Le petit krolanne blanc au costume trois pièce impeccable déambulait paresseusement au bras de l'agent Trall, habillée d'une magnifique robe fendue d'un noir de jais qui mettait en valeur à la fois sa silhouette et sa peau d'un rouge sombre. Le Takorian posa sa main sur Lola, dissimulé sous son long manteau en laine tout en se demandant ou diantre sa dulcinée de fin d'après midi avait bien pu cacher son calibre.

Il aimait bien l'agent Trall, professionnelle, vive et surtout pas trop grande. Une autre qu'elle l'aurait obligé à marcher sur la pointe des pieds pour ne pas avoir l'air ridicule.

Ils babillaient tous deux, lui faisant semblant d'être charmant, elle tentant de ne pas vexer ce grand susceptible par une parole anodine. Leur cible, Darat Mollet avançait une centaine de mètres plus avant, ne se doutant de rien pour le moment.

Chemin faisant, le Takorian se remémora l'entretien qu'il avait eu avec son patron le matin même...



Ce matin là allait différer des autres, il le savait en arrivant au bureau à 7h59, comme tous les matins, à peine avait-il mis les pieds dans son bureau qu'il se rendit compte avec stupeur que son porte plume avait été déplacé d'environ trois millimètres sur la gauche. Deux choses s'étaient alors imposées dans son esprit, la première, quelqu'un s'était introduit dans son bureau pour y chercher quelque chose de compromettant et deuxièmement, il allait devoir tout nettoyer, impossible de savoir où le malveillant intru avait posé ces sales pattes.

Il passa donc à l'action et briqua son bureau de fond en comble, vérifiant également la place de chaque chose, l'intrus avait été soigneux, car évidemment dans son esprit il ne pouvait s'agir que d'un intru, tout était en ordre. Que pouvait-on bien chercher?

Il en était là de ses réflexions lorsqu'un bruit insidieux de pas, furtifs biensûr, retentit derrière lui. Ni une ni deux, il fit volte face Lola en main prêt à défourailler sur...Jerbert le secrétaire administratif qui, pâle comme un linge s'apprêtait à frapper à sa porte. Les deux krolannes restèrent là, les yeux dans les yeux, l'un tentant de percevoir une quelconque felonnie, l'autre se demandant comment il allait persuader son vis à vis de son innocence. C'est alors que l'incroyable se produisit, le porte plume bougea de lui même sur le bureau en légère pente, émettant un petit "clac" discret lorsque le pen du capuchon toucha le bois en arrêtant sa rotation.

Le Takorian jaugea du regard son matériel renégat en plissant les yeux et reposa Lola sur le bureau au grand soulagement de Jerbert. Il s'adressa ensuite à lui comme si de rien était.

Oui jerbert?

Le secrétaire déglutit en silence.

Le patron veut vous voir.

Les yeux du petit Krolanne s'illuminèrent.

Un lanishsta?

Jerbert haussa les épaules.

Aucune idée, mais c'est urgent monsieur.

Le Takorian acquièsça, Jerbert retourna à ses affaires et il fila chez son superviseur non sans avoir essuyé l'endroit où le secrétaire avait mis le pied dans son bureau.

Le superviseur Olek avait les traits tirés de quelqu'un qui s'était fait tirer du lit bien trop tôt.

Ah, Takorian, assieds toi, j'ai un truc urgent pour toi, une filature.

Il tendit la main pour faire taire le petit Krolanne avant même qu'il ait pu former un son.

C'est pas un lanyshsta et franchement vu ce qui s'est passé la dernière fois, t'es pas en tête de liste pour la traque de ce gibier. On les veut vivant, on veut des renseignements, étudier les sujets, pas des cadavres en pièce à moitier cloué au mur.

-Archi a fait de nombreuses modifications sur Lola depuis...

-C'est justement ce qui m'inquiète, Archi est un savant fou de la balistique, le jour où on devra se défendre contre une bestiole de cent pieds de haut c'est la première personne que j'irai voir, mais pour le reste....

Il balaya de la main les objection de son enquêteur.

Assez parlé de lui, j'ai une mission pour toi, j'attends de toi de la retenue, c'est le genre tout en dentelle....Non pas la dentelle, y a des trous dans la dentelle....disons douceur, voilà tout en douceur. Un compagnon s'est fait dérober des schémas techniques dont je te passerai les détails, on a identifié le voleur comme étant un homme du conseiller Volnic. Je veux que tu le files et que tu boucles le lascar et la personne à qui il compte le refourguer. Il nous faut un flagrant délit, donc tu interviens après la transaction, c'est clair?

-Oui mais pourquoi?Après tout les informations doivent circuler non? Surtout les avancées scientifiques....

Le Takorian se tapota le menton avec son index.

A moins qu'un conseiller veuille cette découverte pour assurer sa place et rappeler à tous qu....

-T'as déjà entendu l'expression mettre les pieds dans le plat?A ton avis qui m'a réveillé dès potron minet, j'ai des dettes comme tous ceux qui ont un tant soit peu d'ambition, figure toi. Alors maintenant tu fermes ton grand clapet et tu files, t'as carte blanche du moment que tout le monde s'en sort indemne. Et je t'en supplie si tu vois que l'acheteur est Volnic en personne ne le coffre pas, court lui un peu après pour lui échauffer un peu le sang, c'est tout.

-D'accord dis moi où ça doit avoir lieu, confie moi....Trall et c'est comme si c'était fait. Le temps de prendre Lola et je suis parti.

-Non pas de Lola!



Pas de Lola, pas de Lola, il en avait de bonne, il fallait sortir couvert tout de même....

 
Un vent frais agita la tignasse frisée du Takorian, sa chevelure était sa némésis, elle était la personnification du chaos dans son petit monde bien ordonné, si il n'avait pas l'air aussi ridicule le crâne rasé cela ferait longgtemps qu'il lui aurait fait un sort.

Tout préossupé qu'il était par sa mise et sa cible, il en oublia de regarder alentour. La promenade était belle en cette fin d'après midi et particulièrement à cette saison durant laquelle le soleil se couchait plus tôt. Les rayons de l'astre solaire aux couleurs chaude faisaient chatoyer chaque vitres et hublots et donnait naissance à de minuscules arc en ciel éphémères parmi les volutes de vapeur s'échappant ça et là.

Les rues menant au pont étaient passantes certes, mais à cette heure du jour elles n'étaient pas encoire noires de monde. Quelques couples, vrais ceux là, avançaient de leur pas paresseux qui faisait rager les travailleurs et les quelques nerveux. Quelques enfants, accompagnés de leur parents se rendaient au grand pont pour aller admirer, des étoiles pleins les yeux, le coucher de soleil.

Mais de cela le petit krolanne ne voyait rien, ce qu'il voyait c'était sa cible et des géneurs potentiels voir des boucliers lui permettant de se dérober à la vu de Mollet.

Une légère pression sur son bras le fit se retourner vers sa dulcinée tout sourire.

Il nous conduit au pont, ça va être une vraie plaie de ne pas se faire repérer en attendant son acheteur.Lui sussura-t-elle.

-Je ne te le fait pas dire....reste sur tes gardes, t'as rien remarqué de louche?

-Comment ça?

-Tu irais voler un schéma et le remettre sans assurer un minimum ta protection toi?

Trall haussa les épaules mais ne répondit pas. Quelque chose ne tournait pas rond, il le sentait, il fallait aussi dire qu'il sentait tout le temps que ça ne tournait pas rond...Etait-ce un piège?Non, calme toi mon vieux Takorian, Olek n'a aucune raison de faire ça. Reste concentré.

 
Tout concentré qu'il était à ne pas interprèter chaques regards et chaques gestes des quidams qui l'entouraient comme potentiellement suspect, il ne vit pas venir la catastrophe. A peine eut-il passé le croisement du boulevard de Stalath le penseur et de la rue chromatique qu'un ô combien funeste "flotch" se fit entendre. Le Takorian baissa les yeux sur sa chaussure droite pour y découvrir avec stupeur la moitié d'un sorbet au Sartis rose, si il devait se prononcer à l'odeur. Il croisa ensuite le regard plus stupéfait que contrit du malfaiteur haut comme trois pommes.

Pensant que le pire allait se produire, Trall serra le bras de son partenaire en priant à qui l'entendrait qu'il ne fasse pas un esclandre. Elle en fut pour ses frais lorsque le détective afficha un sourire et lança un girasol au gamin en le priant de faire plus attention la prochaine fois. La krolanne était plus habituée à le voir intransigeant voir carrément dingue, elle l'observa un moment tandis qu'il nettoyait sa chaussure avant de jeter un oeil à leur cible qui continuait son petit bonhomme de chemin.

Trall fut d'ailleurs d'autant plus surprise lorsqu'elle se vit gratifiée d'un baiser dans le coup. Sur l'instant elle ne sut comment réagir ni ce que le Takorian avait en tête, son visage en revanche savait lui ce traître et son épiderme passa du bordeau à un rouge légèrement plus vif.

On a trois zig aux basques.Lui murmura-t-il.

Le boulot avant tout, comme toujours, elle se morigéna en silence.

Et j'en ai repéré deux devant nous mais ils semblent ne s'intéresser qu'à Mollet.lui répondit-elle, elle aussi faisait son boulot non mais!

Le Takorian se mordit la lèvre, soit ils faisaient équipe et allaient refermer la nasse sous peu, les coupant ainsi de Mollet, soit, et c'était là le plus ennuyeux, il s'agissait de deux groupes distincts, auxquels cas les deux détectives allait devoir se séparer. Trall s'occuperait de Mollet tandis que lui tiendrait en respect tout ce petit monde, finalement il avait bien fait d'emmener Lola, c'était sans doute la meilleure arme dissuasive qu'il connaisse.

Ils accélèrent vers Mollet.

La chtouille évidemment!La matière grise du Krolanne s'activa à tout berzingue, comment choper le voleur et tenir en respect la bande de zigotos sans exposer les gens qui ne faisaient que se balader sans rien demander à personne?Les deux types se rapprochaient lentement de Mollet qui ne se doutait de rien, tout confiant qu'il était dans les trois hommes que les deux agents avaient aux basques.

On fonce!Pas le temps de réfléchir!Cours après Mollet et chope le, force le à quitter le boulevard, je vais retenir les autres.

-Et le commanditaire?

-Soit on le chope maintenant soit on est marron pour les deux.

Trall et le "génie de la tactique" se lancèrent dans un sprint en bonne et dûe forme, la cavalcade attira l'attention de Mollet qui se retourna pour voir le couple qui le fixait du regard se ruer vers lui et les deux inconnus qui avaient adopté une avance plus subtile. En voyant ce fourbi, sa première pensée fut : "maman", la deuxième:"Mais qu'est ce que je fous là", il n'y en eût pas de troisième, n'en déplaise aux amateurs de dicton, il se mit lui aussi à courir tandis qu'il entendait hurler Trall, beaucoup trop proche à son goût,C.I.E.N! Arrêtez vous!

Bien joué mon vieux, tout en discretion et en finesse, chapeau bas...pensa le Takorian tout en se saisissant de la poignée de Lola.

 
S'ensuivit un bazar sans nom, certains passants s'écartèrent en toute hâte, l'acronyme avait le chic pour vous dégager la voix, d'autres s'égayèrent en hurlant, ceux là devait avoir vu Lola et enfin les curieux, parce qu'il y en a toujours, regardèrent la scène attentivement.

Mollet, en tête, courait comme si il avait le diable aux fesses, et pour cause, il était talonné de près par ce qui y ressemblait le plus, l'agent Trall, qui avait déchiré l'autre côté de sa robe fendue à trente girasols et habilement lancé ses talons dans l'oeil Avlen Toril, boulanger de son état, qui avait eu le tort de se trouver au mauvais endroit au pire moment.

Derrière eux, le Takorian, touffe au vent, il sentait son imposante chevelure mutine bringueballer dans tout les sens tandis qu'il courait avec la grâce d'un lapin sous acide en faisant de son mieux pour ne pas laisser se loger son index sur la gachette de Lola.

Le suivant de très près, les deux vicieux qui, heureusement n'avaient pas ouvert le feu. A vrai dire, le détective avait tout misé là dessus, si les hommes de mains d'un conseiller faisaient main basse sur des schémas avant le C.I.E.N, c'était une chose, mais les abattre en pleine rue en était une autre. Tant qu'ils seraient sur le boulevard, on en viendrait pas aux mains ou plutôt aux flingues, du moins le petit krolanne l'espérait-il.

Quant aux trois autres, ils avaient disparus dès le début de la cavalcade, pourquoi? Mystère, mais le Takorian avait le sentiment qu'il le saurait bien assez tôt.

Trall, pour le moins furibarde, se hissa à hauteur de Mollet, le forçant par la même à s'engouffrer dans une petite rue perpendiculaire, par laquelle s'engouffra l'agent après avoir négocié un virage sec à l'aide d'un réverbert. Tous les autres ne tardèrent d'ailleurs pas à les y rejoindre. Takorian n'en revint pas, ce type était une véritable fusée, à peine avait-il passé le coin de la rue qu'il estima la distance qui le séparait de Mollet à au moins quarante mètre. L'étonnante constitution de Trall allait devoir batailler ferme si elle voulait venir à bout de l'énergie du désespoir qui donnait des ailes à Mollet.

Tout en espérant que tout irait bien pour sa collègue, le krolanne se retourna, Lola en main et prêt à mâter ses deux poursuivant, qui ne tarderaient plus à arriver.

 
Le petit krolanne était prêt, bien campé sur ses jambes, pouvant ainsi mettre tout son point en avant pour contrebalancer le recul de Lola. Il estimait la distance suffisante depuis l'entrée de la ruelle pour rendre inopérant un neutraliseur et si ils sortaient une autre arme ma foi, Lola devrait leur dire un mot ou deux.

Les secondes qui s'écoulèrent lui parurent durer une éternité, son sang battait tellement fort dans ses oreilles qu'il ne lui semblait entendre que ça, lorsque soudain....

Une vieille krolanne toute ratatinée à la peau olivâtre sortit de chez elle en tenant en laisse un spolke, une race de canidée à la fois douce et particulièrement protectrice envers leur maître.

Viens mon Ecrou, c'est l'heure de ta promenade, on va faire un bon petit tou....Aaaaah!

La petite vieille sursauta en apercevant le détective respirant comme un soufflet de forge et tenant dans ses mains un fusil bizarre. Le détective se tourna vers elle mais n'eut pas le temps de dire quoique ce soit qu'un rayon de neutraliseur le toucha de plein fouet. Heureusement pour lui, ses calculs étaient exacts, ils étaient trop loin, il se sentit vaseux mais ne tomba pas dans les pommes.

Il était en mauvaise posture, deux types, deux neutraliseurs, une vieille dame et un chien, remuez tout ça et il en sort quoi? Voilà à peu près où en était la mélasse qui lui servait de cerveau pour l'heure. Le takorian laissa donc de côté toute velléité d'ébaucher un plan et s'en remit à son instinct.

Il fallait se mettre à couvert...la porte ouverte par la mamie! Il sauta dans sa direction tandis que ses deux assaillants avançaient à porté de tir, cette foutue porte semblait tellement loin...un autre tir fusa, raté celui ci mais de peu, ses tympans sifflèrent, ils étaient à portée. Plus qu'une chose à faire, pas très glorieuse d'ailleurs, il se mit juste derrière la petite vieille qui, terrorisée, ne pouvait plus bouger. Le spolke toutes dents dehors ne réagit pas, ne sachant sans doute pas trop sur lequel des trois bipèdes se jeter.

-Bin alors Avren tu tires plus?

-Toi non plus j'te ferai remarquer!

-J'vais quand même pas neutraliser une vieille peau!

-Moi pareil, en plus r'garde là, elle est tellement fripé qu'on dirait un vieux pruneau!

Le détective en était à se demander comment il allait s'en sortir lorsqu'une voix le fit sortir de ses pensées.

Non mais qui est ce que tu traite de vieux pruneau jeune malappris?!

Tous les sens des deux hommes de mains se mirent en alerte, une lueur mauvaise brillait dans les yeux de la vieille madame Turtopoint, jadis agent disciplinaire dans les école du kil. Elle tendit un doigt déformé par l'artrite vers ses invectiveurs.

Attaque Ecrou!

Le spolque se jeta sur le bras de son adversaire le plus proche qu'il mordit copieusement avant de se faire neutraliser par son accolyte qui ne vit pas arriver le cabas de madame Turtopoint.

Le Takorian regarda la scène encore un peu grogui, l'un des homme était par terre et essayait d'ouvrir la machoire d'Ecrou, en pure perte d'ailleurs, tandis que l'autre se faisait rouer de coup par la vieille qu'il n'osait pas violenter. Cette histoire ne devait jamais sortir de cette ruelle, se promit-il, il pensa un instant à arrêter le massacre puis se ravisa, il devait rejoindre Trall au plus vite.

 
Le Takorian couru jusqu'au bout de la ruelle, Lola en main, et arriva à un croisement, il regarda à droite puis à gauche. Chaque option était valable, le passage vers les niveaux inférieurs se trouvait sur la gauche, tandis qu'à droite on s'embarquait dans un joli dédale de rue avec quelques entrepots reconvertis en musée pour certains. Il regarda par terre, rien, pas de trace, le désert total, les rares badauds de ces petites artères avaient dûs fuir en voyant les flingues et la cavalcade.

Bon, où irait-il si il était poursuivit?....idiot comme question, c'était lui qui poursuivait les autres et non le contraire, si quelqu'un le suivait, un bon coup de Lola et hop le problème était réglé...

L'échange avait foiré, mais ils devaient avoir un plan de secour, ils leur faudraient un lieu pas trop loin et suffisamment passant pour livrer le colis en toute discretion. "On est jamais mieux caché que par la foule" lui avait dit un jour un vieux de la vieille et ça se vérifiait toujours.

Tilt!

Musée!Passant mais pas trop, entouré d'un véritable labyrinthe urbain sétendant sur plusieurs niveaux. Bon c'était un endroit valable, le tout était de savoir lequel, c'était un plan de secour donc le plus proche. Le petit krolanne mit à rude épreuve le plan de la ville qu'il avait dans la caboche après tant d'année à arpenter le pavé Kil'darien.

Un coup de feu retentit soudain sur sa droite, il couru aussi vite qu'il put, Trall n'avait qu'un neutraliseur....

 
Sa foulée lui paraissait si lente, il avait l'impression d'avancer dans de la guimauve tandis que l'angle de la rue se rapprochait presque à regret. Son sang tambourinait dans ses oreilles et ce n'était pas du qu'à la course. Lorsqu'il eut atteint l'angle, la première chose qu'il vit fut le liquide pourpre qui se déversait sur le pavé, il serra la crosse de Lola à s'en blanchir les jointures tandis qu'il courait vers Trall qui gisait là au beau milieu de la rue telle une poupée désarticulée.

Trall!

Le Takorian mit un genou en terre et vérifia son poul, le coeur battait et la volumineuse potrine de la krolanne se soulevait, preuve qu'elle respirait. La balle était passée au dessus du coeur d'après lui, on lui avait tiré dans le dos, sans doute pour l'empêcher de mettre la main sur l'autre salopar. A en juger par l'état de son front, elle avait du tomber la tête la première, sans doute surprise par le tir. Il tapota légèrement sa joue.

Trall!Vous m'entendez?!Ouvrez les yeux Trall!

La krolanne resta inerte, il n'avait pas le temps, il devait prendre une décision, abandonner la poursuite et la sauver ou poursuivre et leur rendre la monnaie de leur pièce.

M'sieur?L'interpela une petite voix.

Il leva les yeux et découvrit un gamin un rien crasseux à demi caché derrière une poubelle.

C'est pas moi m'sieur mais j'ai tout vu!C'est deux types ils s....

Il leva la main pour arrêter l'incontinence verbale du gamin en état de choc.

Plus tard!Tu connais un toubib dans le coin?

Le gamin hocha la tête.

Va le chercher et dis lui qu'un agent du C.I.E.N s'est fait tirer dessus

Cette fois ci le gamin ouvrit des mirettes grosses comme des soucoupes.

-J'ai rien fait m'sieur j'vous jure!

-Je me fous de ce que tu as bien pu faire gamin, mais si tu ne vas pas chercher ce toubib au plus vite je te jure que je t'embarque comme Lanyshsta!

Le gosse devint blanc comme un linge, Takorian soupira intérieurement, diplomatie et calme....Il respira un bon coup tandis que l'autre se demandait encore si il devait cavaler ou non.

Ecoute cette femme se meurt, tu ne voudrais pas être responsable de la mort d'un agent du C.I.E.N hein?

Hochement de tête négatif.

Alors tu vas aller chercher un toubib fissa et je te donnerai même quatre girasols pour ça.

Les couleurs revinrent sur le visage du petit crasseux, diplomatie et girasol, le cocktail gagnant!

J'y vais tout d'suite m'sieur l'comissaire!

-Attends!Par où sont partis les autres?

-Par la rueTavère.

-Bien vas y maintenant et fais vite.

Le gamin parti et il regarda Trall, toujours inconsciente, il ne pensait pas qu'elle fût à l'article de la mort et de toute façon il ne pouvait rien y faire, elle était bien trop lourde pour qu'il puisse la porter. Il enleva son long manteau et la couvrit avec.

Accrochez vous Trall, je les chope et je reviens...

Il se releva et ôta le cran de sécurité de Lola, ses grand yeux bleu qui d'ordinaire lui donnaient un air naïf se réduisaient à deux petites billes n'exprimant que de la fureur. L'heure n'était plus à la dentelle...

 
Par la rue Tavère, le musée le plus proche était celui des ustensils ménager, quelqu'un s'était senti obligé de rendre compte de leur évolution au fil du temps, sans parler des inventions toutes plus loufoques les unes que les autres qui avaient germé dans les esprits de certains.

Le Takorian n'avait jamais bien saisi le pourquoi de cette fascination pour le passé, il était comme son nom l'indiquait passé après tout, mais présentement ce n'était pas ces considérations qui tournaient dans sa caboche. Ce qui occupait son esprit était ce qu'il allait faire de ceux qui avaient abattu Trall.

Il trouva deux grands types qu'il reconnu de suite comme étant ceux qui avaient disparu au début de la poursuite, le troisième devait être dans le bâtiment sans doute en compagnie du contact et peut être même du commanditaire. Les hommes de mains semblaient en grande conversation, d'après leur geste, l'un remontait les bretelles de l'autre, sans doute celui qui avait fait feu.

Profitant que toute leur attention soit fixée l'un sur l'autre, le petit krolanne avança, sans courir, les mouvements rapides attiraient bien plus l'attention, sans parler du bruit.

-Non mais t'es vraiment pas bien Grenn?!Repasser un flic, t'es pas malade?!Seulement des neutraliseurs on avait dit pas de pétoire!

-Ça va!Elle allait mettre la main au collet du patron, j'ai réagi et la flicaille ça m'fait réagir fort héhéRépondit l'autre avec un sourire satisfait qui fit grincer des dents le détective.

L'autre le souffleta.

La ferme crétin c'est la mouise maintenant, si ils nous logent on est fini, enfin surtout toi. Alors tiens toi à carreau!

Le second s'accroupit.

Oulala le microbe albinos de tout à l'heure va nous loger, il nous mordillera les chevilles toute la journée pour qu'on se rend....

Etre face à un krolanne de taille réduite n'avait rien de terrifiant en soin, sauf si il portait une pétoire énorme et que ses yeux étaient habités d'une sainte fureur et malheureusement pour le joyeux larron c'était le cas.

Si l'un de vous deux bouge j'en fais de la charpie.La voix était calme et posée, les deux hommes surent instinctivement que ce n'était pas une menace mais une affirmation.

Il se regardèrent, allaient ils tenter le diable?L'un deux regarda les mains du détective crispées sur son arme, pas par la peur mais par l'énorme effort de retenu dont il faisait preuve. Qui garde les gardiens?Le Takorian aurait eu envie que son propre gardien prenne quelques instants de vacances histoire d'en finir avec ces déchets. Le larron mésinterprèta le léger tremblement qui animait Lola, il allait se lancer.

Si tu bouges je te fume et ton associé avec. Regarde bien ce flingue, tu crois qu'à cette distance je pourrai te rater ou te faire une simple égratignure?A cette distance je te coupe en deux mon loulou. Neutralise ton pote maintenant; ton tour viendra après...

L'homme de main lui sourit tout en rapprochant sa main de son arme.

Mais biensûr, un flic avec du lourd?Tu nous prends pour des buses?

Ces deux types commençaient sérieusement à lui courir sur le haricot, plus ça allait plus ils s'enhardissaient, le deuxième commençait lui aussi à vouloir jouer au malin. Son petit gardien intérieur se rongeait les ongles tandis que les deux hommes s'éloignaient l'un de l'autre pour qu'au moins un des deux puisse l'aligner.

BOM!

Le bruit assourdissant de la déflagration surpris les deux hommes qui sortirent leur neutraliseur pour les braquer sur l'inspecteur qui lui même braquait Lola sur le plus fanfarron des deux, estimant que c'était celui qui avait le plus de chance de craquer l'ors de ce petit face à faces.

Le neutraliseur du rigolo commença à trembloter lorsque la curiosité lui fit détourner les yeux un instant pour voir les dégât sur la chaussée.

-Nom de...t'as vu ça Dat'?! Y a un putain de trou dans la rue!Son truc crache des pals!

Je vous présente Lola les gars, qui, comme vous le voyez, n'a rien d'un neutraliseur géant. Si l'un de vous tire le gros malin que voilà se retrouve en petits bouts.

Il laissa passer quelques instants pour qu'ils s'imaginent la scène puis reprit d'une voix toujours très calme. Il s'agissait maintenant de la jouer fine.

Alors voilà, soit vous faites les malins et un de vous deux y reste, voir même les deux si ton copain là me rate, soit le clown blanc là te neutralise le rigolo avant de retourner l'arme contre lui. Oui je sais, vous allez finir dans les bureaux du C.I.E.N mais l'un de vous n'a pas grand chose à craindre.

Il pencha la tête sur le côté en signe d'excuse.

Et oui le rigolo, toi t'as abattu un agent, alors que ton copain n'a fait que courir après toi sans doute pour t'arrêter.

-J'ai quelle garantie?

-Aucune, mais je n'ai rien à faire d'un homme de main, c'est ton patron qui m'intéresse...et l'autre fou de la gachette.

-Tu vas pas faire ça on peut se l'f...

-Désolé mais quand on t'offre une porte de sortie tu la prends.

Le rigolo s'effondra sur le sol puis son partenaire posa son neutraliseur au sol avec lenteur.

Comme vous l'avez dit, c'est pas moi que vous voulez, alors changement de plan, je file, soit vous me courez après soit vous arrêtez mon patron, il est toujours à l'intérieur, mais plus pour longtemps avec le bruit de la détonation.

L'homme de main souleva son manteau pour montrer qu'il n'avait pas d'autres armes à porté de main et fila en courant. L'inspecteur se mordit la lèvre, un sur deux c'était toujours ça, il ramassa un neutraliseur et regarda le rigolo inanimé. Il lui logea deux bon coup de pied dans les côtes histoire de passer ses nerfs et entra dans le musée en priant pour y trouver ce fameux patron, histoire que toute cette affaire ne soit pas un fiasco complet.