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Résidence-Atelier de l'Arlequin
Ouvert aux curieux
 
Rhôz
Comitaire actif,
Etudiante-Enseignante

Kil'sin  
Le Julung 19 Fambir 815 à 22h14
 
Apparemment le Bariolé porte encore moins la Femme Verte dans son cœur que l'imaginait Rhôz. À moins que ce soit juste son exubérance habituelle ?

Oui, il y a sûrement moyen de prendre contact avec les Veilleurs Noirs sans passer par Jade. Et je suis d'accord sur le fait que pour la sécurité de tout Lanyshta, il vaut mieux garder avec elle une distance prudente.

Mais je doute que ce soit une bonne idée de s'amuser à la lancer sur de fausses pistes : ça ne pourrait pas la berner longtemps, et cela nous mettrait ensuite vraiment dans une relation d'opposition. Ce ne serait bon ni pour nous, ni pour la communauté des Lanyshtas en général, à mon avis... D'autant plus que je la devine aussi redoutable dans une compétition de faux semblants que dans un duel à l'arme à feu.

Rhôz se remémore leur séance d'entraînement dans la cave à charbon de Jade, avec toute sa quincaillerie destinée à couvrir un éventuel manque de discrétion de leur exercice. Elle pense aussi aux documents arrangés par elle pour dissimuler leur sortie de Kil'sin derrière de faux prétextes... Au jeu des intrigues paranoïaques, elle est très sûrement reine.

Je trouve qu'il y a déjà trop de mensonges et de mystères qui se glissent en permanence entre nous et la vérité, et je n'ai pas envie qu'on en rajoute une couche. On finit toujours par être prisonniers de ses mensonges. C'est déjà assez pesant comme ça de devoir dissimuler notre éveil aux Krolannes qui nous entourent.

Le mieux à faire, je pense, c'est de mener nos recherches avec une certaine discrétion mais sans les dissimuler. Contentons-nous de ne pas la convier et ne pas lui donner de raisons de s'intéresser à nos activités. Tant qu'on ne fait pas de grandes découvertes, ça devrait pas être impossible.

Et quand il y aura eu de grandes trouvailles, il ne sera pas question de les cacher, et n'importe qui pourra alors s'en mêler, de toute façon.

Pour ce qui est du trafic, ce peut être une couverture, surtout vis à vis des Krolannes... mais pas seulement : cela serait utile, par exemple, de réellement mettre en place un approvisionnement régulier en mûghanne pour la communauté des Lanyshtas. Car il me semble vital pour nous d'avoir une bonne mobilité – entre les sharss, entre la Cité et l'Extérieur...

La discussion revient sur les Rebelles, les possibilités de contact, leur langue...

À vrai dire, je fais partie à l'Institut d'un sous-comité de philologie. Les langues sont notre spécialité. J'ai au moins quelques notions des principaux patois, dont celui des Rebelles... Bien entendu, ça ne me ferait pas de mal d'améliorer mes bases, mais elles existent.

Tout en tripotant sa pipe, l'Arlequin propose une première répartition du travail, et une prochaine réunion en plus grand comité.

J'aurais bien aimé voir ces souterrains par moi-même... mais il est vrai qu'on gagnera à coup sûr du temps en se répartissant les tâches. Et effectivement, je connais bien les bibliothèques.

Quant au bureau, dans deux jours... pourquoi pas ? Ce sera l'occasion d'enfin découvrir ce lieu, et de mettre quelques visages de plus sur des Voix.

Et si le Doc veut et peut se joindre à nous, qu'il soit le bienvenu !


Rhôz, étudiante et enseignante, chercheuse et fouineuse.
(Son empreinte psychique évoque un contour de rosier dans la brume matinale.)
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Julung 19 Fambir 815 à 23h12
 
La stratégie proposée par l'étudiante différait quelque peu de la mienne. Elle n'était pas du genre à aimer jouer avec les faux semblants. Différente vie, différente éducation, différentes expériences. A dire vrai, peu importait. La constitution d'un groupe suffisait à assurer ma propre sécurité.

Rester discrets...Oui-oui-oui, nous prenons.
Pour le reste, gardons à l'esprit que quoique nous découvrions, nous le faisons pour l'intérêt des lanyshtas. La divulgation de nos découvertes interviendra dans un second temps mais sera également une composante à intégrer dans le projet.


Ou comment s'acheter une bonne image auprès des autres Éveillés. Un partage des informations ne coûtait pas grand chose et rendrait le mouvement plus général, diminuant de fait le danger de se voir prit à parti par un lanyshta. J'ignorais si Rhôz percevait les choses de cette manière là. C'était une intellectuelle après tout, plongée dans la course au Savoir.

Si ce sont les Dessous que vous voulez voir, nous pourrions vous y mener, un jour ou l'autre. Oh, ne vous attendez pas à une promenade de santé, là bas, les hommes chercherons à voir vos propres dessous. Coutume locale disait-on dans le temps.

Je vidais ma seconde tasse infusée puis me levais lentement. Je me dirigeais vers la fenêtre, le regard lointain.

D'ici deux jours donc, au Bureau. Nous nous chargerons de contacter ceux dont nous connaissons l'intérêt pour cette entreprise. C'est si excitant... Ahhhh.... Cela fait des années que nous n'avions pas ressenti ça. Ce frisson...


- Thème d'Elyas -
 
Rhôz
Comitaire actif,
Etudiante-Enseignante

Kil'sin  
Le Vayang 20 Fambir 815 à 15h18
 
Des années qu'il n'avait pas ressenti une telle excitation ? Encore une belle emphase toute arlequinesque, sans aucun doute. À première vue moins dangereuse que l'enthousiasme téméraire d'un Cal Keran... mais gare, cependant, à ne pas laisser s'assoupir toute prudence !

Je prends note, pour la promesse d'une visite des Dessous, à l'occasion.

À part ça, vivement après-demain !


Sur ces mots, Rhôz entreprend de finir de siroter tranquillement son infusion avant de repartir.


Rhôz, étudiante et enseignante, chercheuse et fouineuse.
(Son empreinte psychique évoque un contour de rosier dans la brume matinale.)
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 22 Marigar 815 à 23h05
 
*** Suite de la Réunion au Bureau
Après-midi. ***


Mi-mains revint en début d’après-midi. Accoudé à la table qui, pour une fois, était débarrassée de tout objet inapproprié, j’étais plongé dans mes pensées. Le gamin entra tout juste après avoir frappé. C’est qu’il commençait à prendre de mauvaises habitudes. L’âge con approchait à grand pas. Il me salua d’un hochement de tête puis vint s’assoir à côté de moi, une pomme dans la main. Il croqua à pleine bouche dedans puis me lança un regard curieux.

Mi-mains : Un soucis m’sieur ?

Je lui répondis d’un grognement.
Le silence s’installa dans la pièce. Rien de bien pénible. Nous avions l’habitude de ce genre de moments, paisibles, où chacun sait que les mots n’ont pas leur place. J’inspirais profondément puis me tournais vers lui, les lèvres pincées.


Premier Assistant Mi-mains, nous avons une nouvelle mission à te confier.

C’était le signal. Les yeux grands ouverts, le gamin se dressa comme un piquet. Il aimait se sentir utile à autre chose que quelques larcins de pacotille. J’ignorais encore pourquoi il s’attachait tant à satisfaire mes demandes. Peut-être un mélange de respect dû à mes frasques de jeunesse et de reconnaissance pour l’avoir recueilli plusieurs années auparavant.
J’affichais un grand sourire.


Excellent, te voilà plus frais que la dernière fois ! Je me tapotais les mains. Donc, c’est très simple. Tu te souviens probablement des quatre gamins que je t’ai envoyé cherché l’autre fois n’est-ce pas ?

Mi-mains : Ouai ! Ils ont fini par s’intégrer à la bande ,dit-il d’un air fier.

Mhhh, de nouvelles recrues pour les Escrocs-pieds ? C’est excellent, tu progresse plus vite que nous ne l’aurions imaginé. Ceci étant, ces gosses-là viennent des Dessous, de Scipio Klodas pour être tout à fait exact. C’est d’ailleurs là l’objet de ta mission.

Mi-mains me regardait d’un air concentré.
Je le savais suffisamment malin pour comprendre comment fonctionnait les allégeances dans les réseaux liés aux Dessous. Ces quatre enfants étaient sous la croupe de Scipio et ce dernier ne s’en séparerait pas, même pas pour le joli sourire de mon cher Assistant. Mais le Mi-mains n’était pas du genre à se baigner de ce genre d’illusions. Quel était donc son but ? Avait-il en vue d’étendre ses magouilles en Dessous ? L’avenir me le dirait.


Cet après-midi, tu feras passer un message à Scipio de la part d’Elyas, fils du Vif. Je grimaçais. Dis-lui que nous souhaitons le rencontrer au Bal Masqué dans deux jours, en fin de journée, pour discuter logistique en lien avec l’Extérieur. Nous viendrons accompagnés de trois autres personnes, deux hommes et un femme. Qu’il vienne avec autant de gorilles qu’il lui plaira.

Le gamin resta quelques secondes silencieux, se répétant du bout des lèvres le message que je venais de lui transmettre.

Mi-mains : Bien reçu m’sieur ! Mais euh…juste comme ça, une question…pourquoi l’Extérieur ? J’veux dire, ça craint un peu non ? Puis je vous ai vu les autres fois, tout griffé…J’ai rien dit mais bon…z’aviez pas l’air d’avoir la forme…

Il s’inquiétait. Sa voix hésitante en était la preuve. Qu’avais-je fait pour mériter ça. Dans un sens, c’était compréhensible : si je disparaissais, il perdait le fil qui avait conduit sa vie jusqu’à présent, mais également un toit. Je haussais les sourcils.

C’est qu’il est loin d’être con notre petit Assistant ! C’est bien, oui, bien-bien-bien. Pause. Le ton fut soudain assuré. Tu n’as pas à t’en faire. Nous savons ce que nous faisons, du moins, à peu près.

Je posais les yeux sur le Crach’Feu. Les choses étaient différentes désormais.

Moins tu en sauras, mieux ce sera. Tu sais comment ça marche là-bas en bas pas vrai ? Il hocha la tête. Par conséquent, contente toi de nous arranger ce rendez-vous. En tant que Premier Assistant, c’est ton boulot de nous mettre en relation avec autrui !

Il fit la moue mais se leva malgré tout.

Aller hop, file ! Reviens nous au plus tard cette nuit avec la confirmation de Scipio.

Mi-mains s’exécuta. Je l’entendis dévaler les escaliers le pas pressé. Il avait à cœur de bien faire ce petit. C’est important de bien faire, quel que soit la tâche confiée.
De mon côté, je jetais mon dévolu sur mes anciens habits d’une époque passée. Enfin, pas si passée que ça. Déjà dix ans que je n’avais plus porté ces machins-là. De grâce, je n’avais pas grossi, ils m’iraient à coup sûr comme un gant. Il y avait tout d’abord ce lourd manteau, suffisamment épais pour y planquer toutes sortes de babioles et d'explosifs mais également pour se prémunir du froid. La doublure état épaisse et accessible par d'astucieux systèmes à fermeture magnétiques. Ensuite venait mon élément favori : une sorte de bras de cuir sur lequel étaient fixés des caches métalliques. A l’époque, je m’en servais pour stocker des poudres fumigènes, explosives ou tout simplement des bijoux ou petits documents. Très pratique dans le cas où il vous faut cavaler sur les toits escarpés des Estaminets. Seuls les moins expérimentés s’embarrassaient de sacs. D’ailleurs, cela leur coûtait souvent de se faire attraper. J’enfilais le dispositif qui vint recouvrir mon avant-bras gauche. J’agitais les doigts, contrôlait chacune des ouvertures, chacun des artifices. Tout était opérationnel. Cependant, un peu d’huile ici et là ne ferait pas de mal, au cas où.
Je tirais ensuite de mon armoire un genre de masque à gaz en cuir, un essentiel pour ne pas cracher ses poumons en cas d’éboulement ou tout simplement d’odeur nauséabonde. Il comprenait différents instruments de mesures destinés à renseigner sur la pression, la température et le degré hydrométrique de l’air. A l’origine, j’avais fait implanter ces bidules là comme une sécurité dans l’emploi de mes premiers explosifs. Certaines solutions étaient moins stables que d’autres. J’avais déjà vu des artificiers se faire exploser la tronche en installer leurs engins, juste par manque de précautions. Dès lors, j’avais juré de ne pas y rester sur un truc aussi banal.
Enfin, dernier élément et pas des moindres : le chapeau ! C’était une habitude, une marque de fabrique. J’avais accroché à celui-ci des lunettes réglables, aux verres épais pour protéger des petits projectiles et des poussières.

Je posais tout ceci sur mon lit. Quel étrange sentiment que de se glisser à nouveau dans la peau d’Elyas, le jeune ambitieux qui souhaitait faire son trou dans les Dessous, mais aussi celui qui en avait laissé pas mal, de trous.


==> Préparation d'Expédition dans les Dessous


- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Julung 28 Manhur 815 à 13h31
 
*** Appart-telier de l’Arlequin
Minuit passé. ***


Rythme étrange que celui d’un amuseur-parieur des rues dont le passe-temps s’avère être l’innovation technologique. Enfin innovation, façon de parler. Je me savais encore loin de révolutionner l’armement et les gadgets tels qu’on les connaissait à l’heure actuelle. Toutefois, j’avais au rythme de mes expériences, fabriquant divers prototypes, m’essayant à une production certes limité mais suffisante. Le Doc’, Kil’darien passionné par les entrailles des morts et des vivants, m’avait d’ailleurs fait le plaisir d’investir dans le second modèle de Crach’Feu spécialement confectionné à sa mesure. En quelques mois mon établi, qui jusqu’alors s’était contenté d’accueillir de quoi bidouiller quelques explosifs et feux d’artifices, était devenu un immense chantier perpétuel, grignotant les quelques mètres carrés laissés libres dans l’appartement. Des esquisses et autres schémas explicatifs étaient à présents agrafés sur une grande partie des murs et poutres de l’atelier. Des réflexions en cours ou abandonnées, des projets fantaisistes et autres théories concernant le fonctionnement de l’étrange automate croisé au Fortin. Tout ceci se confondait dans un foutoir que moi seul pouvait véritablement déchiffrer.

Cette nuit-là, Mi-mains était de sortie avec sa petite bande de lascars. Le calme régnait. Non pas que le gosse soit des plus turbulents, mais la seule présence d’une autre personne m’empêchait par moments de me laisser aller à toutes mes expérimentations. Et pour cause, j’entretenais depuis mon éveil complet une sorte d’objectif secret : mêler ma Farce, cette drôle d’énergie palpable et manipulable du fait de ma mutation, avec mes fabrications. Bien que le petit Mi-mains ait pu s’en douter, il n’avait encore pas eut la preuve de cette transformation. Oh bien sûr, le changement soudain de teint lui avait mis la puce à l’oreille. Il m’en avait posé, des questions, des tas et des tas. Le résultat d’une mauvaise expérience lui avais-je alors expliqué, un genre de flash qui m’aurait, sans entrer dans les détails, dépigmenté la peau. Qu’il y ait cru ou non, il avait dès lors cessé de m’interroger.

Face à moi, une fiole pratiquement vide de feu liquide achetée quelques semaines plus tôt au prix fort. On trouvait également mes plans de Crach’Feu, celui d’un autre prototype à venir, une curieuse liste d’ingrédients et de dosages associés ainsi qu’un croquis schématique de la Chose. Mes yeux revinrent se poser sur ce dernier. Le Fortin… La bestiole, les oiseaux de métal. J’en revenais toujours à ce même problème, cette technologie visiblement supérieure face à laquelle il me fallait trouver une réponse. En laissant trainer mes oreilles parmi les artisans des puces, j’avais pu entendre des rumeurs qui couraient selon lesquelles la Folie du Créateur commençait à faire son retour ici et là. Les plus illuminés – ou peut-être les plus futés – avaient jugés bon de lier cette fascination à l’arrivée des lanyshtas et de leur magie. Magie…Oui.
Etait-ce possible que le Créateur soit lié à la technologie du Fortin ? Du métal animé, réagissant aux talents de lanyshtas, capables de se protéger face aux armes conventionnelles. Il fallait l’envisager. Donc le surpasser.

Soupir.
Je regroupais mes notes sur le Fortin au sein d’un même dossier puis décidais de remettre ça à une prochaine fois. Chaque chose en son temps.
Plus tôt dans la journée, j’étais passé voir Bragg. Entre deux phases hallucinatoires, j’avais pu tirer quelque chose de lui au sujet d’un problème des plus préoccupants : le feu liquide. En effet, l’approvisionnement par voies classiques risquait de me restreindre ou de me ruiner, au choix. Ils étaient peu nombreux à produire de manière régulière, et encore moins à oser stocker ce liquide hautement instable. Du coup, j’avais formulé à l’alchimiste-herboriste mon souhait de produire mes propres munitions, assurant ainsi mon autonomie en ce qui concernant l’alimentation des Crach’Feu que j’utilisais ou vendais. Un excellent moyen d’assurer une rentrée financière régulière – plus que les paris en tout cas- et permettre le développement de nouveaux dispositifs. Néanmoins, deux problèmes se posaient : la stabilisation du feu liquide avant son conditionnement ainsi que son stockage. Pour le premier, Bragg m’apporta sa science. D’après lui, l’erreur d’une grande partie des fabricants de feu liquide provenait du fait qu’ils cherchaient à obtenir un produit à multi-usage. En adaptant ma propre formule de feu liquide pour la rendre totalement optimisée aux dispositifs que je produisais, je devrais être capable d’obtenir quelque chose de moins liquide, une sorte de gel hautement inflammable.

Les dosages allaient naturellement différer. Communément, il était connu que le feu liquide était la résultante d’un assemblage de poudres noires liquéfiées à l’aide de l’huile de Frobekh autrement appelé Saçenbon. Généralement, les artisans avaient tendance à limiter la présence d’huile, jugeant celle-ci trop chère pour assurer une vraie rentabilité sur le produit lors des ventes. Fort heureusement, je n’avais pas cette contrainte. D’autres variantes pouvaient également être apportées dans le mélange des poudres explosives utilisées. Outre la coloration des flammes, qui pouvait aller du vert à l’orangé tout en passant par un bleu foncé, cela faisait varier la vitesse d’auto-combustion après contact avec l’air.

J’avais déjà établi plusieurs dosages à partir de calculs prévisionnels et des effets recherchés. L’avantage lorsque l’on travaille sur un produit déjà commercialisé et dont la technique de fabrication est plus ou moins bien maitrisé, c’est qu’il est aisé d’en comprendre le fonctionnement et donc de réduire les dangers liés à sa manipulation. C’est donc sans Mi-Mains, dans mon atelier de bois, que j’enchainais les mélanges dans diverses petites éprouvettes.
J’ignore combien de temps dura l’opération dura. Pas loin d’une nuit en tout cas si on considérait qu’à mon réveil, après un très court sommeil, le soleil se levait à peine. Je découvris sans grande surprise que Mi-mains était rentré et avait profité de ma transe pour roupiller sur le lit. Le petit fou n’avait pas pris la peine de mettre la sécurité sur son tranquiliseur, c’était le genre de petits détails qui peuvent vous tirer du lit à grand coup d’ondes sonores concentrés. En jetant un coup d’œil sur mes tableaux et autres listes d’ingrédients produits durant la nuit, je m’aperçus que malgré la fatigue, j’avais su élaborer trois échantillons aux propriétés théoriquement identiques mais aux compositions différentes.

Je reniflais sous mes aisselles. Certes ça ne sentait pas la rose mais là où j’allais de toute manière, ça ne ferait pas grande différence. Seul hic, comme toute expérience qui se respecte, je ne pouvais pas résolument partir seul. Après avoir fourré avec précaution les éprouvette et le reste de mon matériel dans sac à bandoulière, je m’approchais furtivement du gamin profondément endormit sur le lit. Du bout des doigts, j’orientais le tranquiliseur vers lui puis….clic !
La décharge énergétique produit un son strident, éveillant dans un sursaut paniqué le jeune homme. Ses yeux allaient et venaient dans toutes les directions, complètement paniqué. L’air innocent, je l’observais, un sourcil relevé.


Eh ben ça alors, il semblerait que notre bien fidèle assistant ait oublié la sécurité ! Ça pour un réveil, c’est un réveil, c’est que tu fais pas dans la demie-mesure toi.

Tremblant de tout son être, il parvint à fixer son regard dans ma direction. Son articulation n’était pas des plus parfaites mais bon, c’est pas comme si dès le matin, il avait l’habitude de se comporter comme une lumière.

Mi-mains : Qu…qu…quoi ? Passé qu..quoi ?

Un tapotement de main plus tard, je m’approchais de lui et le secouais par l’épaule.

Ah la la la, il faut que jeunesse se fasse hein ? Qu’importe, debout ! Tu t’es réveillé à pic ! On va aller dans les égouts, on a deux trois petits trucs à essayer et en ta qualité de Premier Assistant, tu te dois de nous assister !

Encore troublé, le gamin se releva tout de même, un brin chancelant. Il enfila ses chaussures puis me jeta un regard un peu plus consistant que les précédents.

Mi-mains : J’suis paré M’sieur !…Enfin j’crois.

Qu’il le croit ou non, je n’en avais pas grand-chose à faire dans l’instant présent. Je lui refilais le sac à bandoulière puis revêtis ma tenue dite des Dessous. Le gamin était distrait, presque nonchalant.

Tu devrais faire gaffe avec le sac, y’a bien de quoi de faire cramer la moitié du corps si les éprouvettes se brisent. Sûrement plus douloureux qu’un réveil à coup de tranquiliseur, oh oui-oui-oui…

Mi-mains se raidit tout à coup. Alors que je prenais la porte, lui me suivait tout en tenant avec une grande précaution le sac dans les bras. On aurait dit qu’il transportait une cargaison d’œuf !


- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Julung 28 Manhur 815 à 13h35
 
*** Égouts à proximité de l’Appart-telier, Estaminets.
Aube. ***


Compte tenu de l’horaire, nous n’avions pas à chercher bien loin pour effectuer nos petits essais. A peine avais-je descendu les escaliers que j’indiquais à mon suivant d’emprunter une petite ruelle menant à la cour de notre ilot. Arrivé là, je ne mis pas bien longtemps pour débusquer une bouche qui menait aux égouts.
Un coup d’œil à droite, puis à gauche. Cette fois-ci, il faudrait bien que je me salisse les mains. En m’aidant d’une barre métallique qui trainait parmi les débris des tavernes voisines, je parvins à dégager la plaque, laissant ainsi le passage libre vers les ragoutantes galeries kil’sinites. Le gamin ne put retenir un hoquet de dégoût face à l’odeur.


Mi-mains : Pouah…M’sieur, ça sent pas la rose votre chemin. Y’a pas moyen de trouver un endroit moins…
Moins quoi ? Moins sale ? C’est des égouts, tu t’attendais à un parterre de soie parfumé à l’extrait de vanille ? Allons-allons, c’est aussi ça devenir un homme ! Certainement pas la partie la plus intéressante mais c’est un passage obligé. Mieux, un rite devrions-nous dire, un rite pour tout enfant qui compte se livrer à une carrière comme celle que tu envisage !


Le faciès sceptique du bambin céda sa place à un drôle de sentiment de fierté. J’étais satisfait de voir que malgré le temps qui passait, j’étais encore capable de lui faire avaler à peu près n’importe quoi…mais jusqu’à quand ?
Quoiqu’il en soit, ce n’est pas un si gros mensonge. J’étais même plutôt proche de la réalité. Certes, j’exagérais, histoire de rendre l’épisode moins pénible. Cependant, la connaissance des égouts et de leurs dangers s’avérait plus que nécessaire en cas de contrebande ou, plus simplement, de fuite à l’improviste. D’après ce que j’en savais, nous ne nous exposions toutefois pas à de grands dangers en nous y rendant en début de matinée. Les grands caniveaux étaient principalement gérés par les gros comités illégaux. Les petites frappes et autres drogués ne se risquaient pas à y monter un bivouac de fortune. De plus, les transactions, règlements de compte ou convois avaient majoritaire lieu la nuit, masqués par l’effervescence du Dessus.

J’ouvrais la marche et descendis prudemment jusqu’à atteindre la banquette. Après m’avoir fait passer le sac, Mi-mains suivit, à présent un peu plus motivé. Du doigt, je lui indiquais le cours d’eau qui scindait l’espace en deux parties. Celui-ci n’était pas bien grand ni trop profond.


On appelle ça la cuvette. Méfie-toi, n’y mets les pieds qu’en dernier recours. En fonction des heures de la journée, l’eau peut s’épaissir. On te fait pas de dessin, tu peux t’imaginer pourquoi tout seul. Sourire. Le plus gros soucis avec la cuvette, c’est que parfois, elle s’élargit, se rétrécit ou bien est trouée, pour évacuer une partie du flux vers les niveaux inférieurs de la ville. A moins de connaitre parfaitement les plans, évite de t’y balader. La banquette, à ne pas confondre avec la blanquette, c’est la sécurité capiche ?

Il hocha docilement la tête.

Bon-bon-bon, par là. dis-je en pointant une intersection.

L’idée était de disposer d’une intersection à trois embranchements pour assurer une retraite en cas de pépin. Se retrouver piéger par un feu dans les égouts, c’était pas franchement le pied. L’eau à proximité, bien qu’usagée, pourrait permettre d’étouffer les flammes…ou bien déclencher une réaction imprévue due à la présence de détritus. Porté par la fatigue, je n’avais toutefois pas eut la patience de trouver un terrain d’expérimentation plus propice. Le goût du risque.
Arrivé là, Mi-mains déposa doucement le sac sur le sol. J’en sortis les trois éprouvettes numérotées, un calepin ainsi qu’une paire de gants renforcés. Sans lui jeter le moindre regard, je tendis au jeune adolescent la paire de gants. Je restais le bras tendu durant une dizaine de secondes. Il n’esquissa pas le moindre mouvement.


Enfile ça.

Toujours rien. Je tournais finalement la tête dans sa direction. Une drôle de grimace était apparue sur son visage.

Premier Assistant Mi-mains, enfilez ça.
Mi-mains : C’est que M’sieur, c’est pas bien ma taille vos gants.
Ah la taille… Ne t’inquiète pas pour ça, mieux vaut avec que sans.


Il tendit le bras, hésitant, puis se ravisa.

Mi-mains : Vous êtes sûrs de votre coup ? J’veux dire, nous laisser manipuler votre bidule…
Si nous sommes sûrs ? Oh qui oui.


Voyant qu’il n’était toujours pas convaincu, je me relevais et m’approchais de lui, déposant directement les gants entre ses mains.

On s’en serait bien chargé nous-même. Le seul problème vois-tu, c’est que dans une expérience comme celle-ci, il y en a un qui s’amuse et l’autre qui doit tout noter. Sais-tu écrire Première assistant Mi-mains ? Nous craignons que non, la faute à un manque flagrant d’assiduité. Si tu restais un peu plus avec nous à étudier les formules énergétiques plutôt qu’à aller piller les économies des vieilles carnes qui osent encore trainer dans les Estaminets, peut-être que les rôles auraient été inversés… A notre grand plaisir évidemment. Mais là, on a qu’un seul chemin à te proposer et nous t’assurons que la route sera bien plus confortable pour toi avec tes petites paluches dans ces jolis gants.

Il hocha la tête puis enfila finalement les protections.
Satisfait, je tapotais dans mes mains puis m’en retournais à mes préparatifs. Même si ne le protègerait pas complètement d’une combustion non contrôlée, la couche supplémentaire qu’apportaient les gants ralentirait le processus et nous ferait gagner quelques précieuses secondes. Face à un truc pareil, je pourrais toujours utiliser l’une de mes capacités de lanyshta pour sauver la mise du gamin. Cependant ça, il n’était pas sensé le savoir. Je pouvais comprendre ses craintes. Au final, son aveugle confiance en moi en avait eu raison et j’étais à peu près certain qu’après coup, il comprendrait mon choix.
Au bord de la banquette, à quelques centimètres à peine du cours d’eau, j’avais installé trois cubes de petit taille, pas plus de dix centimètres de côté chacun. Ils étaient composés de bois, de métal et de gravats. Je fis passer à mon assistant une paire de lunette, une première éprouvette scellée de cire ainsi qu’un petit propulseur cylindrique. L’échantillon n’était pas présent en grande quantité, peut-être quatre ou cinq millilitres. De fait le cylindre devrait suffire à reproduire les effets de mon Crach’Feu à une échelle plus réduite.


Celle-là, c’est la numéro un. Il te suffit de tirer le poussoir puis de positionner par le haut l’éprouvette dans le creux. Ensuite, pointe le vers le cube, à une trentaine de centimètres, pas plus. Là, tu pousseras d’un coup le poussoir. Le butoir au bout va briser le scellé de cire et laisser le feu liquide au contact de l’air. Du fait de la pression exercée, le jeu partira en direction du cube. C’est assez clair ?

Sans une once de crainte, ce qui était d’ailleurs très étonnant, le gamin acquiesça. Armé de mon carnet, je restais à cinq bons mètres de là, les yeux rivés sur le propulseur. Mi-mains appliqua consciencieusement mes consignes. Il était doué quand il s’agissait de faire face à des situations dangereuses, il fallait lui reconnaitre ça.

Mi-mains : J’suis prêt M’sieur.
C’est quand tu veux.


Il ne se fit pas prier.
Dans un bruit de verre éclaté, il actionna le propulseur, libérant la plus liquide des trois recettes testées. Le jet était moins précis, l’une des limites de mon modeste propulseur. Le liquide éclaboussa le cube et une fraction de seconde, de longues flammes bleutées en jaillirent. L’Assistant recula d’un pas. Bien qu’impressionnant, je notais que le cube ne semblait pas directement endommagé. Bien sûr, le métal commença à rougir et le bois à noircir. Néanmoins, les minéraux n’étaient pas affectés. Le liquide glissait sur eux sans réellement s’accrocher. Après une poignée de minutes, le feu s’éteignit, laissant derrière lui un tas de cendres mêlé à de la pierre éclatée par la température. A mi-voix, j’exprimais mes observations tout en les reportant sur le carnet.


Solution numéro un. Stable dans la conservation. Projection imprécise. Longue flammes. N’accroche pas la matière. Tendance à glisser. Très liquide. Deux tiers d’huile. Un tiers de poudre noire composite.

Ceci fait, je saisi le second échantillon et le fit passer à Mi-mains. Un simple signe de la main suffit à lui faire comprendre qu’il pouvait entamer la procédure. Le geste fut sensiblement le même. L’effet lui, un peu différent. Contrairement au premier mélange celui-ci paraissait s’accrocher à la matière. Les flammes étaient moins hautes, plus concentrées. Petit à petit, même la pierre en venait à se faire grignoter par endroits. Lorsque les flammes s’éteignirent, je m’approchais du cube.

Oh oui, c’est un peu mieux… Solution numéro deux. Légèrement instable dans la conservation. Projection toujours peu précise. Flammes de taille moyenne. S’accroche à la matière minérale. Réaction avec l’épiderme? Tendance à glisser. Liquide. Moitié d’huile. Moitié de poudre noire composite.

Après avoir reculé de plusieurs mètres, le gamin tira la dernière dose expérimentale. Celle-ci portait tous mes espoirs. Un dosage atypique dans la poudre ainsi qu’une faible quantité d’huile à laquelle j’avais ajouté un conservateur que la plupart des commerçants utilisaient dans la conservation des aliments. Le résultat, c’était une solution plus proche du gel que du liquide, stabilisé par le conservateur malgré la faible présence d’huile. Lorsque l’éprouvette se brisa sous la pression du pressoir, le gel ne s’enflamma pas immédiatement. Néanmoins, à peine eut-il touché le cube que ce dernier crépita. De fines flammes bleu-vert enveloppèrent l’objet, dévorant sans distinction aucune le bois, le métal ou les gravats. Certes c’était moins spectaculaire mais les résultats étaient là. J’affichais un large sourire.

Solution numéro trois. Supposé stable dans la conservation. Projection précise. Flammes de faible taille. S’accroche à la matière. Texture gel. Un tiers d’huile modifiée avec l’agent conservateur. Deux tiers de poudre noire composite.

Dernier regard vers les cubes. Compte tenu de l’utilisation que j’en ferais pour mon Crach’Feu et mes prochaines inventions, la troisième solution était définitivement la meilleure. Au loin, un bruit d’eau remuée se fit entendre. Je me tournais vers Mi-mains.

Bien-bien-bien. On ne va pas trainer ici plus longtemps. Remballe tout ça, on remonte à la surface.
Mi-mains : Mission accomplie M’sieur ?


Il avait l’air fier de lui. Je hochais la tête, un sourcil relevé.

Oui, on peut dire ça.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous avions quitté les égouts. A nous la douche, à moi le sommeil.


- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 7 Jayar 815 à 06h07
 
La nuit est propice aux réflexions les plus profondes. Aux révélations également, qu’elles soient vraies ou fausses. Cette nuit-là, j’étais à moitié affalé sur mon établi, pipe au bec. A défaut de réellement travailler, je laissais mon esprit divaguer au gré des Entrelacs, papillonnant d’un fil de pensée à un autre comme une abeille butinant un champ de fleurs. Mes yeux dansaient. Parfois posés sur mon calepin de notes, parfois fixant le ciel sombre duquel se détachaient quelques lueurs scintillantes.

L’adolescence pointait le bout de son nez chez mon Assistant. Dans mes moments de retraite spirituelle, il avait pris l’habitude de me laisser seul. Désir d’indépendance naissant, affaires pressantes, peu m’importait à dire vrai. Il grandirait, c’était immuable. Le moment venu, serais-je capable de le libérer des chaines invisibles que je lui avais passé autour du cou et des membres? Rien était moins sûr. Fut un temps, à l’aube de mes trente ans, j’aurais souhaité le voir pleinement s’épanouir, le guider vers une liberté totale. Toutefois à présent, j’en doutais.
Dans ce silence de cathédrale qui habitait mon appart-telier, je saisis un feutre à dessin mi-fin puis commençais à écrire au sommet d’une page vierge :


Citation :
Théories : Energie psychique et lanyshtas


De ma main libre, j’ouvris un autre cahier aux pages légèrement cornées. Je le feuilletais jusqu’à arriver à une double page bien particulière, marquante à mes yeux.

Le quinze Merakih, Otalir huit-cent quatorze. Lis-je à mi-voix.

C’était ce jour-là où je m’étais éveillé, ce jour là où j’avais entendu pour la première fois la Voix de Cendre et toutes les petites voix qui semblaient s’y rattacher. Sur un même ton, rapide et monocorde, je poursuivais ma lecture.
Un passé, un futur ou un simple rêve? Je n’en sais rien. Tout est embrouillé. Mon crâne me fait souffrir, impossible de faire taire ces fichues voix. Pourquoi Moi?!


Pause. J’eus un sourire.

Vite. Noter tout ça avec que le souvenir ne s’estompe. Ma mémoire me joue des tours.
Jour un : destruction. L’annihilation de toute forme de réalité. Pourquoi? Comment? Quand?
Jour deux : étincelle. Comme un cycle, la vie renaît. Des créatures. Qui? Elles attendent. Quoi? Puis elles agirent. La conquête. L’instinct de survie. Survie. Survie. Survie. Se cacher.
Jour trois : renouveau. La nouveauté est un signe. Le moment d’agir.
Jour quatre : guerre. Ils ne sont pas seuls. Survie. Survie. Survie. Que faire?


Pause. J’essayais de me remémorer d’autres détails. Rien ne vint.

Des images floues, des sensations inédites. Je suis devenu autre chose mais quoi? Qui sont-ils? Tant de questions… Sommes-nous multiples? Oui...Ce n'est peut-être plus un jeu à présent.

Je refermais le calepin. Mon regard filait vers les toitures enchevêtres des Estaminets.

Non… On ne s’arrête jamais de jouer. Les règles sont simplement différentes…

Survie.
J’en avais fait ma priorité, tout comme ces créatures issues du Rêve. Fallait-il y voir un lien? Je repris mon feutre noir en main. Mon esprit s’activait. Je revenais sur diverses pensées des Entrelacs, les plus effervescentes comme les plus anodines. J’agissais à la manière d’un étudiant, parcourant des archives en quête de l’indice qui lui permettrait de résoudre son problème. Klem… Il avait dit que l’œil était vivant, qu’il était l’œuvre d’un lanyshta. Pouvions-nous lui accorder du crédit? Oui et non. Il avait menti, par omission tout du moins. J’avais entre mes mains les pièces d’un puzzle qu’il m’étais encore impossible de reconstituer. Il fallait y aller pas à pas, poser des hypothèses, chercher des éléments.
Le feutre s’anima sous l’impulsion légère de mes doigts nus. Ils paraissaient plus blancs qu’à l’accoutumée sous la pâle lueur de la lune.


Citation :
A) Origines

La Voix de Cendre apparaît comme une origine du changement de notre état. Néanmoins, cette Voix est-elle également la source de l’énergie psychique?
Deux hypothèses. Eveil ou Contamination.

- Eveil. La Voix de Cendre, par un quelconque phénomène jusqu’ici inexplicable, serait parvenue à ranimer une partie de notre être jusqu’ici endormie. Le Rêve agirait comme un rappel des origines, un rappel de ce que nous sommes et de ce que nous avons oublié, fondus dans la masse. Nous serions alors ces créatures qui se sont battues pour leur survie et qui, aujourd’hui encore, se livrent dans une guerre de préservation de leur espèce. Lors de l’Eveil, nous retrouverions l’accès à notre énergie psychique, issue de notre Esprit. Une zone immatérielle, supposée sans masses. Il s’agit de son premier stade, par le déblocage de capacité télépathique. Lors de l’Eveil complet, l’Esprit accède à un nouveau stade de manipulation de l’énergie psychique : la capacité à altérer la réalité. Dans ce cas où l’on considère notre état comme une révélation de ce que nous étions auparavant, il est peu probable que nous puissions perdre ce que nous avons acquis. Question : existe-t-il une race lanyshta ayant évolué, au fil des millénaires, par différents biais pour finalement s’Eveiller à notre époque?

- Contamination. L’hypothèse d’une contamination fut formulée par certains lanyshtas. Elle trouve bien des justifications. Premièrement, elle expliquerait l’apparition de cette nouvelle énergie psychique et du fait qu’on puisse la retrouver chez des êtres à la race indéterminée. Deuxièmement, il s’agirait de considérer les créatures du Rêve comme des parasites voyageant de mondes en mondes mais en employant différents réceptacles. La construction des portes par l’intermédiaire des Dath’ogals, qu’ils auraient depuis abandonnés, pourrait être de leur fait. L’attente serait justifiée par l’importance de trouver un réceptacle suffisamment résistant et adaptable –ici les krolannes – pour faire usage de l’énergie psychique et éveiller les pouvoirs du parasite. Le premier stade consiste alors à rejoindre un consensus télépathique partagé avec le reste des parasités – nommés lanyshtas – Le second stade, voir ci-dessus, permet de courber la réalité par l’effet de l’énergie psychique. Toutefois, comment expliquer un accès universel aux Entrelacs pour les parasites si l’on retient l’hypothèse de Klem selon laquelle l’Ennemi est également un lanyshta? Il aurait dès lors été capable de comprendre et de prévoir le moindre de nos mouvements. Ce qui n’a pas été le cas. Question : si le parasite est responsable de la transformation en lanyshta, sa perte signifierait-elle un retour à l’état de krolanne?

Dans les deux cas, nous conviendrons que l’état de lanyshta est lié à l’apparition de l’énergie psychique, communément appelé magie.


B) Lien énergie psychique / Esprit

La télépathie, bien qu’éprouvante les premiers instants, ne demande pas ou peu d’énergie psychique. Rapidement, l’exercice est semblable à celui de la parole. Par la télépathie, il est aisé de perdre la notion de temps. Il est possible de communiquer très vite des images, des sensations, des sons ou de laisser le temps aux paroles. Il existe différents types d’utilisation de la télépathie.
Tout d’abord, les Entrelacs. On pourrait les comparer à un immense espace dans lequel seraient stockés des regroupements de pensées autour de sujets communs. Pour les consulter, il suffit de plonger dans la zone de convergence d’un type de pensées.
Ensuite, les fils télépathiques. Il est possible d’échanger plus spécifiquement avec un lanyshta ou un groupe de lanyshtas. On assiste à l’apparition d’un fil, séparé du reste des Entrelacs, qui peut s’effacer avec le temps. Il n’est pas fixé.

L’énergie psychique connait également une application sur le monde réel. Les premières manifestations se traduisent généralement par des phénomènes lumineux signalant l’Eveil complet. Par la suite, il devient possible d’agir sur la réalité : les masses, les corps et les esprits faibles. Certains sont également capable de créations en transformation leur énergie psychique en matière. Les projectiles magiques par exemple. L’énergie psychique est extrêmement malléable. Elle peut prendre la forme d’une énergie thermique, mécanique et bien d’autres choses dont nous ignorons la nature véritable.
Le processus de génération d’énergie psychique, de transmission puis de transformation n’a encore aucune explication. De la même manière que vous bougez un membre, il est possible pour certains lanyshtas de renverser un vase sans même le toucher.
Il est intéressant de noter que l’énergie psychique n’est pas inépuisable. Elle se renouvelle à un rythme constant. Le lanyshta dispose également d’une capacité de stockage limitée.


C) Perturber l’énergie psychique

C’est là le but de nos réflexions. Comment parvenir à influer sur la génération ou la transmission de l’énergie. Des expériences nous ont montré qu’il est possible pour un lanyshta manipulateur de perturber pour un temps donné les flux psychiques d’un corps vivant. Néanmoins, la méthode est trop dangereuse pour pouvoir être appliquée sur des créatures capables d’aspirer l’énergie psychique comme l’ont démontré les travaux autour de l’œil.
Dans la mesure où l’origine de l’énergie psychique serait l’Esprit, l’usage de produits stupéfiants, connus pour agir sur les capacités cognitives, pourrait également agir sur la capacité à produire ou manipuler les flux. Des essais en ce sens se devront d’être effectués.
Enfin, la surcharge énergétique conduisant à la destruction de l’œil est une piste à surveiller de près. Elle pourrait constituer une arme d’une efficacité non négligeable contre les automates jusqu’ici rencontrés.


Je reposais le feutre.
Il y avait probablement beaucoup de faux là-dedans. Peut-être également un peu de vrai. L’expédition apporterait de nouveau éléments, j’en restais persuadé. Il s’agissait pour l’heure de la seule chose sensée que nous pouvions entreprendre sans nous confronter directement à ces Obadia.
Attends et regarde comme disait l’autre.



- Thème d'Elyas -
 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Sukra 13 Agur 816 à 11h35
 
*** Quelques jours après les expériences sur Figgis. ***


Ce matin-là, il était encore tôt dans l’Appart’telier.
Les premières lueurs du soleil perçaient au travers des volets restés clos, chaleur oblige. Seules les fenêtres étaient entre-ouvertes, laissant filer la rumeur désormais discrète des Estaminets. Une poignée de soulards chantonnaient encore un des nombreux hymnes à Kelmeth, philosophant entre deux couplets sur les bienfaits du passage.

Je n’avais pas bien dormi cette nuit ci. Comme les trois précédentes à dire vrai.
Mi-mains n’y était pour rien. Le petit avait pris la sale habitude de ronfler quelques minutes après s’être couché. Cependant, cela faisait déjà une semaine qu’il découchait. Peut-être s’était-il trouvé une femelle qui acceptait son chant nocturne. Va savoir.
Non, ce qui m’empêchait de fermer l’œil trouvait la racine dans mes nouveaux camarades imaginaires. Car oui, ils n’étaient pas Réels, du moins pas d’un point de vue objectif. Ils étaient généralement deux, plutôt similaires, surnommés Pile et Face sans aucune raison particulière.
Jamais ils ne m’avaient apparus effrayants. Certes il n’était pas bien commun de croiser de telles créatures avec un physique pareil qui ne souhaitent pas faire de vous leur diner. Comme quoi, l’habit ne fait pas le prédateur. D’ailleurs, parfois, sans fréquence particulière, ils étaient rejoints par de nouvelles créatures vertes. Des grandes et des petites. Des difformes aussi. Ils discutaient à grand coup de "pouic-pouic" plus ou moins appuyés. Ils riaient aussi, du moins à ce qu’il me semblait, un rire assez carnassier.


Artiste : Carbot

Bref, ils étaient la trace de mon passage dans l’esprit de Figgis, une trace sacrément handicapante quand il s’agissait de pioncer, du genre de celle qui reste accrochée à votre caleçon après un dérapage non contrôlé.

J’avais à peu près tout essayé : Blanche, herbes, alcool, comptage de voix aux heures vives… Mais rien n’avait marché jusqu’ici.
Non pas que je souhaite les faire disparaitre, ça non, ce serait impossible. Je voulais simplement me retrouver mes rêves sans avoir le sentiment de me faire dévorer par ce Moi qui n’en était pas un. Du moins que je ne considérais pas encore comme tel.

En cette matinée étouffante me vins alors une idée. Quelque chose de différent qui parviendrait peut-être à m’aider dans cette épreuve de sauvegarde identitaire. C’était pas gagné. Enfin, ça ne coûtait rien d’essayer.
Dans les Entrelacs, ils en parlaient comme d’une expérience atypique, une chose purement lanyshta : créer la vie.

C’était quelque chose d’étrange pour moi de considérer ce besoin d’engendrer.
A l’époque où j’étais encore un simple krolanne, jamais au grand jamais je n’avais éprouvé l’envie de me reproduire. Oh bien sûr, tremper le biscuit de temps à autre ça oui ! Toutefois, je veillais toujours à ne pas laisser mes mini-Moi s’immiscer chez ma chère partenaire d’un instant. Question de principe. Nul n’était assez digne de porter mes gênes. Puis après tout, quel serait l’intérêt de concevoir une copie imparfaite de ma personne? Hein? Aucun intérêt, vraiment.
Concernant la bestiole comme on l’appelait communément, c’était tout à fait différent. Il s’agissait de créer une forme pure, une extension de soi-même venant figer un pan de sa personnalité.
Une sorte de sauvegarde en somme.
En outre, qui n’avait pas un jour désiré pouvoir générer seul, tel une divinité, la Vie?

Pile et Face, mes deux compères tout verts se trifouillaient les orifices avec leur genre de langue épaisse et baveuse. Le spectacle était étrange, dérangeant même.


Artiste : Carbot

Eh oh ! On vous voit là ! Pas de saloperies ici !

Fallait pas déconner non plus. Les Pouic-pouic passe encore, mais ça?!
J’avalai un fond de thé refroidi puis enfilait mes habits de la veille. La pièce sentait l’odeur de l’herbe consommée la veille. Malgré tout, je fermai les fenêtres et la porte à clef, ignorant ce qui se produirait lors de mise au monde de mon autre Moi.
Je posai mes fesses sur le fauteuil, le restant de thé à la main.


Bon-bon-bon…Comment s’y prendre?

Les têtes vertes cessèrent subitement leurs bizarreries et se tournèrent vers moi, une expression curieuse sur ce qui leur servait de visage.

Parce que ça vous intéresse ça?

Elles hochèrent la tête de concert.

Bordel. Il va vraiment falloir qu’on développe un langage un poil plus développé hein…

Les créatures se roulèrent sur le dos puis sautèrent conjointement sur le fauteuil qui faisait face au mien dans ce simulacre de salon. Malgré leur aspect quelque peu primitif (quoique changeant), leur regard était teinté d’une profonde intelligence. Comme quoi tout n’était pas perdu pour certains spécimens de notre espèce.

Vous savez ce que nous allons faire pas vrai?

Bien sûr que oui.
Elles étaient désormais une partie de moi, elles aussi. D’ailleurs, peut-être me fallait-il les mettre de côté pour un temps histoire de ne pas me retrouver avec une bestiole bicéphale représentant Pile et Face.

Bon alors restez bien sages. Vous êtes bien là où vous êtes. Bougez plus. Et… Rha ! Arrêtez avec vos trucs là !

Voilà qu’elles remettaient le couvert.
Pouic-Pouic mon cul, s’ils avaient appris à varier l’usage de leur langue, peut-être n’en serions-nous pas là.


Je fermai les yeux.
Seuls les bruits réguliers de succion me rappelaient la présence de mes compagnons verts. Pourvu que cette petite expérience me permette de réduire leur impact sur ma personne, au moins ça !


Aller… C’est parti…


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Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Matal 30 Agur 816 à 14h59
 
L’inconvénient dans ce genre d’expérimentations, c’est qu’on ne dispose pas de mode d’emploi. Il faut progresser à l’instinct.

Par chance, de l’instinct, j’en avais. Et à foison. Par malchance, il n’était pas toujours tourné vers la survie, enfin vers celle des autres. A peu près seul au milieu de l’Appart-telier, bien assis sur mon fauteuil, je tâchais de me laisser guider par ma nature de lanyshta. J’embrassai pleinement cette envie de Créer.

D’habitude, je me contenter d’influer sur les fils qui régissaient le Réel. Des fils ou des flux, tout dépend le point de vue. Ainsi, il était possible d’altérer la physique de Syfaria. C’était là l’essence de ma Farce. Seul problème, avec le temps, l’énergie psychique se dissipait et l’effet s’évaporait.
Il fallait donc trouver autre chose…
Un réceptacle.
J’aurais pu choisir la faciliter et utiliser un objet commun pour tenter d’y insérer ma bestiole. Toutefois, quel en aurait été l’intérêt ? Le but était de me prouver à moi-même ma capacité à créer la vie, comme d’autres avant moi. User d’un tel raccourcis, c’était baisser les bras avant que les complications ne se soient présentées.

J’entrepris de réunir mon énergie psychique pour la faire converger au bout de mes doigts. Ceux-ci s’illuminèrent fortement, comme lors des premières heures suivant ma transformation. J’étais calme, détendu.
Mes phalanges s’animèrent. C’était un peu comme modeler une sculpture avec de la pâte à sel. Sauf qu’ici, ni sel ni pâte, juste une énergie invisible pour le commun des mortels.
Chaque mouvement était accompagné d’un souvenir. Je restais focalisé sur mon enfance, mon essence, ma première identité.


Apparu alors une première forme, simpliste. Une boule sombre d’une matière inconnue. Il ne s’agissait pas de chaire ni de quoique ce soit d’autre de connu. Néanmoins, c’était vivant. Je pouvais le sentir. Ma Bestiole, ma Création.

Un, dis-je d’une voix claire.

Elle était désormais marquée. Elle avait sa propre identité. Un simple mot peut signifiait tant de chose. Au son de ma voix, la boule gesticula, comme si quelque chose souhaitait s’en extirper. Au prix d’un effort que je devinais colossal, la boule s’étira pour former ce qui ressemblait à une tête.

Mais elle ne souhaitait pas en rester là. Moi non plus d’ailleurs. Le résultat manquait définitivement de style.
Du pouce et de l’index, je me saisis des deux nouvelles petites bosses qui se formaient sur l’abdomen de la Bestiole. Elles grossissaient au point de menacer l’intégrité de l’enveloppe. Mes doigts lumineux vinrent l’apaiser.
Délicatement, à la manière d’un bouton dont le contenu s’échapperait lentement, je tirai deux pattes fines aux pieds encore grossiers.


Un était désormais capable de se tenir debout. Il chancelait à même le sol, prenant rapidement conscience de la gravité et de son équilibre. En parlant d’équilibre, le petit être éprouvait un manque. Son dos fut parcouru de tremblements. A trois reprises, la Bestiole s’étala sur le sol, ne parvenant à se relever qu’avec mon aide.

T’arrive pas à tenir droit hein ? Voyons-voyons…

D’une main ferme, je tapotai le haut du corps de la créature. Les tremblements s’évanouirent. Alors que je retirai ma main, des filaments sombres suivirent mes doigts, formant une paire d’ailes squelettique et un genre de bec. Le crâne s’évida, ne laissant de physique que son contour. C’était étrange, déstabilisant. Les organes de la Bestiole, à supposer qu’elle en avait, devaient se trouver dans son abdomen. La partie supérieure ne servant qu’à piquer et observer.

A ce moment-là, une pensée m’effleura.
Elle m’était familière, comme un double. Était-ce lui? Un?
Je ne voulais pas l’effrayer. Je l’englobais de mes mains, m’essayant dans le même temps à un contact télépathique.

*Un, t'es là? Tu m'entends?*

La Bestiole eut un tressaillement. Quelque chose en moi m’assurait que mon message était arrivé à bon port. Il y eut un sifflement. J’ouvris mes mains et découvris qu’il avait évolué, laissant apparaitre une brèche sur son torse : une bouche.


Il tourna la tête dans ma direction.

Un : Bordel ! Boucan-boucan-boucan !

Il agita ses ailes.
Avec un peu d’entrainement, peut-être parviendrait-il à planer. A moins que son corps ne lui permette de relier le squelette sombre par une fine membrane.
J’affichai un sourire pleinement satisfait.
La Bestiole sauta directement sur mes genoux puis tourna la tête en direction de mon arsenal entreposé à côté de l’établi.


Un : Oh-la-la ! Ça à l’air rigolo ça ! C’est quoi? Hein? Dis-dis ! C’est quoi? J’peux toucher ?

Une Bestiole qui parle le patois et s’intéresse aux armes?
On allait bien s'entendre.



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