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Désolation
ce qui n'était pas écrit dans les livres....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Vayang 14 Agur 815 à 23h36
 
***
Il y avait eu ses dernières paroles,
celles qui allaient rester à jamais gravées dans la mémoire de la jeune femme.
Cruelle destinée d'un amour à peine naissant arraché à la vie.
Leur projet était tombé à l'eau,
ruisselant sur les pavés entre les pluies qui tombaient et les larmes de Freya.


Elle était sortie de sa boutique sans prendre le temps de retourner le petit écriteau d'absence.
La place fut traversée d'un pas pressé qui l'avait conduite vers le parc.
Une fois arrivée,
elle avait tout de suite pris la direction de la forêt qui bordait le lac plus loin.
Elle craignait la force de la colère qui montait en elle.
Elle risquait d'être incontrôlable tant la peine lui nouait les entrailles.
Elle s'était enfoncée entre les grands arbres qui faisaient une piètre barrière à la tempête qui planait au dessus de sa tête.
Au moins la cité ne serait pas inondée à cause d'elle.
Elle se mit à courir, s'accrochant la cape à des ronces. Un bout de tissus s'y prit et se déchira pour resté suspendu à l'épine.

Elle serrait les poings à s'en faire rougir les phalanges, tentant de contenir son désespoir.
Lorsqu'elle ne fut entourée plus que par des arbres, le flot de chagrin jaillit.
Les boules d'énergies naquirent entre ses paumes et les décharges partir en tout sens.
Les arbres furent sois soufflés par la force de la charge sois calcinés sur place.




Elle n'y pouvait rien mais le vide que
Nogarde
venait de créer en elle allait être dévastateur....

Elle n'avait pas eu le temps de prévenir Tata Koi de son absence,
les petits cailloux du CUL allaient devoir se passer d'elle quelque peu.

La colère lui transperçait les flancs, la tristesse lui brisait le coeur.
Elle était debout, les cheveux tourbillonnant dans les bourrasques de vent, les cimes des arbres se pliant, suppliant muettement que cela cesse.
Le pendentif exaltait sa lueur de toute part, il brillait de milles feux.

Certains arbres furent déracinés et se couchèrent au sol aplatissant la végétation en dessous.
Un nuage de fumée s'élevait vers le ciel obscurci par la violence de l'orage.
Nouvelles charges dans les doigts, les coups partirent.
Un cercle de feu entoura la jeune femme dont le visage était baigné de larmes et de pluie. Le sol fumait entre la chaleur des flammes et la froideur de la pluie diluvienne qui s’abattait.

Ce petit manège dura une bonne heure, le vide s'insinuait dans sa chair, dans son corps, dans sa tête.
Elle tomba à genoux.
Tout autour d'elle le feu nettoyait en faisant table rase.
Ce ne fut que plus tard, à bout de souffle, qu'elle s'écroula au milieu de ce spectacle de désolation.

Épuisée nerveusement,
affaiblie physiquement,
elle se laissa partir à même l'herbe trempée.
Elle ne voulait plus penser,
ne voulait plus entendre ses voix dans la tête qui résonnaient de trop.
Elle lâcha prise et s'évanouit.

Le pendentif laissait une lueur bleutée autour de son corps, comme de la brume flottante.
La tempête s'arrêta à la seconde même où elle perdit connaissance, laissant un soleil timide refaire surface sur un lieu de désolation.
De la fumée finissait de tourbillonner des arbres dévastés et brulés.
Elle, allongée au milieu de ce ring qu'elle avait créé, trempée de la tête aux pieds.


***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 16 Agur 815 à 00h09
 
*** Elle est allongée, grelottante, inanimée.
Mais son esprit semble lui en alerte.

L'aura bleu fluctue autour d'elle, ondulant comme mue par un vent invisible.
Ses paupières bougent de façon irrégulière, marquées par de petites secousses.
Elle semble....en conversation....
Ses lèvres s'entrouvrent de moitié et dans un murmure elle lâche :

"il ne trahit jamais....jamais...."


Sans pour autant revenir à elle...



Et ce sentiment étrange d'être au bord d'une falaise,
à regarder le vide...
cette sensation d'être tirée vers le bas,
happée par des mains ennemies voulant précipiter la chute... ***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 16 Agur 815 à 13h21
 
*** Elle maintient le contact...
encore un peu....
ce frêle lien spirituel....
ce canal créé comme une bouteille de SOS envoyée à la mer.

L'effort la contraint et la stimule pour ne pas s'égarer dans ces limbes qui l'entourent.
Elle sent des mains glacées la tirer vers le fond.
Ce fond sans fin,
ce fond sans jour,
cette nuit éternelle.

Mais la voix de l'homme est rassurante.
La voie qu'il lui trace semble sans embuche.
Elle relève la tête et regarde vers le haut.
Le soleil ne brille pas, mais la lumière est plus clémente, plus accueillante.

L'aura chaleureuse de l'inconnu qui a saisi son appel est comme un phare dans la nuit noire du matelot.
Elle guide la jeune femme vers le rivage où le fond ne l'attire plus vers les abysses.

La colère semble retomber lentement.
Mais la peur tient encore l'assaut,
fièrement entêtée sur le champ de bataille.

Ouvrir les yeux pour voir...
Voir quoi ? la réalité, l'avenir....la désolation qu'elle a causé dans sa souffrance.

La pensée reprend le dessus, elle communique avec lui.

Elle frissonne.
Un vent léger s'est levé autour d'elle et ses vêtements mouillés la transissent de froid.
Son teint est plus pâle qu'à son habitude.
Elle se raccroche à la pensée.

***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 16 Agur 815 à 15h45
 
*** Elle bouge.
Sa main encore fatiguée et marquée par les décharges électriques lancées quelques heures avant, se soulève et vient machinalement se porter à son visage pour retirer une mèche couleur de neige,
trempée et collante sur sa joue.
Les contours de la réalité reviennent lentement,
mais elle garde les yeux clos.
Elle tend l'oreille sur les bruits qui l'entourent,
sur les sensations qu'elle perçoit.

Le froid,
l'humidité,
la pluie qui a cessé mais la brume qui sort du sol.
L'odeur cramoisie des arbres calcinés aux alentours.

Doit elle s'ouvrir à ce triste spectacle...
Elle replonge vers l'homme de sa pensée.

Puis elle éternue.
Elle a froid et chaud à la fois,
son front perle de sueur.
Allait elle avoir assez de force pour revenir à elle... ***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 16 Agur 815 à 21h59
 
*** Sa quête spirituelle est en court.

Son corps reste toujours étendu, mais son esprit lui gamberge !

Il marche, d'un pas un brin timide, mais sans hésitation réel vers le Bout.
Le bout de son tunnel de souffrances.
La Pensée la guide, dans ces entrelacs qu'elle fréquente bien peu, par pudeur.
La Pensée lui donne la ligne à suivre.


Elle est grelottante dans l'herbe humide.
La fièvre est en train d'envahir son corps.
Son pendentif vire de couleur, arborant des tons plus carmins.
La cape est entrouverte et jonche en partie sur le sol.
Son chemisier bleu a foncé avec la pluie,
contrastant furieusement avec le teint de son minois.



***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Matal 18 Agur 815 à 21h51
 
*** La fièvre et les frissons étaient armés sur le champ de bataille.
Et ils ne comptaient pas perdre du terrain face à gardiens du corps.
Ces blancs becs n'avaient qu'à bien se tenir, eux ils étaient là pour en découdre !
La jeune endormie eut un sursaut,
elle devait agir...réagir avant l'épuisement total.
Elle porta sa main à la poche intérieure de sa cape
et dans le tissus quelques bruits de verres qui s'entrechoquent résonnèrent dans l'air.
Des fioles semblait il...
des fioles de premiers secours...
si tentait qu'elle ait suffisamment de force pour les prendre.

Elle soupira, la chaleur de son corps sortit par ses lèvres entrouvertes
et forma de la vapeur entre les petites gouttelettes de pluie.
Elle éternua et se replia sur elle,
tenant dans sa main une petite bouteille teintée rouge sang.



La pensée s'est dissipée, et seul son pendentif donnait signe de vie.

Restait le temps comme allié ou comme ennemi....est ce que la Pensée saurait la retrouver ? quelqu'un viendrait-il s'aventurer dans la forêt curieux de la fumée qui s'en échappait ?....

***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Mizar
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Vayang 21 Agur 815 à 13h40
 
Ce soir là, Mizar flânait dans la Cité.
Suite à sa discussion avec Calliopée, ses jambes l'avaient mené plus loin que la place des heures vives. Il s'était arrêté un moment devant des étales pour observer sans acheter. Plus loin, une troupe de rue jouait une bouffonnerie désuète, mais dont l'allant et la candeur résonnait admirablement à ses oreilles. Cela le divertit et il poursuivit son chemin jusqu'à un banc pour y méditer.

En réalité, depuis son retrait des affaires, il n'avait cessé de méditer.
Le jeu qui se déroulait était malsain. Des pouvoirs germaient au hasard dans la krolannité, la faisant céder aux pires excès que la peur nourrit. Au sein même des Lanyshstas, rien était tout blanc non plus. L'Entrelacs foisonnait de bonnes intentions sans réflexion, autant que de mauvaises voilées par des démonstrations théâtrales. Et au lieu de former une association, les Eveillés étaient par nature tentés de se dissocier, de se craindre, de s'utiliser les uns contre les autres. Malheureusement, l'innocence n'y était plus permise, chaque mot était étudié, scruté, contrebalancé à souhait. Le Temps ne jouait pas sur la télépathie, comme il joue dans une discussion normale. Là, la magie de ce lieu fictif faisait que chaque contradiction pouvait être le fruit d'une réflexion longuement murie...et tout cela en un clic de seconde. Alors que le monde tournait autour et dévoilait les vrais dangers, la bande de mutant qu'ils étaient, avait trouvé le temps d'installer un jeu dans le jeu. Celui qui parlera le plus fort, le mieux, le plus intelligent. Et celui qui ne ferait pas l'effort, ne se rendrait même pas compte qu'il était balloté entre toutes ces manigances. "Ah...krolanne, trop krolanne!" songea Mizar, qui considérait encore ses congénères comme des krolannes. Des krolannes avec les clés du chateau, le pouvoir des Dieux, et la force du Réel. Du moins le croyaient-ils.

Pourtant tout portait à croire que ce que l'Entrelacs mesurait était la puissance d'une pensée. Sa capacité à s'imposer, par la force ou par la diplomatie, ou par bien d'autres moyens. Bien que les esprits des uns et des autres fussent davantage résilients qu'ils ne le pensaient. Mais à trop s'accrocher, juste pour rester sur son rocher, on finissait par ne plus être qu'un point dans le Vide. Une pensée s'amenuisait aussi. Elle avait sa durée de vie. On la voulait éternelle parce qu'elle était "notre" pensée. Mais au fond, si d'autres ne le faisaient pas, on finissait à un moment par en voir les failles. La solution? Il n'en existait pas. Seulement, savoir que la pensée se meurt, incitait à se renouveler, à céder à l'Autre pour ses raisons, mais ne pas lui concéder ses torts. Bref, s'adapter, se remettre en cause, accepter de désapprendre ce que l'on prend pour des certitudes.

Les vrais dangers. Ah oui ! l'Ennemi, les ennemis, était quelque part là et il jouait sa partition sans embûche sans qu'on en comprenne l'intérêt. Sans même qu'on sache qui il est. Imaginez que vous jouez aux échecs avec l'homme invisible sur un échiquier où vous ne voyez pas ses pions. Et où vous n'êtes pas sûr que vos pions sont bien les vôtres. Allé, soyez audacieux, tentez un mouvement? Si vous touchez le mauvais pion, vous sautez votre tour.

Combien de tours avaient ils sauté depuis le début de cette histoire?


***
La sensation étrange que derrière le Réel, il y avait autre chose.
Qu'il était grisant de sentir au bout de ses doigts que l'on peut passer dans ces interstices de la matière!
Manipuler l'air, créer à partir du Vide, effacer le Plein.
Machinalement, la main de Mizar jouait avec le Rien.
Un geste imperceptible, une altération invisible.
Cela l'aidait à penser, de se lier au Réel.
De ne pas perdre de "vue" son pouvoir.
Il n'était pas question de relativiser.
Au contraire.



Puis il y eut une intrusion.
Un flash fugace.
Une pensée qui le croise.
Un appel à l'aide. Rahh...la télépathie.
A cela s'ajoutait la sensation d'une présence, qui s'effaçait.
***


Il répondit, ce qu'il n'avait plus fait depuis des mois.
Très vite, tout alla ensuite très vite. Quelques échanges, une main tendue, et le voilà qui s'engageait à aider une inconnue. L'histoire de sa vie, où l'altruisme n'a de sens que si il embrasse l'Aléa. Ensuite, un périple télépathique dans un recoin de l'Entrelacs où il avait beaucoup apprécié passer du temps ces derniers mois. Jusqu'à...à nouveau cette sensation. La présence qui s'effaçait. Un corps qui souffrait. L'image du parc en feu. Et au cœur des arbres, une Lanyshstas.

Pas le temps pour l'hésitation.
Il se leva en s'aidant de sa canne et commença à se diriger vers le parc. Sans montrer ni agitation, ni empressement, il avança doucement vers sa destination, sans vraiment savoir encore ce qu'il pourrait y faire. A vrai dire, si tard le soir, cela faisait déjà longtemps qu'il avançait au jugé. Juste parce qu'il connaissait bien les lieux et que sa mémoire ne le trahissait pas trop. Les formes n'étaient plus nuancées de gris. Toutes étaient noir, ou noir foncé. Il allait devoir faire usage de ce qu'il appelait sa "seconde nature". Car ce n'était pas tout d'avoir des bonnes intentions, il fallait pouvoir les mettre en application. Sinon, ce serait un peu comme de mettre un idiot devant une porte cassée. On pouvait même en empiler des tonnes de ces idiots, la porte n'en serait pas plus réparée.

Mais sans rien y voir?
Il y avait peut être une solution.
Une fois dans le parc, il tenta de trouver un coin isolé, non sans presque trébucher à plusieurs reprises. Des branches espiègles le griffèrent, tandis que des racines tentaient sur lui des croches pieds. Sa canne l'aidait davantage que n'importe quel pouvoir, mais elle aurait sa limite. Au moins jusqu'à choisir un fourré bien isolé.
Donc, la solution?
Ils avaient appelaient cela "vision vitale". Le terme importait peu, cela donnait des grands airs à quelque chose qui devenait si trivial. Un cube, un peu d'essence magique et une sorte de fluide vous traversez le corps jusqu'à atteindre votre cervelle. Percevoir les flux sanguins, le moindre mouvement de chaleur. Quand le type dans cette "fausse boutique" lui avait demandé ce qu'il voulait, Mizar n'avait pas trop hésité. En fait, quand on peut manipuler la réalité, le champ est si vaste qu'on en oublierait les possibilités les plus évidentes. Une vision par delà la vision, depuis son premier coup de foudre, l'Aveugle n'avait plus senti son cœur battre aussi fort. Et régulièrement il faisait l'usage de cette magie là. Epuisante, mais bon sang! Qu'est ce que c'était bon d'y revoir un tout petit peu! De quoi lui faire aimer cette seconde nature.
Même si au fond de lui résidait un doute.
Comme une gêne de pouvoir y voir alors que la vie en avait décidé autrement.
On pourrait lui répondre que la vie avait à nouveau changé d'avis. Cette fois cependant, elle s'attelait à démanteler le Réel, à jouer contre-nature. Ce paradigme changeant méritait qu'on n'en galvaude pas l'ampleur.

Devant lui donc, des fluides, des tâches noires, et plus loin des silhouettes dont il distinguait l'essence vitale.
Un couple peut être. Plus loin, une forme courrait -fuyait?-. Des toutes petites tâches sanguines apparaissaient ça et là, sans doute des bestioles profitant de l'obscurité pour sortir de leur trou. Rien de folichon. Alors il sortit de son fourré et se rapprocha du lac. L'image dans son esprit était peut être faussée, il devait cependant en avoir le cœur net.
Près du lac. Personne.
Il en fit le tour. Toujours personne.
Personne dedans. En train de se noyer.
Heureusement, il aurait été bien en peine de l'aider.

C'est une odeur qui attira son attention, vers un ensemble sombre -des arbres resserrés à quelques mètres des eaux-. Il aurait voulu se concentrer pour détecter la télépathe, mais les choses n'étaient pas si facile. Un jour peut être il serait plus aisé de repérer ses semblables. Mais pour le moment, il devait se contenter de sensations, d'impressions, de pastiches d'indices. Et leur faire confiance. Ils disaient tous que la présence qu'il avait perçu était près de là. Mais il ne voyait, cette fois, vraiment rien.
Ou peut être si. Une tâche, un flux, une impression d'affaiblissement.

***
Il s'approcha, puis entra dans le cercle.
Au centre, un corps.
Autour, du néant.
Quand on voit mieux la vie, on voit aussi très bien son absence.
Et là, dans ce cercle, les traces d'un élan destructeur.
Une flambée, une odeur carbone.

En prime quelques souvenirs personnels qu'il écarta aussitôt.



Serait-ce elle?
L'esprit effrayé. Dévasté.
Tout portait à le penser. Mais pas le temps d'y penser.
De ce qu'il voyait, pas de couleur, que des nuances, des fluides sanguins qui s'étiolaient.
Le négatif d'une image mourante.
***

Il tendit les mains au dessus d'elle -ne sachant pas trop si d'autres protocoles étaient exigés, celui-ci lui vint naturellement-. Pour lui insuffler un peu de vie.
Un doute lui vint alors.
Il n'avait pas envie d'engager avec elle une conversation. Une fois remise sur pied, toute cette démarche serait galvaudée, oubliée, pour revenir aux trivialités d'une rencontre entre deux inconnus. Vous allez bien? Oui je vais bien, Merci, et vous? Je vais bien aussi. Mais ensuite? Deux visages découverts, deux identités.
Non qu'il soit méfiant, mais davantage parce que ce n'était pas le lieu, le moment.
Trop d'émotions ici, trop d'efforts fournis. La vie s'était envolée, emportant avec elle lucidité et anticipation. Lui à l'inverse n'était pas pressé de la suite. Juste pressé de la sauver. Du moins la sortir de ce mauvais pas. Faire les choses dans l'ordre plutôt que de se laisser emporter par le maelström que l'Aléa s'était délecté à produire. Le plus difficile serait de ne pas tisser de lien à sa télépathie. Alors même que son esprit l'y incitait. Comme une tentation terrible. Il en resterait des traces. Inévitablement.

Les mains au dessus d'elle manipulaient donc la réalité. Des flux se tissaient, des liens, du sang circulait, du mana se muait en souffle, puis en respiration. Mais très légèrement. Il tenta autant qu'il put d'en maîtriser la puissance. Juste assez pour ne pas la perdre. Juste assez pour qu'elle reste à moitié consciente.
Ce qu'il fit et pensa réussir.
La vie de la jeune femme n'était plus en danger. Mais il ne pouvait la laisser étendue là, au milieu de nulle part. D'un autre côté, il ne pouvait sortir du bosquet brûlée avec un corps sur l'épaule. Ou dans les bras. Il lui fallait une solution plus discrète. Et plus pratique pour l'homme aveugle et quasi-boiteux qu'il était. Modeler le Réel pourrait servir, mais ne ferait pas tout. La seule solution : il faudrait qu'elle marche en s'accrochant à lui.
Comme on porte un collègue de comptoir, complètement ivre, jusqu'à sa maison. Avec son corps, sans son esprit.

Tant bien que mal, il tenta de passer son bras sous le sien et la souleva.

"Allé jeune fille, il faut vous mettre sur vos jambes..."
Paroles prononcées autant pour parler à l'inconscient de son interlocutrice, que pour se convaincre lui-même.
Heureusement, elle n'avait pas l'air bien lourde. Mais ses pieds s'appuyèrent sur le sol, une fois droite.
Si il ne la tenait pas, ses genoux auraient fléchi et elle se serait écroulée.

"Allé...on y va..."
Ce n'était plus la magie qu'il manipulait désormais. Mais un pantin de chair. Noyé par émotion.
Pour un temps, apaisé.
Il allait devoir lui faire traverser un ou deux quartiers avant d'arriver à destination.
Car il avait une destination en tête.
Il savait où la mettre en sécurité.


Mais ne faisons aucun raccourci, il serait bien agréable d'avoir la vision inconsciente d'une âme entre deux eaux. Dans un autre genre d'interstice : entre la vie et le rêve.



***
Dans l'Entrelac, vous reconnaîtrez son empreinte entre toutes. La sensation de passer la main sur une peau rêche. Un léger amusement qui ne sera pas le votre. Une grande lueur puis...l'image: une pupille brûlée.

L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Vayang 21 Agur 815 à 23h02
 
*** Qu'est ce que la mort ?
Voici une question que bon nombre d'individus se posent au moins une fois dans sa vie.
Si ce n'est pas durant l'enfance, elle reviendra sur le tapis plus tard.
Sois en rapport avec sa propre mort (oui la mort finalement n'est jamais sale) sois en rapport avec celle d'une autre personne ou d'un compagnon de route, ou...peu importe, la mort est une finalité à la vie, elle est à chaque seconde sa comparse de toujours, l'une n'existe pas sans l'autre.
C'est un peu comme le silence et le bruit, l'un meurt, lorsque l'autre né.



Freya s'était souvent posée cette question, qui avait il après la mort, qu'est ce qui se passait lorsqu'on tournait la page de sa vie ?
Dans les livres ce n'était pas bien difficile, lorsque l'on tournait une page, il y avait une autre page et ainsi de suite jusqu'à la dernière page et à cet instant on terminer l'histoire et on allait la ranger dans l'armoire de la bibliothèque.
Mais un livre fini, n'était jamais pour autant mort, car à n'importe quel instant il était possible de revenir, de reprendre le livre et de se replonger dans les lignes.

Est ce qu'après la mort il y avait de nouveau une vie ? une existence ? Est ce que la personne qui quittait cette terre se retrouver dans le corps d'un nouvel être venant de naître ? Un peu comme le bruit et le silence...
La mort amène le silence, le bruit apparaît aux premiers cris de l'enfant qui sort du ventre de sa mère.

Cette question à la mort de ses parents elle se l'était posée tous les jours, par centaine de fois, inlassablement en ne trouvant aucun réponse qui puisse la satisfaire.



Elle s'était mise à dévorer les livres de la bibliothèque de son oncle, du plus petit au plus volumineux, du plus récent au plus ancien, certains même écrits dans des langues qui pour elle n'étaient que des signes.

Mais nulle réponse n'avait porté ses fruits malgré son acharnement.

Alors elle s'était penchée sur les volumes de médecine afin d'essayer de trouver une piste, un début de vérité.
Le réel à porter de la main, elle le connaissait, la chimie et la symbiose des corps aussi, mais voilà, ses certitudes avaient été ébranlées férocement le jour, ou la nuit...enfin à l'époque où elle était devenue Lanyshstas.
Quitter son état de krolanne, comme finalement une petite mort, et se réveiller à nouveau, mais avec un corps plus étrange, avec des perceptions nouvelles et des dons impressionnants à maîtriser.
Avant de partir sa mère lui avait transmis son pendentif, sans véritablement lui expliquer la particularité de l'objet.
Mais ce dernier s'était éveillé en même temps que cette seconde vie.



Elle croyait tout pouvoir gérer, mais la force qui grandissait en elle l'effrayait.
Lors de cette première rencontre avec Nogarde, il y avait eu du grabuge, mais ce dernier avait su être un gentleman hors paire...
Il l'avait comprise et dans un soulagement elle s'était sentie moins seule....avec quelqu'un pour l'épauler.

Alors lorsqu'ELLE était venue le lui arracher, elle lui avait finalement aussi ôté une partie de son équilibre.
De ce frêle équilibre qu'elle pensait avoir trouvé dans ce réel qui ne l'était plus autant....plus tout à fait...

Et d'un coup cet univers précaire venait de basculer...l'entraînant dans sa chute vers le bord, vers le fond, vers l'abysse.
S'y laisser emporter aurait été plus simple; plus facile, mais malgré son chagrin elle voulait vivre, car dans ces morts elle avait appris le prix de la vie.

https://www.youtube.com/watch?v=U4mzM-eL_QE

****

Étendue sur le sol, trempée (oui toujours) la fièvre faisant perler son front et frissonner son corps, elle luttait à sa manière.
Elle luttait parce que cette pensée l'avait secouru et qu'elle voulait savoir....oui savoir de qui il s'agissait.

Elle était bien loin de son corps affaibli, prise de vertiges mais ses oreilles n'en étaient pas pour autant sourdes.
Elles entendirent des pas s'approcher.
Pas uniquement des pas, il y avait aussi un troisième petit bruit qui martelait le sol, en plus des deux autres.
Puis elle reçut une sensation particulière, à croire que la personne était au dessus d'elle et qu'elle tentait de la ramener du bon coté du chemin.
Sa peau reprit des couleurs plus ambrées, contrastant à nouveaux avec sa cascade de neige éparpillée aux quatre vents.
À croire qu'un magicien venait d'insuffler un nouveau souffle, comme un vent chaud du désert entrant dans une forêt endormie par l'hiver et qui en réveillerait chaque être encore ensommeillé.

L'esprit qui gambadait dans les bois revint à la lisière voir ce qu'on voulait à son corps. Intrigué, il se penchait au dessus de la scène pour contempler le travail de l'homme.

Freya se regarda, allongée, la sensation lui parût si effrayante qu'elle paniqua et préféra revenir en elle.


Elle inspira d'un coup, reprenant plus d'air dans les poumons, et expira avec la même agitation.
Mais le choc du retour lui donna un mal de crane terrible.
Elle éternua alors que l'homme la relevait tant bien que mal.
Elle sentait sa présence. Il ne parlait pas. Mais avait il seulement besoin de parler.
Sur un plan qu'elle ne connaissait pas, il était venu lui prêter main forte. Et de là, elle avait perçu une sorte de signature, une trace, une aura de lui.
Elle en était certaine. C'était Lui.

https://www.youtube.com/watch?v=ziNYkI2W7mI

Alors qu'il la hissait vers lui, sa main laissa tomber la petite fiole au sol.
Elle fit un petit son en arrivant sur l'herbe.
Elle pouvait se dérober d'une seconde à l'autre si l'homme lâchait son emprise.
Elle eut cette impression d'être un petit pantin, articulé par une main invisible.

Mais après tout, qu'est ce qui était finalement vrai ?
Son rêve ? cette situation ? Son sauveur était il Réel ?
Le petit manège fou dans sa tête tournait, et tournait encore, les petits chevaux de bois s'emballant au son d'une musique d’antan.

Elle n'ouvrit pas les yeux, elle ne voulait pas voir.
Son coeur battait lui aussi la chamade, envoyant un regain de sang dans son corps et faisant battre ses tempes férocement.
Oui le coup de froid était assuré, et à moins de parer les microbes avec un bon bain chaud, elle serait alitée pour une bonne semaine...
Tout en y songeant, elle pensa à sa boutique et lâcha une unique parole dans ce capharnaüm de pensées agitées :

"mes livres ! "

***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Mizar
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Sukra 22 Agur 815 à 22h55
 
Où le rêve s'achève...

***
Un petit son anodin.
Comme un tintement d'une larme de verre sur le sol.
Mizar essaya de se tourner tandis qu'il maintenait la jeune femme à son bras.
Le réflexe était bienveillant, mais il restait non voyant.
Il discerna toutefois un bout de vie par terre.
Un simple bout, un morceau.
"Faîtes que ce ne soit pas un bout d'elle!"
S'adressant à lui même comme l'entité souveraine sur toutes les probabilités auxquelles il était soumis.
Disons, qu'étant donné la situation, il se passerait bien de devoir ramasser un bout de doigt ou de pied.
Nous étions à ce moment là, très loin des considérations oniriques qui les avaient mené jusque là.
Soit...

Il ne distinguait aucune trace de sang.
Cette vision vitale lui permettait-elle de les voir?
Aucune idée!
De toutes façons, il aurait senti du sang en la touchant.
A en juger ses flux sanguins, rien ne "fuyait".
Et ce machin par terre, ça n'avait pas l'air d'être de la mort-au-rat.
Allé, quand il faut il faut!


Au loin la rue des Intarissables.

L'Aveugle essaya de faire pivoter Freya pour se rapprocher de l'objet.
Puis il plia sa jambe autant que possible pour l'attraper de sa main tendue.
Le mouvement lui couta un effort terrible, l'équilibre était précaire.
Et sa vieille blessure -celle qui justifiait qu'il tienne une canne- ne manqua pas de se réveiller.
La douleur était depuis un moment endormie. Pourtant la déchirure le crispa comme au premier jour.
"Aaaayyy" hurla t-il intérieurement, les dents serrées et son trophée au bout des doigts.
Se redresser fut tout aussi pénible.
D'autant que cela était accompagné de la sensation que c'était là un coup dans l'eau.
L'objet mystère dans les mains, il ressemblait à une potion.
Mais dans l'obscurité, avec sa vue misérable, et la vision des flux vitaux, cela n'offrait que peu de consolation quant au prix qu'il venait de payer.
***

Ils eurent du mal à sortir du bosquet. La nuit était tombée et désormais Mizar n'y voyait vraiment strictement rien. Sinon des points, des directions, où des concentrations vitales s'agitaient ça et là. Il distinguait aussi quelques lumières, des maisonnées bien éclairées, et ce qui semblait être la silhouette imposante plus à l'Est du Hall des Palabres.
Tenant sa canne d'une main et la jeune femme de l'autre, il boitillait péniblement vers la bordure du parc, en direction d'une voie qu'il croyait reconnaître comme étant la Rue des Intarissables, très large, toujours bondé de monde. A cette heure-ci, c'était le chemin le plus sûr. Il existait des multitudes de ruelles, parallèles à cette grande voie, mais sans éclairage et propice aux agressions. Les Intarissables lui faisaient faire un léger détour, mais il parviendrait à atteindre l'extrémité nord des Estaminets, celle en lisière des premières Rigoles.

Tant bien que mal, ils avançaient.
Sortir de l'herbe pour atteindre les pavés parut un exploit. Mizar tenta de se redresser davantage et de la porter un peu plus haut. La tête de Freya dodelinait, sur son corps avachis, que ses jambes molles retenaient par miracle. Elle divaguait. Par moment des mots sortaient mais ils n'avaient aucun sens. Pour elle, le rêve continuait, bien que l'Aveugle sentait qu'une partie subconsciente de la jeune femme se laissait guider. Elle avait laissé les rennes du Réel à un malvoyant boiteux qu'elle ne connaissait pas. Et qui la menait vers un endroit dont elle ne savait rien. Pour Mizar, il n'était même pas question de ne pas aider cette jeune femme. Aussi, il poursuivit son chemin, sans faire montre de sa douleur, sans paraître plus bizarre que cela n'avait déjà l'air, sans non plus se cacher. Le Théâtre lui avait appris cela : à faire comme si il était chez lui quelque soit l'endroit. Faire semblant, une bagatelle! Il avançait comme on avance sur les Intarissables, à l'aise, comme pour trouver un coin où se poser et boire. Il y avait d'ailleurs des gens à la démarche bien plus titubantes qu'eux à bien y regarder.

La suite?
Faut-il vraiment la raconter en détail?

Un narrateur malicieux voudrait sans doute cette suite comme une succession de flash. Comme pour ne pas trop en dire. Pour ne pas trop éluder le rêve. Quand bien même le rêve serait encore davantage voilé. Des images de la Grand-Rue. Des façades, des gens -à foison- qui passaient, qui les frôlaient sans cesse, une foule venue dans le coin animé du Kil'sin pour se divertir, des odeurs de pains grillés, de viandes, d'épices, de sueur. Et tout le long, le bras ferme de Mizar dans le dos de Freya.

***

Au Rigsor, trouves réconfort!
***

Ensuite, une placette éclairée et aussi pleine de monde et surtout un vacarme terrible. Une soirée festive dans un des établissements. L'un des plus extravagants qu'ils croisaient jusque là. Le Terminus sous les projecteurs, tandis qu'au delà, l'obscurité reprenait ses droits. Et c'était là dedans que se dirigea l'Aveugle. Là aussi, les images furent diffuses, brouillées. Tout se passa très vite. Des voix dans l'entrée et un spectacle en fond dont les violes inspiraient au public des "Ohhhh" et des "Aaahhh!". Et puis il y avait cette discussion, avec ce grand type charmant.

"Mais qui voilà?! je m'attendais pas à ce que tu reviennes aussi vite. Je te manquais déjà?"
Et la réponse : "Va pas te faire des idées. J'ai une urgence sur les bras."
Ce à quoi le grand rétorqua : "Ta mignonne...je savais pas que tu tapais dans les camés."
La réponse n'attendit pas non plus, apparemment pressée : "Val, fais moi plaisir, libères moi une chambre et ferme la."
C'était Mizar et le ton de sa voix était celui de la demande implicite. Un échange de faveur. Ils échangèrent d'ailleurs d'autres paroles à voix plus basse. Si il parlait au gérant du cabaret, il devait sacrément bien le connaître.
L'autre d'ailleurs s’exécuta après quelques instants, non sans un sourire amusé.
Quelque part dans le fond, un gars disait que toutes les chambres étaient prises. Apparemment, cela n'empêcha pas le grand type de prendre des clés et de mener le duo vers des escaliers. Où déjà l'acharnement musical s'étiolait, comme étouffé.

***

***

Deux autres les suivaient, dont une aidait à porter Freya.

"Attends moi là" fit le grand type, tout en faisant signe à une silhouette massive qui accompagnait la troupe.
Ils disparurent tous les deux au bout d'un couloir. Puis il y a eu une attente. Interminable ou courte, plus rien ne permettait de le dire. Du bruit un peu plus loin, des cris, et un krolanne déboula seulement vêtu d'un drap, passa devant eux en toute hâte comme pour s'échapper. Nouvelle attente.
Le grand type réapparut au bout et leur fit signe.
Après le couloir, un autre couloir. Puis un autre où une porte était ouverte.

"J'avais dis discret, Val" fit remarquer Mizar.
"Bah quoi? c'est la suite la plus à l'écart, c'est pas ce que tu voulais?" réponse du grand qui détournait un peu la question d'origine.
"Tu parles d'une Suite!" mais ce n'était pas là un argument sujet à débat, les tons et les nuances étaient difficilement distinguable. D'ailleurs, l'Aveugle n'attendit pas, entra et déposa Freya sur le lit. Avec l'aide d'une femme.
Etait-elle là depuis le début? Peu importe. Elle ajusta couverture et oreiller, puis quitta la pièce.

"...il a fallu que ça tombe un soir où tu fais tes Galantes." râlait l'Aveugle.
"Ahh, les Galantes, c'est sacré, Miz! C'est la Sainte Krysoprase! Mais rassures toi, ça termine ce soir." moqua l'autre.
Ensuite, ils parlèrent à nouveau à voix basse, toutefois Mizar faisait passer des instructions concernant Freya. L'autre répondait en riant, encore et toujours. Puis la porte se ferma.
Derrière, on entendit le grand gueulait
"Oublies pas ta promesse hein!".
Ce à quoi Mizar répliqua "Comme te disait Aédyr : Par tous les ciels, Messire Valsandre, Si vous vouliez bien aller vous faire pendre!"
"Le plus tard possible alors. A votre service!" conclut son interlocuteur qui aimait à avoir le dernier mot.

***

Chambre de fortune.
***

Et ensuite, le silence.
Le repos.
Puis le sommeil profond.

Où un autre rêve commence...



***
Dans l'Entrelac, vous reconnaîtrez son empreinte entre toutes. La sensation de passer la main sur une peau rêche. Un léger amusement qui ne sera pas le votre. Une grande lueur puis...l'image: une pupille brûlée.

L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 11h36
 
*** Les fils étaient tirés par la main experte de la Pensée.
Une jambe, puis l'autre, un mouvement de taille, une ondulation de bassin,
sans pour autant perdre l'équilibre
ou même la faire perdre à son sauveur.
Elle était là sans vraiment l'être, une partie d'elle avait bien voulu jouer le jeu de la petite poupée puisque l'autre partie était dans un état lointain
de la Réalité.
Il avait fallu s'extirper du parc, à cette heure tardive, le chant des oiseaux ne montait plus dans le ciel,
il faisait bien trop sombre et la fureur de la démone avait eu raison des plus coriaces qui la nuit voulaient honorer
la rondeur de la lune d'une dernière mélodie.

https://www.youtube.com/watch?v=YRE9q65wVfQ



Mais au fur et à mesure qu'il la portait,
ses pas se ré-ancraient dans le monde réel.
Elle suivait le rythme qu'il lui imposait, allant sur trois jambes, plus les deux siennes, ils faisaient une drôle de bestiole à cinq pattes clopinant dans le kil.

Des sensations lui parvenaient, l'espace autour d'elle devenait moins noir.
Il se teintait de couleurs, de chaleurs, d'odeurs, de vies.

Et lui...

Lui se matérialisait doucement à elle.

Une aura, une forme, une couleur, une odeur, une prestance particulière.

Elle se colla un peu plus à lui pour sentir ce Réel si étrange.

Elle voulait s'enraciner pour ne plus tanguer,
sentir que le sol sous ses pieds était bien vrai
et que les bras de l'homme n'étaient pas qu'un mirage,
charmant son esprit pour faire croire à son corps
qu'elle était en mouvement alors qu'il n'en était rien.



Souffrait elle ?
Pas forcément,
pas exactement,
elle était malgré tout entre deux lacs.
L'intervention de l'homme avait enrayé sa grippe,
mais quelques petites bricoles la chiffonnaient encore...
encore un peu....
La brûlures à ses mains, la peine en son esprit, le trouble en son cœur.



Elle profita de leurs pas dans les ruelles comme portée dans la brume, tout était cotonneux mais les voix des gens résonnaient à ses oreilles. Les angles des bâtiments étaient vaporeux, elle laissa sa main reprendre contact avec l'environnement.
Sa paume était encore toute brûlée mais ses doigts purent frôler des tissus, des murs, des plantes, alors qu'il la guidait vers un lieu de retraite.

Pour sûr que le duo avait dû laisser aux passants une drôle d'image,
mais fallait il encore que la foule ait eu le temps de s'arrêter sur eux.
Leur escapade trouva sa fin dans un endroit qu'elle eut du mal à percevoir.
Elle refusait d'ouvrir encore les yeux, regarder, c'était voir le Réel....
et le Réel...l'était il encore ?

Elle fut portée et allongée dans un lit.
Elle en apprivoisa les contours en allongeant ses jambes
qui après leur petite balade lui faisaient bien des douleurs.
Le repos.
Du corps ? de l'âme ?
Son bras pendit en dehors du lit et ses doigts se mirent à bouger comme si elle pianotait une quelconque mélodie.
Puis elle repartit dans ses pensées.
La porte en était ouverte car elle n'arrivait plus à poser de barrières, ni de limites.

Pensée :
Que devient l'âme après la mort du corps ?
Le savez vous ?
En était elle bien distincte ?
continue t-elle à vivre ailleurs ?

nous sommes Krolanne et un beau jour,
nous nous réveillons en lanishtas...
est ce à ce moment là que nous récupérons notre âme ?
Est ce que l'âme attend justement cet éveil pour revenir dans le nouveau corps qu'elle a choisi ?
Est ce que ma théorie serait envisageable ?





La suite devint plus flou et la pensée s'égara à nouveau, l'onde fluctuait entre deux eaux.
Besoin de repos.
Et pour le corps.
Et pour l'esprit.

Elle releva la main, cherchant dans l'air la présence de l'homme.
Et ses lèvres s'entrouvrirent à peine, la gorge sèche elle dit :

"où es-tu ?"

***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....
 
Mizar
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 13h23
 
***
Aucune réponse.
Mais la question n'était-elle pas rhétorique?

Ses pensées non plus ne trouvèrent aucun écho.
Pourtant, l'homme les avait bien perçu. Comme un flot divaguant, traversant un champ d'idées gigantesques, en faisant fi des obstacles. Bien qu'épuisé, l'esprit posait là des questions qui méritaient que l'on s'y penche. Que l'on prenne soin d'y répondre. Sagement.
L'Aveugle n'était pas un consommateur de Raison et de Logique.
Penser pour penser? Pour justifier sa philosophie? Non.
Il aimait à prendre le temps.
C'était d'ailleurs la raison qui l'avait poussé à se mettre en retrait de l'Entrelacs.
Les uns et les autres pensaient à tort et à travers. Une anarchie argumentaire et court-termiste, qui bloquait tout échange réel. Toute liberté. Au sens où Mizar l'entendait.

Prendre le temps était un droit souverain sur lequel il ne lésinait jamais.

Alors où était-il notre bougre?
Il avait quitté le Rigsor, cela on pouvait le dire. Il aurait pu rester, mais avait d'autres affaires en attente. D'autres choses à penser. Rien indiquait qu'il allait revenir. Pour le moment du moins.

Aussi la nuit passa.
Et le matin vint prendre la relève.

Freya se réveilla t-elle? Souveraine elle était aussi. Elle choisirait le temps que cela prendrait.
De sortir du rêve.
D'ouvrir les yeux.
Un matin, une journée. Des jours. Des semaines?

Ce que l'on sait, c'est que ce matin là, une silhouette entra silencieusement dans la chambre.
Ouvrit une fenêtre, sans pousser les volets. Déposa une plateau sur une table courte et ronde. Une tasse, et quelques tranches de pains. La femme épousseta quelques meubles rapidement, notamment un petit piano. Puis après avoir ramassé quelques affaires, elle sortit.



Elle repasserait sans doute plus tard.
Et sans doute tous les jours.

Autant de temps que cela prendrait.
***



***
Dans l'Entrelac, vous reconnaîtrez son empreinte entre toutes. La sensation de passer la main sur une peau rêche. Un léger amusement qui ne sera pas le votre. Une grande lueur puis...l'image: une pupille brûlée.

L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 14h55
 
*** Le calme revint quelques jours plus tard.
Elle n'avait pas dédaigné se réveiller plus tôt.
Combien de fois le soleil avait éclairé les volets de la petite chambre ?
Combien de fois la jeune fille était venue et avait dû repartir sans que Freya n'ait touché une seule miette du repas posé dans le plateau ?
Elle n'en savait rien.

Seul le temps savait.

Le jour avait déjà pointé ses premières lueurs depuis quelques heures lorsque Fraya se décida enfin à revenir dans la Réalité et à ouvrir les yeux.

Elle ne bougea pas, fixant le plafond au dessus d'elle afin de reprendre pied avec la Réalité et le contour des choses qui l'entouraient.

Elle passa sa main sur son visage et se rendit compte que quelqu'un s'était donné la peine de panser ses blessures.

Était ce lui ?
ou bien la jeune fille qui venait tous les jours ?

Elle regarda alors ses deux mains les plaçant au dessus de son nez.
Un long soupir survint.

Elle se hissa un peu dans le lit, et voyant que les vertiges avaient disparu, elle finit par se mettre assise.

Reprenant vie avec le décor de la chambrette,
elle sortit des couvertures et voyant ses jambes nues se mit à rougir.
Elle n'y avait pas prêté attention,
mais en plus des soins la personne s'était donnée la peine de lui retirer ses habits mouillés.

Sur le dossier d'une chaise trônait une robe en velours mauve et des petits escarpins.


Elle eut l'étrange impression qu'il s'agissait là d'une tenue de théâtre.
Elle tira les couvertures jusqu'à elle pour masquer sa nudité.
Puis elle prit le temps de retirer les bandages l'un après l'autre et de voir que les brûlures appartenaient au passé de cette nuit noire.
Quelques traces sur la chair laissaient présent ce souvenir.

Elle observa la pièce, plus longuement, détaillant chaque objet, chaque recoin, les tentures au mur, le rideau, le mobilier.
Puis elle eut finalement faim et dégusta avec soulagement le plateau qui enfin trouvait son utilité et grâce à ses yeux.

Le repas fini, elle sortit délicatement du lit et s'avança vers la chaise tenant la couverture négligemment autour de son corps ambré.
Elle posa ses mains sur le tissu et le fit glisser sous la pulpe de ses doigts encore sensibles.



Elle n'avait plus porté de robe depuis qu'elle vivait seule, elle hésita un instant, était-elle posée là à son attention?

Elle la prit avec délicatesse, la positionna devant elle, oui les mesures correspondaient.
Alors sans plus de cérémonie elle l'enfila.
À ne pas mentir, la personne qui l'avait déposé là avait sois le compas dans l'oeil, sois pris les mesures de la jeune femme.
Le costume lui allait à la perfection.
Elle virevolta une fois, amusée du mouvement des pans de la robe.

Soudain son regard tomba sur le petit piano.
Fébrilement elle s'y installa.
Posa ses mains sur les touches.
Le contact fut particulier.
Elle frissonna.
Celui qu'elle avait eu enfant avait dû être vendu par son oncle qui à la mort de ses parents ne pouvait assumer pleinement la petite. Son travail du moment ayant quelques contretemps lui avait il expliqué...

Inspira profondément et ferma les yeux.

Alors des notes s'élevèrent dans la petite chambre du fond du couloir.
Des noirs et des blanches s'entrelaçant, naissant du contact subtil entre le doigt et la touche.

https://www.youtube.com/watch?v=nuEOA9GbK6U

Mais la mélodie n'allait jamais jusqu'à la fin, n'ayant que deux mains pour jouer la partition qui en nécessitait quatre....
Néanmoins elle reprenait de plus bel le morceau.... ***



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Mizar
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 16h26
 
Des airs, il en connaissait beaucoup.
Mais pas celui.


***
Il?


Valsandre.
***


Il attendit la fin du morceau.
Calé contre le rebord de l'entrée, la porte de la chambre ouverte, il applaudit à peine.
Pour signifier sa présence.


"Le piano matinal donc?" lâcha t-il comme une sentence.
Sa manière de lui dire qu'il avait apprécié? Peut être. L'homme la jaugeait sans la lacher du regard, avec un air malicieux, intriguant. Charmeur. Comme si il était curieux de connaître mieux Freya. Comme si il cherchait à la comprendre. Ou à comprendre un mystère. En tout cas, il avait l'air à l'aise. Comme si il était chez lui. Mais peut être qu'il ne faisait pas semblant. Si il existait un ordre ou des conventions pour une conversation, lui ne s'en souciait guère.




***
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L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 16h57
 
*** Elle sursauta et se leva d'un bond.
Ses cheveux en vrac, qui auraient eu besoin d'un véritable coup de brosse et l'esprit encore égaré dans ses pensées et la mélodie à peine finie,
elle porta sa main à ses lèvres pour réprimer un petit "oh" de surprise.

La gêne était palpable, et la nacre rosée qui avait joliment égaillé son visage la rendait encore plus fleur bleue....ou rose au petit matin, les pétales encore tout mouillés de la petite pluie portée par l'aube.




"oh pardon, veuillez m'excuser..."


Elle rougit de plus bel, se sentant totalement désarçonnée devant cet homme debout dans l'encadrement de la porte.
Elle se rendit compte qu'en prime elle ne savait pas où elle était, ni même ce qu'elle faisait là...
Des souvenirs vagues, enrobés d'un voile allaient et venaient à sa mémoire.

Mais l'homme en face d'elle....était -il réel ?

Elle le jaugea alors en silence et après quelques minutes se risqua à le questionner :

"vous êtes...vivant ?"


Oui la question pouvait franchement paraître saugrenue, mais en même temps avec ce qu'elle venait de vivre....à qui pouvait elle se fier ?

Elle s'empourpra davantage sentant l'idiotie de sa demande et se disant que l'individu en face d'elle allait la prendre pour une illuminée !
***



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Mizar
Comitaire actif
Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 17h39
 
Saugrenue, peut être.
Pourtant...


"J'allais vous demander la même chose, ma belle", sa familiarité n'était pas un vain mot, "c'est qu'il a duré longtemps votre p'tit som'." rajouta t-il tout en se décrochant de l'encadrement.

Il fit un pas en avant, un sourire en coin.
D'un mouvement circulaire de son index, il désigna la pièce. Le Réel.


"Vous vous êtes bel et bien réveillée. Et ne vous excusez pas, vous êtes ici comme chez vous. Pour ainsi dire, vous êtes libre de partir. Personne ne sait que vous êtes là. En fait, vous êtes même libre de ne pas me répondre. Il a insisté sur ce point." Il avait récité ces propos, regardant le sol, toujours amusé par la situation et comme se remémorant un échange qu'il avait eu ultérieurement. D'ailleurs, à la façon dont il la vouvoyait, elle pouvait sentir une certaine insistance, comme une politesse forcée qu'on lui avait demandé de respecter.

Comme si il lisait dans les yeux de Freya :

"Vous avez besoin d'un nom : Valsandre. Et cet endroit m'appartient."
Etait-ce vraiment son nom? au Kil'sin, il était entaché d'une certaine réputation. Pas spécialement glorieuse. Parfois contradictoire. Peu importe...

Ce faisant, il s'était encore rapproché. L'animal était doué. Ses pas l'avaient conduit jusqu'au piano.
Et voilà qu'il s'asseyait même.


"Il se joue à deux, votre air, non?" conclut-il en mettant ses mains sur les touches.
De son air charmeur, il la scrutait et attendait qu'elle réponde à son invitation.
Oui...car c'était une invitation.



***
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L'Aveugle
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Freya Hygie
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 18h08
 
*** Déboussolée.
Oui elle était vraiment déboussolée.
Des images de pensées lui revenaient en pleine face, entrecoupant le réel par fraction de secondes.
Elle pencha la tête au mot "il".
Alors elle n'avait pas rêvé, il était bien Réel et il était venu la tirer de ce mauvais pas.
Restait à présent à savoir qui Il était.

"Monsieur Valsandre, je vous prie de m'excuser encore d'avoir séjourné chez vous de la sorte.
Si je vous dois quelque chose, dites le moi et je m'en acquitterai évidemment. "

Elle le voyait se rapprocher tel le félin vers sa proie et elle se décala un peu du piano lorsqu'il s'en appropria le siège.

"Vous dites "il", quelle personne m'a donc conduite chez vous ?
Le connaissez vous ?"


Tout en le questionnant elle finit par s'asseoir à coté de Valsandre et à caresser machinalement une touche du piano.

"Oui vous avez raison ce morceau se joue à quatre mains.
en maitrisez vous la mélodie ?"


Elle le fixa en remettant derrière son oreille une mèche blanche et se rendant compte de son manque de toilette, elle enchaina :

"pardonnez moi aussi mon ....enfin vous me trouvez au saut du lit...d'ailleurs est ce vous qui avez fait porter ces vêtements ?
si tel en est le cas, je vous en remercie."


Elle baissa les yeux sur les touches du piano, toujours embarrassée. ***



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Mizar
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 19h19
 
Beaucoup de questions.
Il n'avait pas reçu l'instruction d'y répondre à toutes.
D'ailleurs certaines le renseignaient indirectement sur la situation. Sur certain mystère que cela avait éveillé chez lui.

Alors Valsandre prit soin de choisir celles qui lui convenaient.


"Je m'y connais un peu, on peut dire ça" répondit-il très malicieux en parlant du solfège, "Rassurez vous, ma belle, mes doigts ont hâte de vous accompagner", cette fois en parlant du morceau. Ou presque.

Il marqua un temps, loucha délicatement sur Freya puis, toujours souriant:

"Hum! Ravi qu'ils vous plaisent.", en parlant des vêtements.

Le morceau démarra donc à nouveau, la jeune femme à la manœuvre.
L'homme essaya une touche, puis une autre, accompagna d'un accord, sur un ton plus sobre. Les âmes qu'il choisissait étaient plus graves. Plus sombres. Mais elles n'étaient que l'autre versant de la partition jouée par Freya.

Il suivait le mouvement. Et pourtant, par moment, ses doigts semblaient s'égarer. Improvisait-il?
Par moment, ses échappées se prolongeaient jusqu'à faire une autre mélodie, dans la mélodie. Etrangement, cela restait harmonieux, bien que l'on eut cru que le morceau initial avait lui même muté. Il était devenu autre chose. De plus libre, plus imprévisible.

En tout cas, ce Valsandre connaissait ses gammes et ne lâchait pas la mesure imposée par sa partenaire de fortune.
A plusieurs reprises, ils furent obligés de croiser leurs mains et ce ne fut pas sans un certain délice qu'il s'y employa.
Jusqu'à la dernière note...


***

Noces funèbres et enjouées.
***


"Considérons ce petit moment délicieux comme votre paiement. Pour votre séjour ici. Entendu?"
Déjà il se levait.

"A votre tour, m'accompagnerez vous pour le déjeuner?"
Ou en clair : est ce qu'elle comptait partir avant? A moins qu'elle ait apprécié la musique. Ou qu'elle n'ait pas eu toutes les réponses à ses questions.

Notre homme avait déjà sa petite idée sur ce que Freya choisirait.





***
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L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 20h17
 
*** Elle qui n'avait pas quité les touches du piano de vue,
releva la tête vers l'homme.
La remarque relativement ambigüe sur son envie de l'accompagner lui fit arquer un sourcil.
Ses pupilles azurées aux reflets d'ocre le questionnèrent en silence.
Certes il avait son franc parlé, mais elle avait fini par s'habituer,
parfois des clients dans la boutique venaient de façon cavalière l'aborder,
elle ne s'en démontait pas pour autant et savait les recadrer avec douceur.

Mais la proximité de cet homme qu'elle ne connaissait pas
lui fit naitre un frisson dans le dos.
Néanmoins,
elle le fixa et ne voulant pas lâcher le morceau si facilement elle entama donc la mélodie.
Après tout si pour avoir des réponses à ses questions il fallait jouer les charmeuses de serpent, elle donnerait le change à son hôte.

La mélodie s'envola, de son coté ses pensées s’échappèrent à leur tour, gravissant notes après notes vers la cime de la mélopée.
Les croisés la troublaient, mais elle gardait le cap pour autant, trop curieuse d'obtenir des vérités sur ce qui c'était passé ici.

Finalement il lui consentit la gratuité de son séjour pour cet instant musical, ce qui à dire vrai vu ses finances actuelles, l'arrangeait bien.
Et en tout bon gentleman, le voici qui l'invitait pour le petit déjeuner.
Était-ce à son tour une manière dissimulée d'apprivoiser sa proie ?
Qu'importe, elle vit une opportunité à saisir et elle s'empressa reprenant d'une voix douce juste avant qu'il ne se lève :

"n'auriez vous pas reçu comme consignes de ne rien me dévoiler sur l'identité de mon valeureux sauveur ?
pourquoi ?
pourquoi ne veut il pas se faire connaitre, j'ai tant à lui dire...
et je souhaite le remercier pour tout ce qu'il a fait..."


Elle tourna la tête rougissant encore et les mèches basculèrent à l'avant formant un voile de neige entre eux.
Elle poursuit plus bas.

"il m'a sauvée.....de toutes les façons qu'une personne peut être sauvée..."


Puis elle finit par acquiescer à la proposition de Valsandre et se levant à son tour elle lui tendit la main en ajoutant :

"Je me prénomme Freya."


Autant se présenter correctement tout de même ! ***



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Mizar
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Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 21h23
 
Valsandre aimait les surprises.
La Damoiselle ne se laissait pas mener par le bout du nez. A peine réveillée, mais déjà bien éveillée -il n'imaginait pas à quel point-. Son sourire se fit moins malicieux, savourant davantage cet échange.


"Je n'en doute pas. Cela lui ressemble assez.", en répondant à ce sauvetage évoqué, comme un naufrage dont on aurait extirpé Freya.

Valsandre inspira après un court silence.

"...j'ai reçu des consignes, oui. Et oui, il se doutait que vous chercheriez à le remercier. Qui ne le ferait pas!" s'exclama t-il, esquissant un sourire.

"Freya...moi, je vous aurais donné mon nom si j'avais été à sa place. Pour ça, c'est un sombre imbécile!" se délecta de dire le cousin de Mizar, "...je connais pas votre vie, ma belle, mais si comme il semble vous en avez perdu le fil, peut être vous faut-il du temps avant de rattacher les deux bouts. Histoire de pas faire un noeud sur la première pelote qui traine." déballa t-il sur un ton qui se voulait honnête, ce qui l'amusa d'autant plus, concluant sa métaphore filaire, par un rictus plein de fierté.
"Soyez en sûr, si il m'a demandé ne pas en dire plus, ce n'est pas pour préserver son identité. Ça non. Mais davantage pour vous préserver vous." Que ce soit de la sur-protection, de la sur-anticipation ou on-ne-sait-quoi d'autre, il y avait un fond de vrai. En tout cas, l'homme n'avait pas l'air de mentir. L'intention était authentique.

Prendre le temps?
Pour faire quoi? construire quoi?
En même temps, le remercier et puis quoi?
Quoiqu'il arrive, Freya ne pourrait pas faire comme si rien ne s'était passé et juste reprendre sa vie normale. Devenir Lanyshstas était déjà suffisamment compliqué pour que la notion même de normalité n'ait plus aucun sens. Prendre le temps ne signifiait toutefois pas que tout serait oublié. Au contraire.


"De toutes façons, il a dit que vous en saviez assez et que si vous avez vraiment quelque chose à lui dire, il vous suffirait de le contacter." conclut-il.

Sur le palier de la porte, il compléta sur un ton narquois, car pour lui c'était là un mystère
"Il a dit que vous saurez comment faire." tout en sortant dans le couloir, ne laissant pas à la jeune femme le temps de répliquer. Valsandre n'était visiblement pas un homme de débat ou d'infini palabre.


***
Dans l'Entrelac, vous reconnaîtrez son empreinte entre toutes. La sensation de passer la main sur une peau rêche. Un léger amusement qui ne sera pas le votre. Une grande lueur puis...l'image: une pupille brûlée.

L'Aveugle
***
 
Freya Hygie
Passeurs de temps,
Libraire-Arkéolite

Kil'sin  
Le Dhiwara 23 Agur 815 à 22h12
 
*** Heureusement.
Heureusement qu'il préféra laisser la suite de l'histoire sur le pas de la porte.
Dès qu'il eut le dos tourné, Freya lâcha un profond soupir.
Elle se voyait véritablement mal expliquer au premier venu qu'elle était...
comment dire....étrange ?
ou une sorcière comme avait voulu le crier sur tous les toits le fourbe voleur qui avait été source de tout ce départ de grabuge, de la dette laissée suspendue par la mort trop rapide de Nogarde et de l'amusement malsain d'Elyas.

Elle resta alors dans la chambre et cria à Valsandre :

"un instant je vous prie,
je vais nouer mes cheveux et je suis à vous !"




Oui c'était la formule,
mais à peine sortie de sa bouche,
la jeune femme craint l'interprétation peut-être hâtive de l'homme.

Elle prit alors quelques secondes pour passer une broche florale dans ses mèches
et nouer le tout en un savant chignon tressé,
ne laissant tomber sur son visage que celles indomptables et rebelles.

Elle jeta un coup d'oeil dans son décolleté pour s'assurer également
que son pendentif était toujours en ses lieux, en sureté.

Puis elle passa la porte et observa le couloir.
Le nez en l'air, regardant de part et d'autre l'endroit où
l'homme de Ses Pensées l'avait mise à l'abri.

Le contacter....

Elle en mourait d'envie, au sens figuré bien entendu,
car après un tel voyage elle appréciait forcément de sentir le plancher
des vaches sous ses pieds chaussés.

Elle fit donc quelques pas graciles et arriva aux cotés de Valsandre :

"voici, je suis prête.
où donc allez vous m'emmener ?
et comment vous connaissez vous tous les deux ?"


Oui les questions étaient vraiment trop brulantes pour rester dans sa bouche, elles lui brulaient les lèvres, elle devait les prononcer. ***



Au fil des pages traces à l'encre ton chemin....

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