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Opération vert-de-chrome
passer du Jade à l'Onyx
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Julung 25 Dasawar 814 à 17h15
 
Les embarcadères d'Ytarhip n'étaient sans doute pas l'endroit le plus accueillant du Kil'dara : un flux incessant de transports, des commerçants plus habitués à commercer en gros qu'à faire dans la vente de détail, des gens qui n'étaient là que parce qu'ils avaient quelque chose à y faire, et peu d'aide à attendre pour qui n'était pas familier du coin.
Bref, un endroit où n'irait pas poser le pied le touriste classique, de peur de s'y perdre.
L'endroit idéal selon Jade.

Pas qu'elle ait eu l'intention de se perdre elle, non (même si l'agencement des rues, suivant la pure nécessité de fonctionnalité, et différant de fait grandement du Kil'sin où la connaissance macroscopique de la géographie du Kil pouvait fournir pléthore de points de repaire, sollicitait en permanence ses facultés mémorielles), mais, dans l'hypothèse où elle-même était suivie, il était hors de question de simplifier la tâche d'un guetteur éventuel.

Etait-elle suivie ? Impossible à savoir. Si les rôles avaient été inversés, après son passage par les bureaux du C.I.E.N., elle aurait immédiatement assigné quelques membres du personnel à sa surveillance. Idéalement au moins deux. Non pas afin qu'ils travaillent en binôme -même si c'était possible- mais en deux groupes séparés, un mauvais et un bon.
Le principe était simple : le mauvais était là pour se faire repérer durant la surveillance. Et se faire semer rapidement. Car une fois qu'une personne avait une incertitude, elle adorait les lever, et semer avec certitude un mauvais observateur se traduisait généralement par la conviction qu'on était désormais plus suivit. On allait alors aux endroits intéressants, sans se rendre compte que, avec un peu de chance, le bon n'avait pas lâché la piste...
Les Kil'dariens n'agissaient pas de la même façon qu'elle, c'était une certitude, car elle n'avait pas repéré de mauvais.
Ils avaient pu ne pas la faire suivre du tout... Ou s'étaient contentés d'un ou plusieurs bons.
Et un bon ne serait pas perdu par son excursion en zone de travail, surtout qu'il la connaissait à l'évidence mieux qu'elle-même.

D'où plusieurs conséquences immédiates :
- Ne prendre aucun contact direct avec qui que ce soit qu'elle désirait rencontrer avant au moins une journée complète, histoire qu'une relève ait du avoir lieu, ou qu'on se soit lassé de l'étude préliminaire : elle n'était -sauf erreur de sa part- pas considérée comme une ennemie dangereuse (elle n'aurait pas été libre de ses mouvements sans cela), et il était peu probable que l'étude éventuelle dépasse le stade le plus élémentaire. Mais une journée complète, peut-être deux, était un délai qu'elle pouvait se permettre sans peine.
- Avoir une flanerie constructive. Si elle se contentait de déambuler, un observateur comprendrait qu'elle avait la puce à l'oreille et ne la lacherait pas facilement. Si elle entrait dans un magasin, un observateur y viendrait dès sa sortie et se renseignerait sur ses achats : un ensemble incohérent, ou au contraire trop orienté sur un aspect de dissimulation, aurait le même effet. Cela tombait bien, elle avait des achats à faire, et le Kil'dara était suffisamment réputé pour le sérieux de ses artisans pour qu'elle accepte de faire affaire avec des personnes qu'elle ne reverrait probablement jamais.
- Enfin, préparer la possibilité qu'elle tombe sur quelqu'un de profondément talentueux et consciencieux, qui ne lacherait Jade au terme d'aucune séance de shopping dans les coins les plus agités du Kil'dara.
Face à un spécialiste, Jade, en elle-même, n'avait aucune chance de pouvoir échapper à une telle vigilance, quand son jumeau aurait été plus insaisissable qu'une ombre.

Heureusement, dans les bagages de Jade, il y avait toujours un peu d'Onyx.
Ne restait qu'à lui assurer ls moyens de s’exprimer...



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 10h09
 
Et vous l'auriez en grande taille ?

C'était devenu une habitude, en cette matinée. La plupart des commerçants des embarcadères avaient, dans leur petite boutique jouxtant un énorme entrepôt, quelques pièces de présentation de leurs produits, en taille standard. Et une foule de référence derrière, mais pour cela, il fallait demander.

Jade ne cachait pas son accent du Kil'sin, elle n'aurait de toutes façons pas pu tenir une conversation cohérente en Kil'darien. Par contre elle était capable de saisir quelques bribes de conversation, bien plus que ce qu'elle laissait croire à ses interlocuteurs, et elle avait donc aimablement mais fermement changé d'avis lorsque, une heure auparavant, elle était tombé sur quelqu'un ayant cru bon de glisser à son commis une phrase où elle avait reconnu "pigeon" et "triple". Pas besoin d'être Scylla pour comprendre la teneur des propos.

Dans le cas présent, après une brève concertation, le vendeur laissa la place à sa patronne qui lui expliqua que oui, ils avaient la bonne teinte, oui, ils avaient en grande taille, oui, ils avaient en taille fine, mais non, ils n'avaient pas en grand fin, ce qui n'était au final qu'une question de retouche et que si cela l'intéressait, elle pouvait payer d'avance et que le tout serait prêt pour demain matin sans faute.
Cela aussi, c'était une habitude.

Une fois qu'on avait compris que les Embarcadères du Kil'dara fonctionnaient exactement de la même façon que les Remparts du Kil'sin, tout était plus simple. Un marchand, un ergoteur, un pinailleur, aurait ici été reconduit sans ménagement à la porte, avant de faire perdre trop de temps aux personnes travaillant sur de gros volumes. Mais qu'on soit prêt à payer rubis sur l'ongle et ils étaient par trop heureux de pouvoir se séparer d'une pièce au prix du marché, plutôt que de le vendre au prix de gros à un confrère, s'assurant pour le coup une marge bien plus importante.
Même pour les retouches, l'ambiance n'était pas la même : un commerce en vue des quartiers chics aurait tenté de vous abreuver de conseils afin de vous encourager à prendre autre chose de mieux adapté, alors qu'au niveau des entrepôts, une retouche à faire, c'était une occasion en or de former un apprenti sur une pièce qui serait quand même vendue.
Bref, à condition d'accepter d'y mettre le prix, on ressortait des embarcadères rapidement, et exactement avec ce qu'on désirait.
Enfin... Quand on avait des mensurations dans la norme.

Pour l'heure, Jade n'avait trouvé que deux choses emportables tout de suite : tout d'abord, une longue cape de soie bicolore, à l'extérieur d'un vert tendre, et l'intérieur d'un noir de jais. Une parure de mariage, sensée symboliser chance fortune et solidité. Un bien maladroit présage, car peu après le mariage, la mariée était tombée malade, et les soins avaient d'abord coûté à la cape toutes ses broderies en fil d'or, avant que la fine étoffe ne finisse également chez le préteur sur gage, et y reste. Lorsque Jade s'y était intéressée, le gérant avait eu du mal à cacher son plaisir, celui-ci estimant que, entre le prix élevé du tissu et son aspect légèrement détérioré, il ne trouverait jamais personne pour s'intéresser à un tel bien, d'autant plus que la longue cape, à capuche intégrée, était destinée à servir de traine, une petite demoiselle d'honneur la tenant par derrière. Pour Jade, trouver une cape de ces couleurs et descendant jusqu'à effleurer les talons de ses bottes, était plus qu'elle n'avait espéré.

Le second élément était encore plus bizarre. Elle l'avait remarqué en entrant chez un armurier, fataliste à l'idée que ceux teintant le cuir dans la masse se comptaient sur les doigts d'une main. Car initialement, elle avait évidemment envisagé du cuir : toute pièce de métal était invariablement rigide, lourde, bruyante, et nécessitait au final un rude travail de mise sur mesure. Sans compter les reflets sournois d'un plastron trop lustré.
Mais lorsqu'elle était entrée dans la boutique, son regard avait été attiré par la monstruosité dans le coin, sombre, menaçante. Une impression malsaine se dégageait de la combinaison. Elle avait commencé à interroger le vendeur, mais bien vite ses connaissances sur le sujet avaient été épuisées, et il avait du se résoudre à aller déranger le maître armurier, lequel, en apprenant pourquoi on voulait le voir, avait fait preuve d'une bonhomie qui ne semblait pas aller de paire avec son visage borgne et buriné.
Le vieil homme ne parlait que le Kil'darien, n'ayant jamais eu le besoin ou l'envie de travailler la langue du commerce et des exportations. Le commis avait donc servit de traducteur.
Et l'histoire de l'étrange protection avait donc été déroulée dans la petite boutique : celle d'un concours, plus de trente ans auparavant, organisé par le Conseil d'Archivage des Informations Éphémères. Ils désiraient ouvrir une sorte de musée, où stocker des informations diverses. L'une, notamment, consistait à reproduire, d'après les témoignages de Dath'ogals, l'aspect de créatures issues de la Matière Noire. C'est de là qu'était sortie cette étrange combinaison, sorte de seconde peau recouverte de minuscules piquants.Un processus relativement simple lui avait fait perdre son brillant pour une couleur plus sombre, et un léger enduit avait encore accentué cette perte. C'était une tenue d'ombres faites crocs, une oeuvre transformant le plus humble des mannequins en une menace mortelle.
Malheureusement, les fonds avaient été coupés, et les artisans remerciés, à défait d'être remboursés, et la tunique était devenue une curiosité dans la devanture, au lieu de la parure d'une statue effrayante.

Et si Jade n'avait assurément pas les mensurations standards de la population krolanne, elle semblait se rapprochait particulièrement de celles des statues représentant d'hypothétiques habitants de la matière Noire.
Elle n'était peut-être pas Srhaggelle pour rien...


Combien ?

Une fois qu'on lui eut traduit, le vieil armurier ne cacha pas son mépris, et il entama un discours dans lequel il n'était pas besoin d'être familier de la langue pour comprendre qu'on y trouverait de la fierté, un talent qui ne se brade pas, des souvenirs, et autres fadaises. Jade l'interrompis en annonçant son prix.
Visiblement, le vieux ne comprenait pas les mots, mais les chiffres n'avaient pas de secret pour lui. Il sembla hésiter, regarda son oeuvre, sa cliente, à nouveau son oeuvre... Il semblait se livrer à un calcul complexe, dans lequel s'opposait l'habitude et le gain inespéré réalisé à l'aide d'une pièce invendable. Un mois de bénéfices au bas mot. Puis il y avait l'ironie de la situation : ce qui était destiné à revêtir un monstre finirait sur une immense kilsinite au regard glacial... Un autre type de monstre, non ?
Après une ultime hésitation, il hocha brièvement la tête. Jade aurait voulu essayer, au cas où, mais la boutique ne disposait pas de cabine, et l'oeil de l'armurier, autrement plus spécialisé que le sien, avait fait la comparaison de lui-même : un bandage serré sur la poitrine, et on pourrait croire que c'était du sur mesure.

La journée avait été plus profitable que prévue, demain serait un simple retour aux boutiques déjà visitées. Pour l'heure, il suffisait de trouver une auberge où coucher...



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 14h05
 
Il faisait froid dans la chambre.

Et pour cause : Jade avait laissé les volets ouverts, le vitrage peu épais ne bloquant qu'à peine la fraicheur de la nuit.
Sans compter que, plusieurs fois, elle avait ouvert la fenêtre pour se pencher ostensiblement à celle-ci, sa silhouette se découpant nettement dans l'encadrement éclairé.
On pouvait déduire beaucoup de choses, d'un tel comportement : qu'elle avait l'intention de fuir par la fenêtre, qu'elle n'était pas douée pour se dissimuler, et surtout, en se renseignant dès le lendemain matin auprès du tenancier, qu'elle ne reviendrait pas le lendemain, ayant payé une seule nuit avant de vider sa chambre.
Il était étrange d'enchainer les coups, sans même savoir si on avait un adversaire pour y répondre, mais là était la différence entre la paranoïa et l'optimisation : un paranoïaque aurait été persuadé qu'il était suivit, quand bien même cela n'aurait pas été le cas. Il passait son temps à se convaincre qu'il était menacé. Jade, elle, se comportait comme si elle était perpétuellement menacée, quand bien même elle était statistiquement la plupart du temps en sécurité. Cela lui procurait une protection passive, une assurance de se faire moins aisément surprendre le jour où elle serait confrontée à une menace réelle.
Sans compter que, si elle parvenait à identifier la menace et passait alors à un mode de protection active, ce qui passait pour de petites manies agaçantes s’avérerait alors un excellent entrainement...

Quoiqu'il en soit, sa disparition prévue pour le lendemain soir lui valait pour le moment de passer une nuit dans le froid, les deux chaises de la petite chambre servant à maintenir porte et fenêtre fermées.
Inutile de considérer cela comme un système de blocage -n'importe qui d'un tant soit peu déterminé était capable de gérer un tel obstacle- mais comme système d'alarme, il était aussi rudimentaire qu'efficace. Qu'un intrus la réveille en faisant tomber une chaise, et ils seraient alors engagés dans un duel de réflexes.Ce qui était toujours mieux que de jouer à la brebis attendant d'être égorgée...

Le lendemain, elle fit une nouvelle acquisition, à savoir un large sac de cuir, brillant, d'un affreux vert pomme. Spacieux, informe, et surtout très très voyant. Spacieux car elle devait pouvoir y glisser les vêtements à retoucher de la veille. Voyant car les éléments significatifs avaient tendance focaliser l'attention : demandez à un passant d'observer attentivement deux personnes. L'une à la morphologie classique, l'autre atrocement balafré. Faites le recroiser les deux personnes dans une foule : le balafré est immédiatement repéré. Demandez à votre passant de vous décrire les deux personnes, et la balafre sera détaillée dans les moindres détails. Couleur des yeux ? Teinte de la peau ? Corpulence ? Forme du nez ? Tout ce qui n'a pas trait à la balafre sera au pire totalement ignoré, au mieux présentera une marge d'erreur autrement plus importante que pour le second individu.
Faites disparaitre la balafre, vous redevenez anonyme.
C'était là le but du sac : être visible, focaliser l'attention. Son caractère informe permettant de rapidement l'escamoter dans un contenant plus petit, faisant perdre les signes distinctifs de son porteur.
Bien sûr, ce n'était pas suffisant, mais cela s'additionnait à deux autres éléments que Jade travaillait jour après jour depuis quinze ans : taille et couleur. Nue, elle évoquait immédiatement le vert. Et elle en rajoutait en ne revêtant que das tenues de différentes teintes de vert. Et elle se tenait généralement particulièrement droite, privilégiant couramment les bottes à talons.
Elle était aisément reconnaissable, mais surtout, grande et verte. Avec un sac ridicule, pour le coup.
Qu'elle casse ces codes, et elle se volatiliserait.

Mais avant d'en arriver là, il lui fallait trouver une parfumerie, et une orfèvrerie.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 15h29
 
Vous êtes vraiment sûre de ne pas préférer de l'huile de lavande ?
Allergie.


Le regard de la vendeuse évolua légèrement, depuis une position "ces Kil'sinites sont vraiment des barbares" à "ce sont des barbares mal fichus, en plus". Quoiqu'il en soit, son mépris ne s'étendait visiblement pas à l'argent des dits barbares, car elle n'hésita pas un instant pour vendre l'huile de lin au prix de l'huile de lavande.
Et effectivement, l'argumentaire avait un côté convaincant, ou du moins bien rodé, même si la petite boulotte à la peau grêlée sentait visiblement que, face à la peau lisse de sa cliente semblant issue d'une gravure de maître, ses conseils de beauté avaient un soucis de crédibilité.
Alors elle avait compensé avec un certain professionnalisme, maîtrisant visiblement son sujet, même si elle s'était abstenu de certains conseils.
Lorsque Jade avait réclamé un grand flacon, seul un sourire triomphant l'avait accueillit, ainsi qu'un obséquieux "mais bien sûr mademoiselle", tandis que la vendeuse y voyait une preuve de a supériorité intellectuelle.
Ce qui, au vu des éléments dont elle disposait, pouvait se comprendre : l'huile de lin se conservait très mal, et surtout à basse température. En demander un grand flacon, pour traiter la peau en massage, généralement entreposée dans une salle d'eau, à proximité de vapeur, c'était l'idéal pour la faire rancir avant l'heure. Aussi devait-elle se dire que la Kil'sinite, d'ici son retour chez elle, transporterait une grosse fiole de liquide gras et puant qui couperait court aux prochains jeux érotiques avec son compagnon du moment.

Si on exceptait le fait que Jade n'avait pas de compagnon, qu'elle ne se livrait pas à des jeux érotiques, qu'elle n'avait ps l'intention de s'en servir pour un massage, et que tout le flacon serait utilisé ce soir... Elle était tombée parfaitement juste.

Etape suivante : une orfèvrerie. Jade avait du partir sur la marge des Embarcadères, vers des artères plus commerçantes, sans que cela ne lui pose de problème particulier : si elle avait été suivit par une personne peu douée, celle-ci l'avait perdue hier et ne l'avait pas retrouvée. Si elle était suivie par quelqu'un apte à la suivre une journée dans le quartier, la seconde ne serait pas plus difficile. Autant laisser son -ou ses- suivant se reposer un peu. Et poursuivre ses emplettes utilitaires.




La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 18h08
 
La petite bijouterie suivante semblait faire dans la surenchère. Un étalage tape-à-l'oeil et vulgaire, qui devait contenir plus de verroterie que de pierres précieuses. Le gros bonhomme qui l'accueillit avait également cet air faux et excessif de ceux devant plus leur fortune à leurs talents de baratineurs qu'à leur talent. La facilité avec laquelle il embraya sur le krolanne dès que Jade ouvrit la bouche, loin de le servir, renforça la piètre impression.

Je cherche des cendres.
Parures couleur de cendre ? Ah, mais bien sûr, chère madame ! Un mariage parfait avec votre teint de malachite, si je puis me permettre.


Jade haussa un sourcil. Un flagorneur -cela pouvait être excusé- mais qui de surcroit utilisait les mots pour leur sonorité plus que pour leur vérité. La malachite était autrement plus sombre, et qu'un bijoutier se permette une telle approximation en disait long sur son incompétence. Mais elle n'était pas là pour lui donner un cours de chromatologie.

Cendres de cigare.

Le sourire se crispa quelque peu, la perspective d'une bonne vente s'éloignant.
Les cendres de cigare -ou d'autre chose, même si celles de cigare assuraient une certaine homogénéité de la qualité de l'approvisionnement- étaient couramment utilisées dans les bijouteries, pour leur capacité à faire reluire l'argenterie. Elles étaient donc le meilleur endroit où s'en procurer. Mais même en faisant payer dix fois le prix, un plein sac de cendres ne rapporterait pas autant que la moindre boucle d'oreille en toc.

Mais bien sûr chère madame, je vais envoyer vous chercher cela... En attendant, quelque chose vous plait ?

Non. Mais il ne servait à rien de le signaler trop brusquement, il aurait pu soudainement se retrouver à court de cendres. Jade promena un regard éteint sur les bijoux exposés, se gardant bien d'afficher un quelconque intérêt, mais le marchand s'empressa de combler le vide dans la conversation.


Quelque chose en Jaspe, peut-être ? Voyez ce Jaspe océan, où le vert profond est piqueté de rouge sombre, comme de l'eau coulant dans...
C'est une héliotrope, imbécile.


Le marchand la regardait, choqué, la bouche ouverte comme un poisson tiré hors de l'océan qu'il tentait de lui vendre. Sans doute n'avait-il pas l'habitude de se faire insulter, et sans doute encore moins de tomber sur une cliente en connaissant plus que lui sur les pierres.

Et l'autre que vous avez en main, ce n'est pas un océan non plus, c'est un orbiculaire. De toutes façons je n'aime pas les teintes fractionnées. Si encore vous aviez du jaspe plasma ou...

Jade s'arrêta. Elle n'aurait pas du répondre, mais depuis qu'elle était entrée, elle sentait quelque chose, qui sortait de l'ordinaire, et qui l'agaçait.

Silence.

Il s'était humecté les lèvres, mais n'avait visiblement pas l'intention d'aller à l'encontre de l'injonction.
Oui, maintenant qu'elle y faisait attention, il y avait une source à son étrange sensation, quelque chose de difficilement définissable, surtout par manque de vocabulaire pour décrire des sensations n'ayant jamais été ressenties auparavant.
Ce qu'elle aurait pu nommer un "sens Lanyshsta", ou un "relent magique".
Elle aurait sans doute trouvé plus facilement en fermant les yeux, mais le marchand aurait pu la prendre pour folle. Alors elle se contentait de passer le regard sur les différentes pièces, sans pour autant prêter attention à la vue. Elle était à deux doigts de...


Là. Celui-là.
Un... Humectation des lèvres, effort de mémoire, comme s'il passait un examen, ne pouvant plus se servir de son boniment automatique. Chrysoprase ?

Bel effort, et techniquement exact -cette fois-ci.
Mais ce n'était pas cela qui importait, même si la pierre centrale du pendentif avait effectivement une couleur très proche de sa carnation naturelle. Il se dégageait du pendentif une aura provoquant comme une sensation de liquide coulant sur la peau. A l'intérieur de la peau.

Plus surprenant que franchement désagréable
Mais assurément des plus intéressant.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 18h50
 
Qu'est-ce que c'est ?
Oh, un bien piètre assemblage réalisé par un apprenti parti depuis. Votre beauté, madame, serait davantage réhaussée par...


Il était passé du mépris à la pommade, dédaignant un "bien piètre assemblage" qui était pourtant, à l'examen, de facture bien supérieure à l'ensemble des autres bijoux de la boutique. Une oeuvre de maître, mais réalisée à l'aide de matériaux d'une triste banalité, selon un schéma incohérent.

Combien ?

Aussitôt, le gros propriétaire changea de registre : à l'évidence, il ne parviendrait pas à refourguer autre chose, alors autant tirer le maximum de celle-ci.

C'est que... C'est -aussi maladroitement exécutée qu'elle soit- une pièce unique, voyez-vous. Issue d'un antique schéma du Créateur, et...


Le Créateur ! Oui, forcément. C'était assez logique. Un apprenti talentueux comme pas deux, qui avait tenté une épreuve ultime de son art : l'un des schémas du Créateur. Jade avait déjà entendu parler de cette étrange tradition, qu'on retrouvait dans plusieurs corps de métiers. L'épreuve avait sans doute été réussie haut la main, et l'apprenti avait alors pu gagner une maison autrement plus prestigieuse, abandonnant son incapable de patron. Lequel avait, en opposition à toutes les traditions, conservé le chef d'oeuvre.
L'histoire était sans doute vraie, ce qui compliquait les choses pour le prix. Entre son orgueil dont il voulait garder une trace, la véritable publicité que lui valait cette pièce, et l'insulte qu'il avait eut du mal à encaisser, il en demandait un prix extravagant.
Marchander ? Cela ne serait que peu utile, et il risquait en plus de s'interroger sur le brusque intérêt pour la pièce.
Partir ? C'était des plus étranges, une ouverture vers de nouveaux pouvoirs potentiels. Quelque chose qui n'avait pas de prix. Hors de question, elle aurait préféré brûler la boutique pour récupérer le bijou dans les cendres que partir sans.
Ne restait donc qu'à payer.


Seulement ? D'accord.

C'était un "seulement" particulièrement cher - une poignée de pierres semi-précieuses, quelques fils d'argent, et on atteignait le prix d'une arme capable de percer un verre blindé à 300 mètres ! - mais au moins le marchand blêmit-il, soudainement convaincu qu'il aurait pu demander beaucoup plus s'il avait compris plus tôt qu'il avait affaire à une richissime et excentrique Kil'sinite.

A ce moment, le commis revint, apportant une petite bourse se cuir gravée, vraisemblablement remplie de cendres.
Le fourbe. Il avait certainement prévu de lui faire payer le récipient au prix fort, ne pouvant se permettre de laisser passer une vente, même forcée. Il s'humectait déjà les lèvres, quand la légère grimace dédaigneuse de Jade le stoppa, tout comme s'était stoppée la main contenant le paiement du collier.
Haussement d'un sourcil, réhumectage des lèvres.


Et, heu... Pour une si agréable cliente, les cendres sont un cadeau, bien sûr.

Bien sûr.
Jade serait partie, théoriquement. Mais elle ajouta, regardant les détails du bijou :


Agréable, oui. Mais pas habituelle. Je pense que la prochaine fois, j'aurais affaire à votre apprenti. Vous savez, l'incapable dont vous avez du vous séparer...

C'était de la mesquinerie, presque de la méchanceté. Et en tout cas, de la provocation inutile.

Mais pour devenir Onyx, il fallait aussi se mettre dans sa peau, et ça, c'était un processus plus délicat que simplement changer de vêtements !



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 26 Dasawar 814 à 23h14
 
Retour à la chambre.
Exactement la même qu'hier, dans le même établissement. De quoi laisser des questions se poser d'elle-même. Prise une heure avant le coucher de soleil, après que la tournée des échoppes de la veille lui ai fournit tout ce qu'il fallait en vêtements.
Les artisans du Kil'dara avaient du la prendre pour une excentrique adepte du monochrome, mais désirant faire un cadeau, ou changer de garde-robe. Rien de très étonnant. Ses fournisseurs habituels du Kil'sin, par contre, auraient sans doute trouvé là matière à discussion, en constatant que, du gris au noir, tout les vêtements achetés par Jade étaient dépourvus de la moindre touche de vert...

Comme la dernière fois, Jade avait payé d'avance, stipulant qu'elle risquait de devoir partir très tôt le lendemain, simplifiant ainsi les conditions de sortie, quitte à compliquer l'entrée (et payer un petit supplément -la discrétion n'était pas bon marché, décidément). Elle en avait aussi profité pour demander une grande bassine, aussitôt après le repas, pris de bonne heure.

Pour l'instant, la porte de la chambre était fermée, et les volets avaient été rouverts largement, afin de se pencher à la fenêtre, et d'observer en contrebas.
Oui, il était possible de descendre par là. Si on était doué et qu'on aimait le risque, en tout cas. Et si le vent ne soufflait pas, si le gel ne rendait rien de glissant, si les doigts ne s'insenbilisaient pas sous l'effet du froid... Sinon, au moindre problème, c'était transformation en flaque sanguinolente, trente mètres plus bas.
Jade n'avait aucune intention de sortir par là, mais le fait d'avoir à nouveau pris exactement la même chambre, avoir répété le même petit rituel, pouvait semer le doute quant à ses intentions.

Mais pour l'instant, il y avait plus pressant. Et cela nécessitait de refermer les volets.

Porte verrouillée ? Parfait. Autant commencer par le plus long.
Bassine, flacon d'huile. Oui, pour un massage, l'huile de lin n'était pas forcément l'idéale, d'autres étaient plus agréables. Mais généralement, non dépourvues d'odeur. Il y aurait bien eu la solution d'huile de pépins de raisins, mais outre le fait qu'elle était beaucoup plus rare, et faisait de fait naître des questions plus poussées, c'était une "bonne" huile de massage, pénétrant aisément la peau. L'huile de lin avait un fort pouvoir couvrant, ce qui la rendait d'ailleurs désastreuse dans l'entretien des meubles en bois.
Huile, saupoudrage par les cendres, recouvertes aussitôt d'huile, saupoudrées de cendres, recouvertes d'huiles...
Bientôt, la totalité des cendres était imbibées. Des cendres fragiles, avec peu d'impuretés. Qui se dissolvaient bien.
A condition de les laisser reposer longtemps, on pouvait en tirer du savon, mais pour le moment, Jade agitait plutôt lentement le tout, afin d'accélérer l'incorporation.

Bien, c'était assez pour le moment. Les affaires, maintenant.
Le fusil changea de housse, le grand sac affreux fut soigneusement plié et mis dans un petit sac à dos gris anthracite.
Puis ce fut au tour des vêtements que Jade portait, de suivre le même chemin, le cuir léger et l'étoffe fine se retrouvant impitoyablement soustrait à la vue des extérieurs.
Une fois nue, elle retouilla son étrange mixture. Pas encore prête.

C'était le moment idéal pour étudier son nouveau collier. Cette fois-ci en fermant les yeux, permettant une meilleure visualisation de l'ensemble du processus.
Oui, elle commençait à avoir une bonne habitude du phénomène, comme si elle flottait dans une mer d'énergie.
Ou plutôt non, pas flottait : plutôt comme si un solide était à ce point diaphane qu'elle pouvait superposer les réalités et exister au sein de ce solide, en arracher de petits morceaux pour les manipuler, morceaux qui se reconstruisaient d'eux-même.
Et là, vers le pendentif, elle pouvait voir...


Un tourbillon.

Effectivement, c'était le mot. Comme si l'énergie solide se liquéfiait aux environs du collier, s'écoulant à travers lui, ressortant de l'autre côté. La matière n'en devenait que plus difficile à saisir mais peut-être que...

Jade ressortit rapidement le sac vert immonde, et y appliqua le pendentif. Puis elle se laissa aller à l'état de transe qu'elle avait pour la dernière fois utilisée au fortin, même si cette fois-ci elle tempéra le flux.
Bingo !
Il s'écoulait, sensiblement plus rapidement, mais tout en gardant sa stabilité, il imprégnait l'objet comme du fer fondu remplissant un moule.
Outre la trouvaille -qui par bien des côtés était sans prix- une telle facilitation du processus d'infusion valait largement le prix qu'en avait exigé le marchand.

Ceci dit, pour aussi intéressante que soient les perspectives futures, elles devraient attendre : l'huile était prête.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 27 Dasawar 814 à 15h14
 
Une application lente, uniforme, sur l'intégralité de la peau. Si la région des aisselles et la toison pubienne pouvaient se permettre d'être épargnées, ce n'était pas le cas des sourcils, qui eurent droit à un massage légers, afin de bien imprégner les racines également. Les cheveux ne poseraient pas le même problème : Jade n'avait pas acheté de teinture noir pour eux -c'eut été comme écrire en gras souligné "je vais changer de couleur"- mais la capuche servirait au moins à quelque chose, il suffirait de les rassembler sagement en un chignon simple, mais serré.
Les mains étaient plus problématiques. A les utiliser directement, on risquait de déposer la substance sur les ongles, la laisser se concentrer au niveau des cuticules, et au final attirer l'attention sur elles.
Sans compter que les frottements en ferait l'endroit où la substance partirait le plus vite, additionné au fait que les mains étaient généralement une des choses les plus tenues à l'oeil...
Elle aurait pu se résoudre à utiliser des gants, mais elle avait horreur de cela : les gants étaient des intermédiaires, et les intermédiaires n'étaient jamais pleinement fiables.

D'où le pinceau, avec lequel elle appliquait consciencieusement les cendres mêlées d'huile sur la peau nue.
Bientôt, l'huile pénétrerait la peau, laissant en surface une couche bien plus résistante aux frictions qu'un simple saupoudrage à la poussière -sans compter que cela était largement moins salissant pour les alentours, autant ne pas multiplier les indices dans la chambre- tout en laissant mieux respirer la peau qu'avec de la peinture -sans compter les problèmes d'odeur et de réactions cutanées.

L'opération pris une bonne heure, afin de bien tout égaliser. Puis elle pu passer aux mains, laissant les doigts écartés, afin de ne pas y concentrer l'huile.
En attendant que cela sèche, c'était le moment où jamais de tenter une nouvelle expérience : elle était capable de manipuler l'air, afin de créer de petits souffles. Se concentrer, visualiser l'effet, et... Non, rien.
Enfin si : quelque chose, mais rien qui sorte de l'ordinaire des autres fois où elle avait utilisé cette méthode, le pendentif n'avait aucun effet notable sur la manipulation d'énergie, il se contentait de la fluidifier afin de permettre une infusion simplifiée.
En tout cas, la légère brise qui s'était levée dans la chambre, toute en douceur, accélérait significativement le séchage, l'absorption. Un raclage léger à l'aide d'une lame - un chiffon aurait absorbé la substance, tout en collant trop fortement à la peau, retirant une partie du dépôt- et Jade était prête pour la seconde couche.

Plus tard...

Enfin, tout était prêt. Elle était désormais vêtue de pied en cap de différentes nuances de noir et de gris, la grande traine de mariée ayant été retournée pour offrir au monde sa face sombre, la large capuche dissimulant les cheveux non altérés. L'art de la dissimulation était bien plus complexe que simplement se vêtir de noir.
Sur un simple plan visuel -la plupart des gens ne se basaient de toutes façons que sur le visuel- il y avait cinq risques à éviter.
La forme : il était important de se vêtir de plusieurs couleurs différentes, et de prendre des parures amples, afin de casser les formes. Une personne en combinaison noire unie, sur un mur noir uni de même couleur, restait aisément repérable, quand même les animaux avaient compris que d'improbables rayures formaient une protection efficace.
L'ombre : on avait beau se dissimuler entièrement derrière un mur, si une lumière latérale projetait une ombre trois fois trop épaisse, on était repéré sans même avoir besoin d'être vu. L'idéal était de rester dans des ombres déjà existantes : l'absence d'ombre aberrante projetée était alors bien plus importante que le simple voile de nuit posé sur nous.
Le mouvement : ils attiraient l'oeil. D'un autre côté, si c'était un point indispensable quand on était désireux de ne pas être localisé, le but était ici de disparaître, le mouvement serait obligatoire. Privilégier alors les mouvements se passant dans une minorité de points de vue potentiels, et s'arranger pour qu'au fil du mouvement, un unique pointde vue nous perde au moins deux fois.
L'éclat : certains pensaient que l noir le plus pur était la meilleure des protections. Et ils prenaient un noir brillant... Au moins, le dépôt de cendres -à condition de racler correctement l'excès d'huile, le deuxième s'étant passé devant un miroir, et ayant pris autant de temps que la première application- procurait à sa peau un mat de grande qualité, la cape ayant était sciemment salie afin de ne pas jeter non plus un éclat mal venu. Et pour le coup le pendentif était soigneusement emballé au fond d'un sac.
La couleur, enfin, était l'élément le plus instinctif du lot. On ne se cachait que difficilement vêtue de rose pastel...

Il y aurait encore bien des éléments améliorables pour disparaître totalement, mais on touchait là aux subtilités d'un art qui n'auraient pu être appréciée que par les plus grands maîtres dans la compétence.
Pour l'odeur, elle s'était contenté d'une odeur neutre, ténue, qu'elle diluerait rapidement dans le gigantisme de la ville. En extérieur, poursuivie par des chiens, il aurait fallu faire preuve de plus d'inventivité. Pour le coup, une petite bouteille d'alcool, pas assez pour proclamer "je suis bourrée" mais assez pour faire croire qu'on avait bu, serait sa seule concession olfactive.
Pour les sons, elle était naturellement silencieuse, surtout depuis qu'elle avait offert ses bottes bulbeuses à Norlail, ayant appris à courir avec. Mais elle avait déjà pu voir à l'oeuvre des semelles de mousse taillée et de poils, seul ornement d'un corps autrement nu, dans une progression en apnée complète : oui, il était possible de marcher sur un tapis de feuilles mortes sans produire le moindre son. Mais à une lenteur désespérante. Et une fois encore, elle n'avait pas besoin de ce degré de perfection.

Ce qui comptait le plus, ici, était de briser les spécificités de son processus de reconnaissance. La couleur, bien sûr, (et pas que celle du sac vert pomme qu'elle avait ostensiblement baladé partout) mais aussi la forme. Mis à part le sac à dos anthracite brisant l'uniformité de couleur et de forme de la cape, elle portait divers petits conteneurs à même la taille, lui donnant, en y regardant rapidement, une corpulence plus importante que d'habitude. En penchant la tête, en affaissant les épaules, en gardant un certain ressort dans les jambes, genoux nons rigides, et surtout en changeant ses bottes contre de petites chaussures dont la souplesse les faisait presque mériter le qualificatif de "pantoufles à lacets", elle perdait aisément plus d'un demi-pied : de quoi rentrer dans la norme.

Il était temps, désormais : les repas étaient servis, les journées de travail terminées, les rues étaient petit à petit désertées.
Désertées mais pas encore désertes : être seule à se balader en plein coeur de la nuit n'était pas la meilleure façon de passer inaperçue. Les bars continuaient à fonctionner, au moins, la vie nocturne commençait lentement à s'éveiller.

Jade ouvrit à nouveau la fenêtre, et les volets, mais après avoir cette fois-ci éteint la lumière. Elle ne se pencha que très peu - qu'on distingue sa silhouette, mais sans avoir à se pencher au point que le lampadaire situé plus bas ne cause la moindre fuite quant aux modifications de couleur.
Puis elle se replia dans la chambre, collant l'oreille à la porte.
Bonne précaution : un couple chuchotait. Finalement, la dame répondit d'un ton sec, et l'homme repartit vers le rez-de-chaussée.

Le lit était soigneusement défait, toutes les affaires empaquetées, la fenêtre ouverte : le lendemain matin, l'aubergiste conclurait sans doute qu'elle était effectivement partie tôt le matin, en ayant dormi là et en aérant la chambre, oubliant de refermer.
Un éventuel observateur devait se concentrer sur cet orifice ténébreux, à attendre que quelqu'un en sorte.
Il pourrait attendre longtemps.

Si Jade avait repris la même chambre, c'est qu'elle souhaitait brouiller les pistes.
Si elle avait repris la même auberge, c'est qu'elle convenait parfaitement.
Plus de bruit dans le couloir. Parfait.
Sortie de chambre, refermer délicatement. Couloir de gauche, passer devant les escaliers, continuer. Tourner à droite au bout du couloir, aller au fond, jusqu'au second escalier, le petit quasi inutilisé. Monter un étage, un deuxième, une pause sur le palier afin qu'un autre client ne rentre dans sa chambre, puis tout de suite en face, les toilettes de l'étage, la fenêtre dans le coin. L'ouvrir, enjamber, sauter et...
Atterrir un bon mètre plus bas sur le toit d'un atelier d'assemblage, invisible depuis la rue, sortie quasiment à l'opposée de la fenêtre, et cinq bons mètres plus haut. Mis à part un "blong" peut-être assez sonore pour être entendu du malchanceux dont la chambre jouxtait les toilettes, pas de problème.
Se mettre sur la pointe des pieds pour refermer au mieux la fenêtre, et direction le bord du toit, jusqu'à une échelle de sécurité permettant de rejoindre le sol.
Pause avant d'arriver dans le champ de vision de potentiels guetteurs du ras du sol. Première rue traversée façon cambrioleur de roman, en longeant les murs, seconde remontée d'un pas vif. Troisième...
Troisième remontée tout à fait normalement, de la démarche nonchalante qu'elle avait adoptée pour son aspect.
Il n'y avait aucun intérêt à se cacher, désormais, une attitude suspecte ne pouvant qu'attirer l'attention.
Elle était prête à jurer que, sur ce coup là, il aurait fallu mobiliser une petite armée de guetteurs pour que certains aient une chance de la voir à la troisième rue.

Si un guetteur existait -ou même plusieurs- ils ne savaient vraisemblablement pas exactement ce qu'ils cherchaient, et encore moins où ils le cherchaient. En fait, selon toute probabilité, ils n'avaient même pas encore compris qu'il était temps de se mettre à chercher quelque chose.

Mais sans valoir Onyx, ce n'était pas mal. Ne restait plus qu'à rejoindre le point de rendez-vous.

Bientôt, les ténèbres du Kil'dara engloutirent Jade.



La perfection est amorale.

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