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La réponse de la bergère au berger
Dans certains jeux, il faut y mettre un peu du C.I.E.N.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 24 Dasawar 814 à 13h34
 
La théorie du miroir avait ses adeptes.
Après tout, elle se basait sur une observation assez exacte de la mentalité krolanne, à savoir que chaque personne a tendance à se prendre pour le centre du monde.
Conséquence, ils adaptent le monde à leurs propres perceptions, leur propre code moral.
Autrement dit, quelqu'un dira "c'est le plus beau" en désignant un tableau parmi cent qui, pour lui, semble le plus beau.
De même, au combat, on frappe là où ça fait mal, le "ça fait mal" dépendant des zones où on pense que cela fait le plus mal. Généralement, là où on est soi-même le plus sensible.
D'où la théorie du miroir : si vous voulez faire mal à votre adversaire, frappez là où lui tente à tout prix de vous atteindre.

Bien sûr, confronté à des personnes un tant soit peu intelligente, et qui ne sous-estimait pas votre propre intelligence, cette théorie devenait caduque, dangereuse : il était facile d'être opposé à des adversaires choisissant leur cible en fonction de leur propre point fort, variant les coups par enchainement aléatoire, choisissant ses cibles par statistique globale, ou encore quelqu'un nous ayant bien étudié.
Jade avait donc tendance à ne pas trop s'y fier.
Sauf que, dans les cas les plus bouleversants, principalement sur un plan émotionnel, on pouvait revenir à l'instinct et même le plus malin, sans un entrainement adéquat de contrôle des émotions, en venait à ne voir que par le petit bout de la lorgnette.
Proférer des menaces instinctivement...

Dites j'ai un jeu à vous soumettre. Si cette Krolanne meurt, je promets de dénoncer la Krolane meurtrière aux autorités compétentes de son Kil en tant que Lanyssta. Vous voulez jouer? suivi peu après de J'avais énoncé des avertissements. Considérez les comme immédiatement applicables. Soyez assurée que ce n'est que partie remise et que je n'oublierai pas ce que vous avez fait ce jour.
Tels avaient été les propos tenus. Propos qui, avec la menace encore plus directe de la lame brandie, avaient signé l'arrêt de mort du Papillon.
Sauf que pour éphémère qu'il fut, il était revenu virevolter rapidement.
Peut-être serait-il trop lâche pour mettre sa menace à exécution, conscient qu'attirer l'attention sur lui pourrait être néfaste, peut-être l'avait-il déjà fait, profitant des limbes comme d'un moyen de transport révolutionnaire.
Peu importait, une menace restée sans réponse était un aveu de faiblesse, une incitation à l'acharnement.
Et tout comme la mort de la Bleue avait -entre autres choses- servi de message à sa comparse Kil'sinite, Jade s’apprêtait à envoyer un deuxième message : quand il s'agit de jouer avec le feu, elle ne restait pas dans les ténèbres.

A moins que...
Que ce soit un piège ?
Qu'il ai proféré ses menaces en espérant la faire réagir, estimant que la réaction porterait sa propre sanction ?
Hautement improbable. Si elle avait sous-estimé son adversaire, elle serait déjà morte, mais il avait déjà prouvé que la sur-évaluation de ses capacités était une erreur à ne pas commettre.
Hypothèse retenue : il le pensait vraiment.

Bon, maintenant, inutile de trop tergiverser : le Kil'dara l'attendait.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Julung 25 Dasawar 814 à 11h37
 
L'entrée avait été relativement simple.
Avant de faire ses adieux à Norlail, Jade lui avait finalement vendu sa carabine lourdement améliorée. C'était une transaction à l'image même de leur relation : mutuellement profitable. Lui avait récupéré une arme bien plus efficace que ce qu'il aurait pu trouver dans le commerce, pour une somme relativement faible, et elle-même avait récupéré de quoi subsister quelques temps en ville, tout en se débarrassant d'une arme qui aurait pu lui causer des problèmes à l'entrée : ce n'était pas la même chose que d'entrer en touriste par le monorail, que d'arriver, armée, par les portes !
Elle avait également à nouveau dissimulé Nicodron, les questions qu'il était susceptible de soulever ne parvenant pas à être compensée par toutes les réponses qu'il pourrait apporter.
Au moins, là, après une fouille sommaire, elle avait juste eu à remplir une fiche de renseignements dont, l'avait-on assurée sur un ton pédant, "chaque élément serait vérifié".
Elle l'espérait bien, dans la mesure où elle avait pris bien soin, chaque fois que cela était possible, de coucher sur le papier l'exacte vérité. Y compris dans la case "objet de la visite" où, d'une écriture précise, elle avait noté "entrevue au sein du C.I.E.N. - sous-section traitant le problème Lanyshstas." Sitôt le document lu à l'envers par le krolanne de garde, l'ambiance avait quelque peu changé dans le petit poste de garde. Plus distants, plus méfiants...


Vous... Avez rendez-vous là-bas ?
Pas encore.
Mais vous y allez ? Genre vraiment ?
Vraiment.
Parce qu'on ne peut pas vous laisser entrer sous prétexte d'une visite que vous ne feriez pas, hein...
Que diriez-vous d'envoyer quelqu'un au C.I.E.N. pour prendre un rendez-vous pour moi ? Pendant ce temps je resterais à votre disposition, pour peu que vous m'apportiez de quoi écrire.
Quoi ? Mais non ! On est pas vos larbins, Kilsinite, et en plus ils vont nous envoyer chier au C.I.E.N. si on s'amène la bouche en coeur pour réclamer un...
Précisez en objet du rendez-vous : Identification. Et compte-rendu d'élimination.


Elle les tenait.
Oh, pas tous, bien sûr -un des plus jeunes avait eu un ricanement méprisant, et un des plus vieux semblait ne pas croire un mot de "l'engeance Kil'sinite", mais le responsable du poste avait un doute, et c'était cela qui comptait.
Il hésitait.
Vraisemblablement, elle se fichait d'eux. Mais il existait une petite probabilité pour qu'elle dise vrai. S'il causait des ennuis à une chasseuse de Lanyshsta, membre détachée du C.I.E.N. au Kil'sin, il risquait de ne pas s'en remettre. S'il jouait le jeu, la prenait au mot et l'amenait jusqu'au C.I.E.N... Qu'elle leur ressorte le même baratin à mauvais escient et ce serait le problème du C.I.E.N., et celui de la Kil'sinite, mais plus celui des contrôleurs des portes.
Le principal problème serait de l'amener de force jusque là-bas.
Il devait en être environ à ce stade de ces réflexions, ce pour quoi Jade enfonça le dernier clou.


Une fois le rendez-vous pris, je vous serez gré de bien vouloir m'indiquer un guide, les lieux ne me sont pas familiers. Et j'aurais un autre service à vous demander.

Parfait. Le fait de laisser une ouverture béante à une possibilité d'escorte -sans avoir la morgue d'en demander une- indiquait que le colis serait livré. Du point de vue du garde, il réduisait quasi à néant les risques.
Sitôt un messager parti, et avant de demander pour sa "course", Jade demanda de quoi écrire.
Comme toujours : espérer le meilleur, mais se préparer au pire...



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 20 Jangur 815 à 14h26
 
Quand elle demanda qu'on fasse une course pour elle, il y eu un flottement, mais il suffit d'évoquer son arme perdue dans des "circonstances" pour que, sentant tout le poids des guillemets, on aille lui chercher un fusil (après qu'elle eue prouvé qu'elle était capable de payer, bien sûr).

Il s'agissait d'accentuer le doute. A tenter de les utiliser ainsi, à prendre ses aises avec un détachement certain, elle renforçait l'idée qu'elle était en train de se ficher d'eux. Mais ils semblaient mettre une bonne dose de confiance dans le traitement que lui promettait le C.I.E.N. dans un tel cas : sans savoir précisément les sanctions encourues, il était clair qu'une kil'sinite se moquant d'une des plus craintes des institutions du Kil'dara risquait de gros ennuis.
D'un autre côté, son calme, sa détermination, pouvaient aussi se mettre sur le fait qu'elle disait l'exacte vérité. Et même si le Kil'dara était le Kil où la chasse aux Lanyshstas était la plus répandue, sans doute avec de belles bavures au milieu du lot, rares étaient ceux qui pouvaient se vanter d'avoir vu un Lanyshsta. Plus rares encore ceux qui en avaient éliminé un...
Alors un étranger éliminant un lanyshsta qui collaborait avec le C.I.E.N., il y avait toutes les chances que ce soit une première, ou que ce soit suffisamment rare et secret pour qu'aux yeux du public ce soit une première.

Le tout était de jouer sur leurs craintes, leur assurer qu'ils ne risquaient rien, tout en pouvant peut-être en tirer quelque chose.
Alors on prit la commande, on lui fit remplir plusieurs documents, elle du voir son argent compté et recompté, les taux de changes étant calculés puis, décidant qu'ils ne risquaient définitivement rien, quelqu'un d'autre fut détaché.

***

Jade eut le temps de rédiger sereinement sa lettre, en quatre exemplaires, s'aidant ostensiblement de son brouillon.
Chronologie.
Comment envisager les éléments à prendre en compte ? C'était assez simple, en fin de compte. Depuis la création des Comités de Vigilance, elle récupérait l'essentiel des affaires louches -enfin l'essentiel des affaires louches traités par les Comités de Vigilance, le Kil'sin n'avait pas attendu leur création pour avoir des affaires louches à traiter, et de petits comités d'enquêtes, souvent personnels, étaient en permanence sollicités- et pour cela il fallait ne négliger aucun détail, essayer de trouver la moindre faille, le moindre artefact prouvant une manipulation. Des interrogatoires serrés, indépendants, précis.
Il lui suffisait donc de se poser une simple question : "comment aborderais-je la question si on venait me voir avec l'histoire que je viens de raconter ?" et mettre en place une parade à chaque faille qu'elle aurait pu déceler.

Bien sûr, la technique n'était pas parfaite. L'essentiel de ses précautions seraient sans doute de l'énergie de perdue. Et il était toujours possible que son interlocuteur trouve une faille qu'elle-même n'avait pas décelé. Après tout, elle ne connaissait pas la méthode Kil'darienne en la matière.
Mais ce n'est pas comme si elle avait le choix...

Le fusil fut ramené, et une foule de nouveaux papiers signés : s'il était possible à un Kil'sinite d'acheter une arme au Kil'dara, cela ne se faisait pas sans un tas de paperasse, visiblement !
Puis, alors que midi était passé et qu'on lui autorisa une petite sortie (encadrée) pour aller se restaurer, le garde envoyé au C.I.E.N. revint, semblant ne pas trop savoir si la nouvelle qu'il portait était bonne ou mauvaise, ou encore si tout ses collègues n'allaient pas éclater de rire en lui disant que c'était une bonne blague : le rendez-vous était pris.

Et c'est en compagnie d'un des gardes des portes que Jade se dirigea - à un arrêt près auprès d'un des équivalent des malles-postes- vers l'un des nombreux postes secondaires du C.I.E.N. Pas la grosse structure principale au coeur du Kil. Pas non plus un de ces bâtiments visibles, destinés à rassurer la population, et à traiter les cas courants.
Non, c'était un des petits, discrets, au sein des coursives urbaines.
Mais un de ceux habilité à traiter le cas des Lanyshstas.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 20 Jangur 815 à 16h18
 
Le bâtiment était décevant, et la personne à l'accueil plus encore.
Son accompagnant l'avait mené à bon port et s'était présenté au quinquagénaire ventripotent, échangeant quelques mots à voix basse.

Jade comprenait le patois du Kil'dara. Un peu. Théoriquement. Mais comprendre ce qu'une personne essaye de vous expliquer patiemment, ou saisir le sens de quelques phrases marmonnées rapidement, dans un contexte technique et qui plus est dans ce sous-patois très particulier qu'on nommait parfois "jargon de la flicaille" quel que soit le Kil d'origine, et qui restait imperméable aux autres personnes.
Dès qu'elle tenta de lui adresser quelques mots, il lui fit signe qu'il ne comprenait rien. Relativement rare, mais la tendance s'accentuait, dernièrement : de plus en plus de personnes perdaient les bases communes de langage à mesure que l'autarcie des Sharss se renforçait.

Ils attendirent alors, et elle observait. En prenant bien la peine de regarder clairement les choses, que quelqu'un qui l'observerait à la dérobade -comme le krolanne à l'accueil- puisse suivre aisément le cheminement apparent de ses pensées.
L'architecture était très différente de celle du Kil'sin, moins de bois et de céramique, plus de métal. Le fonctionnel primait : une zone de papiers arrivant, une zone de papiers à envoyer. D'ailleurs au bout de quelques minutes, une jeune krolanne sortit d'un des couloirs, déposant quelques pages dans la zone "départ", et jetant un oeil à la zone "arrivée", avant de repartir sans un mot.
Peu, voir pas de décoration. Pas de décoration du tout, en fait, à part un grand tableau couvert d'engrenages juste en face de la zone d'accueil. Quelle bande de malades pouvait trouver plaisir à contempler une série d'engrenages ?
Un éclat dans le tableau.
Ah. Forcément.
Détourner le regard. Ne pas sourire.
Le tableau servait à dissimuler un petit orifice, permettant d'espionner la salle d'attente. Procédé correct, s'il n'avait pas été saboté par le décalage avec le reste. Inutile de leur faire savoir qu'elle avait repéré l'observation.
Inutile aussi de se dire qu'elle avait repéré l'observation. Les rôles eurent-ils été inversé qu'elle aurait mis en place un système de surveillance peu discret, contournable, destiné à être repéré. Pour s'assurer de l'efficacité du second.

Tant qu'on était dans la catégorie des choses inutiles, il était également inutile de tenter de discuter avec le garde des portes l'ayant accompagné jusque sur place : il était visiblement plus stressé que ce qu'elle-même tentait de faire semblant d'être. Il n'aurait pas été bon d'être trop décontractée.

Enfin, la jeune krolanne revint, après près de vingt minutes, lâcha quelques mots dans l'oreille de l'agent de l'entrée, puis lui fit signe de la suivre.
Soupir de soulagement à son côté, son accompagnateur s'apprétait à rentrer au bercail. Décevant.

Mais alors que Jade se dirigeait vers le couloir, quelques mots lancés depuis l'accueil firent se stopper le garde.
Elle n'avait pas tout compris, mais le ton était clair : cela rentrait dans la catégorie "un petit coup à boire avant de partir ?"

Ils allaient donc le garder dans les locaux. Tirer quelques éléments rapides d'un témoin. Pas grand chose, juste une poignée de détails, mais c'était justement par les détails qu'on pouvait faire tomber les plus grands menteurs. Si elle s'était amusée à raconter des fadaises à l'entrée, elle aurait été mise en difficulté dès avant le début de l'entretien.
Mais au moins, si les gardes des portes l'avait prise à la légère, les membres du C.I.E.N. semblaient prendre les choses avec le plus grand sérieux.

Il était temps d'entrer dans la gueule du loup.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 20 Jangur 815 à 16h48
 
Asseyez-vous, asseyez-vous...

Elle avait été soumise à une fouille avant de pouvoir entrer dans la pièce. Pas la fouille poussée, méticuleuse, qu'on réserve à la personne dangereuse, mais quelque chose de néanmoins nettement plus appuyé que la simple frime. Elle avait laissé sans résistance ses armes à l'entrée, et on lui avait demandé, poliment mais fermement, les papiers concernant son arme. A peine remplis, à peine vérifiés. On trouva aussi les papiers qu'elle avait encore sur elle, même si on l'autorisa à les garder.
Et seulement ensuite, on la fit entrer dans la petite pièce, la laissant seule avec son interlocuteur.

La quarantaine, le cheveu noir se teintant de gris sur les tempes, une peau d'un rose assez déconcertant, il portait un petit ensemble légèrement usé, mais sans doute à la mode, deux ou trois ans auparavant.
De petites lunettes, mais aucun signe distinctif par ailleurs.
Enfin... Si, dans l'absolu, tout était signe distinctif, si on voulait vraiment aller dans les détails. La forme d'une oreille, l'implantation des cheveux... Mais ce n'était pas des signes forcément faciles à observer. Ils pourraient permettre de différencier des cadavres, mais pas de localiser la personne au sein d'une foule.

De la pièce, il n'y avait pour ainsi dire rien à dire. Une table faisant office de bureau, deux chaises. Le tout en métal. Une fenêtre donnant sur un mur. Essentiellement métallique, d'ailleurs.
Encrier, papier, et même un repose-papier légèrement incliné, de telle sorte que l'interlocuteur, sur sa chaise lointaine, ne puisse pas observer ce qui y était noté.

Jade se dirigea vers la chaise qui lui était indiqué, posa la main sur le dossier, et... La rapprocha d'un bon demi-mètre du bureau, afin de pouvoir y poser les coudes, joignant ses doigts en cloche devant elle.
Entre le rapprochement de la chaise et sa haute taille, elle avait désormais une vue possible, à défaut d'être facile, sur le repose-papier. Son interlocuteur ne paru pas s'en rendre compte, ou alors il n'en avait cure.


Alors, qu'avons-nous là ?

Il cherchait dans le ton et les expressions à donner à ses propos une vie que tout le reste de sa personne démentait. Les yeux restaient désabusés, les lèvres bougeaient à peine. Il ne respirait pas de crainte, d'excitation, de méfiance ou d'espoir. Plutôt un mélange de fatigue et d'ennui.

Qui avons-nous là, déjà ?

Les premiers mots de Jade depuis sa tentative infructueuse de parler à l'entrée firent relever la tête de son interlocuteur, surpris. Un petit sourire.

Vous avez raison, je ne me suis pas présenté. Brodic Melj. Secrétaire d'archivage du C.I.E.N. Et vous êtes ?
- Jade Srhaggelle. Coordinatrice aux Comités de Vigilance, Kil'sin.


Inutile de chercher à mentir là dessus, vu que le premier réflexe avait été non pas de serrer la main pour parfaire les présentations, mais de vérifier les informations sur le petit papier tenu au creux de la main.
Si chacun des deux savait précisément quelles étaient ses fonctions au sein de sa propre organisation, il y avait fort à parier que la méconnaissance du grade de l'autre était partagé.
Secrétaire d'un Conseil, Coordinatrice d'un Comité... Tout deux n'étant ni "au top du top" pas plus qu'ils n'étaient "grouillots de base". Et tout deux proches des forces de... Régulation des problèmes au sein de leur Kil respectif. Mais cela faisait peut.

Brodic reprit la parole.


Je lis ici "Demande spécifique d'entretien auprès de la sous-section chargée des Lanyshstas. Compte-rendu d'identification et d'élimination. Si vous m'en disiez plus ?"

Elle lui en dit alors plus.


La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 20 Jangur 815 à 20h57
 
Ou plutôt, elle ne dit rien, se contentant de lui tendre une longue lettre qui, elle, en disait long.
Le semi-sourire semi-poli qui s'affichait jusqu'alors sur le visage de Brodic perdit petit à petit de son intégrité, se délitant en une fine ligne de lèvres serrées sur un visage mou par ailleurs.

Parfois s'échappait un petit Oh ou autre bien bien bien murmuré pour lui-même, mais rien de plus.

Lorsqu'on lui avait transmis l'information, lui n'avait peut-être pas oscillé directement dans la direction "canular", mais il devait s'être attardé grandement dans les eaux "exagération typiquement kil'sinite". S'attendant de fait à un récit lointain de trucs incertains rapporté par le krolanne qui a vu le krynänn qui a vu le fuscusien, conclu par une fin tragique et la disparition mystérieuse des protagonistes.
Quelque chose qui n'était pas forcément autre chose que des Lanyshstas... Mais qui restait quand même un vague récit inexploitable.
Là, on sortait clairement du cas classique. Si c'était vrai, c'était complet, détaillé et sans doute un des plus beaux coups anti-Lanyshstas potentiels.
SI c'était vrai.
Et si c'était faux, c'était préparé avec un peu plus de verve qu'un délire d'ivrogne.

Brodic avait désormais l'air plus embêté qu'autre chose. Et comme tout les gens de quelque influence, il tenta bien vite de passer cet embarras à quelqu'un.
Pour l'instant, le choix du quelqu'un était restreint.


BM :Vous êtes sûre qu'ils ne sont pas morts ? Je veux dire, disparu, passe encore, mais s'ils sont morts et disparus... Pourquoi ne pas rester morts ? Vous êtes vraiment sûre qu'ils ne sont pas morts ?
JS : Oui.


Il attendait.
Oh.
Donc pas une question simple, il s'attendait à des développements. Il ne cherchait pas une réponse, mais une preuve.
Ce que les gens pouvaient être imprécis, quand même...


JS : A l'approche de la mort, il y a toujours de la peur.

Éviter les phrases trop typés Kil'sin, aux effets oratoires. Développer. Argumenter. Et éventuellement en profiter pour se rapprocher de la cible.

JS : C'est une constante. Chez les krolannes comme chez les animaux. J'ai éliminé des frobeks, des krynänns, j'ai vu des compagnons mourir, soudainement, lentement, et qu'elle soit exagérée ou dissimulée, vous, moi, tout le monde, s'il a le temps de réaliser son imminence, à peur de la mort.
Là il n'y avait pas cette peur. De la colère, oui. Du désir de vengeance. De la douleur. Tout, en fait, de façon plus facile à percevoir que chez des krolannes, comme si chez les Lanyshstas le choc émotionnel se propageait aux alentours. C'était des impressions riches. Mais sans trace de peur. Sans. Aucune. Trace. C'était plus qu'une conviction, c'était une certitude : ils allaient surmonter ce désagrément.


Mâchouillage de lèvres. Quelques mots griffonnés sur le papier.
Certes, elle les voit, mais malgré son élocution très correcte, quoiqu'un peu scolaire, en krolanne, le secrétaire écrit en patois. Et les gribouillis en abréviation en patois, ce n'est pas la joie. Elle reconnait le mot pour "mort" et un autre est sans doute "peur". Car "pute" est peu vraisemblable, dans le contexte.


BM : Et cette personne, cet homme-en gris...

Grouillo dépassé.
Il vient d'être catalogué. Car il est à l'évidence une des petites mains, se réfugiant dans une routine rassurante. Il recueille les informations, sans les approfondir. Il fait ce qu'on attend de lui : mettre en doute le témoin, pour vérifier sa solidité.
Il va finir ça question avec un "vous êtes sûre ?".


BM : Vous dites qu'en fait c'est cette personne que vous avez déjà rencontrée. Que vous vous la reconnaitriez. Mais vous en êtes sûre, de ça ? Que vous pourriez la reconnaître ? Votre mémoire est assez bonne ? Vous êtes sûre ?

Là aussi, un simple "oui" serait inutile. Autant développer tout de suite.

JS : Vous connaissez l'homme à l'accueil.

Léger hochement de tête, même si ce n'était pas une question.

JS : Environ 1m85. Il fait plus petit car il se tient la tête penchée. Et les cheveux trop plats. Il commence à se dégarnir, les cheveux formant un U sur l'avant. Yeux bleu pâle, mais la paupière gauche est perpétuellement plus fermée, à cause d'un grain de beauté à la limite de celle-ci. Les sourcils sont fins, et encore bien noirs, mais se rejoignent en une zone de poils touffus au dessus du nez. Veste sombre, unie, mais usée aux coudes. Veste à 6 boutons, mais celui du col est enlevé, pour laisser de la place au double menton. Symptomatique d'un embonpoint qui...
BM : Oui, oui, bon, stop !


Il avait déjà levé les mains deux phrases avant, mais Jade avait poursuivie, implacable. Effectivement, il était bon de mettre en doute la fiabilité des témoignages. Excellent réflexe. Mais dont elle n'avait pas l'intention de faire les frais.

Brodic était en train de perdre pied, il le savait. Le cas sortait de son domaine de compétences. Aussi, c'est sans surprise qu'il se releva, empochant sa feuille de notes et la longue lettre, avant de se diriger, mi-ennuyé, mi-agacé, vers la sortie.


Un instant je vous prie.


La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Matal 20 Jangur 815 à 22h44
 
L'instant en question prit à priori un peu moins d'une demi-heure. Sans doute le temps d'aller voir quelque supérieur pour lui glisser à l'oreille "on a peut-être un problème", sans que ce soit forcément l'alarme.
Le moment où il faut être "vigilant et attentif".
Il était donc aller donner un compte-rendu express, et peut-être même avait-il...


BM : Bien, reprenons ! Vous semblez très méfiante. Et si moi-même j'étais un... J'en étais un aussi. Un de ces Lanyshstas. Hein ?

Il avait demandé conseil. A quelqu'un de plus doué que lui.
Douter de la personne, de son témoignage, était bien joli, mais face à un menteur bien préparé, c'était inutile, il jouait sur des bases trop solides.
Donc plutôt que de douter d'une personne, mieux valait parfois la faire douter d'elle-même, et de l'environnement.


JS : Prenons cette hypothèse, en effet :

Sauf qu'il n'était pas le seul à savoir jouer à ce petit jeu, et si la question était bonne, elle était mal posée, trahissant une réticence personnelle.

JS : Vous êtes un Lanyshsta.

Brodic avait hésité, avant de finalement renoncer à employer "je", "être" et "Lanyshsta" dans la même phrase. Et Jade venait de lui renvoyer en pleine figure la phrase qu'il devait redouter et haïr instinctivement. Son petit rictus dégoûté avait été bien camouflé, et aurait pu passer inaperçu si elle ne l'avait pas guetté.

JS : Vous me faites disparaitre, ainsi que ma lettre, et demain, plus de problème, vous venez de sauver vos compatriotes.

Une pause. Il attendait la suite.

JS : Et dans deux jours vous êtes arrêté et traité en tant que Lanyshsta.

Sourcil levé, moue incrédule.

JS : Quatre. C'est le nombre d'exemplaires de cette lettre, en plus du brouillon, des notes que j'ai prise au fil du voyage.

Et qu'elle leur remettrait sans doute, à leur demande, convaincus qu'ils seraient peut-être que le brouillon contenait quelques informations supplémentaires. Ce n'était pas risqué, dans la mesure où elle avait justement fait un brouillon avant d'entrer en ville afin qu'on la voit recopier à partir de celui-ci, que quelqu'un puisse attester que ce n'était pas une arnaque conçue de longue date, mais quelque chose d'à priori improvisé. On ne prévoyait jamais trop de coups d'avance.

JS : Vous avez le premier. J'ai sur moi le dernier, à fin d'archives personnelles. A glisser dans son faux-journal sitôt revenue au Kil'sin, en fait, afin de parfaire son histoire. Les deux autres ont été envoyé au C.I.E.N. via le service postal du Kil'dara.
BM : Astucieux, mais... Je pourrais les intercepter aisément.
JS : Ceux d'ici ? Oui. Le troisième, adressé au bureau central, qui devrait en prendre connaissance avant de faire redescendre l'information correctement ? Possible, mais j'en doute. Le dernier, adressé à l'une des nombreuses auberges du Kil, qui lui demande de remettre, contre dédommagement, l'enveloppe à un membre quelconque du C.I.E.N. ? J'en doute...

Et dans la mesure où les deux dernières stipulent la porte par où je suis entrée et que je vais être reçue au C.I.E.N., il est possible de vous retrouver. D'ici deux jours, vous devriez avoir deux messages, deux curieux du type "au fait, tu l'as vu, cette Kil'sinite ? T'en pense quoi, de ce qu'elle dit ?". J'ignore quelle sera votre réponse, mais en tout cas un "quelle Kil'sinite ? De quoi tu parles ?" vous vaudra la suspicion immédiate.
Et vous savez comment vous traitez les Lanyshstas suspects...


Elle-même l'ignorait, dans les détails, du moins, mais vu le déglutissement pénible qu'il avait eut, Brodic devait avoir une idée précise sur la question. Effectivement rien ne disait la suite qu'il apporterait à cette affaire, mais il ne pouvait tout simplement pas l'oublier purement et simplement.
Il se racla la gorge.


BM : Et... Vous parlez de votre frère. Quelle preuve avez vous qu'il soit pris par les Lanyshstas ? S'il était lui-même Lanyshsta, et complice ?

Oh.
Joli coup.
Elle était forcé de constater qu'elle ne l'avait pas vu venir.
Aucune incidence en soi, à priori, mais dans la catégorie "destabilisation", c'était l'oeuvre d'un maître.
Que se passerait-il si elle découvrait qu'Onyx était Lanyshsta ?
Ils communiqueraient plus efficacement. Mais ce n'était certes pas la réponse qu'il fallait donner.


JS : Simple.

Non. Stop. La solution était certes simple, mais elle n'était pas sensée l'être. Le fond était simple, la forme l'était beaucoup moins. Il fallait hésiter. Montrer des émotions.

JS : Si Onyx... Si mon frère était...

Bien. Bon timing dans les hésitations. Le tremblement de la lèvre inférieur était de bonne facture aussi. Par contre, il ne fallait pas compter sur les larmes.

JS : S'il était une de ces... Choses, Avec la pause. Hésitation, dégoût à prononcer le mot. Proposer un retour sur sa propre attaque. Montrer un point commun aussi, une communauté de la réticence. les choses seraient simples. Je...

Baisser la tête. De toutes façons, sans larmes, le contact visuel est plus néfaste qu'autre chose. Qu'il soit libéré pour que ses yeux puissent voir les lèvres, les mains qui tremblent légèrement, la respiration qui s'est accélérer. Insister sur le "simple" en faisant crier au corps "difficile".

JS : Je ne changerais rien. Ils m'ont utilisé. Ils sont néfastes. Ils méritent de mourir. Les Lanyshstas.

La tête qui se redresse brusquement, contact visuel rétabli. Plus besoin de larmes, transmettre un peu de colère, par contre.

JS : Tous les Lanyshstas.

Assez éloigné de la mentalité du Kil'sin, mais en plein dans celle du Kil'dara. Et en adéquation avec les traits qu'elle a laissé apercevoir de sa personnalité. Après tout, pour les Kil'dariens, Onyx est juste un frère. Pas son double, sa moitié, son alter-ego. Juste un frère, et les frères sont sacrifiables sur l'autel de la communauté, quand bien même Jade ferait volontiers le choix inverse.

Officiellement, sur les deux questions, on pourrait mettre du un partout.
Ce n'est pas un mal, cette question, après tout. Avoir des réponses trop complètes, trop propres pourrait paraître suspect. La perfection est mal tolérée par les imparfaits.

La belle ?
Non, Brodic se relève, reprend sa feuille de notes sur laquelle il n'a pas écrit un mot, puis à nouveau :
Un instant je vous prie. Sauf que cette fois-ci, en passant à côté d'elle, il s'arrête, lui tapote maladroitement l'épaule rajoutant quelques mots.

BM : Je ne serais pas long.

Pas long ? Pas le temps de refaire le même cinéma alors. Des dispositions ont du être prises. Ce qui veut dire qu'on devrait enfin pouvoir passer aux choses sérieuses...


La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 21 Jangur 815 à 11h37
 
Effectivement, l'absence dura cette fois-ci environ cinq fois moins longtemps. Les choses avaient du bouger suite à la première sortie, plus besoin de mettre qui que ce soit au courant, les autres attendaient juste de nouvelles instructions.

Lorsque Brodic revint, il était accompagné de deux autres krolannes : le vieux grassouillet de l'entrée, et un jeune homme, à peine la vingtaine visiblement, à l'allure soignée. Ceux-ci se placèrent de part et d'autre du bureau, sans un mot.


BM : J'espère que ça ne vous dérange pas, mais j'ai pensé que, dans le cadre de la formation, il serait intéressant que notre petit personnel puisse observer l'interrogatoire également.

Ok. Une diversion, donc. Le jeune était probablement un stagiaire quelconque, tandis que le plus vieux avait fait signe qu'il ne comprenait pas le krolanne moins d'une heure auparavant. Soit ils avaient des techniques d'apprentissage des langues très performant, soit il était là à seule fin de leurre. Soit il avait menti préalablement, dénotant une mise en scène élaborée. Ce qui serait plus problématique.

BM : Reprenons, si vous le voulez bien. Cette arme "corrompue", elle est devenue quoi ? C'est celle que vous avez laissée à l'entrée ?
JS : Non, celle à l'entrée est une arme achetée il y a moins de deux heures, par voie officielle, au Kil'dara, en remplacement.


Parce que arriver avec une arme en arrivant des terres sauvages, c'était être suspect, et arriver avec une arme infusée en plein coeur des locaux du C.I.E.N. c'était une occasion en or pour voir à quel point leurs techniques de repérage des Lanyshstas étaient affutées. Sachant que dans ce cas, "très" serait immédiatement associé à "trop", et que c'est elle qui serait mise en difficulté.

JS : Peu de temps après l'élimination du second Lanyshsta, j'ai senti une drôle d'odeur. De brûlé.
Cela arrive parfois, lorsque le canon est trop chaud, après avoir tiré trop rapidement, et qu'on range immédiatement l'arme à l'étui. Mais la température chute vite, normalement.
Là, la température ne chutait pas, et l'odeur venait de la crosse. J'ai touché le métal, et il était brûlant.


Se frotter les doigts, comme un geste inconscient, souvenir d'une douleur encore vivace. Mais pas de grimace associée : c'est sensé être un souvenir de douleur, pas une blessure encore active. Qu'elle en fasse trop, et on lui examineraitde doigts parfaitement remis. Rester cohérent.

JS : Bientôt, il fut impossible de la tenir, et j'ai du la lâcher. La dernière fois que je l'ai vu, le métal avait commencé à se déformer, la rendant inutile. Je n'ai pas cherché à savoir si le phénomène a continué longtemps après ou s'il s'est arrêté rapidement : elle était fichue.

Brodic semblait songeur, mais pas spécialement concerné. Il frisonna, se frotta les mains, et releva son col.
Aussitôt, elle le vit.
Un emblème, discret par sa taille, mais voyant par sa révélation.
Rond, bronze cerclé de pourpre, gravé de quelques mots, avec le sigle du C.I.E.N.
Aussitôt, elle le vit, et il vit qu'elle le vit.
Petit sourire.


BM : Oh, oui. J'ai été un peu rapide dans les présentations, tout à l'heure.
Brodic Melj. Secrétaire d'archivage du C.I.E.N. Et compagnon expert, directeur de section, en l'occurrence celle chargée des Lanyshstas.


Non... Cela ne collait pas.
Sans qu'elle connaisse précisément les grades et titres du Kil'dara, il était clair que ceux de la deuxième partie de la phrase étaient fait pour impressionner. Catégorie "gros ponte".
Mais un gros ponte recevait-il dans son bureau les moindres étrangers au récit farfelu ? Cela semblait peu probable, même si pas impossible.
Le bureau, non plus, ne collait pas. A moins que l'ensemble ne soit une mise en scène ? Une mise en scène très soignée alors... Mais même, qui mettrait un tel insigne sous son col ? Le revers du veston, la ceinture, oui. Sans compter que vu les traces, l'emblème devait dépasser très légèrement du dessous du col. Elle ne l'avait pas réobservé depuis sa dernière sortie, et n'avait pas repéré ce détail, mais il n'aurait pas du lui échapper lors de la première entrevue.

Conclusion : ce n'était pas lui, le propriétaire du badge. Par contre, le propriétaire avait été mis au courant de l'affaire et s'y intéressait. Il avait fait enfiler son insigne à Brodic, pour tenter de la déstabiliser, et, dans une certaine mesure, cela fonctionnait...
Bon, récapitulons. Un faux, en face. Deux personnes, sans doute tout deux des leurres. Ce qui laissait une quatrième personne à l'écoute. Il n'y avait pas de tableau plein d'engrenages, mais un simple verre collé à une paroi faisait parfois des miracles.
Il valait mieux éliminer quelques pistes d'entrée de jeu.

Première : le vieux de l'accueil. Si Jade rejetait l'idée d'une comédie jouée de A à Z, l'idée que le dirigeant se charge lui-même de l'accueil, sous un air insignifiant, afin de jauger les personnes, était une manoeuvre dont elle pouvait concevoir l'efficacité. Hypothèse : s'il était vraiment le dirigeant de ce bureau, son incompréhension devait faire partie de son rôle, afin de pouvoir espionner l'air de rien des personnes se pensant hors de portée d'oreille.
Heureusement, c'était le plus simple à repérer.

Jade se recula du bureau, comme pour prendre ses distances avec une personnalité si impressionnante.
En fait, cela lui permettait surtout de réduire l'angle de vision dans lequel rentraient les trois krolannes, car elle n'aurait pas l'occasion de tourner la tête pour capter toutes les expressions.

De la même voix monocorde que celle dont elle se servait depuis le début de l'entretien, elle lâcha alors quelques mots.


JS : C'est sans doute impressionnant. Vous vous attendez peut-être à ce que je soit tellement en admiration que vous montre mes nichons ?


La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 21 Jangur 815 à 22h54
 
Bon, au moins, ça : c'est FAIT !

JS : Passons. D'autres questions ?

Le quinquagénaire était hors du coup. Il faut dire qu'après l'emploi d'un vocabulaire précis, un ton froid, d'un raisonnement structuré, des propos familiers, grivois, balancés hors de propos avaient de quoi surprendre. Brodic avait ouvert des yeux comme des soucoupes, tandis que le jeune avait rapidement serré les lèvres, contenant efficacement un pouffement de rire.
Le troisième larron n'avait pas été surpris, ou du moins, pas par les propos de la vigilante, mais avait haussé un sourcil interrogateur devant les réactions de ses collègues.
Il n'y comprenait effectivement rien.
Brodic se reprit, poursuivant l'entretien.


BM : Je... Oui. Bon. Vous dites que cet homme-en-gris est identifié. Vous lui donnez un nom, une activité. Mais êtes vous certaine qu'ils représentent une seule et même personne ?

On était réellement dans une troisième phase. Après les coups de butoir contre le récit, puis ceux contre le témoin, visant à tester la solidité de l'ensemble, voilà qu'elle subissait les assauts sur les points de détails, les frappes précises.
Sauf que justement, là où elle avait au maximum transcrit la vérité, sa ligne de défense se cachait dans les détails.
Et si on pouvait décrire la maison de ses rêves, il n'était pas évident de décrire sereinement la taille de chacune des lames de plancher, l'épaisseur des murs, les dimensions des plinthes... On finissait, sans une préparation rigoureuse, par produire une erreur de calcul. Et elle en était là : soit elle inventait un point de détail supplémentaire, qui serait creusé, encore et encore, soit elle lâchait du lest.


JS : Je suis sûre... De l'implication de la troisième personne. Trop de coïncidences, trop de concordances. Trop de précision aussi, ce n'est pas une simple marionnette. Lanyshsta, ou agent volontaire des Lanyshstas, à tout le moins. Le rapprochement avec l'homme en gris est de l'ordre de la conviction personnelle. Mais pas de la certitude démontrable.

Hochement de tête, quelques notes sur le papier.
Mieux valait reculer sur certains points que s'arc-bouter sur ses positions et se briser. Le jeune se pencha sur la feuille, pour voir ce qu'écrivait son aîné et....

*** Danger. DANGER Danger. ***

Merde !
C'était là, sous son nez. Mais s'il ne s'était pas penché, les jeux d'ombre n'auraient pas dévoilé le rebord du veston.
Quelle avait été sa première analyse ? "Allure soignée". En effet. Le tissu n'avait pas encore eu le temps de trop changer de couleur, et la zone ronde légèrement plus foncée était quasi invisible. De même que les deux trous qui la perçait.
Mais il n'était pas étonnant que le coup de l'insigne dans le col lui ai paru bancal. Le propriétaire légitime lui préférait effectivement un endroit bien plus adéquat.
Merde ! Merde !
Elle l'avait sous-estimé dès le début, il était entré dans la pièce sous couvert de noviciat, tout en cadrant parfaitement au rôle. Elle avait élaboré des hypothèses complexes, tandis qu'il se dissimulait dans un cas simple.


BM : Bon, alors question suivante...
JS : Un instant, si vous permettez. Moi aussi j'ai une question.


Il lui fallait d'urgence rétablir la situation. Là, ce n'était pas bon. Vulnérabilité. A trop la montrer, elle serait exploitée.
Ce n'est qu'au milieu de sa phrase qu'elle détourna son visage de celui de Brodic, s'adressant à son véritable interlocuteur.


JS : Vous jouez aux échecs ?

Et... Oui. Parfait. Juste avant la très convaincante expression interloquée, s'était dessiné l'esquisse d'un sourire méprisant, de ceux qui veulent dire "je ne sais pas jouer. Je sais que je j'excelle en la matière".
Elle le savait, il le savait.
Restait à lui faire savoir qu'elle savait qu'il savait.


Petit sourire en coin de la part de Jade. L'expression du jeune krolanne évolua vers une légère grimace.
Cartes dévoilées, il était temps de compter les points.


BM : Comment ça, est-ce que je joue aux échecs ? Incohérent ! Reprenons, vous voulez-bien ? Je suis...
JS : Secrétaire d'archivage. Et voici le compagnon expert, directeur de section, en l'occurrence celle chargée des Lanyshstas.


Brodic semblait complétement perdu, mais son supérieur eut pour Jade une très légère inclinaison de la tête, comme pour concéder le point.

Merci Brodic, je prends la suite.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Dhiwara 25 Jangur 815 à 18h49
 
Brodic ne semblait pas de cet avis, tentant maladroitement de concilier une expression sévère à l'encontre de Jade, tout en adressant des signaux désespérés à son supérieur.
Cela en faisait visiblement un qui n'avait pas compris que la phase d'observation était terminée. Même le krolanne d'accueil, sans saisir le moindre mot, s'agitait, montrant par là qu'il avait bien saisi que quelque chose n'allait pas.


Marius Sacré-Coeur. Du moins est-ce qui est inscrit sur mes papiers.

Ne pas y voir un sous-entendu d'illégalité. Plutôt une perche tendue. Il plaçait directement la conversation sur un autre niveau, tentant immédiatement de reprendre l'avantage.
Pourquoi préciser "sur mes papiers" ? Appellation officielle. Il devait donc avoir une autre appellation. Un surnom.
Ou non : il voulait qu'on pense de lui qu'il avait un surnom. Tendre la perche pour tendre le piège.
Marius Sacré-Coeur. MArius SACRé-coEUR. Logique. Piégeux, mais logique.


JS : On dirait que vous vous apprêtez à compléter par "mais mes amis m'appellent Massacreur".

Sourire ironique, légèrement prétentieux de la part du krolanne.

JS : Mais en vérité, vous-même estimez que vous n'avez aucun ami digne de cette appellation.

Le sourire perd de son onctuosité, il devient plus franc. Sous catégorie agréablement surpris. Mais pas de tremblement de la déstabilisation pour autant.

MSC : Soit. Mais madame... Myrhissal. Qu'attendez-vous de nous, au fait ?

Il devait effectivement être redoutable aux échecs. Une tactique en réadaptation constante. La première entrevue, Brodic avait joué son rôle de filtre, à voir rapidement si l'affaire était ou non d'importance.
Confronté à quelque chose de trop gros pour lui, il avait du sortir, aller patienter le temps que son supérieur ait le temps de le recevoir, et celui-ci lui avait donné quelques consignes rapides, en lui disant "revenez me voir dans tel ou tel cas".
Il était possible que le second entretien ait été observé, tandis que les dispositions étaient prises pour le troisième qui se profilait.
Premier : Brodic. Second : Brodic orienté. Troisième : Brodic téléguidé. Trois formes de questions différentes, trois axes d'attaque différents.
Et maintenant, quatrième axe, la question ouverte. Laisser la personne s'empêtrer dans ses propres contradictions.

Hors de question. Mieux valait limiter les risques, et botter en touche.
La méthode "je suis outrée de tels procédés" semblait la plus adaptée.


*** La mâchoire de Jade se crispe, comme sous l'effet de la colère. Sa voix aussi change, semblant se charger de mépris. ***


JS : Ce que j'attends de vous ? Mais que vous fassiez votre boulot, merde ! Je vous dégote trois Lanyshstas, identifiés, reconnaissables, avec des éléments vérifiables. Vous vous attendez à quoi ? A ce que j'aille les chercher ? Que je vous ponde une thèse sur les hybrides chasseurs de Lanyshsta ? C'est à vous de vous remuer, maintenant !

Marius Sacré-Coeur s'est figé. Soit c'est un excellent comédien, soit il est maintenant bien en colère. Dans les deux cas, il n'a sans doute pas l'habitude qu'on lui parle ainsi.
Les secondes s'écoulèrent, lentement, les deux protagonistes se fusillant du regard.
Les deux acolytes semblaient mal à l'aise, mais aucun n'osait le moindre mouvement, qui risquerait d'attirer l'attention sur lui.

Puis, aussi soudainement qu'elle était montée, la tension se dissipa, au point qu'on aurait pu croire qu'elle n'avait jamais existé.
Un sourire éclatant, une main tendue vers la porte.


MSC : Nous allons effectivement étudier ce cas avec la plus grande attention ! Si vous voulez bien encore nous accorder quelques instants, nous aimerions vous garder sous la main pour de nouvelles questions éventuelles. Nous n'en aurons pas pour longtemps.
Brodic va vous accompagner jusqu'à la salle d'attente.


Extérieurement, c'était une demande polie. Le tout était de ne pas se laisser prendre au piège et d'y croire.
C'était un ordre.



La perfection est amorale.

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