Chapitre 4 : A l'hermine de cristal - Lelhuü |
Ecrit le Le Vayang 19 Dasawar 814.
*** Acte I ***
Je pénètre à nouveau dans le vestibule pour tomber sur cette force de la nature. Je ne ralentis pas mon pas même si j’aurai été en droit de le faire. On penserait à l’oncle de Massetard ou de Fortdubras. J’analyse le nouvel entrant en haussant le sourcil gauche pendant que je me range derrière mon pupitre. La seule réservation à cette heure est pour Dame Selachii, j’en conclus que ce monsieur est venu à l’improviste. Scylla me préserve des procrastinations de mes clients et de leurs envies subites. Je sens une odeur de tabac bon marché suffisamment forte pour cacher le reste. Le costume est banal et un peu usé mais il reste passable. Pas de personnel de maison pour s’en occuper, pas de teinturier. Soit sa femme est très négligente sur la tenue vestimentaire de son mari soit je ne m’appelle pas Harvain. Enfin bon, il est propre et la moustache est presque bien taillée.
Inclinaison 30 degrés.
ùoaàoyn poaàyêsn, ùyêaéêasê L â’mênpyaê vê înyàiwâ. àosmwyiêe-éosà éosà nêavnê ws ùwn os vQaên ?
*** ***
Place au maître d’hôtel tiré à quatre épingles, qui semble lui aussi apprécié la sobriété dans les coloris vestimentaires. Une pensée traversa l'esprit du géant et il se prit à imaginer le pingouin dans son équipe de maintenance des aqueducs. Ses manières, sa posture, sa délicatesse et ses politesses ne seraient assurément pas appropriées, perché dans le vide au sein d'une nacelle brinquebalant à tout va ou sur un échafaudage craquelant, menaçant de s'effondrer à tout moment ; le dos chargé de tout le matériel et matériaux nécessaires. C'est certain que l'inflexibilité de son interlocuteur en aurait pris un coup, le jour où il aurait vu son plus proche camarade se faire écraser par une pierre, perdre un bras ou une jambe ou être propulsé dans le vide d'un coup de vent, l'espace d'une seconde, pour venir s'écraser au sol après une longue et horrible complainte.
Lelhuü sourit, Scylla préserve les citadins, l'heure était aux festivités. Si l'on célébrait les mariages, pourquoi ne pas célébrer le divorce après tout?
ésâôsug î ësum. Fh mhgù dsug oh éùg, mhuohêhâl. ô'ùj fgu fsêdghâcgh kuh Oùcà Soàââ, où cjëù cu ôùnn, mh dgscujmùjl fehn ësum fh msjg. ô'hmdègh kuh êhm sghjoohm dsuggsâl mh gPôsujg ch mù fsêdùqâjh.
*** Acte II ***
Inclinaison puis redressement.
îjçf iîkq wgky ojvnrgf vjyfgkçr. Kaak ëkîrigd irrgîkr ë’gog..
Rapide coup d’œil à ma montre gousset.
èôp bprhrp mpèzp. ùh cwèù cwèàpg çhpô êp ùèhczp êwôùhpèz.
Il y a suffisamment de place ce soir pour que je puisse choisir la table. Après quelques pas, je propose du bras une banquette. Les fauteuils inclinés ne sont certes pas adaptés à ce genre de statures et les sièges surélevés du bar mettraient son front à hauteur du mur supérieur du bar. Je lui propose de se débarrasser de son manteau puis lui apporte la carte du bar. Je prends un pari sur le whisky.
Bcfà ùibcbà ô’cèoibtg fbi ogöà ècbbi ècfoitêêi ô’Tàêhë, ôf 25 hbà ô’Wui. ç’iào bcogi çcfz ôi çœfg ôf ectà.
*** ***
Emboitant le pas du réceptionniste, Lehluü fut satisfait du professionnalisme de son hôte qui eut l'intelligence de lui désigner une assise adaptée à son gabarit, bien plus agréable que les tabourets de l'escale. En face du piano, parfait, il pourra contempler la diva et, qui sait, peut-être le flattera-t-elle d'un regard. Après tout, il était naturellement improbable que sa présence passe inaperçue. Il confia son manteau et s'installa. Le cuir de la banquette, moelleux et ferme à souhait, grinça sous le poids. Il prenait deux places à lui seul et occupait depuis son centre presque l'ensemble du siège. On lui proposa un whisky de choix, même s'il préférait les bourbons Kil'dariens.
Wqzzqa w'qö àqhx. àîhlsqe, ohke qz edöe ùsdôq. Wqkôj ljqö.
Il sortit sa pipe et la présenta à Harvain.
Rsêk-öé?
Il jeta un oeil aux alentours. Peu de monde, il était encore un peu tôt. Trois krolannes élégamment vêtus, des commerçants ou des négociants certainement, s'adonnaient aux cartes et au vin. Une vieille bourgeoise enfouie sous les fourrures et le fard sirotait un cocktail en bien jeune compagnie, un amant semble-t-il. Enfin il y avait ce rondouillard barbu à lunettes, un professeur ou un ingénieur d'après les marques de craies sur sa veste, plongé dans un livre et l’absinthe. Charmant, heureusement l'alcool rendra l'attente supportable.
*** ***
Ukêï awkuîcnwdwnu dqnïcwzk. Tw oqzï îààqkuw zn awnùkcwk.
Même si je trouve que l’odeur de tabac dénature la dégustation, la politique de la maison l’autorise. Oh dans ma prime jeunesse, je n’étais pas contre m’en griller une petite de temps en temps à la fin du service mais maintenant, il n’est pas de bon aloi de se présenter aux clients avec une odeur de tabac froid.
Je m’éloigne de quelques pas vers le bar.
ùsbhty, ue yîuost Igsùl gta g’is wîug ïsùiö.
Gros buveur mais au moins il ne commet pas l’erreur grossière de demander des glaçons. De toute façon, depuis mon arrivée, j’ai formellement banni tout glaçon dans un whisky, nous utilisons des cubes de céramiques laissés au frais. Même effet, aucune dilution blasphématoire.
Je reviens quelques minutes plus tard avec mon plateau, le whisky et le cendrier. Je dépose le tout sans un bruit et repars à mes occupations.
Hïné ùùù
D'un sourire, Lelhuü remercia le maître d'hotel. Il huma l'âpre parfum qui s'échappait des effluves alcoolisées du premier verre avant de le porter aux lèvres. Il appréciait l'odeur du whisky, mais il appréciait encore plus de le laisser mariner quelques secondes sous la langue, laissant son palais s'imprégner du précieux nectar. Mais là, étrangement, rien. L'odeur du breuvage était pleine de promesses qui ne furent honorées. Il avala d'une traite le second verre, rien non plus, tout juste un lointaine touche fruitée en bouche. La même sensation qu'à l'Escale : l'alcool, comme tous les autres aliments, n'avait presque plus aucune saveur. Il avait abandonné le tripot et la piquette pour l'un des établissements les plus prestigieux - et les plus onéreux - du quartier en vain. Même ici il n'avait pu renouer avec le goût. Il avait commencé à perdre le sens gustatif depuis qu'il était lhanyshta, semble-t-il.
Malédiction ! Lui faudrait-il désormais consommer un alcool au prix d'or pour un soupçon de saveur fruitée ?
La salle se remplissait petit à petit. La clientèle était plus ou moins chique mais toujours très select, l'ouvrier faisait presque tâche parmi eux mais il s'en moquait pas mal. Il était terriblement contrarié de son nouvel état et il n'arrivait même plus à penser avec tous ces télépathes.
Pincée par pincée, il bourra délicatement sa pipe d'un tabac légèrement humide. Ses pupilles étaient tout aussi indifférentes au tabac qu'à l'alcool, mais la drogue conservait ses vertus en l'apaisant. Il craqua une allumette mais la pipe ne "pris" pas. Les trois jeunes négociants qui tapaient le carton lui lancèrent un regard amusé et ricanèrent de son infortune. Une seconde allumette, mais le tabac s'obstinait à ne pas vouloir se consumer. Tout sourire, l'un de ses spectateurs murmura quelques mots à ses compères qui s'esclaffèrent. Le vin devait leur avoir monté à la cervelle. Lelhuü devait avoir quelque chose de comique. Sa gueule et son costume criaient son appartenance à la classe moyenne, bien plus modeste que la clientèle des habitués de ces lieux. Le gratin appréciait l'entre-soi et ces trois là souhaitaient le lui faire ressentir. Son étui d'allumettes était vide, il fronça les sourcils, considéra les trois moqueurs et se leva d'un coup avant de se diriger vers eux.
Mjen ueùytb qe ëte ?
Le ton relevait plus de l'injonction que de la demande, appuyé par la voix caverneuse du colosse.
Le petit marrant de la bande, le roi de la bague qui semblait tant inspiré par le chef maintenance, lui tendit un briquet décoré de fines dorures avant de lui lancer :
Böb, uésoiù'ér jîaêrjî iùîuiùî öàéoî, ér msGöFjî oê màsêoî j'ùr &iùée;ôîreuîaîr&iùée; méùs uê öéröuùsî mês ùr &iùée;pî véùo msbî&iùée;.
Lelhuü, en silence, se saisit du briquet et embrasa le contenu du fourneau d'une profonde inhalation tout en braquant le nobliau d'un regard noir, plein de sens. Il relâcha un véritable nuage de fumée sur les trois négociants qui grimacèrent en s’offusquant de l'affront. Le lhanyshta rendit son briquet à son propriétaire et s'apprêta à retourner à sa place. Malgré la corpulence fort dissuasive de l'ouvrier, le négociant, face à l'injure proférée contre son honneur par ce minable de basse extraction, devant ses semblables qui plus est, s'arma de tout son courage pour le stopper en lui saisissant l'avant bras.
ée jnéz... ïaèdè... b'teeézpy péy aéëéasnéëézey ïèwa dé véw ée péy éêswyéy ïèwa lèeaé sèzpwneé. Bé zé ytny sèëëéze èz vwëé éz jty ëtny nsn, éz ftwe, èz vwëé éz àézedéëéz.
L'adrénaline, la colère, le pouls qui s'accélérait. Il y allait avoir du grabuge en salle. C'était peut être la première fois que ce parquet allait goûter à l'hémoglobine ou rencontrer quelques gencives. Soudain, une voix s'éleva :
&egbu;ëàjpnëàj, ëàjpàëbïjàkkàj, ëàjjïàgêj, sbgê ùbgj, oà jbïê, Knpy Bkyaa abgj tnïu k'lbaaàgê pà jn sêWjàaoà C k'Làêëïaà.&egbu;
Applaudissements, la diva arrive, magnifique, resplendissante et les premières notes retentissent. Toute la colère s'évacue et Lehluü s'extirpe de la prise, non sans arracher un petit cri d'agonie au "gentleman" qui se ravise, à la réflexion. Chacun regagne sa place, que le spectacle commence. Harvain, lui, en bon chef de salle, n'a rien loupé de la scène.
*** ***
Je tique en apercevant la scène à l'orée de ma vision. Je ne soupire pas mais je n'en pense pas moins. On a beau faire des efforts, pratiquer des prix éliminant le commun et le vulgaire, inspirer du respect par les boiseries et les cuivres, mettre deux éjecteurs à l'entrée (comme des videurs mais ils y mettent plus de puissance), il n'empêche qu'il y a toujours des étincelles. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe mais je bénie la musique qui apaise les mœurs et ralentit les humeurs. Les gens ne savent décidément pas se tenir. Humf.
Le but étant toujours de prévenir l'esclandre. Même si dans le passé, nous avons du faire face à des scandales, je préfère toujours éviter d'en arriver là. Faire venir Massetard et Fortdubras, casser quelques os et bannir ad vitam eternam les fauteurs de troubles sont des solutions curatives, point préventives. Et ça fait toujours mauvaise publicité. Scylla me vienne en aide pour gérer ce genre d'énergumènes.
Je continue à rincer nettoyer les verres et astiquer les couverts derrière le bar pendant que je réfléchis à la situation. Ça reprendra sitôt la musique achevée. J'analyse la situation et même avec bientôt quarante années de métier, il y a toujours des situations imprévisibles.
Je n'ai pas le choix. Mon verre est sec, cela fait dix minutes que je l'essuie.
âwôsïm... Kï teon sïrêwâjï âo ëâs ùoïwùoïn rîéogïn. éeon âteén oé &ùoeg;meoxï&ùoeg; gâëwï ioîg ïg gseîn &ùoeg;ùoâgsï&ùoeg; gâëwï éïoô.
Aux grands mots, les grands remèdes.
ùoxîuà guèxê....&çrsî;fo ïuêèxéêu&çrsî;.
Mon comparse ne bronche pas, se contentant d'embrasser la scène au loin. Il ne peut se retenir de renifler rapidement. Combien de fois je lui ai dit que ce tic n'est pas approprié diantre !
Il s'éclipse rapidement mais sans se hâter. On pourrait penser à une commande urgente au vu de l'extérieur. Il monte à l'étage et avance dans le couloir. Derrière une porte close d'un des salons privatifs, il toque deux fois et se contente de tourner d'un quart la poignée vers la droite. Le barman entend rire à grandes voies. Il commence à compter dans sa tête tout en se décalant légèrement sur le côté.
Un.
Deux.
Trois.
Quatre.
C....
La porte s'ouvre devant lui laissant échapper une brève vision de plusieurs hommes bien vêtus, cigare à la bouche en train de jouer aux cartes devant des piles de jetons. Plusieurs bouteilles sont sur la table. Quelqu'un en sort et lâche d'une voix mielleuse.
Kq jqdhqca zêâz àq aâhzq pqaahqâja, kq dêâa jbpLcq qcrêjq çâqîçâqa yêâzqhîîqa ! öba àq vêîhqa qc pêc byaqcrq !
D'autres rires fusent puis la porte se ferme. Bref soupir et la silhouette se tourne vers Alfred.
D'une voie plus sèche trahissant un caractère bien trempé voire soupe-au-lait voire absolument insupportable façon gosse pourrie gâtée. Sans hausser le ton.
Mzôî ?!
Alfred se ressaisit et chuchote.
éo &féip;èiéïm&féip; pjôem öézp mp pgizy &féip;féjpgm&féip; pjôem oméç. Çj lj nHpmg.
Nouveau soupir de "la dernière".
Recharge ces messieurs en Corbières veux-tu, ils sont presque à sec. Je descends tout de suite. Et dis à Harvain que la prochaine fois que Massetard et Fortdubras font rentrer un "douze", il lui serve une camomille au lieu d'un alcool fort. Et je prendrai une commission !
Alfred sourit. Mg pgz ëzfvô mdz-ùHùb...
Elle hausse les épaules d'un geste sec et tourne la tête d'un air boudeur. D'un pas ferme, elle traverse le couloir passant devant le salon de Thaïs sans s'arrêter. Descends les escaliers sur la pointe des pieds alors que la musique baisse de volume.
Devant la pièce principale l'obscurité gêne sa vision mais se repère vaguement en fonction de la position des tables. D'accord... Pénible. Elle fait appel à son professionnalisme. En seulement cinq ans de service, elle a réussit à apprendre beaucoup sur la nature krolanne et avoue sans détour plutôt bien se débrouiller à la manipuler. Elle sait qu'elle n'aura que peu de chance à gérer le "douze". Par contre, les trois "quatre" sont plus facilement jouables. Selon les situations, elle se contente de rester parmi les convives, essayant d'apaiser les tensions. Un petit sourire, un compliment, une conversation et généralement, tout se passant bien. Parfois, elle déplaçait le problème à un autre endroit où il sera plus facile à solutionner.
Elle se passe une main dans les cheveux et fait la moue. Dans l'ombre, elle fait quelques grimaces non pas par puérilité mais pour se décontracter le visage. A force de faire semblant de sourire, elle attrape des crampes parfois. Un jeune commis lui tend un plateau avec trois coupes de champagne. Prenant une profonde inspiration comme un artiste rentrant sur scène, elle s'élance dans la salle, louvoyant entre les tables et les fauteuils. Elle prend son temps, se laisse voir tandis que la musique s'éteint doucement et que la lumière reprend ses droits. Le temps de l'entracte sera suffisamment pour "exfiltrer" ces "quatre". C'est à peine si elle croise le regard d'Harvain mais elle sait qu'il l'observe prêt à appeler la cavalerie au cas où.
S'approchant ostensiblement vers la table neuf et les trois clients, elle arbore son plus beau sourire.
Hzççvzugç, czghzùùzb-hev îz âeuç eaagvg upz czùvùz keucz mu peh îz d'Ozghvpz. Déposant son plateau vide sur un rebord de la table, elle s'assied entre Lelhuü et les trois banquiers. Oh oui, c'est du banquier. Ca se sent de loin. Les mains propres et fines, le noeud de cravate trop propre et cette petite odeur de papier obligataire. Le costume bien taillé, neuf mais d'une mode ancienne pour rassurer une clientèle vieillissante mais aisée. La serveuse effleure rapidement le bras de l'un des trois.
Jiôm éia nçeséâa çsa jçôa keêVçsa, éiôa jmijiaiéa ôé jsâeâ sénhmâ êhéa ôé ês éia ahçiéa stnçôaeka.
Tant pis, on surjoue un peu. Elle passe la main dans ses cheveux.
Sn çzuf y nrrAtn...
Le ton était impérieux mais fin. Directif mais pas imposant. Comme un suggestion...renforcée.
Elle se redresse lentement et prend son plateau. Si vous voulez bien me suivre messieurs, je vous en prie.
Ça marche toujours ce coup. La scène n'a duré moins d'une minute.
 "La dernière" en action |