vide fam
 
 

Page : 1

Contre-enquête
Parce que les guerres qu'on a le plus de chance de gagner sont celles où l'adversaire ignore que les combats ont commencé.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Luang 20 Otalir 814 à 11h18
 
... et laissez-moi deviner, vous le voulez en vert, pas vrai ?

Léger hochement de tête, ce qui élargit encore un peu plus le sourire du bonhomme.

Je m'en doutais.

Le sourire s'effaça légèrement, pour laisser paraître un sentiment de gêne.

Sauf qu'en ce moment, j'ai pas trop les éléments qu'il me faut. Vous savez, pour obtenir la couleur qu'on veut, on a besoin de mélanger à la poudre certains éléments.

Jade était au courant. En l’occurrence, ce qu'il lui faudrait, c'était du sel de Baryum, peut-être agrémenté d'un peu de magnésium. Elle venait juste d'aller consulter un ouvrage à ce sujet dans la bibliothèque du Comité de la Fiole Rouge.
Le seul problème, c'est que si elle pouvait déterminer par la théorie ce qu'il lui fallait, la pratique de l'alchimie était un domaine qui lui était totalement étranger. Elle savait qu'il lui fallait du sel de Baryum, sans avoir la moindre idée d'à quoi cela ressemblait.
D'où sa présence chez un alchimiste, afin d'obtenir des feux d'artifice sur mesure.


D'un autre côté, vu que vous voulez une couleur assez pâle, avec un mélange cuivre-sodium, je vous fait un bleu-jaune qui donnera presque...
Non. Du vert. Avec une pointe de blanc.
Ah. Il faudra repasser alors. La semaine prochaine peut-être ?


Jade soupira intérieurement, signa un bordereau de commande, et sorti de la boutique.
Les feux d'artifice étaient un élément essentiel de sa protection.

Car oui, si une simple dénonciation nominale n'avait aucune chance d'aboutir, il y aurait fatalement un jour où son statut de Lanyshsta potentiel serait évoqué.
Jade avait sans doute plus de chance que la plupart des autres : son arrivée dans le Kil'sin, longtemps avant l'émergence de la menace Lanyshsta, avait déjà fait beaucoup parler. On l'avait étudiée, questionnée, et, au final, l'esprit ouvert du Kil avait fini par l'accepter, malgré ses... Particularités physiques.
Ce serait là sa première ligne de défense, si on l'accusait d'étrangeté : "oh non, vous n'allez pas me ressortir cette vieille histoire maintenant ! C'est réglé pourtant. Ce ne sont que des..." quelle était l'expression, déjà ? Ah oui. qu'une" expression des compétences latentes induites par un entraînement ancien".
Mais cela ne tiendrait qu'un temps, et il fallait envisager la possibilité qu'elle fasse l'objet d'une attention soutenue.
Une attention qui viserait à dénicher les éléments pouvant prouver qu'elle était une Lanyshsta.

Il lui fallait donc d'ors et déjà commencer à contrer cette enquête future. Analyser chaque élément qui faisait d'elle une Lanyshsta et, partant du principe qu'il serait découvert, essayer de le justifier.

Le forgeron avait été intrigué, mais lui avait certifié que de petits éventails métalliques rétractiles étaient possibles. Mais demandant un peu de recherche, et n'étant pas immédiatement disponible. Peu importait, son aptitude à manipuler les vents était discrète, et pas des plus utilisée.

Par contre, les feux d'artifice étaient essentiels. Il lui fallait la faculté de créer -sans se brûler atrocement- une lumière d'un vert semblable à celui que ses pouvoirs produisait. Une recherche de "style" lui faudrait sans doute une réputation d'excentricité, mais mieux valait être vue comme excentrique que comme un monstre.
Et voilà, une semaine. Une semaine minimum avant de pouvoir espérer commencer les études, les dosages, sur de mini feux d'artifices.
Sans compter que la combustion devait pouvoir produire la bonne couleur sans déflagration, donc un tassage à régler lui aussi...


Et restera le journal, pour le moment.

Le journal était une bonne idée.
Il fallait partir du principe qu'elle ne serait pas la seule personne observée. Son appartement risquait d'être fouillé.
Et, elle en savait quelque chose, quand on se mettait à fouiller, on continuait jusqu'à trouver quelque chose d'intéressant. Comme un journal intime. Si on ne trouvait rien, c'était la preuve que la personne avait quelque chose à cacher...

Elle avait donc décidé de commencer un journal intime. Il avait même déjà sa cachette : trois ficelles sous l'assise d'une chaise, qui lui permettait de se soustraire à la vue et d'être aisément atteignable.
Pas assez évident pour qu'on se dise "hum, trop évident, on continue à fouiller", mais suffisamment facile à trouver pour que même un fouineur bas de plafond n'ai pas besoin de beaucoup de temps ou de chance pour mettre la main dessus.
Seulement, il était encore vierge, et devait justifier des contacts avec les Lanyshstas en s'en détachant complétement.


Un chantage.

Oui, c'était la meilleure idée.
Jeter sur le papier une affreuse histoire de chantage. Comment les affreux Lanyshstas avaient réussi à trouver son point de vulnérabilité, et l'avaient utilisée à leurs propres fins.
Personne n'avait envie de croire à une preuve qui décrivait un suspect comme un héros. Alors que réussir à prouver une faiblesse, et un aspect "pas tout blanc", c'était parfait, l'immense majorité des chiens se contenteraient d'un tel os.
La pauvre Coordinatrice manipulée et contrainte d'aider les Lanyshstas, sans pouvoir chercher de l'aide ou du réconfort ailleurs que dans un journal. Ce n'était pas parfait -surtout que si ses pouvoirs continuaient à se développer elle allait devoir se montrer d'autant plus prudente- mais parmi les personnes qu'elle connaissaient, ceux qui étaient susceptibles de ne pas se laisser prendre à un tel piège était elle, et...
Elle.
Sans compter les Lanyshstas qu'elle côtoyait, mais eux, leur problème ne serait pas de savoir sa nature, mais de la prouver.

Et Onyx, bien sûr. Lui verrait immédiatement l'artifice.
Mais Jade ne prévoyait pas de danger de ce côté là, au moins.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 22 Otalir 814 à 09h36
 
De retour chez elle. Le petit appartement discret, 221B Baqueur-Strip.

L'écriture du journal devait commencer immédiatement, et s'étaler sur plusieurs jours. Pour la bonne et simple raison qu'un oeil exercé saurait voir la différence entre des pages écrites au jour le jour, pliées et repliées maintes fois, et un journal écrit récemment, d'une traite.
Parfois, le meilleur moyen de créer un faux était de créer un vrai.

Comment commencer ? Par quoi ?
Et surtout pourquoi ?
L'écriture d'un journal intime n'était pas quelque chose qui prenait à un âge avancé. Sauf en cas de bouleversement. Donc Onyx.
Il faudrait aussi une figure inconnue, inquiétante. Ou du moins inquiétante pour le lecteur objectif, mais que l'intéressée submergée d'émotion -elle, donc- ne parviendrait pas à percer immédiatement à jour.
Mieux valait rester le plus vague possible dessus, si le besoin s'en faisait sentir, elle pourrait toujours le nommer plus tard.
Onyx, en mode bouleversée. Peu d'analyse, des phrases courtes, un emploi immodéré des signes de ponctuation.
Cela pouvait se faire...

Jade ouvrit le journal à la première page.


Luang 06 Otalir 814

Onyx est vivant !!!
Je n'y croyais plus. Je n'ose encore y croire.
Et pourtant... !
J'ai envie de crier ma joie partout, de danser nue sur les tables
Hum, non. Point trop n'en fallait. Jade barra les quatre derniers mots avec des inconnus, Onyx est vivant !
Mais les gens ne comprendraient pas, alors je préfère l'écrire... Et puis, qui sait ? Peut-être que dans quelques temps, mon jumeau à mes côtés, nous relirons ces lignes en sentant la joie qui fut la mienne à cette annonce.
Onyx est vivant !
C'est cet homme, qui me l'a annoncé. J'ai étrangement du mal à m'en rappeler les détails. A part la couleur de ses vêtements, gris. Je l'appellerais l'homme-en-gris.
Je n'aurais, en temps normal, pas pris cela au sérieux, mais il était si précis, si pressant. Il a mis dans le mille, comme s'il savait précisément ce qui me convaincrait.
"Onyx est vivant" m'a-t-il dit, "mais il a des ennuis".
Onyx, des ennuis ? Bien sûr ! C'est Onyx, après tout !
Il a refusé de m'en dire plus. Il avait lui-même des ennuis, m'a-t-il dit. Et je pourrais l'aider.
Ce n'est rien, s'il peut me permettre de revoir Onyx... Il m'a dit qu'il me recontacterait.
J'ai tellement hâte...
Onyx est vivant !




La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Julung 23 Otalir 814 à 11h05
 

Merakih 08 Otalir 814

Onyx est-il vivant ?
L'homme-en-gris est revenu me voir. Il m'a à nouveau parlé d'Onyx, et il est clair qu'il le connait bien. Pour autant, il ne m'a proposé aucune preuve de vie, aucun moyen de contact.
Comme si Onyx était un hameçon destiné à attraper la truite de Jade.
Il semblait tout à la fois pressé et d'un calme surnaturel, comme si deux états cohabitaient en lui. Il m'a demandé de l'aider, de lui fournir des renseignements.
Cela n'a pas de sens. Un "rapport sur les plaintes pour tapage", a-t-il dit. Les gens qui viennent se plaindre du bruit et de la lumière provoqué par les feux d'artifice. Quel intérêt ? D'autant plus que les rapports des Comités de Vigilance ne sont pas spécialement secrets, si personne ne les lit, c'est juste que tout le monde s'en fout. Il pouvait y accéder directement.
Pourtant, il est passé par moi...

Il cache quelque chose, c'est certain. L'évidence-même.
Mais alors que je n'ai habituellement pas mon pareil pour me faire discrète lorsque je le souhaite, il n'a pas fallu deux rues pour que je perde sa trace, dans une ruelle en bordure des Estaminets.

Je sens qu'il essaye de me manipuler, et je n'aime pas ça. Il a vraisemblablement fait appel à moi pour éviter qu'on ne remonte à lui comme auteur de la synthèse. Tant pis pour lui, au lieu d'avoir une dizaine de regards suspicieux braqués sur lui, il aura le mien. Pourquoi les plaintes pour feu d'artifices l'intéressent-il ?
Quels liens existe-t-il entre ces incidents ?
Et surtout, Onyx est-il vivant ?




La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 25 Otalir 814 à 11h15
 
Julung 09 Otalir 814

Onyx est vivant. Sans que je parvienne à considérer cela comme une bonne nouvelle.
L'homme-en-gris est revenu, non seulement pour prendre connaissance de mes conclusions, mais aussi des menaces plein la bouche. Il m'a reproché de l'avoir suivi. Parvenir à me semer est une chose, savoir que je le suivais et où je l'avais perdu en est une autre. Il avait aussi un cadeau pour moi...

Un petit objet noir, semblable à un bout de chair brulée, mais ayant gardé sa souplesse. Je n'ai pas mis longtemps à savoir d'où il provenait, si le soleil peut donner une couleur de pain cuit à certains épidermes, cette teinte profonde de cendres noircies ne se retrouve que chez une personne de ma connaissance. C'était un bout de lobe d'Onyx, oreille gauche. Suffisamment frais pour qu'il ne vienne pas d'un trophée quelconque.

Connaître Onyx et savoir le localiser sont deux choses bien distinctes.
Pouvoir le garder en captivité et lui prélever des morceaux dénote d'une puissance, physique, logistique, logique, que je n'aurais pas cru pouvoir trouver ici, dans quelque assemblée que ce soit.

Je ne parie jamais, mais m'aurait-on demander de miser sur Onyx ou sur le Kil'sin tout entier que mon jumeau aurait récupéré ma pleine confiance.
Quelque chose ici ne va vraiment pas comme il le devrait.

Et maintenant, l'homme-en-gris m'a ordonné -inutile de jouer sur les mots et de se bercer de l'illusion de ses périphrases fleuries,c 'était un ordre- de trouver des locaux discrets pour organiser des rassemblements...



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Vayang 31 Otalir 814 à 11h01
 
Devait-elle donner une identité à l'homme-en-gris ?
Non, pas tout ce suite. C'était un atout à ne pas gaspiller. Par contre, elle ne pouvait pas se permettre de tourner autour du pot trop longtemps. Elle allait être absente quelques temps, également, quelque temps durant lequel elle ne pourrait pas écrire. Et aux conséquences potentiellement néfastes.
Il fallait qu'elle prenne une marge de manoeuvre pour inclure son absence fictive et son absence réelle.
Autrement dit, une durée modulable. En revenant de l'expédition à la recherche du fils de Klem, elle pourrait toujours parler du fait qu'elle avait emmené son journal à cette occasion...
Celui qui la lirait recouperait les dates. Qu'elles correspondent à une facette de la vérité était essentiel.


Luang 13 Otalir 814

Lanyshstas !

Je voulais ne pas y croire, je voulais me bercer d'illusions, mais c'est inutile. L'homme-en-gris m'a emmené à une réunion "d'informations". Je l'ai observé attentivement, mais n'ai rien décelé. Rien.
En se préoccupant des détails, il apparaissait évident que la lumière se courbait parfois de façon étrange, afin de le laisser dans l'ombre. Qu'un moment je vois enfin un menton glabre, et l'instant d'après il était couvert d'un bouc de poils gris.
Son visage est changeant. Sa morphologie aussi, pour ce que j'en sais. Imperméable à l'observation.
Et il m'a amené à un endroit dont j'ignore tout...

Ne pas comprendre que je ne le connaissais pas, non : je n'en ai aucun souvenir. Mon esprit est comme confronté à une porte au sein de lui-même. Comme si mes propres souvenirs étaient altérés.
Ils étaient six... Ou sept ?
Tous indiscernables, à leur façon. Visiblement, j'étais l'objet de la discussion, et les avis divergeaient.

Visiblement car les Lanyshstas semblent avoir une langue bien à eux, horrible, faite de caquètement incessants. On pourrait croire entendre des poules. De grosses poules munies de dents...

Finalement, l'homme-en-gris m'a raccompagné. Il m'a dit que ses acolytes avaient des doutes sur mon utilité.
Mon utilité ! Comme si j'étais un outil.
Et pourtant... C'est bien ce que je suis. Sans aucun élément tangible, il m'est impossible ne serait-ce que de les dénoncer, je ne peux rien contre eux. Et eux peuvent tout contre moi, ils ont Onyx, comme ils me l'ont rappelé...

Je vais donc subir des "tests d'utilité" J'ignore ce qu'ils entendent par là.
J'ignore même quand je pourrais écrire la prochaine fois dans ce journal...



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 6 Jayar 815 à 10h51
 
De retour à la maison.
Ou presque.
Il aurait été aisé, naturel, de se diriger vers ses appartements sitôt les portes du Kil franchies.

Mais elle avait utilisé son appartement, en avait communiqué si aisément l'adresse, à deux fins.
La première, bien sûr, être facilement trouvable, par ceux qui le souhaitaient.
La seconde était afin d'avoir une piste aisée à suivre, pour le jour où on la chercherait.
Si elle ne voulait pas être trouvée, elle n'était pas trouvée. En conséquence de quoi, il serait plus rentable pour ceux désirant la traquer de l'attendre chez elle, que de lui courir après.

Pour les krolannes, du moins. Les Lanyshstas n'étaient pas tellement un problème : oui, ils pouvaient la retrouver autrement. Mais n'avaient pas la logistique nécessaire pour surveiller son appartement efficacement. Mieux valait ne pas écarter la possibilité qu'un téméraire utilise son repaire comme piège, mais c'était négligeable.
Les krolannes, par contre, nicheraient là, fouilleraient... Et c'était précisément ce qu'elle attendait d'eux.

Mais pour le moment, elle se retrouvait sur le toit de la confiserie du 204 Baqueur-Strip. Bâtiment qui avait l'avantage d'avoir un toit bas, fortement décoré, depuis lequel on pouvait avoir une vue dégagée et pas trop plongeante tout en maintenant une bonne discrétion.

Jade se retrouvait sur un toit, à observer sa propre habitation.
Dans la mesure où elle avait choisit la porte la plus proche de chez elle, et avait forcé l'allure depuis les Remparts, en ligne droite, un éventuel "hé, elle est de retour, allez vite la chopper !" ne serait pas arrivé à temps pour la devancer, et aucun groupe d'intervention n'était apparu depuis.
S'il y avait quelqu'un là, il ne devait donc pas être au courant, et était en mode planque longue.
Inutile d'espérer voir quelqu'un à la fenêtre : miser sur la stupidité d'autrui était une erreur. Surestimer son adversaire faisait perdre du temps, le sous-estimer faisait perdre la vie.
Pour autant, venir s'enfermer avec plusieurs semaines de nourriture, sans aucun contact avec l'extérieur, était des plus improbable, et dénotait d'une volonté personnelle énorme, qu'elle savait n'avoir pu engendrer pour le moment. Pas de fanatique prêt à sacrifier sa vie rien que pour pourrir la sienne.
Donc si on la surveillait, il y avait ravitaillement, quotidien sans doute.

Jade resta sur place durant quatre heures. Personne qui vienne donner de consignes. Ceux qui étaient là étaient en autonomie, inconscients de son retour.
Pour l'instant, elle avait encore le trajet dans les jambes, elle ne pourrait rien faire de bon ici.

Direction l'Oreille Tranquille.

***


Le bureau fermé à clé avait été laissé intact. Il y avait un double des clés, bien sûr, mais personne n'avait pris le risque de déranger l'espace de travail de la Coordinatrice, pas sans l'assurance qu'elle ne reviendrait pas dès le lendemain. Pour ce qu'elle en savait, il aurait encore fallu plusieurs mois d'absence avant que la trouille ne s'efface devant la nécessité d'utiliser la pièce.

Prendre la poignée par en dessous, en serrant les côtés, pour l'attirer vers le bas. Même si le personnel n'était pas la crème, ils étaient des Vigilants, et à force d'être dans la même pièce, l'un d'eux aurait pu remarquer la trace de main sur la poussière.
D'où ouverture, fermeture à clé.
Elle avait 24h à passer ici, jusqu'aux profondeurs de la nuit prochaine. Un cycle complet pour se reposer, dormir, essentiellement, et prévoir la suite. Car dès la prochaine nuit, il faudrait repartir sur le toit de la confiserie, pour observer son propre appartement, pendant un autre cycle complet. Seule façon d'intercepter un éventuel flux quotidien, en l'absence de données sur l'horaire de celui-ci.
Il y avait bien sûr des habitudes, semblant inscrites au plus profond des instincts krolannes, mais si elle aurait pu, en moitié moins de temps, éliminer 90% des possibilités, elle préférait ne pas prendre de risque avec les dix derniers.

Une journée à sommeiller, à entendre, de loin en loin, l'activité dans la pièce à côté, une journée ordinaire chez la Vigilance. Puis fin de journée, tout le monde rentre chez soi.
Et Jade reparti en surveillance.

***


La nuit -ou du moins les deux moitiés de nuit- avaient au final été moins désagréables que la journée.
La température avait évoluée, rendant l'obscurité accueillante, tandis que la journée, malgré l'ombre de la sucette géante, avait été chaude.
De plus, il fallait en permanence veiller à ne pas être vue, tandis que les flâneurs divers retenaient l'attention à chaque instant.
Néanmoins, quoique plus affaiblie par cette veille immobile que par le trajet de retour depuis le Kil'dara - une fois ses repères pris, c'en était presque devenu une promenade de santé- Jade avait la quasi assurance que nul krolanne ne squattait son appartement.
Sans que la certitude soit absolue là aussi, l'appartement n'était pas surveillé non plus, elle avait mis à profit la seconde moitié de nuit pour bouger, luttant ainsi contre le sommeil, et surveiller les points de surveillance.

Enfin, elle pu prendre la petite porte, l'escalier...

Jamais trop prudente, elle observa la porte avec ses sens Lanyshstas, tentant de déceler la moindre trace résiduelle de magie.
Rien. Pas la moindre chose étrange. L'appartement -d'un point de vue risque- était pur.
Elle entra.

Enfin chez elle.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 6 Jayar 815 à 13h59
 
L'appartement avait... Changé.
Entre le moment de son départ et son retour, il avait hébergé Cal Keran, à qui elle avait confié les clés afin qu'il ait un endroit où se cacher.

Depuis, elle avait été au Fortin, au Kil'dara, où elle avait recroisé Cal, et avec lequel elle était parti en expédition dans les égouts, jusqu'à la mort de Cal, justement.
Contrairement aux diverses accusations, elle n'avait pas oeuvré pour sa mort. Mais elle n'avait rien su de l'état dans lequel il avait laissé l'ensemble, sinon le voleur aurait effectivement pu mourir de façon plus... Prématurée.

Une rapide recherche lui permit de remettre la main sur ses affaires -il faut dire que le local était loin d'être énorme, et que les caches étaient assez peu nombreuses.
Elle avait vécu dans ce logement durant plusieurs années, Cal durant quelques jours, mais c'était sa présence qu'on sentait ici. Du coup, elle avait facilement deviné où se trouvait ses affaires -si elles n'étaient pas passées par la fenêtre- : entassées en vrac dans l'armoire du fond, un fauteuil déplacé -en trainant les pieds, en plus, le parquet était rayé- contre afin d'accéder plus facilement à la fenêtre, mais aussi de bloquer les portes un peu sous pression.
"En vrac" était le mot adéquat : vêtements, objets, tout était emmêlé. Les vêtements auraient besoin d'être aérés, repassés, les parties en cuir, trop compressées, devraient être soigneusement nourries et lentement dépliées afin de ne pas garder de fissures dues à leur entreposage trop maladroit.

Il faut dire qu'il lui avait fallu de la place. Les reliquats de nourriture n'étaient pas entassés dans un coin, ce n'était pas un porc, par contre les diverses bouteilles d'alcool vides monopolisaient une bonne partie de la table, en une étrange pyramide colorée.
Le lit était resté defait, et la pièce était parsemé de divers atours féminins. Ce qui laissait en gros trois possibilités.
1) Cal souffrait de désordres mentaux, et assumait mal sa partie féminine, l'obligeant à rejeter ses vêtements une fois enfilés. Et il avait des goûts assez précis en matière de lingerie.
2) C'était une blague, très soigneusement exécutée, avec multiples atours déposés, une sorte de pied de nez à son asexualité présumée.
3) Quelqu'un, vraissemblablement de sexe féminin, était entré dans l'appartement, et avait été poussé, vraisemblablement par un petit krolanne blond, à retirer ses vêtements avec un certain enthousiasme, ce qui expliquerait le soutien-gorge encore accroché à la lampe.

Rectification du point 3) : la dernière personne avait jeté ses vêtements. La précédente -une autre, le tour de taille ne correspondait clairement pas- avait vu ses atours poussés rapidement du pied sous le lit. Avec un peu d'une sorte de boue séchée, donc lors d'un retour de balade durant lequel il avait plu.
Ceci dit, le nudisme étant assez peu courant, même au sein de la très libérale Kil'sin, cela signifiait sans doute que pour repartir, il y avait eu piochage parmi des vêtements disponibles. Ce que confirma un rapide inventaire.

Dernier point appuyant fortement la dernière possibilité : les petits messages. Du genre
Tu peux bien te planquer, mais tu vas bien finir par revenir, et mon beau-frère et moi, on viendra t'expliquer ce qu'on pense de ce que tu as fait à ma soeur !
Gros Marc.

Donc soit Cal avait vraiment poussé à l’extrême sa petite comédie... Soit elle devrait s'attendre à quelques visites.
Quelques visites qui, au vu de l'absence de sang, pourraient théoriquement se régler d'un "elle était vraisemblablement consentante", mais quiconque se laissait affubler d'un sobriquet aussi ridicule que Gros Marc était du genre imperméable à la raison. Il faudrait sans doute présenter des arguments plus consistants. Plus pointus.

Une chose, au moins, n'avait pas changé : l'emplacement de son Journal factice. Il était temps de reprendre.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 6 Jayar 815 à 15h27
 
Bon... Elle allait devoir altérer certaines choses, mais en faire mention tout de même.
Récapitulatif.

- Elle avait été absente assez longtemps. Ce que le journal précisait, et que les gardes des portes pouvaient confirmer.
- Son retour avait potentiellement été noté. Il convenait de donner la véritable date de retour.
- Son entrevue au C.I.E.N. comprenait divers éléments de recoupement à ne pas négliger. Le plus simple était de laisser ici une copie de la lettre récapitulative.
- Son appartement avait été occupé, et les divers éléments en sa possession laissaient entendre que l'occupation pouvait avoir été remarquée. Il fallait donc qu'elle en fasse mention, sans pour autant qu'elle relie cela à Cal de façon trop nette.
- Elle était susceptible de devoir agir en public. La mention préalable de cet état de fait était nécessaire, afin d'atténuer le contre-coup.
- Futures expéditions à prévoir.
- S'il lui arrivait quelque chose, il fallait que quelque chose transpire de la menace sous-jacente, afin de pouvoir aider les Sharss, même à titre posthume.

Ce qui était en soit problématique. Elle pouvait difficilement parler de Obadia et consorts sans parler des Lanyshstas. Et si les Lanyshstas étaient opposés à Obadia, elle ne pouvait pas, par son journal, pousser les krolannes vers les Lanyshstas. Incohérent avec le reste.
Conclusion : ne pas informer de la cause, mais des effets. Altérer les faits pour que Obadia devienne un instrument des Lanyshstas, "d'autres" Lanyshstas, aux méthodes différentes. Un danger plus global, les uns visant la manipulation, les autres la destruction.
En présentant les choses ainsi, elle justifiait son appartenance pleine et entière aux krolannes en lutte contre les Lanyshstas, tout en expliquant la nécessité de préparer les Comités de Vigilance à la menace Obadia.
En plus, le fait d'en parler expliquerait la présence de la Griffe. Et des cartes.
Car si elle avait confirmé publiquement sa possession d'une poignée de cartes, la seule mention d'une "mutilation post-mortem" sur la première unité Obadia laissait assez peu de place à la déduction qu'elle se trouvait en possession d'un élément de carcasse. Conformément à sa conclusion comme quoi c'était la dernière fois, sauf modification majeure de comportement, qu'elle partageait librement l'information, elle opérerait l'étude elle-même.

Mais au niveau des krolannes, elle pouvait se permettre d'en cacher le moins possible, tout en gardant une marge de sécurité appréciable.


Sukra 6 Jayarr 815

Enfin rentrée.

Des Lanyshstas, des Kil'dariens, des morts, une menace plus terrible que tout ce que j'aurais pu imaginer, et au final, un appartement visité, et toujours pas d'Onyx.

J'ignore par où commencer, mais la violation de ma propriété semblant l'élément le plus ancien, tout en étant le plus récemment découvert, il convient de commencer par cela.

Ainsi donc, mon appartement a été visité durant mon absence. Nulle trace d'effraction, nul soin particulier à masquer sa présence. Quelques éléments ont disparus, mais l'ensemble reste plus semblable à une mise en scène qu'à un cambriolage.

Pour preuve, ce journal n'a pas été ouvert, le cheveu le reliant à la chaise étant intact -et vu qu'il s'agit de l'un des miens, coupé à une longueur exacte de une paume et demie, j'aurais repéré un travestissement de la vérité, quand bien même un autre cheveu aurait été récupéré sur un peigne.
Pas un cambriolage, ni même un vulgaire squat -aucune raison d'en partir- et le tout sans nul besoin de violence. Comme si les individus passés ici avaient récupéré mes clés -du genre l'un des deux exemplaires qui m'avait été confisqué lors d'un des "tests" précités.

L'occupation a vraisemblablement duré plusieurs jours, avec plusieurs personnes. Le but étant, selon toute vraisemblance, de faire croire à une présence ici, afin d'empêcher tout recoupement avec ma sortie officielle du Kil, un moyen de dire "non, elle a disparu après, les voisins prétendent l'avoir entendue", et rejeter la suspicion ailleurs.

Les Lanyshstas ont simulé ma présence, en prévision d'un non-retour.
Deux nouvelles erreurs à leur crédit, puisque d'une part je suis de retour, et d'autre part, les traces de présence -alcool et sexe, sans doute bruyant- sont si éloignées de mon mode de vie que toute enquête aurait mis à jour cette incohérence.

Mais mieux vaut parler de leurs autres erreurs, et pour cela, le plus simple et de laisser ici une copie de ma déposition au C.I.E.N. du Kil'dara. Car oui, j'ai du m'aventurer jusque là-bas -à pied, particulièrement peu de tout repos- et ait pu tenter d'y obtenir... Une forme très étrange de soutien.
Ceci étant dit, la visite aura été bénéfique, car elle m'a permit de jeter sur le papier des éléments avant que ma mémoire ne subisse une quelconque altération trop profonde.


Une longue lettre est collée, pliée, sur la page suivante du journal.


La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Sukra 6 Jayar 815 à 19h02
 
Bien. La lettre précisait plusieurs points, qu'elle devait garder à l'esprit pour son journal.
La vérité était chose facile, il suffisait de ne pas s'en éloigner pour que les nouveaux éléments finissent par s'incorporer dans l'ensemble. Le mensonge était tout autre : chaque nouvel élément devait être scrupuleusement étudier, afin de n'entrer en contradiction avec aucun autre déjà cité, au risque de créer un accroc fatal à la trame complète.

Elle y parlait de la dématérialisation, ce qui avait été nécessaire pour maintenir l'intérêt sur des Lanyshstas présumés morts. D'un autre côté, elle avait brouillé les pistes, tout en citant cet élément pouvant s'avérer déterminant : cela pouvait être un Lanyshsta et ne pas se dématérialiser. Mais si cela se dématérialisait, c'était Lanyshsta.
Elle avait par contre gardé le secret complet sur la télépathie : d'une part, une telle connaissance n'aiderait pas les krolannes à traquer spécifiquement certains lanyshstas, d'autre part cela les rendrait globalement plus méfiant. Aucun intérêt, le mensonge sur leur "langage caquetant" était bien plus utile, étant une preuve irréfutable qu'ils ne pourraient espérer trouver et dans laquelle ils perdraient de l'énergie. A renforcer.

Pour ce qui était des pouvoirs Lanyshstas, elle avait pris soin d'étayer ses déclarations avec des éléments de deux familles : guérison et destruction. Cela permettait d'ancrer son discours dans quelque chose de cohérent -ces observations ayant déjà eu lieu- sans rien révéler de nouveau, notamment au niveau des altérations subtiles.
Elle avait du parler d'infusion... mais sous une forme si dévoyée que cela serait sans doute laissé de côté, ou, au pire, mal utilisé.

Pour l'homme-en-gris, elle avait du changer ses plans d'origine, et lui donner une identité précise, ne pouvant se contenter de garder cette cible prioritaire dans le flou, pour plus tard.

Mais surtout, elle avait parlé du Fortin, et des automates, présumés contrer les Lanyshstas. Afin d'intégrer les krolannes dans la défense des Sharss, il fallait réformer un peu cet élément.


Sukra 6 Jayarr 815 - Suite.

Suite à ces évenements, les choses se sont compliquées. Nous ne sommes pas, tel qu'il apparait dans la lettre au C.I.E.N., des jouets des Lanyshstas, qu'ils utilisent pour leur bon plaisir. Nous sommes des pions dans une guerre.

Cela, je l'ai constaté en sortant du C.I.E.N. et en tombant sur... L'homme-en-gris ! Ou du moins la créature que j'avais désormais identifié derrière ce sinistre déguisement.
Connaissant désormais son identité, il devrait être possible de voir si une sortie à ce nom a été signalé, au Kil'sin comme au Kil'dara, même si je doute des résultats. Heg -autant lui donner une abréviation- ne m'a pas repérée, et semblait attendre proche de la porte. L'aberration statistique d'un tel coup de chance me fait soupçonner que les Kil'déens n'ont pas totalement tort avec leurs histoires de Destin.

Quoiqu'il en soit, j'ai décidé de suivre Heg : c'était risqué, bien sûr, mais ma déposition était déjà un rude coup à leur organisation, ma survie ne comptant alors pas trop, face à la connaissance susceptible d'être récupérée là.
J'ai suivi Heg dans les égouts puis... Plus bas encore. Une zone désolée, abandonnée, des escaliers rouillées au milieu des ténèbres. Devant limiter bruit et lumière, j'étais plus lente que Heg, et fut bientôt distancée, mais heureusement, la route était dépourvue de toute bifurcation.
Je suis arrivée pour assister à une... Dispute.

C'était une dispute, aucun doute là dessus : Heg d'un côté, et de l'autre, un être monstrueux, un assemblage difforme de mécanique et de chair, fort semblable à celui découvert au Fortin.
S'il était impossible de comprendre le moindre propos de Heg, par son horrible langage, l'autre s'exprimait en krolanne, ce qui permit de comprendre plusieurs choses.

Visiblement, Heg n'était pas satisfait de la disparition de ses deux complices sans contrepartie, tandis que l'autre parlait de contrepartie absente, car l'essence n'avait pu être absorbée directement, suite à défaut de livraison. Et de défaillance d'origine krolanne. Il s'en servait comme argument, pour parler de l'extermination de la Cité.
Je ne comprenais pas pourquoi Heg semblait parler tantôt à son interlocuteur, tantôt aux étranges sculptures, qui se sont avérées être des créatures, jusqu'à ce qu'une réplique acerbe reçoive un "chacune de ses marionnettes serait capable de te faire souffrir, n'oublie pas à qui tu parles !"
Il y eut de la haine, mais aussi de la peur chez Heg.
Autre élément intéressant, lorsque la créature biomécanique affirma "nous sommes tout deux Lanyshstas, oui... Mais nos buts divergent".

Ce qui jette une lumière bien plus trouble sur les évenements du Fortin : la créature était bien là pour chasser les Lanyshstas, ils en avaient peur. Mais elle n'est pas là pour nous aider : elle n'est qu'une autre facette du danger qui nous menace, la marionnette d'un Lanyshsta plus puissant, plus dangereux.

La conversation semblant tourner en rond, j'ai exploré discrètement les lieux, y trouvant des... Cartes.
Mais je me fis découvrir, par l'une des créatures que j'avais pris pour des sculptures. Une sorte de larve hyper agressive.
J'ai entendu le technomancien crier "Amener une krolanne ici ? Décidément la trahison ne te réussit pas ! " et un combat s'est engagé aussitôt entre Heg et les... Choses.
Heg a été très rapidement hors d'état de nuire, et sa dématérialisation n'a pas trainé.
L'autre parlait beaucoup, avec rage, me hurlant qu'il allait "me détruire comme sera détruite la Cité !".
Mais j'avais un nouveau fusil, non altéré par la sorcellerie Lanyshsta, et celui-ci s'est avéré... Efficace.

Les larves ont été un temps désorganisées, mais elles se sont vite reprises, m'obligeant à partir en emportant que peu de choses.

J'ignore ce qui est advenu d'Onyx. Mais au moins, Heg ne m'a pas vue, il reste un espoir.

Toute cette histoire semble folle, et moi-même, j'aurais du mal à y croire, en théorie. J'aurais tendance à mettre cela sur la capacité avérée des Lanyshstas d'effacer ou d'altérer la mémoire, tandis que d'autres me prendraient pour une folle.

Mais j'ai les cartes. Sans compter le bras, bien sûr, cette prothèse arrachée à cette saloperie de marionnette de Lanyshsta qui veut détruire la Cité.

Ce n'est pas assez, cependant. Je ne peux pas aller devant l'assemblée des Conseils avec aussi peu, sans être sûre qu'on ne m'accuse pas d'avoir créé les cartes, et d'avoir assemblé la prothèse. Nombreux sont ceux qui me suivraient, mais nombreux ceux qui freineraient. Je ne veux pas prendre le risque de dévoiler trop tôt la menace, des fois que cela déclenche l'attaque des deux camps de Lanyshstas.
Il faut que je les étudient, que j'essaye de trouver une preuve de leur... Inkrolannité.
Il me faudra sans doute m'absenter régulièrement, à l'abri des regards indiscrets.

Et il faut aussi faire quelque chose pour les Comités de Vigilance. C'est bientôt la réunion de projection générale.
Tenter de les préparer un peu mieux, afin d'avoir une base solide sur laquelle s'appuyer lorsque viendra le temps de la mobilisation.

Il y a tant à faire...
Et je ne parle même pas de Onyx.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Merakih 5 Agur 815 à 14h43
 
Le quotidien prenait une dimension nouvelle, plus intense, plus riche.
Même pour un krolanne, cela aurait eu des répercussions. Et mieux valait laisser filtrer de telles informations, au moins partiellement. Des fois qu'elle serait observée en lutte avec des éléments nouveaux.

Exemple flagrant de cette évolution récente : les grigris. Des morceaux de ceci et de cela, des assemblages étranges et inconnus aux propriétés bizarres.
Ce n'était pas de la magie, non : même l'étude de la griffe de Obadia avait donné des éléments plus concrets. Elle avait été confrontée à une magie inconnue, incontrôlable, mais si elle avait rapidement atteint ses limites, au moins avait-elle pu les discerner aisément, comme on voit un mur surgir devant soi.

Dans le cas des grigris, elle avait l'impression de se trouver en plein brouillard, à avancer à tâtons. Elle ressentait quelque chose, et l'utilisation de ses sens exacerbés de Lanyshstas permettait de ressentir ces choses dans la profondeur, mais sans que rien ne se précise pour autant.
Comme un Dath'ogal confronté à de l'électricité, qui sentait ses poils se hérisser, comprenait que quand on faisait la jonction entre tel et tel point il se passait quelque chose, mais incapable par ailleurs de comprendre le fonctionnement.

Peut-être y avait-il une forme de magie derrière cela. Peut-être y avait-il une nouvelle technologie. Peut-être était-ce simplement du à la conjonction de certaines plantes, une forme d'aromathérapie qui influait sur le système nerveux. Quoiqu'il en soit cela avait un effet, et comme toute chose nouvelle, on pouvait soit la laisser de côté et se laisser aller à la routine, soit prendre son courage à deux mains et expérimenter.

Rester assez vague sur ses découvertes pour que nul autre ne puisse en tirer avantage s'il ne daignait pas passer par elle, mais assez précises pour qu'on puisse en déduire l'influence possible sur certaines altérations éventuelles.


Le Merakih 5 Agur 815

Objet d'étude : Grigri 1

Circonstances de la découverte : Dans le nid d'un Rocklard adulte, mêlé aux branchements et aux oeufs.

Aspect extérieur : Roue végétale semi-rigide de la taille d'une paume, composée essentiellement de tiges liées et nouées entre elles. Multiples ajouts accrochés sur le pourtour, mêlant plumes et fourrure de petits animaux (lapins ?). Des morceaux brisés sur le pourtour laissent penser que, initialement, un ajout partait de chaque emplacement entre deux rayons de la roue centrale, même si à l'heure de la découverte, plus de la moitié des éléments étaient perdus.
Ajout : grigri identique retrouvé enroulé autour de la patte d'un loup syfarien. Les lianes avaient initialement cisaillé la peau, mais la chair avait cicatrisé autour sans infection.

Causes du rapport : Sensation de douceur, hypersensibilité aux saveurs sucrées. Relaxation musculaire, pouvant aller jusqu'à l'apathie.

Origine probable : Dath'ogale. Outre l'aspect typique, les sensations associées laissent penser à un tissage de plantes apaisantes, peut-être à des fins initiatiques, afin de faciliter la méditation, ou médicinales, pour calmer une fébrilité fievreuse.

Surnom temporaire : Grigri de retrait

Développements prévus : Coupler la récupération à d'autres sources de relaxation pour en évaluer les effets, tester les limites de l'apathie causée en comparant les temps de course sur des parcours connus.


Le Merakih 5 Agur 815 - Suite

Objet d'étude : Grigri 2

Circonstances de la découverte : Accroché dans la fourrure d'un chasseur frobekh rodant à proximité de la sortie du Kil'sin donnant vers l'aqueduc du Kil'dara. Semblant à première vue emmêlé dans les poils, il s'est avéré que celui-ci avait partiellement fusionné avec le cuir de la créature.

Aspect extérieur : Collier d'enfant ou bracelet, comportant de petits éclats. Potentiellement os, dents, mais pouvant également être constitué de morceaux de carapace de Foedien. Ensemble très terne, dans les teintes grisâtres, relié par ce qui semble être du cuir particulièrement ancien, semi-nécrosé, quoique sans odeur particulière.

Causes du rapport : Grandes facultés d’adhérence avec la peau, un contact de plusieurs heures, même léger, laisse entrevoir une peau marquée, comme si on avait exercé une pression importante. Sensation de faim exacerbée, début de tétanie des membres.

Origine probable : Les principales caractéristiques font penser aux Foediens, mais l'absence d'artisanat foedien connu laisse plutôt envisager que les foediens ont servi de matière première, l'assemblage ayant une origine fuscusienne ou krynänne au vu des impressions. Mais incohérences.

Surnom temporaire : Grigri dévoreur.

Développements prévus : Tester dans le cadre d'un combat, potentiel d'utilisation d'une forme de catalyse de rage. Éviter tout port prolongé.



La perfection est amorale.
 
Jade Srhaggelle
Représentant,
la Vigilance

Kil'sin  
Le Julung 29 Otalir 815 à 22h03
 

Date non renseignée

Objet d'étude : Grigri 3

Circonstances de la découverte : Entre les antennes d'un salivosius cracheur

Aspect extérieur : Plaque de pierre d'une paume de large et d'un quart de pouce d'épaisseur, légèrement bombée au centre. Il s'avère après étude que la couche de pierre est mince, et que l'aspect bombé vient en fait d'une sorte de sécrétion solidifiée et transparente. En le regardant de face, on à une impression de pierre nue, mais sous un éclairage rasant, on observe -très difficilement à cause du comportement de la lumière à l'intérieur de la partie transparente- que le disque est gravé finement.

Causes du rapport : Après l'avoir assorti d'un arrière en cuir, afin de le porter, sensibilité accrue aux événements lointains, ce qui expliquerait pourquoi le salivosius parvenait à me suivre sans tomber dans les pièges habituels. Par contre, port déconseillé en intérieur, après m'être cognée plusieurs fois dans des meubles, simplement... Non perçus.

Origine probable : Vraisemblablement Dath'ogale. Potentiellement Istienne. L'ensemble est trop finement détaillé pour venir de source sauvage, trop régulier, mais une utilité purement observatrice semble aller à l'encontre de l'agressivité naturelle des Krynänns. L'aspect extérieur fait penser à un avant d'oeil géant.

Surnom temporaire : Grigri méditatif

Développements prévus : Vérifier si le manque d'appréciation des détails à courte distance ne joue que sur l'instantané, ou s'il ralenti la lecture d'un texte. Alterner port et non-port pour distinguer des traces d'objets dissimulés par soi-même.



Date non renseignée

Objet d'étude : Grigri 4

Circonstances de la découverte : Sur le cadavre d'un loup, même si à cette taille là, on pourrait parler de cheval. Situé derrière l'oreille droite.

Aspect extérieur : Masse noire, semblant tenir du végétal et du minéral en même temps, en ce sens qu'elle a un aspect inaltérable à l'oeil nu, et sonne comme une pierre, mais que sa forme évolue. Semble en permanence entourée d'une fumée noirâtre, et relâche régulièrement ce qui semble être de petits nuages de spores.

Causes du rapport : A failli creuser un trou dans le sac où elle avait été placé. Propriétés magnétiques des projections, qui semblent attirer par le fer. Après analyse, il s'agit d'une forme d'acide faible, mais interagissant brutalement avec l'eau. Ou les éléments contenant de l'eau.

Origine probable : Fuscusienne. Les aspects insidieux, sombres, mutables, destructeurs, et mêlant l'organique à d'autres domaines sont autant d'indices conduisant logiquement vers les Fuscusiens. "Comment" et "Pourquoi" ne sont pas résolus, mais "Qui" est des plus probables.

Surnom temporaire : Grigri brûlant.

Développements prévus : Accrocher la pierre à la base d'une arme devrait pouvoir permettre d'y drainer l'essentiel des spores émises. Ce qui permet, à moindre frais, d'avoir une arme dont chaque coupure causerait en plus des dégâts acide. Ne rien emporter en cuir, par contre.



Date non renseignée

Objet d'étude : Grigri 5

Circonstances de la découverte : Niché entre les racines d'un arbre fuscusien. Alors que le bois semblait essentiellement pourri, friable, une zone plus claire et plus dense à mis à jour cette pierre.

Aspect extérieur : Un caillou. Simplement un caillou, rien ne le distinguant du reste des cailloux.

Causes du rapport : Poids sans commune mesure avec sa taille, la pierre semble incroyablement dense lorsqu'on la tient en main. Pour autant, l'expérimentation dément la sensation, puisqu'elle flotte dans certains liquides pâteux. Lesquels deviennent d'ailleurs sensiblement plus pâteux. Comme si tout, à proximité de cette pierre, se comportait comme ayant une masse supérieure, subissant un champ de poids accru.

Origine probable : Naturelle. Une des aberrations de Syfaria.

Surnom temporaire : Pierre de pesanteur.

Développements prévus : Tenter de l'éloigner sans la perdre. Elle tend à rendre les mouvements pesants lorsqu'on la porte sur soi, mais l'utiliser en projectile serait du gâchis. Tester son inclusion dans une arme à manche long afin de bénéficier de coups dévastateurs tout en gardant sa faculté de mouvement intacte.



La perfection est amorale.

Page : 1

Vous pouvez juste lire ce sujet...
Nombre de joueurs actifs :0(Inscrits : 191)
Infos légales Mot de passe perdu ?