Au fond de la boutique trônait une petite table en bois de cèdre, les pieds avaient été méticuleusement travaillés et les gravures représentaient un pan de vie de la cité.

Sur la table étaient posés des monticules de livres.
Ils se dressaient un peu comme des tours aux sommets diverses.
Certains défiaient dangereusement la gravité, d'autres plus humblement gardaient une hauteur de complaisance.
Tous réunis ils faisaient un petit dénivelé, une chaine de montagne d'où émergea une colline pourpre.

Puis comme par magie la colline disparut sous la pile de livres devant elle et provenant de cette barrière d'arbres devenus feuilles un "ah....." admiratif se fit entendre.

Alors sortant de derrière tout ce décor livresque, une main vint chercher la cime d'une pile.

Il semblerait qu'à cette table vive une bête dévoreuse de livres !!


La créature était bien trop plongée et concentrée dans ses lectures pour s'apercevoir que le carillon de la porte venait de résonner à son ouverture....

 

Chi-kling-kling-chi-chikling


Chi-kling-kling-chi-chikling

 
Absorber. Action de se nourrir d'un aliment liquide ou solide afin qu'il soit bénéfique pour la vitalité du corps.
Absorption. Tout coton plongé dans un liquide en absorbe le contenu jusqu'à n'en plus pouvoir.
Étancher. Action d'arrêter un liquide en train de couler.
Étancher sa soif. Boire jusqu'à l'apaiser.

Était-elle ce coton ? Pourquoi avait elle tant besoin de lire ?
Elle, la Neige blanche de la bibliothèque ? Elle qui s'endormait avec un livre ouvert posé sur le coin du visage et le second sur l'oreiller.

Quoi qu'il en soit, elle était réellement absorbée par ce qu'elle lisait dans les livres.
Les pages se tournaient à un rythme soutenu et régulier, ses longs doigts fins, glissaient sur les feuilles comme les pattes d'une araignée, filant les lettres d'une ligne à l'autre.

D'ailleurs l'oeil affuté pouvait se rendre compte aux quelques tâches d'encre noir qu'elle devait elle même écrire à la plume.

Le silence se rompit lorsque son coude vint cogner malencontreusement un ouvrage qui tomba à ses pieds avant de s'ouvrir sous la table. Elle sursauta comme tirée d'un rêve par une main extérieur qui lui ordonnait de se réveiller.

Elle descendit prestement de son petit perchoir à trois pieds, s'accroupit et observant la page ouverte du livre émit un long sifflement admiratif.

C'est à cet instant qu'elle perçut le cliquetis qui semblait venir vers elle. De surprise elle se releva un peu précipitamment et heurta la table.

Les piles de livres qui à dire vrai n'attendaient que cela, se jetèrent sur la malheureuse et l'engloutirent sans autre forme de procès !

 


Putevierge ! L'aide était pour moi... Tout va bien ?

 
Une cascade de feuilles, un torrent de couvertures, un fleuve de lettres, un courant littéraire, la jeune femme est engloutie dans le Maelström de sa passion. Au moment où elle se noie elle entend plus nettement une voix, féminine de surcroit.

Alors sa réponse est portée sur le vent de l'avalanche des livres qui débaroulent sur elle.

Ouuuuiiii ?

Le cri est suivi d'un autre plus petit et étouffé : Aie

Elle tente de se défaire de sa prison d'encre tortueuse, repoussant volume après volume ceux qui avaient voulu s'emparer d'elle.

Une main émerge du capharnaüm, la peau est légèrement teintée, les doigts longs et fins comme les branches d'un jeune mirabellier.
Puis un bout de pied suivi d'une jambe bouge en contrebas, la botte tentant de s'extraire des ronces du labyrinthe de Pan, pour pouvoir permettre à sa propriétaire de se hisser à l'air libre.

Liberté des mots ! ..... Maux......Mau......Le chat Mau....le chameau.....

Elle se redresse donc, donnant à la Scène finale de ce tableau, un monticule de livres à ses pieds, portant comme sur un piédestal, la silhouette frêle de notre bibliophile. Sa masse de cheveux échappés de la capuche, tombe en flocon épais jusqu'à la dernière couverture venant du sol.

Elle regarde alors l'inconnue en face d'elle et se met à rougir.

Oui pardon ? vous...vous vouliez quelque chose ?

Elle passe sa main sur son front, fort de constater que le poids du savoir avait laissé une bosse qui ne serait pas celle des mathématiques d'ailleurs !
Elle fronce les sourcils, se penche à nouveau, farfouille dans la mer de livres et ressort un petit sac en forme de bourse violine, d'où elle extirpe un onguent à l'arnica qu'elle s'applique.
Puis, elle se hâte de ranger sa chevelure sous la capuche et revient à la femme devant elle :

Voilà, je ...je suis à vous.

 


"Eh bien...il me faudrait...un livre ou des conseils..."



Pensée :

 
Elle la détaille alors lentement, méticuleusement, des pieds à la tête sans l'once d'une gêne. Son naturel est des plus naïf, pas de jugement, pas d’apriori. Auscultant cette femme qui se présente à elle, avec son œil tout neuf.
De ce même regard qui sorti des livres semble découvrir tout l'univers autour de lui.
Avec un émerveillement et une fascination qui s'accroissent perpétuellement. Elle s'attarde un court instant sur les ustensiles qui pendouillent aux ceintures, intriguée, mais n'en fait aucun état ouvertement.

Elle pense : que peut elle donc bien faire avec tout ça!?

La voilà face à elle et lorsqu'elle lui fait sa demande, la jeune femme parait encore plus surprise passant une main sur son visage en redescendant à son menton, son index posé sur ses lèvres. Elle ne semble pas vraiment se rendre compte que la fin de la phrase ne résonne pas dans les lieux.

Elle se met à réfléchir tout naturellement, perdue dans ses pensées quelques secondes.

Puis comme si la réflexion avait fini par aboutir, elle sort de sa torpeur et répond sur un ton exclamatif marqué par la satisfaction d'avoir trouvé :

Mais oui !
oui, bien sur !
il me semble avoir vu des livres sur les oléorésines fossiles, d'ailleurs l'un d'eux parlait plus particulièrement des carabés, celui ci je m'en souviens, un livre de médecine, mais...vous....vous me dites, vouloir vous pencher sur leurs aspects...hum...attendez, suivez moi, il faut aller regarder dans l'autre partie de la boutique !

Elle se recule et poussant un rideau anthracite découvre une seconde pièce plus petite, éclairée par semble t-il une série de petits photophores donnant un aspect plus confiné et intime.
Elle s'avance, ressort la tête, tenant toujours la tenture et renchérit :

Venez je vous en prie, mon oncle rangeait ici les volumes plus spécifiques

 


"T'es sûre..."

Pensée :



"Ton oncle ? Et il t'a refilé le bébé, ou bien l'as tu repris par conviction ?"

 


Sûre ? sûre de quoi ?
Les livres ? des dégâts ? des dégâts de quoi ?
Les livres ne font des dégâts que s'ils sont dans de mauvaises mains !
La connaissance est pour tout le monde, mais tout le monde ne sait pas l'utiliser pour le bien commun...


La lumière est douce, elle tamise le lieu, les étagères emplissent les murs, partant du sol jusqu'au plafond, les volumes sont rangés par catégories.





J'ai grandi ici, entre le logis et la boutique, je suis restée plongée dans les livres depuis toute petite, j'en connais les moindre pages, les illustrations, les idéaux, les doctrines, les savoirs.
Certains étaient plus...comment dire....interdits que d'autres, avançant des pensées qui en fonction des époques furent plus ou moins condamnées et condamnables.
Au départ de mon oncle il était normal que ce lieu reste ouvert.



Pierres, Précieuses, Semi Précieuses et Oléorésines Fossiles

Je pense que déjà pour commencer vous trouverez votre bonheur dans cet ouvrage et si vous voulez quelque chose de plus...précis, laissez moi chercher de nouveau.

 


"Pour redire ce que les débutantes disent souvent à leur premier rendez-vous... A quoi peut bien servir ce gros truc ? Tu me dira que je ne suis plus tout à fait une débutante, même que c'est pas faux.

Sinon, faut que je me paluche tout le livre pour trouver mon bonheur ? Si y'a un truc qui met de l'ordre dans c'te somme, ça me plairait bien."



"Parce que là, moi, j'ai pas le place pour un truc aussi gros chez moi."

 


Excusez moi, je ne me moque point de vous,
mais comme tout livre digne de ce nom, vous avez au début, un petit lexique, où le contenu est répertorié par chapitre en fonction des catégories qu'il traite.



L'ambre à travers les âges, évolution de l'ambre, sa taille, son utilité, comment la travailler.



Pages 128 gente Dame et le tour est joué !
Les livres ont des clés de lecture voyez vous, il suffit juste d'avoir la bonne clé pour les ouvrir. Rien de bien compliqué en somme.



Vous souhaitez le consulter sur place ?
je vous prépare du thé ?
ou préféreriez vous l'emprunter pour quelques jours et le lire tranquillement ?...

ou les deux peut-être ?

 

"Y'a du savoir-faire ou je m'y connais pas... Dis-moi, ma grande, tu sais que le C.U.L. pourrait profiter de tes capacités ? Parce que ça,..."



"Sur place, hein, je te prends du thé et des biscuits..."


"Dans l'absolu, c'est pas barbant de rester enfermée là-dedans ? Je connais un peu le principe, hein, restée là au milieu d'objet d'attentions. Mais bon, de temps à autres, faut-y pas sortir un peu ?"

 


Du thé très bien, j'ai de nombreux parfums à vous proposer, tout dépend si vous préférez du thé vert, du thé noir, du thé blanc ou du thé rouge, après dans chacun il y a encore une multitude de parfums.
Par contre pour ce qui est des petits gâteaux, je n'en ai que des secs à vous proposer. Mon oncle lui cuisinait à la perfection, moi, je n’excelle pas dans cet art....


Le C.U.L mais qu'est ce donc ? une organisation ? mon oncle ne m'en a jamais parlé....



Vous avez de la chance ils sont à la cannelle et à la fleur d'oranger !

 


"Cannelle et fleur d'oranger ? C'est plutôt bon. Très convenu, hein, mais c'est pas moins sympa. Par contre, autant, je suis pas contre les gâteaux secs, je préfère quand même mon thé avec de l'eau. "



"J'ai dit un truc bizarre ? Se pourrait-il qu'il y ait un lézard ?"

 


"Mais bien sur le thé avec de l'eau, c'est prévu dans le système, je verse l'eau dans la théière, j'allume la petite bougie en dessous et je mets à infuser le thé !
Sauf que ne connaissant pas vos goûts actuellement, je voulais savoir lequel aurait ainsi vos faveurs ?
Vert ? Blanc ? Noir ? ou Rouge ?
vous préférez les notes douces, sucrées, fruitées, exotiques ou plus épicées, chaudes, sensuelles...c'est à vous de me le dire !"



"avec votre thé, vous prendrez du sucre ? "

mais ce qui fut le plus surprenant fut la fin de la phrase qui ma foi, sortit plus vite que prévu à en croire par la gêne qui vint draper son minois.

"Le C.U.L ? est ce pour Conseil Unique des Lézards ?"

Allez savoir par quelle diablerie les lézards auraient envahi les lieux ? y en avait il ou n'y en avait il pas ? tel en était la question !

Le thé alors ? quel parfum ?

 


"Rouge, bien infusé avec des notes épicées, mais avec des fleurs dans la bouche... Je crois que c'est comme ça qu'il faut le dire. Je garantis rien, hein...Ce qu'il me faut dedans ? Mets-moi le sucr... Héhéhéhéhéééééé Hahaaaaaaa hihihihi ! "



"Sérieusement, je peux t'arranger un poste là-dedans, au C.U.L. Mais c'est le Comité pour l'Urgence Lithophile. Pas autre chose. Le truc, c'est de s'intéresser aux cailloux. Les attraper tous. Les décrire tous. Les recenser tous. Typiquement, j'pense que t'as le niveau pour consigner ce genre de machins. Même que tu dois déjà être bien calée sur le sujet, hein ? Et sur d'autres...

Et pis, ça fera toujours de quoi arrondir les fins de mois, non ?"

 
Haaaaa
Quelle sotte je fais sur le sujet décidément...tout ne s'apprend pas dans les livres....

Je comprends mieux votre engouement pour l'ambre dans ce cas présent ! mais cette passion vous mène t-elle plus à chercher la beauté de tous ces éléments concentrés dans l'écorce terrestre ou bien est ce dans un but plus scientifique précis afin d'établir le passé plus surement ?



À moins que vous n'étudiez l'oxygène de notre terre ?....


Je vous en prie installez vous et expliquez moi dans ce cas en quoi mes humbles compétences pourraient vous être utiles ?



Chercheuse de cailloux....comme c'est étrange.

 


"Le terme, c'est pas scientifique, hein, mais c'est plutôt...prag-ma-tique. La science, c'est bien beau, hein, mais ça subvient pas tout de suite aux besoins. Plus tard, peut-être. S'il y a urgence, c'est que tout ce beau monde a besoin de cailloux. Et que y'en a qui sont assez durs à choper sous nos pieds. Du coup, faut les chercher là où ils sont."


Donc, il faut des gens qui trouvent, et d'autres qui aident à trouver. Typiquement, toi, dans tout ton machin tu pourrais retrouver des traces des anciennes expéditions. Savoir où qu'il faut aller, où qu'il faut pas se casser une jambe. Et pis, ce boulot, faut l'actualiser. Et vi. Et pis, c'est pas parce qu'on trouve tout facilement que ça va durer. Non, non, et non. C'est là que la science, l'origine des cailloux, peut servir. Et ça, ça te botterait, j'en suis sûre.



C'est te dire si au C.U.L., on prend pas les choses par-dessus la jambe !

 


"Pragmatiquement le monde a besoin de cailloux ?
de cailloux ? mais pour quoi faire ?"


"haa, il y a caché quelque part un mange-pierre ! et il ne se nourrit que de cailloux et s'il ne mange pas il vous transformera en statue !!"



"enfin c'est ce que mon oncle me disait le soir avant que je ne m'endorme pour que je ne sorte pas en douce la nuit...mais je me doute qu'il ne s'agisse d'histoires que pour faire peur aux enfants trop espiègles."



"Donc toutes sortes de cailloux, et qu'en faites vous après ?
hum ?
vous les répertoriez, les classez ...les ?"