme un fromage troué. De fait il y a de l’activité partout, et, vous n’aurez surement pas manqué d’apercevoir la zone agraine par-dessus laquelle passe le monorail pour Kil’sin juste avant d’arriver. L’activité est localisée partout, bouillonnante… Et parfois, certaines zones fonctionnelles de la cité meurent… Le rôle des architectes, de quelque cellule qu’ils soient est de remédier à ce problème en remplissant ces abcès avec du neuf. Le reste du conseil du bien-être dont fait partie le docteur et auquel ma cellule est affiliée s’attache ensuite à des travaux sociologiques pour repeupler et remettre au travail ces zones. Parfois cela marche, comme la grande campagne de désinfection du bacille DM (Debilitus Mortiferum) qui avait fait déserter le secteur de l’Espart. Vous aviez sûrement été sollicité docteur à ce moment-là… Parfois moins… L’affaire de Romonporte, de Romon, le conseiller d’Archaos qui avait conseillé de construire plus grand dans un quartier où une usine avait été délocalisée… Après destruction, on s’est rendu compte que le terrain était marécageux. Romon a dû démissionner. Excusez-moi. »

Vic se dirigea vers le buffet et en profita pour répliquer son opinion sur l’affaire du fortin.


Pensée :


Le jambon avait l’air délicieux et était tout frais. Les effluves de viande aux narines, Vic se pencha prit un morceau de pain aux olives, et agrémenta le tout avec un pamplemousse. Il adorait le pamplemousse. Cela lui rappelait sa jeunesse. A l’époque, il le détestait.

Pensée :

Un regard en biais à Rhôz… Cocotte, tu es dans la toile tout comme je le suis, songea Vic. Nous sommes tous les deux persuadés de maitriser les différents éléments, pourtant l’on joue avec nous de plus haut… Vic revint s’asseoir, l’assiette remplie. Au vol, il attrapa un verre de vin vert.

« Docteur, pouvez-vous me passer le poivre ? »


Il leva son verre et jeta :

« A la science, mes amis, à nos invités, à l’objectivité, qui nous permet de garder la tête froide, de garder du recul et de faire avancer nos recherches respectives. »

Pensée :