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Une vengeance ambitieuse
...Pour quelques babioles de plus...
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 15 Manhur 816 à 11h59
 
*** Plusieurs mois après l’excursion d’Elyas et Mi-mains dans les Rigoles.
Quartier-général du CRARC, Bureau du Grand Conservateur. ***


Josephine : Mais p’tain chef ! Puisque j’vous dis qu’l’autre Bouffon et son gamin l’ont fait exprès ! EX-PRES ! Y ont pioché dans les sacs pendant qu’on avait l’dos tourné ! C’pas un malentendu ! Ils nous ont baisé en beauté !

Josephine et Fred se trouvaient dans un modeste bureau situé à quelques encablures de la place des heures vives. L’épaisse femme faisait les cents pas tandis que son compère restait immobile, droit comme un i. Face à eux, un homme d’âge mûr trônait paisiblement sur l’unique fauteuil de la pièce. Il regardait ses deux comitaires d’un air à la fois soucieux et accablé. Contrairement aux deux autres, le Grand conservateur disposait d’un physique que l’on pourrait qualifier de tout ce qu’il y a de plus classique. La cinquantaine passée faisant, il avait un peu d’embonpoint au niveau du ventre, rien de bien alarmant. Son visage ridé était parsemé de quelques poils blancs. Devant le silence de son supérieur, Fred se décida à prendre la parole à son tour.

Fred : Monsieur, Joseph’ n’a pas tords. Je les sentais pas dès le départ. Enfin après leur petit numéro, les gars ont commencé à vouloir faire une pause. L’autre a sorti ses dés et c’est là qu’on est tombé dans le panneau. Puis il y a eu la gamine, celle qui était pas d’ici. Enfin bref…c’était le foutoir, faut bien l’avouer.


Le Grand Conservateur émit un profond soupir.

Grand Conservateur : Donc, pour résumer… Un type et son marmot sont venus jusqu’aux Rigoles pour voler une partie des reliques que vous aviez dénichées ? Etaient-ils armés ? Portaient-ils les marques d’une bande ? Par où sont-ils repartis, les voies du haut ou les égouts ?

Il fit une pause et soupira.

Grand Conservateur : …Il ne s’agissait que de quelques pièces non identifiées de toute manière non ?...

La voix du vieil homme tressaillait légèrement, comme si quelqu’un lui chuchotait que cette affaire ne mènerait qu’à des ennuis supplémentaires pour son fragile comité consacré aux traces du Créateur. Depuis une dizaine d’années, il avait choisi de quitter son groupe d’antiquaires pour se consacrer aux œuvres du Créateur. Schémas, objets en tout genre, textes, tout y passait. Selon lui et les autres qui l’avaient rapidement rejoint, la promotion des géniales inventions du Créateur était une priorité tant pour inspirer les artisans actuels que pour honorer la mémoire d’un être résolument supérieur. Néanmoins avec le temps et la recrudescence des adorateurs du Créateurs comme on les appelait, la concurrence se fit plus rude et les extrémistes plus nombreux. Il fallut armer les troupes et lutter pour faire en sorte que des marchands peu scrupuleux inondent les Puces de Koi de ces reliques jugées sacrées. L’équilibre était fragile. En tant que représentant de son Comité, le vieux était las de marcher sur des œufs. Chaque altercation sonnait pour lui comme un risque de voir son comité voler en éclat, tombant aux mains des fanatiques plutôt que de garder l’objectif culturel et désintéressé fixé initialement. Inutile de venir y ajouter une nouvelle composante en se mettant à dos les comités mafieux des Dessous.
Les deux autres ne voyaient cependant pas l’affaire sous le même angle.


Fred : Identifiées ou pas…ça restait notre propriété. Il y a blasphème… Quant au reste…Mhm…pour l’arme… Peut-être bien.
Josephine : Ouai-ouai, y’avait un genre d’arme, pas d’celles qu’on voit tous les jours.
Fred : Le gosse avait peut-être aussi quelque chose dans la poche. On l’a pas fouillé, faut dire qu’il avait pas l’air bien dégourdi vu comme ça.


Josephine s’arrêta et se gratta nerveusement le haut du crâne.

Josephine : A part la surdose d’maquillage du clown, rien qui r’ssemblait à une marque de gang.
Fred : …Et pour ce que les gars en ont dit, ils seraient pas repartis vers le haut mais plus par les égouts, comme la gamine. On a pas osé les poursuivre. Les égouts…Enfin, vous savez…
Grand Conservateur : Oui-oui…Je sais…


A cet instant, l’esprit du chef du CRARC tourbillonnait en tous sens. Les deux zouaves, peut-être même les trois si la muette était de mèche, n’étaient pas ceux qu’ils avaient prétendu être. Ils s’étaient probablement déguisés et avaient profité de la fatigue de ses hommes pour les dépouiller de leurs précieuses reliques. Les marchands n’étaient pas aussi malins pour utiliser ce genre de subterfuges. Des voleurs professionnels à la rigueur…
L’affaire était épineuse, le choix, cornélien. Renoncer à la traque remettrait en cause sa légitimité à la tête du Comité. Joséphine et surtout Fred n’hésiteraient pas à s’emparer de l’affaire pour le pousser vers une retraite anticipée.
En choisissant d’exposer une force de frappe dont il ne disposait pas, le Grand Conservateur savait qu’il tentait un coup de bluff. L’escalade serait alors prévisible vis-à-vis des comités concurrents. Il faudrait renforcer les troupes, embaucher des mercenaires pour transporter les reliques jusqu’au Quartier-Général. Peut-être qu’avec le temps, il serait possible de réduire à nouveau les effectifs…Peut-être. Mais dans un premier temps, toutes ces mesures s’accompagneraient de dépenses. Chose qu’il ne pouvait pas se permettre à l’heure actuelle.
D’un autre côté, entamer une chasse aux voleurs exposait le CRARC à un plus grand danger. Le Grand Conservateur ne doutait pas de pouvoir retrouver un certain « Arlequin ». Tout se savait tôt ou tard au Kil’sin. Cependant, on ne savait –précisément – jamais où l’on mettait les pieds. Les nids à serpents étaient nombreux et en presque quarante années de métier, le vieux avait appris à se méfier.
Soudain, l’immense femme repartit de plus belle. Elle tapa fermement du poing sur le bureau.


Josephine : J’vais vous les r’trouver moi ! J’vais les choper tous les deux et leur détruire la tronche a grand coup de coup d’latte ! Ils tarderont pas à parler moi j’vous l’dis ! J’vais vous en faire des grands bavards ! Même qu’après ils nous ramèneront les reliques sans faire d’histoires ! Pour peu qu’y soient capables d’marcher ah !
Fred : Ça manque de subtilité mais pour une fois, je suis assez d’accord avec Joseph’.


Le vieux remua la tête, marmonna dans ses quelques poils de barbe.

Grand Conservateur : Non.

Les deux autres le regardèrent avec des yeux ronds.

Grand Conservateur : Non, il vaut mieux laisser tomber. Définitivement.

Le ton était sans appel. Pourtant, il était très, très loin d’être partagé.


Josephine : Mais enfin chef ! C’pas possible d’juste rien faire ! Un Bouffon et son marmot ! Qu’est-ce qu’vous voulez qu’y nous arrive ?!
Fred : C’est à la limite de l’insulte… Vous ne nous pensez pas capables de mater ce duo de guignols ?
Grand Conservateur : Ce n’est pas que je ne vous en crois pas capable. C’est juste qu’il y a trop de zones d’ombres dans cette affaire. Moi, des saltimbanques qui utilisent les égouts et se pointent aux Rigoles sans être bien entourés, j’appelle ça soit des fous, soit des gens à qui il ne faut pas chercher des noises. Dans les deux cas, ça sent pas bon.


Le vieux renifla.


Grand Conservateur : Alors vous me ferez bien plaisir en oubliant tout ça. Je ferais en sorte de vous équiper un peu mieux et de renforcer les effectifs histoire que vous n’ayez plus d’ennuis de ce genre. C’est tout.


S’il avait pu, l’ancien aurait pivoté sur son siège pour indiquer que l’entretien était terminé.
Les deux CRARCs restèrent sans voix. Plus ou moins docilement, ils sortirent du bureau et dévalèrent les escaliers d’une démarche nonchalante.


Joséphine : Quelle branque c’lui là… J’pensais qu’il nous aurait passé un bon savon puis qu’il nous aurait filé carte blanche. Tu parles !
Fred : Quand les autres apprendront ça, ça va jaser dans tout le comité. Le vieux ne fera pas long feu à ce rythme… On a sûrement un coup à jouer.
Joséphine : Tu veux dire que…
Fred : Ouai.
Joséphine : Faire ça dans son dos et rafler la mise à la fin…
Fred : Exactement.


La mine dépitée de la colossale femme se changea en un sourire carnassier.

Joséphine : J’ai toujours su qu’on faisait la paire ah-ah !

L’homme-asperge n’en était sûrement pas aussi sûr. Il considérait sa comparse comme un moyen plus que comme une véritable alliée. Et dans le cas présent, la faim justifiait d’employer ledit moyen.

Fred : Ouai, une sacrée paire. Clin d’œil à l’adresse de sa complice. Aller viens, on a du pain sur la planche.


- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 15 Manhur 816 à 12h03
 
*** Les Estaminets.
Quelques jours plus tard, à l’Appart-telier de l’Arlequin. ***


Malgré l’éblouissante journée qui se déroulait au dehors, sur les Estaminets, les volets de l’Appart-teliers restaient entrebâillés. Seuls quelques fins rayons de soleils perçaient au travers du bois à la peinture écaillée. La pièce était chaude malgré la saison, on y étouffait presque. Assis sur l’une des deux seules chaises du studio, Mi-mains occupant la seconde, je jaugeais du regard l’adolescent qui me faisait face.
Il s’appelait Jacasse… Du moins c’est ainsi que tous l’avaient surnommé, faisant sombrer dans l’oubli le nom que ses géniteurs avaient pu lui donner. Mi-mains l’avait rencontré un an plus tôt, un peu avant que je ne me transforme en lanyshta. Le gamin, déjà bavard, n’avait pas hésité longtemps lorsque le Chef, comme ils l’appelaient tous, lui proposa de rejoindre les Escrocs-pieds. Depuis, le petit Jacasse s’était allongé et avait su se rendre plus utile que je n’aurais pu le soupçonner au départ. Membre d’un modeste comité de Répéteurs, il avait su s’attirer la sympathie des plus influents et s’était vu promu Crieur, le poste d’Oreille ne lui convenant définitivement pas.
Chaque matin, il passait donc au Comité pour partager les nouvelles du jour. Parfois, on lui indiquait quoi répéter, ou du moins ce qui devait être su du plus grand nombre. Après quoi, il filait vers ses ruelles favorites pour raconter à qui voulait bien l’entendre –bien que parfois ils n’eurent pas le choix – que la grosse micheline avait étripé son mari après que celui-ci lui ai avoué ses pertes aux jeux.
Néanmoins, il arrivait d’autres fois où la Jacasse mettait la main sur des informations autrement plus importantes. Mi-mains l’avait bien compris et avait très vite basé une partie de ses activités sur le chantage des petites gens, peu désireux de voir leurs sales histoires être dévoilées au grand jour.
Oh bien sûr, ce n’était pas encore du grand banditisme, seulement des gamineries sans grandes conséquences si ce n’est l’appauvrissement de quelques familles naïves.

Aujourd’hui était justement l’un de ces grands jours où la Jacasse était venu nous trouver, Mi-mains et moi, à l’Appart-telier.


Jacasse : ….Ouai m’sieur, j’vous jure sur l’auberge d’Kalmeth, y’a deux types qui vous cherchent. Enfin vous…l’Arlequin quoi.

Je grimaçais.

Jacasse : Y ont passé les deux derniers jours à ratisser les Puces. Y voulaient voir l’Arlequin qu’y disaient, pour y faire bouffer ses couilles au nom du CRARC. Exactement comme ça. Y en voulaient à son gosse aussi, ça j’ai bien pensé qu’ça pouvait être qu’vous Chef.

Mi-mains émit un claquement de langue. Il n’aimait pas évoquer les histoires de filiations.

Jacasse : Du coup quand j’ai su ça, bah j’suis v’nu vous voir. C’est qu’ils avaient grave remontés les deux loustics, pas bien doués mais qu’est-ce qu’ils gueulaient ! Même qu’ils ont voulu cogner le vieux Dédé. Pourtant, tout l’monde sait bien qu’ça sert à rien d’y taper d’ssus, l’est plus têtu qu’un bourriquet l’vieux Dédé. Ce s’rait plus facile d’lui arracher un doigt qu’une info !
Bref, ils finiront bien par savoir vers où vous trainez, même si on vous voit plus trop dans le coin hein. Les gens parlent toujours, c’est ça qu’j’aime bien d’ailleurs !


Il leva les yeux au ciel, tout sourire.
Mi-mains s’efforçait d’adopter une attitude dominante, renforçant l’image du jeune chef qu’il souhaitait imprégner dans l’esprit de sa bande. De mon côté, je restais muet. J’avais déjà une idée assez précise des deux loustics à ma recherche. Mon regard se posa vers l’angle de l’établi où se trouvait encore le sac contenant les babioles volées. L’examen sommaire du contenu n’avait pour le moment rien donné. Un coup d’épée dans l’eau en soi.


Jacasse : Tiens au fait, y parait qu’vous vous remettez aux affaires ? C’est vrai ? Y s’dit qu’vous seriez allé voir le Klodas deux trois fois… Ça plus vos p’tites virées chez la Main, c’est qu’on vous dit de retour dans les affaires ! Parait qu’vous étiez un bon dans le temps, un vrai artiste qu’ils disent les autres ou un tar…

Avant qu’il ne puisse terminer sa phrase, Mi-mains tapa d’un coup sec sur la table. L’effet fut immédiat. Le gamin savait que certains sujets demeuraient tabous. Un « fou »… Voilà comment certains me percevaient, victime de l’étroitesse de leur esprit. Des cinglés pour la plupart, des vrais de vrais.
Mi-mains se racla la gorge.


Mi-mains : Bon… euh… okay bon boulot la Jacasse. Tu peux t’barrer maintenant, j’te retrouve dans pas longtemps avec la bande.

Alors que le jeune répéteur s’apprêter à prendre la porte, je frappais dans mes mains.

Attends là.

Il se fit volte-face, la mine figée. Il n’était pas à son aise. Et si les racontars disaient vrai ?

Ça te dirait, à toi et tes collègues Répéteurs, de vous faire un peu de monnaie sans trop d’efforts ?

Mi-mains m’adressa un regard inquiet tandis que les yeux de la Jacasse oscillaient entre moi et son chef de gang. Sa voix manquait désormais d’assurance.

Jacasse : Euh… ouai… Enfin… j’suppose. Quoi et combien ?

Le petit ne perdait pas le nord.

Bien-bien-bien. Très bien même. J’affichais un large sourire. Vois-tu, c’est assez simple. Ces types-là sont prêts à payer un certain prix pour nous mettre, le gamin et nous, la main dessus. Seulement, tu conviendras que s’ils y parvenaient, nous serions, nous comme toi, bien ennuyés n’est-ce pas ? Un Arlequin puis son Mi-mains cabossés, c’est toute votre petite bande qui se retrouve paralysée. Vous perdriez le peu de terrain que vous tentez de contrôler. Trouver une solution s’impose. Et cette solution, tu l’as devant toi : nous.

Je secouais la tête, animant mes grelots.

Nous te proposons de régler ce petit caillou qui pourrait, à terme, atterrir dans ta chaussure.

Jacasse : Mais..euh.. C’est vo…

Chut ! Ecoutes.
Il te suffit de faire passer le mot à tes camarades que le Bariolé et son assistant ont élu domicile dans une petite baraque des quartiers du bas. Il y en a quelques-unes de vides, trop insalubres pour que des types sensés les revendiquent. Après quoi, tu feras monnayer l’info auprès des deux types qui nous cherchent. Tricote-nous de fausses habitudes, l’heure de notre souper, le rythme de nos spectacles, ce genre de trucs. Tout pour faire en sorte qu’ils se rendent dans notre supposé chez nous à une date et heure donnée. Pas bien compliqué n’est-ce pas ?

Jacasse : Ouai... ouai ! Et après ?


Après… Oh après, ce n’est plus vraiment tes affaires. Disons qu’il se peut que tu sois sur un scoop. Un malheureux accident entre deux bandes rivales ou bien une lutte interne dans leur comité. Libre à toi de choisir. Fais-en sorte que ce soit sensationnel, pour ton propre intérêt.

Le gosse resta silencieux quelques secondes.
Finalement, il acquiesça du chef, visiblement satisfait.


Jacasse : Entendu. J’fais ça. J’vous tiendrais au courant de l’endroit et du moment. Chef ?

La Jacasse avait pigé plus vite que je ne l’avais imaginé. En même temps, ma menace était à peine voilée.
Après quoi, mon assistant se leva de sa chaise en me lançant un regard énigmatique. Il devait forcément se douter de mon plan. Peut-être aurait-il apprécié en être. Par chance, le choix ne lui était pas donné.


Mi-mains : Ouai, j’arrive.

Les deux compères s’éclipsèrent.
Il ne me restait plus qu’à réunir un peu de matériel et attendre. L’Artificier mettrait fin à cette traque ridicule de la plus jolie des manières.



- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 15 Manhur 816 à 13h18
 
*** Trois jours après la rencontre entre Jacasse, Mi-Mains et Elyas.
Dans les Rigoles. ***




Parfois, il fallait faire le mal pour faire le bien*.
J'en étais convaincu et Mi-mains l'était tout autant. Pourtant, ce dernier avait la fâcheuse tendance à s'imposer des limites dans les moyens mis en oeuvre. Cet aspect de sa personnalité m’insupportait.

J'avais passé les trois derniers jours à récupérer ici et là, du dessus aux Dessous, de quoi fabriquer les fabuleux cadeaux que je destinais à mes deux traqueurs. Comme un enfant devant un jouet perdu et finalement retrouvé, je ressentais toute l'excitation des années passées en confectionnant ceux que j'appelais amoureusement "Mes BB, Mes Bombes de Bonheur".
En parallèle, Jacasse s'était acquitté de sa mission non sans poser quelques questions. Il était curieux. Néanmoins, Mi-mains savait le tenir à distance. Pour son propre bien être pensais-je sur le moment. Ainsi, il nous fut rapporté que les deux CRARCs, un dénommé Fred et sa collègue Joséphine, avaient acceptés de payer deux cents pierres aux Répéteurs pour connaitre les habitudes de l'Arlequin. Jacasse avait pris soin de ne pas mentionner la présence de son Chef, le petit Mi-mains. Curieux mais malin la Jacasse.

Le bouquet final devait avoir lieu dans une petite baraque au dernier étage d'un quartier peu habité, dans la partie supérieure des Rigoles. Les toits de taule enchevêtraient maladroitement et menaçaient à tout moment de s’effondrer. La zone dominait de quelques mètres l'épaisse brume caractéristique qui formait le second ciel de cette partie du Kil. Elle n'en demeurait pas moins inhospitalière.
Seuls les drogués, criminels ratés ou victimes de la vindicte populaire en venaient à "vivre" en ces lieux. On trouvait également les "monstres" du Sin, des handicapés que la société impitoyable du haut n'admettais pas dans ses rangs.
Le Kil'Sin n'était pas un endroit où il était bon d'être faible. C'était mangé ou être mangé sans toutefois dépasser la limite fixée.

Dans un tel endroit, il ne fut pas bien compliqué de venir habiller ma supposée habitation, un petit trente mètres carrés humide et mal éclairé, de quelques bibelots, tissus, meubles récupérés et d'un matelas amoché pour que l'illusion soit crédible. Après tout, j'avais besoin de m'assurer que mes convives seraient bels et biens présents pour goûter à mon joli cadeau.
Ce genre de fête n'était censée avoir lieu qu'une fois pour ses invités.

Après deux jours, la touche finale fut finalement apportée : deux jolis paquets de trente par vingt par vingt, sur lesquels figuraient l'inscription : "Pour Joséphine" et "Pour Fred" accompagné d'un petit mot commun "Nos sentiments distingués : L'Arlequin, L'Artificier, Elyas".
C'était un humour bien à moi. Une œuvre en devenir se devait d'être signée.



***



Fred et Joséphine trépignaient d'impatience. Après plus d'une semaine de traque, voilà qu'ils étaient enfin parvenus à débusquer l'Arlequin de son trou à rat. Il avait certes fallu payer le prix fort, mais le jeu en valait la chandelle. Chaque soir, alors qu'ils rentraient au Bureau du CRARC, les deux se vantaient discrètement auprès de leurs pairs d'approcher du but dans la chasse au voleur sans pour autant rentrer dans les détails. Les opportunistes étaient de partout. "Faire un exemple" qu'ils disaient, pour "montrer la force du CRARC" et "forcer le respect".
Les plus naïfs burent ces paroles sans sourciller, consolidant la confiance que les deux rebelles avaient en leur plan.
Pour eux, la réussite de la capture de l'Arlequin était synonyme d'accession au rang de Grand Conservateur. Alors s'il fallait pour cela débourser quelques pierres et aller traîner dans les bas quartiers, c'était un mal pour un bien.

Finalement, ils se décidèrent à rejoindre la fameuse "Maison de l'Arlequin" au soleil couchant, au moment où, comme l'avait raconté le petit Répéteur, l'artiste prenait son dîner et plongeait sans retenu son nez dans une montagne de Blanche au rabais.
L'un était armé d'une simple matraque, l'autre d'un petit pistolet de piètre facture. Ils avançaient dans les ruelles boueuses, escarpées et mal éclairées qui menaient à l'amoncellement d'habitations.
D'ici quelques minutes, la nuit aurait pris possession des lieux.


Joséphine : Quel coin d'merde.

L'homme asperge n'osait pas vraiment ouvrir la bouche. Ses yeux allaient et venaient ici et là, scrutant le moindre mouvement suspect. Il n'oserait jamais l'avouer mais l'idée d'une descente de nuit dans les Rigoles ne le rassurait pas. Sans la double dose de liqueur de poire avalée quelques minutes plus tôt, il aurait déjà pris ses jambes à son cou.
De son côté, la géante ne semblait pas avoir conscience de tout ça. Elle avançait fièrement, une main posée près de son sein, prête à se saisir de son pistolet planqué sous sa veste.


Joséphine : Eh ben, t'as perdu ta langue?
Fred : ..Ouai non t'as raison, un vrai coin de merde.


Au bout d'une dizaine de minutes, les deux compères se tenaient face au bâtiment décrit par le Répéteur. Au dernière étage, une faible lueur indiquait que l'appartement était occupé.

Joséphine : Bingo. Prépares toi la raclure, Fred et Jo' débarquent !


***



A une bonne cinquantaine de mètre de là, je m'étais posté avec Mi-mains dans un appartement voisin pour contempler le Spectacle. Le petit n'était pas très à l'aise. Les premières fois, ça vous fout toujours un peu la trouille.
Confortablement assis sur un balcon, éclairés par la seule pâle lumière de la lune, nous profitions d'une place de choix.


Tiens, regarde. Ils arrivent.

Le blondinet plissa les yeux. Effectivement, deux silhouettes, l'une fine, l'autre massive, s'avançait dans la rue sans nom en direction de la fête. Ils étaient seuls. Encore plus bêtes que je ne les avais imaginés. A ce compte-là, j'aurais pu m'en occuper seul, brûlant leur corps en quelques seconde d'une ou deux charges de Crach'Feu et laissant leurs cendres se disperser dans les rivières de merde des contrebas. Toutefois, c'eut été se priver d'un fantastique feu d'artifice. Et moi, j’adorais ça les feux d’artifice.

Tu sais ce qu'il va se passer gamin?

Je me tournais vers lui, souriant de toute mes dents.
Le petit tenta de masquer son inquiétude. Pourtant, je pouvais entendre sa respiration s’accélérer.


Mi-mains : Euh...Ils vont entrer?

Je tapotais dans mes mains.

Oh oui-oui-oui ils vont entrer ! Et même monter les marches ! Et puis après?

Mi-mains : Ben... Ils vont passer la porte...

Encore gagné ! Et qu'est-ce qu'il va se passer lorsqu'ils vont passer la porte?

Mi-mains : ...Le fil...Il va bouger...

Ah-ah-ah ! C'est ça ! Il va bouger, rompre, activant ainsi les détonateurs placés au niveau des pieds de la table. Il ne faudra qu'une vingtaine de secondes au mélange pour atteindre sa forme instable...et puis après... PAF ! POUF ! BADABOOM !

Je riais aux éclats devant le regard interloqué du petit Chef.

Regarde bien gamin, regarde bien ! Celui-là, il est pour toi, je te le dédis !


***



Les deux CRARCs montèrent les marches, s’efforçant de rester silencieux. L'adrénaline commençait à monter. Joséphine avait pris les devants. Elle agrippait désormais son pistolet de son énorme main, un doigt déjà sur la gâchette. Erreur d'amateur.
Arrivés devant la porte du dernier appartement, il se regardèrent. Fred manqua de rebrousser chemin. Il savait que cette confrontation pouvait mal tourner, qu'il pourrait y avoir des blessés, pire, des morts. Il n'avait jamais tué et espérait n'avoir jamais à le faire. Joséphine n'avait pas ce genre de tracas. Tout son être était guidé par la volonté d'en découdre et de démontrer la force de son comité. Elle était inconsciente mais n'en avait manifestement pas conscience.

De sa main libre, la femme actionna la poignée puis ouvrit doucement la porte. Le canon de son pistolet était braqué droit devant elle.


Joséphine : Bouge pas salaud !, cria t-elle.

Mais alors qu'elle déboulait dans l'unique pièce du studio, ne ressentant qu'une légère pression au niveau de ses tibias, elle s'aperçu qu'il n'y avait personne.
La géante resta bouche bée.


Joséphine : C'quoi c'bordel...

Sans tenir compte du fil presque invisible qui s'était rompu au niveau de la porte, Fred s'avança, matraque à la main, en direction de la table sur laquelle était posée les colis et deux bougies.

Fred : ...Joséphine...Fred...Nos sentiments distingués : L'Arlequin, L'Artificier, Elyas... Il s'avança encore d'un pas puis posa une main sur son paquet. Qu'est-ce qu'...

BANG !



***



Oh, ce fut un "bang" !

L'appartement vola en éclat. Le souffle de l'explosion parvint même jusqu'à nous.
La toiture fut soufflée en même temps que les murs, fragilisant l'ensemble de la structure porteuse. Tout l'étage fut réduit en cendres au moment de l'explosion. Il ne resterait rien de Joséphine et Fred, pas même un morceau de doigt. Ils avaient été effacés de ce monde en moins d'une seconde.
Je n'avais pas lésiné sur les moyens.

Les immeubles aux alentours tremblaient encore lorsque je m'auto-congratulais d'une série d'applaudissements. Peut-être y aurait-il des victimes autres que ces deux-là. Quelle importance.
L'odeur chimique des explosifs avait envahi le lieu. Les experts reconnaîtraient peut-être là ma marque de fabrique, encore faudrait-il que ceux qui en fussent capables soient encore de ce monde. Dommage. Une telle mise en scène se devait d'être reconnu comme œuvre accomplie.

Je posais mon regard sur un Mi-mains quelque peu secoué.


Bon, on rentre? Guizar m'a promis un rôti avec des pommes. Tu pourras en avoir si tu veux.

L'air de rien, je quittais le balcon puis filait en direction des Estaminet, mon vrai chez moi.
Mi-mains prit ma suite une poignée de secondes plus tard.



- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 15 Manhur 816 à 13h45
 
*** Le lendemain matin, sur la Place des Heures Vives. ***


Jacasse : Explosion dans les Rigoles cette nuit ! Explosion dans les Rigoles cette nuit ! On suspecte un règlement de compte entre deux comités rivaux ! Plusieurs blessés mais pas de traces des morts ! Règlement de compte entre rivaux dans les Rigoles ! Va t'on vers une nouvelle guerre ouverte des Dessous?

Le message se poursuivit durant une bonne partie de la journée.
Aucun corps ne fut retrouvé.
Les Répéteurs, comité dominant dans la diffusion de l'information, avaient rempli leur rôle à merveille.



***



*** Le soir même.
Quartier-général du CRARC, Bureau du Grand Conservateur. ***


Grand Conservateur : Pas de nouvelles de Fred et Joseph'?
Membre du CRARC : Non monsieur, pas depuis avant hier.
Grand Conservateur : Hmmm... Tu penses que...?
Membre du CRARC : Ils se sont fourrés là dedans tout seuls, vous leur aviez dit que c'était un terrain miné. Peut-être qu'ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment...ou peut-être qu'ils s'en sont juste prit à plus gros qu'eux.
Grand Conservateur : Ouai... Faut espérer que ça s'arrête là.
Membre du CRARC : Ceux qui étaient avec eux ne prendront pas d'initiative, pas après ça. Quand aux autres, ils vous suivront dans vos choix, je vous suivrai dans vos choix.

L'ancien se releva de son fauteuil et vint se placer face à son subordonné.

Grand Conservateur : Tu as bien fait de me prévenir de leur manigances. C'est de gars comme toi qu'on a besoin ici. Au final, cette affaire a permis de supprimer les pommes pourries de l'arbre. Qui que ce soit, celui ou ceux qui ont ces deux zouaves nous ont rendu service.


- Thème d'Elyas -

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