*** Keir avait repris conscience au beau milieu du Kil'sin, qu'il n'avait jamais trop visité d'ailleurs.
C'était à n'y rien comprendre, mais il ne se sentait pas bien en tout cas, les tempes lui tambourinaient comme un mauvais lendemain de cuite, le soleil l'aveuglait...
Il se leva péniblement, saisissant et s'aidant de sa canne. Que ferait-il sans elle d'ailleurs?

Il regarda un peu autour de lui, perdu, avant de se mettre en chemin.
Les voix et souvenirs résonnaient dans son crâne, il y avait un refuge non loin. L'image en était imprimée dans son esprit.
Il s'y traîna tant bien que mal, cherchant la bonne maison du regard.

Ce fut une véritable délivrance lorsqu'il la trouva.
Il se précipita à l'intérieur, il n'y avait visiblement personne et il y aurait eu du monde qu'il n'en n'aurait rien eu à faire.
Keir alla jusqu'au lit en claudicant et s'y écroula.

Il était piégé ici de toute façon, à présent.
Sans le sous et sans aucun moyen de rentré en Kil'dé.
Tant pis pour son annonce à l'auberge, ça attendrait... ***

***

Un intrus largue bruyamment son sac à dos peu après minuit.

L'esprit de Keir émerge dans une mélasse grise.

Une odeur pourrie emplit rapidement la pièce et l'irrite.

L'autre continue de le déranger durant de longues minutes. Il l'empêche de se rendormir. Il lui vole son repos. Ses pas tambourinent sur le plancher. Il frappe même lourdement un grand coup à un moment.

Le tintamarre prend fin quand la personne s'effondre dans le lit voisin en grognant.

La chambre retombe alors dans le silence jusqu'au matin. L'intrus est une intruse et ses mèches blondes et grasses raclent le coussin. Sa lame est fichée dans le sol, entre deux planches. Son armure de cuir d'évitement est posée négligemment par terre.

Elle ne s'est pas lavée depuis un certain temps.

***

***
J'avais depuis quelques jours trouvé un squat pénard ou personne ne m'emmerdais, la porte était forcée, il n'y avais personne la nuit mais curieusement de temps en temps quelqu'un mettait une chose ou une autre le jour dans le coffre forcé. L'endroit idéal pour moi vu que je passait juste la nuit sur place et que je repartais au petit matin.

Aujourd'hui comme d'habitude je me précipite par la porte forcée, la claque derrière moi pour que mes poursuivant n'aient pas le temps de voir par où je me suis enfuis et... Et merde, les propriétaires sont là, mais qu'est ce qu'il foutent là ?!?
Bref je me retrouve dans un étau, soit je ressort précipitamment et doit alors éviter mes poursuivants soit j'aurais une explication à fournir aux propriétaires sur ce que je fous là.
L'hésitation me fait buguer.
***

*** En pleine nuit, un véritable vacarme réveilla le pauvre Keir.
Il n'était guère rassuré mais il resta statique dans le lit, à écouter ce qu'il se passait tout en regardant autour de lui.
Après un moment, une jeune femme entra dans la chambre et alla elle aussi s'écrouler sur un lit.

On aurait dit qu'elle en avait bavé, surement en dehors des villes depuis longtemps.
Elle avait l'équipement d'une mercenaire ou d'une aventurière, mais Keir ne dit rien.
Il se contenta de rester éveiller un moment avant de chercher le sommeil à nouveau, il n'avait rien qu'on puisse lui voler à part ses vêtements et sa canne.

Il se leva vraiment au petit matin, sortant discrètement de la chambre afin de ne pas réveiller la femme, pour découvrir le reste de ce "refuge".
Tout ce qu'il touchait, il le faisait avec précaution, avec la délicatesse dû à des affaires qui n'était pas les siennes.
Il parvint finalement à se faire un bon thé chaud et à trouver un livre qu'il se mit à bouquiner.

Après un temps encore, alors que se tasse était vide et qu'il la remplissait à nouveau, quelqu'un entra.
Immédiatement, son regard se tourna vers le nouvel intrus et rien qu'à voir le jeune et la façon dont il le dévisageait, il ne put se retenir de hausser un sourcil, interrogatif et sceptique à la fois. ***

***

C'est à ce moment précis que la femme se lève, pieds nus.

Hors des draps épais où, cette nuit, elle s'est enroulée en saucisse, elle paraît presque dénudée. Ses épaules carrées et ses seins menus modèlent le coton blanc de son débardeur, auréolé de sueur. C'est encore son large pantalon de toile noire qui est le plus sale: boueux aux extrémités et poussiéreux sur les cuisses.

Elle jette précipitamment un "B'jour" à Keir et Lee, tout en se dirigeant vers la cuisine, où elle se coupe de grosses tranches de pain. La confiture de cerise risque d'y passer, avec une bonne partie du beurre.

***

***

Clairement ces 2 là ont l'air louche, et ils n'ont probablement rien de plus à faire que moi ici, sinon ils m'auraient déjà mis dehors. Mais alors pourquoi sont ils là ?!? J'ai envie de crier. Instinctivement je pousse un cri télépathique.

***

***

Avec ce cri, vous entendez quasiment des sanglot mentaux de quelqu'un qui ne contrôle pas ses pouvoirs encore et qui se sent un peu perdu.

***

*** Keir salua la jeune femme d'un mouvement de tête avant de boire un peu de thé.
Voilà que la situation devenait de plus en plus saugrenue, et si ne trouvait pas la femme des plus net, c'était encore pire pour le jeune homme qui avait, lui aussi, fait intrusion dans la bicoque.

Il fit de grands yeux et haussa un peu plus haut encore son sourcil face au cris mental du garçon.
Ce dernier devait être dérangé, ce n'était pas possible autrement.
Il prit une autre gorgée de thé chaud avant de poser sa tasse sur la table et de froncer les sourcils. ***

« Que les choses soient clairs mon garçon, je ne comprend pas un traître mot de ce que vous me baragouinez là! »

***

Mes souvenir des règles de constructions de la langue krolanne sont loin, très loin, et j'arrive tout juste à comprendre qu'il ne me comprend pas. Ce qui en soit est curieux car je n'ai pas parlé. En utilisant mes rares souvenir je lui dit d'un ton de défi quelques phrases mal formées grammaticalement :

***

« Qu'est ce qu'un étranger fait ici ? Si tu n'es pas du coin tu n'a rien à faire là. Et je n'ai pas l'impression de t'avoir parlé, c'est quoi cette histoire de ne pas me comprendre ? »

***

La krolanne parle assez fort pour se faire entendre depuis la cuisine:

T'es un lanyshta. L'autre aussi. C'est pour ça qu'il t'entend.

Puis elle se tait. On l'entend mâchouiller sa tartine pendant quelques secondes. Quand elle a fini, elle se présente avec désinvolture dans le séjour, l'index pointé sur Lee BerT.

Au cas où les autres n'en sont pas encore convaincus, elle insiste: ils sont tous les trois des lanyshtas. C'est pour ça que Keir et elle ont entendu les sanglots de Lee. Si des pensées s'envolent par mégarde, d'autres lanyshtas les captent.

Tu devrais faire gaffe, il y a de vrais tarés qui pourraient entendre tes cris...

Sans s'attarder, elle retourne dans la chambre puis file à la douche. Il n'y a pas besoin d'en dire plus. Devenir du jour en lendemain un lanyshta est vécu comme une bénédiction ou un grand traumatisme.

***

***

D'un coup, vous me voyez devenir blanc comme un linge et tremblant comme si j'avais de la fièvre.

***

***

J'ai posé les 2 mains sur mes oreilles en entendant ça et semble vouloir ne plus rien entendre.

***

*** Keir leva les yeux au ciel devant la réaction de l'adolescent. Tout cela devenait bien trop mélodramatique.
Ceci étant dit, il pouvait comprendre de l'adolescent.
C'était une période difficile, les boutons d'acnés, la révolte au coeur etc etc...

Alors apprendre qu'on était devenu différend, radicalement, et qu'on pouvait communiquer mentalement avec d'autres...
Et puis chaque Kil avait une opinion différente des Lanyshta.
Keir servit une deuxième tasse qu'il mit devant l'une des places à table. ***

« Vous sentez-vous comme un monstre jeune homme? Moi non, aussi ne le suis-je pas et je ne pense pas que vous le soyez non plus. Maintenant, venez vous asseoir et buvez donc un peu de thé pour vous calmer. »

*** Lui met se resservit afin de finir la théière. ***

« Maintenant, notre jeune amie présentement entrain de se laver, il faut lui reconnaître une chose ou deux choses sur lesquelles elle a raison. Tout d'abord sur le fait de faire attention, on ne sais pas qui nous entend, nous ou nos pensées et ce qu'ils pourraient en faire. De plus, elle semble bien plus renseignée que nous deux sur le sujet et je suis curieux de voir ce qu'elle pourrait nous apprendre. »

***

"Pauvre naze", se dit Leyhraj en décrassant son avant-bras au savon. Au sol, un delta grisâtre se jette dans l'évacuation. Elle prolonge le plaisir tant que la cuve n'est pas à sec. L'eau qui devient glaciale ravive sa nuque et sa poitrine. Elle crache à plusieurs reprises les fluides qui obstruent ses voies respiratoires.

Séchée, elle enfile une culotte, un soutien-gorge et une simple robe blanche. Elle apprécie le confort et la simplicité de sa tenue. Elle remplit la lessiveuse avec ses autres vêtements, ses draps et sa taie d'oreiller. Ils vont bouillir pendant plusieurs heures. Il est temps. Revenir au salon lui déplaît.

Tu t'es calmé maint'nant?

Elle s'appelle Leyhraj et leur demande aussi leur nom.

Elle leur dit que ce n'est pas la peine d'espérer guérir, que c'est une erreur, que ça ne marche pas. C'est le chemin qu'elle a pris, elle en a fait le bilan: beaucoup de souffrance et un blocage de nombreux pouvoirs. Nier son état c'est mourir.

Ils ne sont pas des monstres, mais des krolannes aux capacités étendues. Vivre en accord avec ses capacités est le plus sûr chemin vers l'apaisement. Si tous les krolannes réussissaient à atteindre cet état, le monde serait meilleur.

Dans une posture martiale, bras derrière le dos et jambes légèrement écartées, pieds nus, la mâchoire fermée, la krolanne attend leur réaction.

***

***

Après quelques minutes à vouloir dénier cette confirmation de la réalité, je fini par me calmer en acceptant tant bien que mal mon statut de lanystha. Je suis encore mal à l'aise avec ce fait à cause des nombreuses histoires de caniveau qui se racontent au kil sin sur ces être qui ne sont pas nos égaux. Enfin je veux dire qui ne sont pas les égaux des krolannes.

***

« Dans ce cas, permettez-moi de vous dire que je suis ravi de faire votre connaissance, que ce soit vous cher Liadrin ou bien vous chère Leyhraj. Pour ma part je me nomme Keir. Voudriez-vous un thé? Il n'y a hélas que cela que j'ai vu de convivial ici. Aucune trace d'absinthe pour ce que j'ai vu... »

*** Dit-il en regardant autour de lui avec une petite pointe de tristesse. Il aurait volontiers été s'asseoir dehors avec un verre à la main, et une pipe. Bon sang oui, ce qu'il aurait voulu une pipe, avec son tabac à la rose qui avait une note room si agréable.
Il soupira malgré lui, le regard perdu dans le vide, rien qu'à l'idée de savourer un peu sa pipe et son absinthe... Il revint néanmoins vers ses camarades, les regardants tour à tour. ***

« Je ne connais pas du tout le coin, j'imagine que vous en revanche oui. Pourriez-vous me parler un peu du Kil'sin ou bien peut être me faire visiter un peu? Quitte à être coincé ici pour un temps, autant connaître un peu l'endroit. »

***
Je ne cherche même pas à cacher ma grimace lorsque Keir parle de thé.
***

***
J'ai toujours sur moi un peu d'alcool, mais j'en ai trop peu pour le partager avec qui que ce soit, c'est de l'alcool très ordinaire durement gagné à la sueur de mon travail.
***

***
Après avoir prononcé ces mots, je jette un coup d’œil dehors, ne repère pas mes poursuivant aussi je sort et m'enfui en courant.
***

***

Liadrin l'adolescent fuit le matin éclatant, le jardin des roses épineuses où fleurissent également les questions.

Elle le voit détaler dans un couloir infini et éteint. Il a le museau et le corps famélique d'un loup sans meute quelques décennies plus tard.

Leyhraj est charmée d'assister à la floraison de son propre imaginaire décomplexé. Son orgueil s'amplifie au contact de lanyshtas à peine éveillés. La maîtresse d'école donne la leçon. S'infiltrant dans l'esprit en ébullition de Lee BerT, elle lui adresse un message hautain et surtout inquiétant.

Puis elle s'en désintéresse totalement. Elle n'en garde qu'un vague sentiment de mépris.

L'autre le dégoûte déjà. Il n'y a qu'un alcoolique pour avoir envie d'absinthe au matin. Il n'a pas l'idée d'explorer le Kil'Sin tout seul. Elle songe au Doc et à sa détermination exemplaire. Lui se débrouille tout seul. Le visage de la krolanne se teinte, comme ses sentiments pour Liadrin, d'un soupçon de mépris.

T'as vu quoi au Kil'Sin pour l'instant?

***

*** Keir fronça les sourcils, comme si il avait lu dans les pensées de Leyrhaj.
Ce n'était surement pas le cas, il ne devait pas pouvoir le faire et pourtant, il perçu bel et bien le mépris...
Le visage fermé, il se dirigea vers la porte en boitant, s'aidant de sa canne. ***

« Laissez tomber jeune fille... Je vais me débrouiller sans vous. »