*** L'idée était séduisante,
presque autant chaleureuse que les flammes du feu.
Elle le regarda en silence un petit moment,
le contemplant lui, puis l'âtre.
Allant de l'un à l'autre dans une sorte de méditation
où son esprit voguait de ci de là.

Il n'avait pas tort, autant se soutenir,
s'aider au lieu de se fuir et de se craindre.
Koi Seh lui avait dit de se méfier,
mais fallait il se méfier également des siens ?

Alors elle le fixa et dit d'une voix douce,
mais qui prêtait à confusion car elle avait bel et
bien une pensée tordue en tête.

"Bien, soit.
Mais dans ce cas Monsieur Danthos quels sont vos autres talents ?
En dehors de celui vous permettant d'éviter
les livres qui tombent du ciel !

Comment pourrions nous les unir ?"

Elle se leva,
fixa l'homme droit dans les yeux
faisant comprendre à son interlocuteur
qu'elle attendait une réponse sincère.
Puis sur un ton totalement désinvolte elle lui déclara :


"je vais préparer du thé,
il doit bien y avoir encore quelques herbes dans la petite cachette.
Vous en voulez ?"

Et de laisser Danthos,
tandis qu'elle se mettait à grimper sur une branche au dessus de la cabane
pour atteindre un petit creux plus haut dans le tronc vigoureux.
Elle était donc dehors à califourchon, en train de tirailler sur un sac de toile de jute.
.



Ha ne pas manquer, vu l'étrangeté de la forme que l'arbre avait pris,
personne ne serait venu farfouiller et
encore moins n'aurait pu croire qu'il y avait quelques trésors d'enfance de cachés dedans.
***

*** Un rire. Comme s'il n'avait su faire que ça depuis leur rencontre, il ne put s'empêcher de dévoiler généreusement la bonne rangée d'incisives qui tenait toujours (en même temps, vu son jeune âge, l'inverse aurait été compromettant). Rire qu'il accompagna volontiers d'un hochement de tête à la proposition d'un thé bien chaud.

Se levant presque en simultanée, il ne prit pas la peine de répondre de suite, préférant regarder au loin le crépuscule répandant timidement sa gamme de couleur orangée.
S'accoudant à la fenêtre le temps que la bouilloire siffle sa stridente mélodie, il laissait vagabonder son esprit tout autant que son regard.

Un talent?
Bon dieu, qu'il en avait des masses! S'il devait en dire qu'un seul, il hésiterait un instant entre disserter sur l'analyse des flux cosmiques sous l'emprise de l'hydromel, ou la méticulosité qu'il s'empressait d'investir dans chacune de ses entreprises.

Mais quelque chose le tira de sa rêverie. Un doux parfum, son agréable voix... il ne saurait dire.
Il avait néanmoins une réponse à lui fournir. ***

*** Et non pas vos yeux, ma chère...
Aucune ne saurait miroiter autant que ses deux iris, mais leur attirance était d'un tout autre effet sur Danthos ***

*** Elle finit de tirer le sac et se laissa glisser
le long du tronc pour le rejoindre avec son précieux butin.

"Vous disiez cher Danthos ?
Mes yeux sont des pierres qui brillent ?

J'ai du mal à vous suivre là ?

Expliquez vous donc davantage !
à moins que je n'ai pas tout compris depuis là-haut ?

Je vais déjà nous faire un peu de thé,
il va faire froid sous peu et
je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de couvertures ici."

Elle passa à coté de lui,
ondulant à chaque pas qu'elle faisait comme portée par le vent
et elle ouvrit le sac sur la table.
Elle en retira une petite boite en fer dont elle dévissa le couvercle.
Alors dans la pièce de la cabane,
une odeur envoutante se dégagea et vint chatouiller les narines de Danthos.

La jeune femme prit les deux tasses dont elle avait besoin
et attrapa au dessus d'une poutre une drôle de théière
pour faire infuser ses herbes.

***

*** Bizarre se disait-il... lui qui pensait avoir garder sa dernière pensée pour lui-même. A moins qu'il ne l'ait bêtement murmuré...

Sentant la douce odeur d'un thé qui lui semblait fruité, son odorat ne put s'empêcher de tenter de déchiffrer cette note aromatique qui l'atteignait. ***

*** Tentant de vulgariser son savoir, il guettait la réaction même minime que cela susciterait chez la Libraire.
Car s'il y avait des choses à apprendre ou découvrir dans ce monde, la Lanyshta serait un contact des plus intéressants à avoir. ***

*** Pendant que le thé infusait gaiment,
elle tripota alors nerveusement son pendentif autour de son cou.

Est ce que Monsieur Danthos était sincère dans ses propos
ou avait il vu sa pierre et il essayait d'en savoir plus indirectement.

Elle se retourna et le fixa droit dans les yeux.

Après tout elle n'allait pas se cacher face à lui,
ils étaient pareils.


"je comprends très bien ce que vous voulez dire Monsieur Danthos.
Je possède un caillou qui lui même a une kyrielle de propriétés
bien particulières...
Mais vous ne pourrez pas le toucher par contre....
vous êtes un homme....
et aucun homme n'a pu poser la main dessus."

Elle sortit le pendentif de sa chemise et le fit tournoyer,
il se mit à scintiller dans la cabane.
Était ce le feu du foyer qui projetait ses flammes sur la pierre
ou lui même qui irradiait ?...

Elle le laissa posé sur sa chemise
et s'avança avec le plateau où les deux tasses attendaient de recevoir
le chaud breuvage. ***

*** A la vue de la Pierre, les désirs humoristiques de Danthos aux propos de la Libraire furent de suite réprimés.
Et pas seulement son mauvais goût pour l'humour.
L'espace d'un instant, il ne subsistait que le caillou et ses deux yeux épris par l'étrangeté de la chose. Comme si un autre monde s'ouvrait à lui.

Mais la seconde suivante, il se retrouvai là, planté au milieu de la cabane avec la belle Lanystha portant un plateau.
Décidément, la magie des cailloux n'était pas qu'une illusion.
A moins que ce ne soit juste une passion. Impossible à déterminer pour l'instant. ***

*** Réprimant l'envie de caresser le miroitant objet tout autant que la resplendissante chevelure, il déglutit avant de reprendre ***

*** Joignant le geste à la parole, il posa la bague sur la table situé droit devant lui ***

*** Elle resta perplexe en voyant la bague,
manquant de faire choir son plateau tant la surprise fut grande.

La structure du bijou, sa sculpture, sa morphologie, tout ressemblait à son pendentif comme si finalement la personne qui les avait fait était la même !

Alors elle articula, le coeur battant la chamade :

"d'où tenez vous votre bague ?
vous savez qui l'a faite ?"

Fébrilement elle prit l'objet entre ses longs doigts fins et la fit tourner près de son visage pour en apprécier davantage l’orfèvrerie.

"elle est ...c'est vraiment une bague d'homme, mais pas uniquement....
n'est ce pas ? enfin je veux dire ce n'est pas une simple bague ? !"

Elle restait intriguée,
se demandant si en la passant au doigt il se produirait quelque chose.

"puis-je la mettre ?" le questionna t-elle. ***

*** Le regard de Danthos balayait alternativement son précieux héritage et la mine stupéfaite de la Libraire.
Et vu le nombre de questions qui jaillirent subitement hors de sa bouche, grand devait être son étonnement.
Hélas pour elle, peu nombreuses étaient les réponses qu'il pourrait lui fournir.
Néanmoins à sa dernière interrogation, la réponse ne se fit pas attendre ***

*** Se faisant, il tendit sa main afin de récupérer son précieux héritage.
Non pas qu'il se méfia d'elle, mais plutôt de l'objet ***

*** Raclement de gorge, regard détourné afin de ne pas trahir ses émotions ***

*** Cette fois, la confusion du Prospecteur n'était pas feinte.
Car à la découverte soit fortuite soit totalement planifiée de l'objet, il lui semblait qu'il en était de même pour les effets qu'il procurait.

Et par un regard dérobé dans le col de son interlocutrice, le voilà qui à son tour réalisa la chose.
La surprise l'avait contaminée ***

*** Elle rendit la bague sans faire d'autres regards dessus.
La question de Danthos la dérangea quelque peu...
Devait elle tout lui dire ?
Devait elle préserver un peu d'intimité alors qu'elle ne connaissait pas visiblement cet homme qui quelques heures plus tôt avait failli prendre un livre sur le crane.

Elle sourit et se laissa revenir au sol, s'asseyant non loin du feu.

Vous êtes curieux aussi monsieur Danthos !

C'est ma mère qui me l'a donné avant de partir,
un bijou qu'elle tenait de sa grand-mère m'a-t-elle dit.
Mais elle s'est gardée de développer son passé.
Je sais juste qu'elle ne se laisse pas porter par des hommes.

Elle afficha un sourire un peu coquin et se tut. ***

*** Chaque histoire a ses parts d'ombre et de lumière. Et à chaque nouvel angle, on découvre une facette jusque là ignoré.
Les deux Lanyshtas s'étaient sans doutes dit la vérité. Sans doute en avait-il omis une bonne partie -mais ne les blâmons pas.

Toujours était-il que des coïncidences, il n'y en a pas tout les jours.
Et vu la valeur que Danthos portait à son précieux objet, celui de la libraire en revêtait également.
A raison.
Car dans le regard captivé qu'était le sien, dans le précieux alliage de métal et pierres précieuses, et même dans les scintillements argenté qu'émettaient les deux bijoux, il y avait là une curiosité.
Plutôt, l'espoir de pouvoir mettre une ligne de plus à la longue histoire de son héritage.

Aussi il respecta, tout comme elle l'avait pour lui, la pudeur qu'elle affichait quant à son cadeau ***

*** Et quelle étrange coïncidence n'est-ce pas?
Celle de deux joyaux hérités pour deux Lanyshtas qui ont failli se rencontrer autour d'un homicide épistolaire. ***

*** Les yeux pétillaient d'excitation, le mystère était un très bon argument pour faire soulever à Freya des montagnes....
et ceci sans mauvais jeu de mots !

"Oui bien entendu !
je vous aiderai, nous ferons des recherches au CUL s'il le faut,
il doit y avoir suffisamment de documentations pour nous rapprocher de l'origine de ces bijoux et en découvrir le secret...
à moins que cela ne soit encore plus enfouis....mais dans ce cas, nous aurons de nouvelles pistes à étudier !

Je suis partante !
nous pourrons le faire dès demain...mais là...tout de suite..."

Elle regarda la nuit qui avait enveloppé la petite cabane, pour sûr rentrer
à présent était impossible...surtout avec les bois et les bestioles y rodant.

"Nous allons devoir dormir ici monsieur Danthos...."

Elle se leva et remit du bois dans le feu,
une grosse buche qui prit toute la place du foyer.

"je la gardais pour les imprévus, cela en est un je pense !"

s'exclame t-elle en rigolant.

Elle mit ses mains devant le feu pour se réchauffer un peu, l'air était vite devenu plus frais,
il fallait bien dire que la cabane n'était pas isolée,
c'était ça le Tout Nature !



***