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Chez Bragg
L'Apothicaire consumé
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Sukra 27 Dasawar 814 à 19h07
 
J’avais passé une nuit de plus sur mes expériences. Pour l’heure, aucun résultat satisfaisant. Je manquais de quantité et de qualité. L’objet de toute mes attentions se portait sur la réalisation d’un outil – que d’autres qualifieraient d’arme – capable de pénétrer n’importe quelle protection, qu’elle fut physique ou magique. L’idée m’était venue après l’expédition du Fortin. Ou comment réadapter son équipement aux ennemis déclarés des lanyshtas. Mes premiers essais consistaient à exploiter la poudre explosive des feux d’artifices et d’y ajouter un lanceur, de sorte à rendre la visée et la portée plus grande.
Sans grand succès.
Ma poudre était trop instable et l’explosion produite ne perçait pas les alliages plus résistant, elle se contentait de cabosser.

Puis, je me souvins de ces escargots à la bave destructrice. Lors du voyage, ma petite armure de cuir et mes bottes s’étaient totalement désagrégée sous l’effet du liquide. Liquide… En voilà une bonne idée. Peut-être que l’explosion n’était pas la solution, peut-être qu’il suffisait simplement d’utiliser un acide ou une substance du genre, rendu portatif et utilisable à la manière d’un aspergeur. Les forgerons n’eurent aucun mal à me donner une liste de corps capable de passer outre leurs alliages. Ils étaient peu nombreux et dans cet amas d’information, l’un faisait l’unanimité tant par son efficacité que par sa dangerosité : le feu liquide.
Bleuté pour certains, noirâtre pour d’autres, le feu liquide rongeait tout ce qu’il touchait. Chair, bois, textile, aciers… La matière fondait littéralement à son contact. Sans mal, je parvins à m’en fournir auprès d’un artificier qui l’utilisait pour fondre les babioles inutilisées. Une dizaine de petites fioles dépressurisées, stabilisant le composant et le rendant inoffensif. Dès lors qu’il entrait en contact avec l’air... là… c’était tout autre chose. Je sacrifiais, à défaut d’un doigt, plusieurs paires de gants dans mes premières manipulations.

Je tenais donc mes munitions. Il ne me manquait plus qu’à bricoler de quoi les projeter sans y perdre un bras par un coup de vent malvenu. Et là, ça se compliquait. Allez trouver un truc capable de résister au feu liquide durant les quelques secondes nécessaires à la propulsion qui vous permette également d’orienter votre tir tout en contenant un système de détonation… Ce projet sonnait comme un casse-tête. Et pas l’un de ceux qui vous amuse. Non. Un casse-tête qui vous brise vraiment, la tête.

Mes recherches me permirent d’isoler différents composants. Une structure en bois de tertre, pour la légèreté auquel il faudrait ajouter des renforcements métalliques. Usant des différents minéraux qui foisonnaient dans le kil’sin, je me rendis compte que l’ambre, outre sa rareté, stabilisait en partie le feu liquide. Oh bien entendu, rien de révolutionnaire. A titre d’exemple, une centaine de grammes d’ambre vous permettait d’absorber une goutte de feu liquide. Ce n’était pas la panacée mais l’idée était là. En réduisant la pierre en poudre, je pouvais enduire le réservoir de l’arme et ainsi limiter sa dangerosité en cas de fuites. C’est ici qu’intervenait Bragg. Bien qu’on puisse douter de la pertinence de ses conseils, en matière de chimie, c’était une pointure le vieillard. Il m’avait d’ailleurs parlé d’une huile, dont l’effet principal et miraculeux pour un type comme lui tenait en cette capacité d’isoler la propriété d’un corps. Une sorte de séparateur d’élément qui était utilisé dans de rares cas de confection exceptionnelle. On pouvait trouver des cuirs recouverts de cette huile, rendait la peau tanné totalement imperméable à l’eau comme au feu. Chez les apothicaires, l’ajout de quelques gouttes d’huile stabilisait une concoction et masquait ses effets indésirables. Il n’était pas toujours agréable de se voir guérir d’un petit rhume pour ensuite récupérer une vilaine gastro…

J’ignorais si ce composant m’apporterait une solution convenable. J’imaginais la mélanger à la poudre d’ambre de sorte à apporter une sécurité supplémentaire. Les détonations avaient toujours tendances à fragiliser les pistolets, au détail près qu’un flacon de feu liquide était bien plus destructeur d’un bol de poudre…

L’aube gagnait petit à petit les puces de Koi. Les commerçants s’apprêtaient à recevoir leur marchandise en provenance des autres Kil. Le Sin était comme endormis, paisible. Dans la pénombre et la brume matinale, nulle conversation, nul ragot.
Le silence.
Je détestais le calme. Je subissais de plein fouet la pression de mon environnement, sans filtre, sans protection. C’était étouffant. Le pas pressé, j’évoluais dans les puces. Je ne fis aucun détours et ne prit pas la peine de rendre le salut des commerçants habitués par mon passage en journée. Arrivé à bon port, j’entrais sans frapper dans la boutique de Bragg. A première vue, il n’y avait pas un chat qui vive. Les volets étaient entrebâillés, la lumière rare. L’odeur de renfermé m’arracha une grimace. Décidément, je ne m’y ferais jamais.


Bragg ! Où t’es-tu encore fourré? Dans le placard? Sous la table? Pendu au lustre? Je jetais un coup d’œil vers le plafond. Ah non, pas de suspendu cette fois ci…

Un ricanement lointain, rocailleux, se fit entendre en provenance l’arrière-boutique. Sans gêne, je m’y dirigeais. La pièce était plus petite, plus sombre également. Deux petites bougies bientôt consumées rougeoyaient près de l’établi. Le rire persistait. En m’approchant, je découvris la carcasse décharnée du vieillard étalé entre les deux paillasses, souriant, une pipe éteinte au bec et plusieurs fioles brisées. J’observais Bragg d’un air amusé.

Bragg : Ah ! Y m’a trouvé l’Arlequin erk erk ! L’est v’nu tout seul ? L’freluquet est resté au bercail ? Hmmm.. .C’qu’y doit pas avoir b’soin d’grand-chose alors… un peu d’ma Salvia ? Erk erk ! Ma précieuse, mon petit plaisir à moi !

La salvia… Je m’intéressais peu aux noms, ayant laissé depuis des années toute ma confiance en Bragg en ce qui concernant les élixirs et autres munitions du genre. Enfin, je n’étais pas là pour ça. Pour le secouer, je lui envoyais un coup de pied dans les jambes. C’est qu’il était encore costaud le bougre, pas de quoi lui casser un os.

On a besoin de toi. Enfin de toi, de l’huile que tu nous as refilé il y a trois jours.

D’un coup, comme un véritable coup de fouet, le regard du vieillard regagna en consistance. Son rire cessa. Il laissa même tomber sa pipe de sa bouche. Il me fixait sans ciller, stoïque.

Bragg : J’vois…T’as testé l’huile hein… Et t’as aimé ça… Et t’en voudrais plus…Il se tut quelques secondes. L’problème, c’est qu’t’es pas l’seul à vouloir mettre la main d’ssus. Et j’te parle pas d’ma clientèle…Les grands apothicaires du Sin paieraient cher pour un flacon de c’machin. J’en fais partie. T’imagine pas les possibilités de c’t’huile… oh ça non…

Je m’assis sur l’une des chaises hautes encore en état. Noyer le poisson tout en obtenant l’information.

Sacré Braggouille. Fripouille! Tu ne veux pas partager hein ? On est fidèles pourtant, toujours prêts à partager un de tes machins dégueulasse ! T’as même du oublier l’époque où on ne rechignait pas à tester tes créations. Ça nous a coûté une moitié de fois d’ailleurs… On ne te l’a jamais facturé ça pas vrai ? Alors va, fais pas ton difficile, dis-nous où en trouver ou à défaut, pas qui passer pour en avoir.

L’apothicaire éclata d’un rire dément.

Bragg : T’en procurer ? Ah ah ah ah ! Bille de clown, t’m’avais jamais fait autant marrer ! Il se ressaisit et se releva lentement. L’problème, c’est qu’on ignore où la chercher. Ceux qui la distribuent, des gars du Dessous, y t’diront jamais comment y ont mis la main d’ssus. C’est leur fond d’commerce et y comptent pas partager l’secret, du moins pas d’sitôt ! Oh on a bien quelques idées… Un extrait d’pelage de bestioles des terres sauvages. Mais qui s’risqu’rait à aller gambader à l’Extérieur sans savoir quoi y chercher ?

Pas moi.
Partir extraire quelques pierres d’ambres ça c’était envisageable, mener une expédition de plusieurs jours à la recherche d’un composant inconnu, c’était un bon plan pour finir en pâté pour loups. Non… Pas à gamberger bien longtemps, pour le coup, j’allais devoir retourner dans les Dessous et y lâcher quelques sous.


Hmmm… Et auprès de qui faut-il aller mendier pour obtenir un ou deux flacons d’huiles ? Pas une charrette entière hein, juste quelques centilitres, pas de quoi en faire un flan.

Bragg : Ah, t’vois qu’y t’reste un peu d’raison ! Bien qu’tu sembles pas bien taillé pour aller t’fourrer là-bas d’dans mais après, c’est qu’mon avis erk erk ! la dernière fois qu’j’ai eut affaire à ces gars, y’avait un type du nom Scipio…Scipio Klochose, Klocas ou Klodas p’t’être bien. M’ont fait am’ner un peu d’pognon dans un sac dans l’une d’leur taverne bien crasseuse. Pi en moins d’deux, j’me suis r’trouvé la tête sur l’plancher, dépouillé, avec tout’fois une bonne bouteille d’huile d'Saçenbon, c’est comme ça qu’y m’l’ont vendu.

Scipio Klodas… Les Dessous… Je n’avais aucune envie de retourner là-bas. Plus de dix ans déjà que j’avais coupé les ponts. Un grand merci au paternel. De mémoire, les paris étaient florissants, l’argent, ou autres richesses diverses et variées, coulaient à flot. Avec un peu d’astuce et de sournoiserie, il était possible de s’enrichir en quelques semaines…tout autant que de finir sur la paille ou entre quatre planches, six pieds sous terres pour les chanceux. J’avais connu ce milieu dans mes jeunes années. Ca remontais et pour tout dire, ça ne me manquais pas. Oh bien sûr, le public était plus passionné, au point parfois d’avoir des réactions disproportionnées. Non mais vraiment, vous trouvez ça normal, vous, de planter vos canif dans la main de votre voisin car vous supposez – à tort bien souvent – qu’il planque des cartes sous sa manche ? Le cocktail explosif des Dessous, ça allait bien pour la jeune, mais à mon âge…ah, on aspire à plus de stabilité.
La mine satisfaite, je quittais ma chaise.


Bon bon bon, eh bien nous verrons ce que ton Scipio peut nous refiler. De toute façon, nous n’avons pas le choix ! Je me dirigeais vers la sortie. Quand tu auras atterrit, pense à nous mettre un peu de ta Salvia de côté, nous passerons récupérer ça dans les jours prochains…si nous ne nous sommes pas fait dépouiller avant ah ah ah !

Bragg : Ah ah, gaffe à tes grelots ma p'tite Clochette ! Ah ah ah !

Dehors, la ruelle s’animait petit à petit.
Sans un mot de plus, je sortais.



- Thème d'Elyas -

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