La lame passa à quelques centimètres de la gorge de Jaelian.
‘’Encore loupé’’ , lança la voix rieuse sous le capuchon.
Le jeune assassin fit apparaître dans sa main gantée son habituelle dague noire qu’il lança en direction de sa dernière cible. Mais au tout dernier instant, le Lanishsta tomba en avant et se prit la tête entre ses mains. Sa victime regarda, figée, la lame qui lui avait arrachée quelques mèches de cheveux. Puis sans demander son reste, elle prit la fuite.
Les voix étaient revenues dans la tête du jeune Mendélévium. Il avait déjà écouté, il avait tourné son attention vers ces multiples consciences. Et même s’il n’avait pas encore «parlé», il s’était concentré à faire passer toutes ces voix au fond de son esprit, mais encore une fois, elles étaient revenues à la charge. Mais c’était la première fois qu’elles le surprenaient en plein travail. Il fallait qu’il apprenne comment faire abstraction au maximum de ces voix, même si il se doutait qu’il ne pourrait jamais les faire disparaître.
Il prit une profonde respiration et se lança à la poursuite de sa victime. Il ne devait sous aucun prétexte laisser de trace et vu le prix payé par son employeur, il ne pouvait pas se permettre de ne pas terminer le boulot.
Sa cible s’était réfugiée dans une pièce adjacente, cachée sous une table. Il eut un fin sourire sous sa capuche. Il s’accroupit et souffla une poudre soporifique sur l’homme recroquevillé et tremblant sous la table.
‘’Bonne nuit’’
Et le Krolanne s’endormit sur le champ. Jaelian s’avança près du corps et termina sa tâche.
Quelques heures plus tard, le jeune homme était de retour chez lui. Il se décida à prendre contact avec ses confrères. Il ferma les yeux et lança dans le vide de son esprit :
‘’Eh, il y a quelqu’un ? Il y a quelqu’un ? Est-ce que quelqu’un du Kil'sin m’entend ?‘’
Puis il relança son appel dans la langue Krolanne :
‘’Est-ce que quelqu’un peut m’entendre ? Y a-t-il quelqu’un, quelque part ?’’
Il recommença à lancer un appel dans son patois, lorsqu’il entendit la cloche de l’entrée de sa maison sonner. Ce devait être son client. Il coupa à nouveau les appels avec les Lanishstas et descendit dans son bureau. Quand son employeur entra, il jouait tranquillement avec une de ses dagues noires. C’était un vieil homme courbé, qui se déplaçait avec une canne de bois noueux. Il était encadré par deux monstres de chairs et de muscles. Jaelian lui fit signe de s’assoir, ce qu’il s’empressa de faire. Il prit la parole d’une voix sifflante et aigre.
‘’Je vois que vous avez encore réussi. Je pense que vous méritez cet or’’, dit-il en désignant un large sac que tenait l’un de ses gorilles.
‘’Merci, monsieur. Moi, je vois que vous me payez toujours aussi bien. Même si, je dois le dire, le comité décisionnel d’évidage des poissons n’était pas très difficile à faire disparaître. Et cela ne fais qu’accroître le monopole sur la viande de votre propre comité, celui de la surveillance de vente de la viande. Maintenant, si vous n’avez plus de tâches à me donner, je vais vous raccompagner à la sortie.’’
‘’Et bien, c’est que j’aurais encore une demande à vous faire. Si vous pouviez vous débarrassez des jeunes héritiers du comité de…’’
‘’Des enfants, monsieur ?’’ questionna l’assassin.
‘’Euh, eh bien oui, en effet. Ce sont bien deux jeunes enfants’’
‘’Vous savez pertinemment que je refuse de tuer les enfants. Alors pourquoi me demandez-vous une telle tâche ?’’
‘’Ce sera la dernière, je vous assure, concéda le vieux Krolanne.Si vous les tuez, vous deviendrez riche, très riche même.’’
‘’Je ne veux pas de votre argent si c’est pour tuer des enfants, monsieur. Maintenant, veuillez sortir de mon bureau et ne plus jamais remettre les pieds ici !’’
Le visage du vieux porte-parole se durcit. Son ton devint grave et menaçant.
‘’Vous ne voulez pas de mon offre, monsieur Mendélévium ? Vous allez le regrettez. Maintenant, vous ne me servez plus à rien, et vous pourriez faire remonter la brigade de Vigilance jusqu’à nous. Je vais donc me débarrassez de vous.’’
Il fit signe à ses deux gardes du corps qui avancèrent en direction de l’assassin. Celui-ci réagit au quart de seconde. Il attrapa le bras du vieil homme, l’attira contre lui et posa son couteau sur sa gorge. Les deux montagnes de muscles n’étaient peut-être pas très malignes, cependant elles savaient reconnaître une situation de danger quand elles en voyaient une. Elles s’arrêtèrent donc immédiatement.
’’Bonne initiative, les gars. Retournez d’où vous venez avec votre fumier de patron et votre sale or et ne vous avisez plus jamais de revenir chez moi.’’
Les deux gorilles ne se firent pas prier et déguerpirent avec l’or, leur patron clopinant derrière eux. Jaelian attendit qu’ils soient sorti, puis il posa sa tête sur ses mains. Des images confuses de souvenirs lui vinrent à l’esprit comme une véritable avalanche. Lui et ses deux sœurs jouant. Le corps de son père, désarticulé et démembré, sa sœur maculée de sang, celui de sa mère se balançant au bout d’une corde. Sa maison transformée en brasier, pendant que son autre sœur hurlait à l’intérieur. D’autres images funestes revinrent aussi dans son esprit, celle de chacune de ses victimes. Et le jeune homme tomba dans les vappes.
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