Les choses ayant tournées comme elles l'avaient fait, la tisserande n'avait pas grand chose d'autre a faire de sa journée. En théorie elle aurait du fignoler ses bagages puis s'occuper d'expliquer son départ aux différentes personnes qu'elle côtoyait de près au quotidien. En particulier son maître. Bah... Tant mieux. Elle pouvait mettre a profit le temps qui lui était offert pour vérifier dans quelle mesure la maîtrise de ses talents lui étaient revenus... Ou pour s'intéresser aux différents Lanystha s'étant exprimés récemment.

Une kildéenne plutôt prometteuse notamment. Et un kilsinite... Candide. Maintenant qu'elle n'était plus un esprit dépourvu de corps elle pouvait envisager de lancer des hameçons. A voir ce qui mordrait. A voir aussi quels fils tendre et quelle danse adopter.

Pour la première faire preuve non pas de finesse mais de détermination. Appâter en donnant sans rien donner pour pouvoir obtenir l'intérêt... Si elle mordait les choses sérieuses pourraient commencer. Et ce serrait toujours ça de gagné au Kil'dè... Pas que ses premiers contacts par là bas aient été déprimant mais... Un peu quand même.

Pour le kilsinite... Débuter sur une touche de légèreté. La candeur appréciait souvent. Se montrer amicale. Ouvrir les portes et laisser le choix. Le but était d'engager une relation aussi « saine » que possible avec pour pouvoir compter sur lui a l'avenir. Ce qu'elle avait pu relever de son ton laissait entendre qu'il serait sensible a ce genre de choses. Qu'il pouvait devenir quelqu'un de « fiable ». Intéressant donc.

Les deux méthodes portèrent rapidement leurs fruits... Dans le cas de la kildéenne elle prendrait le temps de réfléchir. Chaque mot exprimé au fil de cette pensée était important. Pour l'autre... Comme elle pouvait s'y attendre il avait préféré une rencontre physique. C'était presque amusant de constater a quel point les gens avaient tendance a y accorder de l'intérêt. Une telle rencontre n'était certes pas dénuée de signification et elle était souvent porteuse d'un grand nombre d'informations... Mais c'était surtout quelque chose de « normal » auquel certains devaient s'accrocher désespérément. Naturellement lorsqu'on craint le mensonge on estime toujours, souvent a raisons, que nos chances de le lever sont plus grandes en face à face. L'erreur en revanche est sur l'importance de le lever.

Bref : rendez-vous a l'oisellerie. L'endroit était grand et il pouvait être intéressant de voir comment son interlocuteur espérait l'y retrouvée... Une fois arrivée sur place elle s’installa confortablement devant une cage ou pépiaient d'adorables petits oiseaux colorés... Et envoya une pensée.

Pensée :

Puis, le plus tranquillement du monde elle sortit son carnet de croquis et commença a dessiner l'esquisse d'une tunique ou ces magnifiques volatiles pourraient être brodés.

 
Çaï avait vécu cette soudaine intrusion dans sa tête avec une curiosité non feinte. Un curiosité teinté de méfiance tout de même. Le mélange avait donné cette rencontre. Et elle avait l'avantage de le préserver d'échanges douloureux pour sa petite tête. De plus, il avait estimé le risque minime de faire face à cette voix plus intrusive que les autres.

Les courses avaient occupé son temps jusqu'au moment de la rencontre. Quand il arrive, c'est en flânant. Après tout, c'est rare que l'enfant prenne le temps. Le temps de ne rien faire. Ce qui est dur : tellement de choses à zieuter. Ce qui fait qu'il est difficile de ne pas prêter attention à ses agissements de découvreur en herbe.

Une nouvelle intrusion le rappelle au but premier de sa présence ici.

Il ne reste plus au gamin qu'à trouver l'émettrice de cette pensée qui sort du brouhaha de toutes ces voix. Et pourquoi ne pas jouer un peu. Les jeux, c'est toujours intéressant. Alors il laisse trainer cette pensée : Un indice ?

 
Le plus compliqué dans ce croquis était sans aucun doute les ailes. Parvenir à rendre convenablement la sensation de mouvement était une véritable gageure. Mais si elle n'y parvenait pas mieux valait se contenter d'oiseaux immobiles, posés sur une branche... Et encore. Comment leur « donner vie » ? Lire une expression sur le bec d'un passereau n'est pas une activité facile... Mais il n'en reste pas moins qu'entre celui de droite qui s'ébrouait en gonflant ses plumes et celui au bout de la branche là qui se les lissait a coup de bec il y avait une sacrée différence.

Le tout était de capturer l'instant.

La pensée du jeune Lanyshta vint bientôt lui répondre. Restait a déterminer quels guides lui donner. Certains étaient précis, faciles a suivre... D'autres pouvaient être plus amusants... Mais que pourrait-elle de toute manière en retirer ? Une évaluation de sa vivacité d'esprit ? Un indice permettant de le voir avant d'être vue ? Pareille manœuvre serait sécurisante. Pourtant la mise en danger participait à la manœuvre qui l'intéressait présentement.

Pensée :

A voir comment tout ceci pourrait être interprété. A en juger le monde il faudrait de toute manière au moins une autre indication pour qu'il arrive a la trouver. A moins d'être très chanceux.

Pensée :

Ceci étant elle pouvait se remettre au travail. Les discutions avec l'artisane Kildarienne avaient mené a un résultat presque inespéré qui l’amenait aujourd'hui a tisser une toile qu'elle n'aurait pas pensée élaborer de si tôt. Tant mieux au fond... Pour ce genre de choses mieux valais commencer trop tôt que trop tard. Du moment qu'elle prenait les dispositions nécessaires pour que les contrecoups de sa transformation ne la gène pas trop... Il faudrait qu'elle prépare quelque chose pour le papillon même si pour du sur mesure il faudrait attendre qu'il soit revenu de son escapade au fortin. Hors de question de dépenser de l'argent en tissus pour lui s'il mourait et que la mort s’avérerait définitive. De toute manière elle attendait encore le détail de la commande.

Une nouvelle pensée vint frôler son esprit et manqua lui arracher un cris de frustration. Les imbéciles ! Bon dieux ! Etait-il possible d'être aussi déconnecté de la réalité ? D'attendre spécifiquement que votre commanditaire vous dise « ce n'est plus nécessaire » et que les autres exécutants retardent leurs actions en fonction pour se décider a, enfin, bouger ? Ils veulent mourir c'est ça ? Faut-il que je prenne le risque d'aller les bichonner ? Bwarf... Qu'ils se débrouillent. Quittes à se précipiter au fortin au moins des vies intéressantes risquaient de s’interrompre trop brusquement. Là bas... Sélection. Inutile de s'inquiéter donc. Simplement attendre des nouvelles de l’ancêtre.

 
L'indice ne tarde pas à tomber. Voilà un défi pour le livreur de courrier. Fini les flâneries, place aux talents de trouveur.
Pour commencer, il repasse une nouvelle fois mentalement les trois premières phrases. Assise, occupée, et brodeuse ? La dernière phrase est curieuse. Comme s'il ne savait pas ce que c'était, broder.

Allez, en route ! Méthodiquement, il parcourt les allées, observant, étudiant, zieutant. Un indice supplémentaire, c'est la voix en elle même. Une voix féminine. Et plutôt jeune. Alors il se focalise là dessus. Une jeune fille assise, qui fait quelque chose.



Probablement quelque chose d'artistique. Ou alors elle accouche, ce qui est peut probable, vous l'avouerez. Avec ces idées en tête, il file voir une première personne occupée à siffloter, ou encore chantonner, perdue dans la contemplation d'un oiseau. Quelque chose lui dit que ce n'est pas la bonne.

La seconde est un peu plus loin, et dessine des oiseaux. L'hésitation s'installe. Deux possibilités. Bon de toute façon, ce n'est pas une compétition. L'important, ce n'est pas de trouver du premier coup. C'est de trouver. Alors il demande.

Combien y a-t-il d'oiseaux dans la cage ?

Le but, c'est de voir laquelle des deux s'arrêtera, pour compter.

 
Combien d'oiseaux dans la cage ? Six. Occupée a les dessiner, la première chose qu'elle avait fait avait été de les différencier les uns des autres. La question était néanmoins intéressante. Son interlocuteur était parti, a juste raison, du principe qu'elle était devant une cage. Logique vu l'endroit. Mais plutôt que de demander quel type d'oiseau, méthodologie oh combien plus efficace pour différencier une cage d'une autre on avait demandé « combien ». Quelque soit la réponse il y aurait bien une dizaine de cages différentes pouvant convenir.

La question visait probablement à éclaircir un doute entre plusieurs personnes. Soit que les différentes personnes entre lesquelles elle devait trancher soient devant des cages suffisamment différentes... Soit que la question ai pour but d'induire une réaction. Le décompte.

Un sourire fleurit sur ses lèvres alors que, sans lever la tête de son ouvrage elle répondit :

Pensée :

Après seulement elle leva les yeux pour balayer les environs du regard. Pas mal de monde mais elle se trouvait au final dans une partie plutôt peu fréquentée de l'oisellerie. Proche d'une entrée secondaire il n'était pas impossible (même si peu probable) que la chance ai fait commencer le Lanystha par ici. Et si l’hypothèse du décompte était vraie et que sa « saveur » télépathique n'était pas trop en contradiction... Il devait y avoir a proximité un(e) jeune krolanne soit occupé a partir en cherchant d'autres personnes soit occupé a compter systématiquement le nombre d'oiseaux dans chaque cage.

A moins bien entendu qu'il agisse de manière plus vive. Mais en ce cas il faudrait lui donner plus d'indices si elle voulait mettre un terme a l'attente.

 
Zut, zut, et re-zut. La manœuvre venait d'échouer. La réponse était arrivée sans qu'il n'y ai de mouvement de tête de la part de ses deux proies. Visiblement, la bonne n'en fait pas partie. Voilà donc notre jeune ami en train de se gratter sa tignasse juste au dessus de son oreille.

Le coup du paquet ne pouvait pas être joué dans le parc, personne ne pourrait lui indiquer qui est la bonne personne. Et questionner les gens les uns après les autres n'est pas une perspective très excitante. Mais il en faut plus pour décourager l'enfant. .

Pourtant, une conclusion prend forme dans l'obscurité de ses pensées : faire que sa future nouvelle copine se fasse assez remarquer pour qu'il la trouve de loin est assez dangereux. Pour elle surtout, et peut-être pour lui aussi s'il venait à adopter un comportement trop curieux.

Tant pis, va pour le truc du courrier !



Et de répéter en boucle, tel une vendeuse de poisson pas frais un jour de marché !