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Mort sur Kil'dara
Délire de film noir ouvert à ceux qui veulent
 
Tsenereth
Affranchi
Kil'dara  
Le Vayang 7 Nohanur 814 à 16h31
 
Il est musicien. Un violoniste. Chaque soir depuis une semaine, il descend de son rade vers vingt-trois heures. Il marche vite. Il se retourne souvent. Je crois qu’il a peur d’être suivi… Il a raison. Je suis là. Dans l’ombre, à l’observer. La brume est opaque. Il ne me voit jamais. Il plonge chaque soir dans les ruelles du quartier des docks par la grande avenue. Il traverse le pont d’Osbey. Tourne sur la troisième traverse. Descend sur les escaliers d’Harmings jusqu’à la place des trois ruelles. Là, il suit l’allée des marchandiers jusqu’au numéro 58. Il frappe trois coups brefs et deux coups longs. Quand la porte s’ouvre. Il pénètre dans le bâtiment et n’en ressort qu’au petit matin.

***
Ses jambes sont interminables… Plus je l’observe, plus…
***


Voilà. Je ne peux rien faire de plus pour vous sans effraction. Soit chez lui, soit dans cet immeuble.

***
Sublime. Elle a ce regard fragile et sauvage. Et cette crinière infernale… Bon... Il faut que je pense à autre chose. Je crois qu’un verre me fera du bien…
***


Une semaine plutôt.
Kil’dara. 22h30. Dans un bloc du quartier botanique. 3° étage gauche.




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***
Il a plu toute la journée. L’immeuble est vide à cette heure-ci. Enfin, presque. Dans ce bureau du troisième étage. Je suis là, moi. Assis devant cette machine à écrire qui ne veut pas m’aider à remplir des pages. Un verre d’alcool fort à ma droite. Une cigarette qui se consume dans le cendrier à ma gauche… J’attends. Je ne sais pas trop ce que j’attends. Probablement l’inspiration. Mais les muses sont capricieuses. La mienne n’aime pas me voir trop calme. Alors je bois. C’est le troisième, ce soir. Et je sens qu’il ne sera pas le dernier.

Je me lève avec la lassitude pour béquille. Mes pas sont lent et sans but. Je plonge mon regard à travers la vitre. Dehors, la nuit a pris le dessus. Les braves gens dorment. Il n’y a plus que les chiens errants… comme moi. Et quelques clochards peut-être. Le sol est encore trempé. Les réverbères reflètent une lumière poisseuse sur la fumée qui s’échappe des égouts. Mes divagations s’enflamment. Enfin…

J’ignore combien de temps je suis resté là, planté comme un pilier de bar devant ma fenêtre. Je ne suis sortie de ma stupeur qu’avec le bruit d’un choc répété sur ma porte. Il m’a fallu bien deux trois secondes pour m’éveiller. Mais j’ai fini par comprendre qu’un visiteur s’est arrêté devant mon bureau. C’est bien ma veine… Mais voilà. J’y vais quand même. J’ouvre… Les yeux m’en tombent.
***




***
Elle est apeurée. Je sens ces choses-là. Pourtant, elle garde une superbe impeccable. Fragile et sauvage. Des jambes d’une longueur indécente. Des yeux perturbants. Une silhouette démoniaque et des pas de chats. J’en suis bouche bée. Elle s’en moque et sans même attendre que je ne reprenne mes esprits, elle s’invite dans l’enfer de ma cellule, et me tend son manteau. Lorsque, enfin, elle s’assoit sur le cuir, trop usé, de mon canapé, ma tétanie cesse enfin.

Que veut-elle ? Que fait-elle ici ? Est-ce bien moi qu’elle cherche ? Mes réponses semblent suspendues à mes lèvres. Elle s’allume une cigarette perchée sur un fumoir. Son regard s’éclipse vers les vitres. Dehors, la pluie est revenue. J’entends les palpitations de mon cœur qui s’accélèrent et le battement des gouttes projetées sur les volets. Une fois le manteau suspendu. Je lui propose un verre d’un geste de la main… Elle décline d’un hochement. Je me sers… et bois.
***


J’ai besoin d’un homme comme vous.

***
Voilà. Tout est dit. Aucune erreur. C’est bien moi qu’elle cherchait. Le retentissement dans mon cerveau vrombit sourdement. Je n’entends plus rien. Ma vue se trouble un peu. Mais pas assez pour effacer cette femme de ma vue. Elle fixe son regard sur moi. C’est fini, je suis piégé. S’il y a eu une échappatoire, elle est passée depuis longtemps. Je m’allume une tige de tabac refroidie. Je m’installe dans mon fauteuil. Je sens que je vais en avoir besoin.

Laurenn.

Elle me raconte son histoire. Elle me dit qu’elle a une sœur, qu’elle a disparu, qu’un homme l’a suivi jusqu’ici… qu’elle a peur. Je le savais déjà. À première vue, ça ressemble à une affaire de mœurs. Elle me dit encore que sa sœur lui a téléphoné hier soir pour lui donner rendez-vous… et quelle n’est jamais venue… que l’homme était son amant et qu’il travaille dans un laboratoire de recherche indépendant.

Je sens qu’il y a autre chose. Mais elle ne me répond pas. Ses yeux se perdent dans la tempête qui s’est levée. Sa prestance demeure mais je sens bien qu’elle est déstabilisée. C’est une poupée silencieuse. Sa robe s’allonge doucement quand elle se redresse. Sa main glisse le long de ma mâchoire mal rasée. Son autre main me dépossède du verre vide et l’abandonne sur le bureau.
***


M’aiderez-vous ?

***
Ma conscience se réveille en sursaut. Où étais-je ? L’instant d’avant, je pouvais sentir sa robe frôler mon visage… Un rêve… Un rêve pathétique… Un rêve éveillé. Reprends-toi, tocard. Ce n’est pas le moment de sombrer. Je n’arriverais à rien sur cette voie. Je vide un verre pour reprendre le dessus. Et je poursuis mon interrogatoire.

Elle me donne une adresse. Celle du rendez-vous. Puis une autre. Celle de sa sœur. Et une dernière… Un hôtel miteux du quartier des quais. Son refuge depuis la disparition de sa sœur. C’est peu. Mais j’ai de quoi commencer… Cette nuit. Le square de Kanmeth. Un bar sur l’angle de la rue Marty, la Vrombisserie. C’est là que la fille a disparu.

Aleÿsse. Je te retrouverais avant lui. Cache-toi bien. Cache-toi assez loin pour que personne d’autre ne te trouve.

Mes pas m’ont déjà guidé sous la trombe d’eau qui dégouline des toits. Mon imperméable est trempé. Le froid m’assaille. L’une, Laurenn, est bien au chaud, endormie sur mon canapé trop vieux. L’autre, Aleÿsse, se terre dans le Kil. Quelque part, entre la vie et la mort. Une frêle sourie lâchée dans un labyrinthe immense et désordonné… Qui sait combien sont les chats sur ses trousses ?
***




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