Étrange commentaire venant d'une personne pareille. Il semblerait donc qu'elle soit finalement dotée d'une once de sensibilité. Mauvaise évaluation ? Oui. Probablement a l'origine d'une partie de cet état de fait. Il serait possible de continuer à scruter. Mais l'intérêt relatif était moindre vis à vis des risques encourus. Un simple hochement de tête mental, signe d'assentiment et de compréhension vient répondre a ces pensées.

Intéressante affirmation. Et surtout délicieuse description d'un mode de pensée. Les réponses dérivaient lentement pour modifier le cours de la conversation. Les tests se revoyaient de l'une à l'autre. Chaque instant passé apportait un avantage a Jade qui semblait avoir porté au rang d'art l'impassibilité. Un avantage et un inconvénient. L'étude des réactions apportait une foultitude d'informations qu'il convenait d’analyser. Pour peu que la cible de cette lecture soit habituée a l'exercice, il lui devenait possible de manipuler cette lecture.

Ensuite... Il y a théorie... Et pratique. Ce petit jeu lui était facilité par cette étrange distance qu'elle ressentait avec son corps depuis l'éveil... Alors qu'en parallèle ce même phénomène qui embrouillait ses mains quand elle travaillait avait tendance a rendre les choses plus... compliquées. Heureusement la parole et la rhétorique étaient les premières a être revenues.

Au tour de Naoko donc de répondre. Utiliser la force d'un adversaire contre lui. Maintenir son propre rythme... Et doucement l'altérer pour entrer en résonance avec les autres rythmes... Tout pouvait se rapporter a la danse et a la rhétorique.

Pensée :

Sa pensée se fait moins affirmative. Elle hésite, cherche ses mots :

Pensée :

Au même moment une question orale vint lui rappeler la deuxième conversation. Avait-elle raté quelque chose en étant trop concentrée sur le ton de ses pensées ? Peu probable. Quand a la question... Il y avait plusieurs manières de répondre. Le plus simple était de ne pas mentir. Pas sur quelque chose d'aussi insignifiant. Cette méthode avait moult fois fait ses preuves.

- Le deuxième nom qui me soit passé par l'esprit. Le premier, «Fabien», n'aurait pas été crédible.

Elle pouvait détailler en expliquant que Julie était la fille de 6 ans de Fabien, le primeur en bas de chez elle. Fillette absolument adorable au passage. Pourtant de tels détails auraient non seulement été nuisible pour sa sécurité... et n'auraient même pas amenée grand chose d'intéressant.

A présent restait à se laisser porter.

 
Façon admirable de répondre.
Si une question était un coup, certains auraient tenté de le bloquer, de s'y opposer, quitte à se retrouver déséquilibré.
D'autres se seraient écroulé, touchés en un point sensible.
"Julie" venait de concéder l'équivalent d'un hochement de tête et d'un petit saut en arrière, tout en se replaçant immédiatement en garde.
Accepter les pertes sans frémir, et empêcher l'adversaire de progresser. Ne pas voir que les conséquences à court terme, mais optimiser sur le long terme. Esprit pragmatique, et même "logiquement pragmatique", pas comme ceux qui disaient "pragmatisme" pour justifier ce que d'autres nommaient "immoralité" -si tant est que ce mot est un sens réel.

Donc pas Julie. Qu'elle était la véritable identité ? Aucune importance. A ce stade, un nom n'était qu'une touche de couleur sur un tableau, un élément utile mais non essentiel.
Julie conviendrait.

Pensée :

"Instantanément" étant un mot intéressant. On pouvait le prendre comme "à l'instant" ou "en un instant", même si les conséquences pouvaient se faire sentir bien plus tard. Une boule de neige jetée en haut d'une pente déclenchait instantanément une avalanche, même si le campement en contrebas ne serait pas atteint avant plusieurs minutes.

Pensée :

Minute. Les paroles de Julie étaient semblables à une fugue. Pas -du moins pas uniquement- au sens de fuite, mais au sens musical, un thème repris sous différentes variations, mais récurrent.
Divergence des loisirs et activités : artisanat et contrebande avaient été accueilli d'un "inexact mais juste".
Trop de liens entre les deux. L'artisanat avait été confirmé, la divergence devait être plus marquée. La "justesse" laissait par contre entendre une composante cohérente. La contrebande pouvait être une partie, ou du moins, la seconde activité était au moins aussi délicate.

Une vision à long terme. Pragmatique. Insistant sur des notions de stabilité et de contrôle, peu goûtées au Kil'sin.

Une prudence dans les questions, mais pas une crainte. La simple mention des Comités de Vigilance pouvait expliquer un malaise, mais la proposition de "contrebande" aurait été violemment rejetée dans ce cas.
Une timidité simple aurait exclu une attitude un tant soit peu inquisitrice, là, à questionner sans se dévoiler, on devinait la protection de quelque chose d'autre. Quelque chose de communément plus "gros" que de la contrebande.

Une soif, également. Le besoin pressant d'avoir un objectif, et d'en voir un chez les autres. Une espérance, mêlée à la crainte. Une vision qu'on souhaitait partager sans vouloir la voir malmenée. Le genre de relation qu'elle avait jadis avec Onyx et Opale.

Cela prenait forme, mais la notion de jeu venait de fixer les brumes des suppositions en un schéma... Intéressant.

Révol...

Non. Le mot était inadéquat. Ce n'était pas un conflit, c'était une prise de contrôle. Aucune tolérance d'un aspect anarchique non nécessaire. La notion de jeu était importante. Prendre une chose pour un jeu, c'était prétendre que l'important était de participer. Qu'on ne risquait rien à miser tout sur un coup, car on avait le sentiment qu'il existait un endroit autre de "réalité" où on pouvait se replier, une fois le jeu terminé. En attendant, tout était consacré au jeu.
Une phrase d'utopiste, de ceux qui pensaient que leur propre existence était négligeable par rapport au but poursuivit.

Et si une révolution anarchique n'aurait pas eu de sens au Kil'sin, la recherche d'un nouveau style d'organisation global, plus rigide, plus contrôlé, était effectivement quelque chose qui risquait de vous poser de gros ennuis si cette marotte était découverte. Au Kil'sin, il n'y avait pas de révolution possible, pas de roue à faire tourner. Mais un amas à élever.
Certains mots étaient encore plus dangereux à prononcer que "Lanyshsta".

Pensée :

D'où l'interrogation sur une éventuelle alliance. Vu le caractère des plus marginaux de l'activité, cela pouvait expliquer la prudence. A se repasser la conversation dans la tête, en supposant cette hypothèse correcte, Jade devait osciller sur le fil du rasoir séparant les catégories "ajout de poids" et "danger mortel".

Et la couture, même si elle peut être agréable, n'est au final qu'une couverture. Presque un loisir.

 
Le poisson était ferré. Jade répondait de manière posée a la limite du maternalisme... Ses réponses étaient emplies d'un sens profond, laissant entendre quelle était sa relation vis à vis du pouvoir... Cette dernière dénotait un certain rejet. Logique si on se basait uniquement sur cette personnalité extérieurement dépourvue d'émotions. Mais les quelques traces de douleur (tristesse?) qu'elle avait cru entrevoir dans son regard un peu plus tôt dénotait... Tout comme cette volonté, ce besoin, quasi désespéré de contrôle de l'information.

° Ces désirs sont des faiblesses. Mais les réfuter ne les fait pas disparaître.

Une première hypothèse valable : enfant elle a été rejeté du fait de sa manière d'être. Quelqu'un là récupérée, s'est occupé d'elle et l'a utilisée. Une personne côtoyant plus que probablement un cercle semblable à ceux dans lesquelles elle avait évolué pendant ces périodes... d’activité. Et qu'elle fréquentait encore bien volontiers. Des personnes décidées à agir. Les choses avaient mal tourné. Soit qu'ils aient fini par jeter l'outil devenu trop malaisé a utiliser soit qu'ils aient été doublés.

Une deuxième hypothèse valable supposait que cet état ne soit pas, comme elle semblait le dire, inné mais le fruit d'un accident... Voir d'une mutation. Il était peu probable qu'elle ai menti sur toute la ligne. Trop de corrélations avec ses pensées publiques. Par ailleurs l'esprit analytique de la donzelle avait forcément remarqué la vanité d'un tel comportement. En revanche quelques mensonges convenablement placés pour protéger son individualité... Possible.

Dans tous les cas inutile de remettre en cause ses paroles. Il n'y avait pas grand chose a en tirer... En revanche...

- Permettez que je vous renvoie une question : « Jade » est de vous ?

La suite vint simplement confirmer la talent de la krolanne verte. Une rencontre deux ans plus tôt et elle aurait mis dans le mile après ces quelques minutes de conversation. Et d'une certaine manière elle y parvenait encore. Parfait. A présent qu'elle en était arrivée là elle serait bientôt amenée a la suite. Remonter doucement la ligne...

Pensée :

Il restait un petit point a mettre au clair : en un an elle avait fini par réellement se prendre au jeu, elle qui avait toujours adoré les travaux manuels... Mais de là a trouver le travail « agréable »... Il ne fallait pas forcément pousser.

- Passez quelques jours sous les ordres de mon maître et vous ne direz plus ça... Quand a affirmer que ce n'est là qu'une couverture... Je vous aurais sans doute rejoint fut un temps.

Pensée :

 
L'absence de réaction était parfois la plus parlante des réactions. "Julie" reçu le mot, et le laissa se couler en elle, la traverser sans l'altérer.
On aurait pu s'attendre à un rejet brutal, ou à une peur. Mais juste un qualificatif. Intéressant.
Bien.

La nature d'un être émane-t-elle de lui ? Dirait-on d'un chien qu'on appellerait "chien" que son nom vient de lui ?

Courte pause.

La réponse que vous donnerez à cette question est la réponse à la votre. Un nom n'est qu'un nom, un choix arbitraire de sons qu'on appose à une personne. Jade est moins un nom qu'un descriptif adéquat. De ce fait il peut être -et a été- trouvé de façon instinctive, en toute langue. Les sonorités changent, mais l'objet de la description reste le même.
Chien reste chien, Jade reste Jade, Onyx reste Onyx.
Donc non, à part en étant moi-même, je ne suis pour rien dans Jade. Ni d'autres appellations.

La composante dite évolutionniste était un développement intéressant. Une promesse d'apport réel et cohérent, en même temps qu'une difficulté d'adaptation à prévoir. Les évolutionnistes étaient rarement des plantes de serre poussant seule.
Mieux valait laisser venir, avant d'approfondir.

 
Manœuvre d'une propreté irréprochable. Les questions posées entraient parfaitement dans le puzzle de la personnalité de Jade qu'elle avait pu constituer jusqu'à maintenant. Alors qu'elle marquait une pause, « Julie » se laissa aller à regarder dans le vague... Tout doucement elles descendaient les escaliers. Moins de dix marches avant la fin... Et même si, en essence, elle savais quoi répondre le choix des mots allait compter encore plus qu'à l'ordinaire.

La voilà qui enchaîne... La question se précise. La réponse a y apporter également :

- Définir quelqu'un par son nom ? C'est un choix qui peut être fait. Mais pourquoi vous nommer alors autrement que comme « krolanne femelle » ? Ces termes vous définissent pourtant autant que « chien mâle » désigne celui-ci.

Un geste rapide de la main pour désigner le cabot occupé a promener sa petite fille de compagnie qui passait justement dans la rue dans laquelle elles arrivaient. A moins que ça ne soit l'inverse.

- Une personne porte-t-elle un seul nom ? Si elle en porte plusieurs... L'un d'entre eux as-t-il plus de sens ? L'un d'entre eux la définit-elle mieux ? Ce chien mérite-t-il plus d'être nommé «clebs» ou « clébard » ? A moins que son nom ne soit « Milou » comme semble le penser la gamine qui tient sa laisse ?

Une pause, un sourire, arrivée en bas de l'escalier elle s'arrête pour laisser le choix a Jade du chemin a prendre et en profite pour la regarder :

- Ce nom vient-il de vous ? De parents ? D'Onyx ?

On n'évoque pas une pierre dans une discutions comme ça. Il devait donc s'agir d'un nom. Au pire était-il sans intérêt. Au mieux avait-il un lien. Elle n'avait rien a perdre à l'employer.

- Revêt-il une autre utilité qu'un de vos vêtements Jade ?

 
Embranchement. Une fois encore, "Julie" laissait l'initiative, se gardant bien de livrer quoique ce soit tout en tirant un maximum d'informations. Alors direction les Puces, l'un des endroits encore les plus animés à cette heure.

Krolanne femelle désigne une multitude.

Sans compter que si le "femelle" semblait avéré, Jade avait quelques doutes sur la première partie.

Un nom correct doit contenir une unicité en plus d'une description. "Planète" est une description imprécise. "Syfaria" perd son caractère descriptif mais gagne son unicité. On peut avoir plusieurs noms, généralement afin de définir une unicité de façon plus efficace, puisqu'une multiplicité de noms élève le nombre de possibilités d'un exposant égal au nombre de noms utilisés appliqué au nombre de noms potentiels.

Le tout sur un ton de discussion usuelle. Propos banals et explications plus techniques rentraient dans une unique grande famille : les mots. Sans différenciation nécessaire.

Kil'sin. Kil est descriptif mais incomplet, il est alors associé à sin, afin d'avoir son unicité. Le sens ne vient que de l'union des deux noms. Avec plusieurs millions de personnes, même un nom arbitraire non descriptif n'est pas suffisant, il en faut plusieurs. Criez "Milou" assez fort, et vous devriez voir accourir une centaine de chiens.

Du moins était-ce ainsi dans un monde parfaitement ordonné. Les krolannes ne devenaient pas fous -du moins pas "encore plus fous"- c'est donc qu'ils utilisaient d'autres astuces pour palier leur manque de précision.

A la subjectivité près. "Mon Kil" désignera un endroit différent pour des personnes issues de Sharss différents, mais un endroit défini et unique. "Mon maître" aussi, comme vous l'avez utilisé, est une notion fluctuante d'un point de vue externe, mais défini au niveau local.

Un nom idéal doit contenir unicité, description, et résistance à la subjectivité. En ce sens, Jade est presque idéal. Mais j'ai déjà croisé des multicolores nommées également Jade, même si à l'évidence ce n'était là qu'un nom arbitraire sans partie descriptive.
J'ai d'autres noms, qui reprennent la même utilité que Jade, tout en reflétant la subjectivité de leur auteur. Sensiblerie d'une future mère, ou crainte d'un Veilleur Noir. Mais ils sont tout aussi exacts, à leur manière.
Jade est le plus neutre. Plus objectif. Il se devine. Même ma mère y est parvenue.

Elle s'arrête un instant, se tournant et se penchant vers "Julie", afin de la regarder dans les yeux.

Un nom efficace est un code d'identification court et précis. Une cible efficace à l'assignation des instructions. Lenteur et imprécision sont des entraves à l'optimisation des flux de données.
Un vêtement inadapté peut causer la perte de son porteur. Un nom inadapté peut causer des pertes s'étendant au dela du porteur.

 
La question s'était montrée aussi passionnante que prévue. Le sujet semblait sensible. Qu'un nom soit dépourvu de sens profond représentait une abstraction bien malaisée pour beaucoup de personnes. Et lorsqu'on soufrait d'un besoin compulsif de tout ordonner, de tout classifier la chose virait plus ou moins a l'impossible. C'était là l'une des limites de l'esprit de Jade qui se manifestait. D'une certaine manière cette limite constituait une force puisqu'elle se débarrassait des risques encourus en allant plus loin. Elle... optimisait son temps de réflexion.

Quand à son nom... Elle l'estimait descriptif. Jade... On parle souvent de la pureté de cette pierre. Entre la couleur verte omniprésente dans sa personne et cette étrange perfection lissant sa personne jusqu'à la rendre barbante... Elle pouvait comprendre qu'une personne aussi « simple » puisse se retrouver dans un nom... Quoi que... « simple » n'était pas le mot. Monolithique. Oui voilà. Mieux.

Bref. Restait a présent a laisser filer. Une vive révérence indiquant que la manche est cédée. Elle permet également de briser le contact visuel pour que la situation ne vire pas en un ridicule « combat » de regards... C'est avec un simple sourire amusé qu'elle répond en détaillant jade du regard :

- Des vêtements inappropriés peuvent causer la perte de plus d'une personne.

Puis, balayant l'endroit ou elles se trouvaient du regard...

- Une préférence quand a la direction ?